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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

La démocratie veut des guerres propres, des guerres humaines et écologiques

« 2 novembre 2011. Un groupe d’experts des Nations unies a averti, mardi, que le recours aux mercenaires était de plus en plus fréquent dans le monde, tout en soulignant l’expansion du nombre d’entreprises privées de sécurité qui mènent leurs opérations en faisant fi des règles et de leur responsabilité.


» Dans un rapport déposé à l’Assemblée générale des Nations unies, le groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires affirme qu’en Libye et en Côte-d’Ivoire, des mercenaires auraient été impliqués dans de graves cas de violation des droits de la personne, tout comme certains sous-traitants de l’armée et des entreprises privées de sécurité œuvrant en Irak ou ailleurs. » Ce verbiage lénifiant ne vise qu’à faire croire que la démocratie mène des guerres justes et propres, cadrées dans le droit international et les accords de Genéve. De la Croix-Rouge aux ONG en passant par les remèdes du docteur Kouchner et son droit d’ingérence humanitaire... Dans la réalité, ces interventions masquent le plus souvent des intérêts supra-nationaux, dans l’appropriation de matières premières, en déstabilisant une région, en déclenchant des guerres ayant pour seul objectif la liquidation massive d’être humains, tout en ayant l’air de leur apporter secours. Fin janvier 2012, le journal Marianne nous apprenait que le choléra décime la population haïtienne – plus de 7 000 morts et 520 000 infectés depuis 2010, près de 200 personnes sont contaminées chaque jour. Quand l’information arrive il est déjà trop tard, mais la télévision nous montrera des médecins sans frontières au chevet des mourrants. L’ONU, ou même le Tribunal pénal international (TPI) peuvent effectivement demander pour la forme telle ou telle condamnation de société militaire privée (SMP). La bourgeoisie nous a habitués à ce type de revers où les héros d’hier deviennent du jour au lendemain des affreux tortionnaires, le repentir ne servant que de bas intérêts.


Les sociétés militaires privées (SMP) pour les coups bas


La sous-traitance privée du juteux marché des guerres a commencé dans les années 1930. Il ne s’agissait alors que d’un apport logistique de sociétés privées : ravitaillement et construction de bases militaires. Il en sera tout autrement avec l’émergence de ce qu’il est convenu d’appeler les SMP, qui commencèrent à sévir dès les années 1960, durant la guerre du Vietnam. Elles avaient pour tâche d’entraîner l’armée et la police sud-vietnamiennes tout en assumant la logistique des troupes américaines.


Ce n’est pas tant le fait que la CIA ou autres utilisent des privés ou des mercenaires qui nous intéresse, l’armée romaine en son temps en recrutaient déjà, par conséquent ce n’est pas propre au régime capitaliste. Ce qui lui est propre, c’est l’évolution gigantesque de la militarisation de

’économie, où Engels voyait les prémices d’un effondrement financier (1), la dialectique (2) devant exécuter son œuvre. L’URSS implosa principalement du fait de cette course aux armements. Les Etats-Unis sont aujourd’hui confrontés au même problème, et le recours de plus en plus important aux SMP depuis les années 1990 correspond aux exigences de la dette publique devenue partout insoutenable. La rationalisation des budgets de la défense entre en contradiction avec les industries militaro-industrielles (valeur refuge). La privatisation d’une partie du secteur de l’armement est devenue exponentielle, et dès 2004 (3) elle représentait un marché équivalent aux budgets de défense de la Grande Bretagne, de la France et de l’Allemagne réunies. Nous verrons plus loin comment avec la révolution dans les affaires militaires (RMA) les Etats-Unis vont utiliser les SMP.

Etats-Unis. La révolution dans les affaires militaires

Il n’est pas possible de parler des SMP sans évoquer la révolution dans les affaires militaires (RMA) de la puissance américaine, qui, notons-le au passage, dispose de 1 000 bases dans le monde. Cette transformation de l’appareil militaro-industriel des Etats-Unis avait commencé quelque temps avant la RMA (1990). Elle visait à intégrer des sociétés privées spécialisées dans la gestion des guerres. Il est officiellement reconnu que les SMP américaines ont formé et entraîné les armées de plus de 42 pays au cours des années 1990. Cette mutation des forces armées n’est pas exclusive aux Etats-Unis mais touche d’autres pays.

