L’intersyndicale actuelle regroupe dix organisations de pilotes (SNPL, Spaf, Alter), de personnels navigants commerciaux et de personnels au sol (SNPNC, Unsa, CFTC, SNGAF, CGT, FO, SUD). La revendication centrale : 6 % d’augmentation générale des salaires, ce qui correspond à la perte de pouvoir d’achat depuis 2012 selon l’Insee. La grève est très bien suivie chez les stewards, hôtesses et pilotes, moins dans les personnels au sol, hormis les mécanos. Il faut dire que beaucoup sont échaudé.es par les trahisons passées du principal syndicat de pilotes de ligne, le SNPL, et par le caractère inégalitaire de la revendication salariale : 6 % d’augmentation pour toutes et tous, ça veut dire beaucoup pour les hauts salaires, et pas grand chose pour les ouvriers et ouvrières…
Pourtant les syndicats de pilote s’efforcent de redorer leur image auprès de la masse des salarié.es. Le SNPL et deux syndicats minoritaires de pilotes (le Spaf et Alter [1]) ont intégré leur échec de 2015 et la mauvaise image de leur mouvement dans l’opinion publique. Par ailleurs, les évolutions technologiques et la progression du low cost ont affaibli le rapport de force des pilotes, qui ont intérêt à ne pas rester isolés. Ils ont par exemple abaissé leurs prétentions salariales pour rester crédibles auprès de la masse des salarié.es.
Malgré tout, la direction a rejoué sa stratégie habituelle, à savoir négocier séparément avec certains pour semer la division. Hélas pour elle, pour l’instant, ça ne marche pas. D’une part, les syndicats de pilotes sont restés fidèles à l’intersyndicale ; d’autre part, l’intersyndicale a rejeté unanimement la tentative de la direction de négocier un accord avec les seuls syndicats représentatifs… ce qui aurait inclus la CFDT et la CGT, mais exclu SUD-Aérien et Alter.
Et enfin, il y a eu cette tentative de référendum auprès des salarié.es pour tenter de faire approuver la position de la direction. Violent désaveu : 80% de participation, 55% en faveur du "non", le président d’Air France qui démissionne [2].
La plupart des syndicalistes de lutte se félicitent donc de la mobilisation actuelle, même s’ils et elles s’inquiètent de la difficulté, dans les métiers spécifiques, à se dégager des revendications catégorielles – pas par égoïsme, plutôt par désespoir d’imposer une augmentation générale des salaires.
L’enjeu est déterminant pour l’avenir. L’intersyndicale tiendra-t-elle dans la durée ? La tentation catégorielle sera-t-elle écartée ? Pour l’instant, chaque secteur mobilisé est plus ou moins autonome dans ses modes d’actions. Si la grève gagne sur la revendication salariale unique pour toutes les catégories – même revue à la baisse –, ce sera une première depuis de longues années et ça redonnera confiance à beaucoup de salarié.es qui n’y croyaient plus !
P. Semeniouta (AL Banlieue sud-est)