Cette réforme, comme bien d’autres du monde industriel, correspond à la montée en puissance de la révolution électronique dite des TIC (technologies de l’information et de la communication). La première guerre du Golfe fut sans aucun doute un terrain d’essai grandeur nature de cette réforme. La guerre aux bombes guidées par laser, dite chirurgicale, devait apporter la preuve qu’il était dorénavant possible de « privatiser » les opérations au sol et de procéder à une réduction massive des effectifs de l’armée de terre (4) et du service militaire, au profit d’une armée superviseuse de superprofessionnels ayant la maîtrise des nouvelles technologies (informatique, espace, drones...).

En effet, il y avait déjà un mercenaire de SMP engagé pour 50 soldats réguliers lors de cette guerre. Dès l’année 2003 il était devenu évident que les sociétés privées devenaient une partie intégrante du redéploiement de la puissance américaine dans le « Grand Moyen-Orient » (concept élaboré par l’administration Bush au début des annnées 2000, désignant un ensemble allant de la Mauritanie à l’Afghanistan). La proportion de mercenaires passera de 1 pour 10 réguliers en 2003 lors de la guerre d’Irak (5). Depuis, la présence sur le terrain des SMP anglo-saxonnes, mais aussi françaises, est en pleine expansion. Donald Rumsfeld est allé jusqu’à dire qu’il était possible « d’externaliser toutes les fonctions militaires sauf les tirs ».

En 2004 il fut recensé environ 30 000 mercenaires de SMP en Irak. En 2006, les contrats gouvernementaux avec les SMP représenteront le quart des 439,3 milliards de dollars du budget de la défense des Etats-Unis. Selon un document officiel américain intitulé Security Companies Doing Business in Iraq, les sociétés de sécurité privée occidentales étaient 25 en 2004. Début avril 2005, elles étaient plus de 60. En 2008, l’expert américain Peter Singer dénombrait 160 000 opérateurs ­privés (6), toutes nationalités confondues, en Irak, soit un opérateur privé pour un ­soldat.

La « révolution » au sein des frontières nationales

La fin de la conscription aux Etats-Unis remonte au début des années 1970. Elle correspond à la poussée du mouvement anti-guerre et d’une perte de contrôle du commandement militaire sur le contingent, dans le contexte historique de lutte contre la guerre au Vietnam des « années 1968 ». Le mouvement Resistance Inside The Army (résistance à l’intérieur de l’armée ou RITA) et l’émergence du Black Panthers Party en 1966.

C’est depuis les attentats du 11 septembre 2001 que les sociétés privées peuvent intervenir sur le territoire américain pour des actions anti-terroristes. Elles ont été utilisées pour sécuriser le quartier d’affaire de la Nouvelle-Orléans suite au passage dévastateur de l’ouragan Katrina en août 2005.

Des sociétés comme Blackwater ont silloné les quartiers, dans un but « humanitaire » et contre les vols... D’autres ­proposèrent leurs services comme la SMP israélienne Instinctive Shooting International. En moins de quinze jours, le nombre de SMP passa de 185 à 235, chacune se payant la sécurisation de sa propriété privée.

Nous ne sommes plus dans le cas où le budget de la défense sert à financer une armée dite citoyenne, mais dans le cas où ce budget finance directement des SMP, un nouveau et puissant lobby organisé dans l’International Peace Operations Association et coté en Bourse.

Les SMP dans la guerre serbo-croate

« Des nations et des mini-nations s’annoncent de toutes parts et affirment leurs droits à constituer des Etats. Des cadavres putréfiés sortent de tombes centenaires, animés d’une nouvelle vigueur printanière et des peuples “sans histoire” qui n’ont jamais constitué d’entité étatique autonome ressentent le besoin violent de s’ériger en Etats. Polonais, Ukrainiens, Biélorusses, Lithuaniens, Tchèques, Yougoslaves, dix nouvelles nations au Caucase... Les Sionistes édifient déjà leur ghetto palestinien, pour l’instant à Philadelphie.... c’est aujourd’hui la nuit de Walpurgis sur le Brocken (7) nationaliste.

“Sur un balai, sur un bâton, Ne volera plus jamais, qui aujourd’hui n’a pas volé” (8). »

Ce constat de Rosa Luxemburg en son temps, est devenu une tristre réalité aujourd’hui, depuis l’implosion de l’URSS. La Perestroïka (« rénovation ») déclenchée par Gorbatchev allait inévitablement provoquer un nouveau partage du monde, c’est-à-dire une révision des accords de Yalta. Des cadavres putréfiés vont de nouveau sortir des tombes, et la Yougoslavie mise à feu et à sang par des guerres civiles de toute nature fomentées par le capital financier et sa politique d’endettement des peuples. Depuis sa réunification l’Allemagne s’est impliquée dans des actions visant à regagner sa sphère d’influence de la Mittelleuropa au détriment de la zone slave. De plus elle dispute à la France son rôle hégémonique dans la création d’une armée européenne indépendante, dans laquelle elle veut une participation à la hauteur de sa puissance économique.

Le dépeçage de la Yougoslavie ( de la sphère slave) mis en œuvre en 1991 par la RFA et les Etats-Unis (9) commence en 1988 , quand Franjo Tudjman (1922-1999, président de la Croatie de 1991 à 1999) rencontre le chancelier Helmut Kohl pour envisager la création d’un Etat croate ; par la suite, le président croate et son homologue slovène demandent le patronage de l’Allemagne pour tenir à Francfort une « conférence yougoslave ». Le patronage va plus loin, Bonn finance le HDZ, parti nationaliste de Tudjman qui remporte les élections. Le 25 juin 1991 les parlements slovène et croate se déclarent indépendants, le lendemain la Deutsche Bank se dit prête à aider les deux républiques. Fin 1991, le conflit entre les indépendantistes croates et l’armée fédérale augmente d’intensité ; le gouvernement allemand va livrer des chars et des obus à la Croatie et décrète le blocus complet du trafic vers la Serbie et le Montenegro. De Cuellar (ONU) et Lord Carrington (médiateur européen) mettent en garde contre une reconnaissance pouvant générer une guerre civile. L’Europe des douze est divisée et plutôt opposée aux indépendances.

Le 17 septembre 1991, la Macédoine devient elle aussi indépendante (après référendum). La SMP américaine Military Professional Resources Inc (MPRI) obtient en 1998 un contrat pour réorganiser l’armée macédonienne – parallèlement à la vente d’armes des Etats-Unis à la Macédoine. La presse allemande (Hamburger Abendblatt du 25 juin 2001) révélera que des vétérans états-uniens, employés par MPRI, agissaient de concert avec des membres de l’UCK retranchés dans le village macédonien d’Aracinovo. MPRI reconnaîtra avoir aidé l’UCK, mais rejette, contre toute évidence, l’accusation de conflit d’intérêts.

De 1994 à 1995, MPRI a entraîné l’armée croate et l’appuya même dans ses combats face aux forces serbes de Krajina, ce qui provoquera (en août 1995) la ­déportation des populations serbes de Krajina (200 000 personnes). Plus de 7 000 combattants privés de MPRI vont intervenir pour les intérêts des Etats-Unis dans la guerre de l’ex-Yougoslavie.

La boîte de Pandore des reconnaissances des mini-Etats était ouverte ; la Croatie et la Slovénie étaient reconnues par l’Allemagne le 23 décembre 1991, le Vatican le 13 janvier 1992, la CEE le 15 janvier, la Russie le 17 janvier, les Etats-Unis le 7 avril et Israël le 16 avril. Le 28 février 1992, le référendum sur l’indépendance de la Bosnie imposé par la CEE déclenche la guerre civile. L’Allemagne, il est bon de le rappeler, exporte aujourd’hui davantage vers le bloc de l’Est que vers les Etats-Unis, et dans l’ex-Yougoslavie elle est le premier importateur et exportateur . Ce repartage des zones d’influence sous le couvert de lutte nationale va se payer au prix du sang, de guerre civile en guerre civile les peuples de l’ex-Yougoslavie vont compter leurs morts : guerre en Slovénie (1991), connue sous le nom de « guerre des dix jours » ; guerre en Croatie (1991-1995) ; guerre en Bosnie (1992-1995) ; guerre du Kosovo (1998-1999) ; conflit en Macédoine (2001) ; conflit au sud de la Serbie (2001) ; incidents de frontière albano-yougoslaves (1999). Le bilan est lourd, 200 000 à 300 000 morts , plus d’un million d’êtres humains déplacés. Nationalisme et religions avaient une fois encore été le carburant nécessaire de cette auto-extermination des peuples allant jusqu’au génocide.

Les SMP sévissent en Afrique

Souvent liées aux multinationales et aux industries extractives pétrolières, les SMP interviennent dans les guerres locales, comme ce fut le cas avec la société sud -africaine Executive Outcomes (10). Ses interventions non contrôlées lui vaudront d’être dissoute en 1998 (11). Elle menait des actions dans plus de trente pays africains.

« En mars 2004, un avion en provenance d’Afrique du Sud est arraisonné au Zimbabwe. A bord, une centaine d’hommes et leurs dirigeants : le britannique Simon Mann et le sud-africain Nick Du Toit, deux ex-dirigeants d’Executive Outcomes. But de l’opération : renverser le régime de la Guinée équatoriale, pays qu’on surnomme le “Koweit de l’Afrique” à cause de ses immenses réserves d’hydrocarbures. Instigateur de l’opération : Mark Thatcher, fils de l’ancienne Premier ministre britannique, arrêté le 15 août 2004 en Afrique du Sud. Une entreprise de son associé en affaires et co-instigateur de la tentative de coup, le conservateur anglais Gary Hart, aurait bénéficié de 20 millions d’euros provenant de BAE Systems. (« En Afrique, une nouvelle génération de “Chiens de guerre” », Philippe Leymarie, Le Monde diplomatique, novembre 2004.)

Au Liberia, la SMP britannique North­bridge Services Group fut dépêchée pour procéder à l’enlèvement de Charles Taylor selon le principe des têtes mise à prix (récompense 2 milliards de dollars). Charles Taylor, actuellement en jugement, était sous un mandat d’arrêt international d’Interpol.

« Le gouvernement de Somalie a contracté en 2008 avec la SMP française Secopex pour créer des unités de sécurité maritime, former les troupes somaliennes ainsi que la garde présidentielle du pays. Cette même SMP, basée à Carcassonne, va placer des gardes armés dans les navires croisant en mer Rouge pour le compte d’armateurs privés. Le contrat, d’une valeur de cinquante à cent millions d’euros, doit être financé par des bailleurs de fonds internationaux soucieux de lutter contre la piraterie. D’autres SMP, comme Xe, ont proposé leurs services contre la piraterie. La communauté internationale a déjà déployé sur zone une force opérationnelle navale pour repousser les pirates, la Combined Task Force 150, dont les résultats sont mitigés, en raison de l’ampleur de la zone maritime à sécuriser ; les SMP viennent donc compléter ce dispositif (Wikipédia). »

Les SMP à la française

Ni la convention de Genève, ni les lois visant la répression de l’activité mercenaire ne seront agissantes. Les députés français voteront bien une loi le 3 avril 2003 en faveur de la « répression de l’ activité de mercenaire (12) ». Mais le constat est déjà fait par ceux-là mêmes qui votèrent les lois (si nous restons à l’écart, ce sont les entreprises anglo-saxonnes qui vont se partager le juteux marché sécuritaire, pensent-ils). Mais il y a pire pour eux, c’est de constater que le « savoir-faire français » passe à l’étranger. Par exemple la SMP Amor Group a recruté pour l’Irak du personnel francophone. DSL à Londres s’occupe de la sélection d’anciens légionnaires, parachutistes, commando marine pour des opérations en CDD par la SMP Hart Group. Mais encore, la convention de Genève est complètement inopérante pour les Etats qui ne la reconnaissent pas. Le gouvernement français lors des événements de Côte-d’Ivoire était dans l’impossibilité d’inculper les « mercenaires » slaves qui bombardèrent le camp militaire français à Bouaké, tuant neuf soldats en novembre 2004. Alors, plus question pour l’Etat français de laisser la place aux autres, et, comme ils disent, « il faut que la France se mette à l’heure anglo-saxonne ». Un général, ancien patron de la direction des opérations de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) puis premier directeur de la DRM (Direction du renseignement militaire), Jean Heinrich, a ainsi créé sa SMP, la société Géos, qui connaît une forte expansion ; 120 anciens de la DGSE sont là pour l’ épauler (13). Une autre SMP a été mise à l’ index par le journal Marianne. Le journaliste explique le rôle joué par Secopex, seule à se revendiquer du statut de SMP : « La mort, la semaine dernière du Français Pierre Marziali à Benghazi n’a d’ailleurs pas manqué de relancer le débat sur l’engagement des “mercenaires” sur les champs de bataille. Patron d’une société militaire privée (SMP), la Secopex, Marziali aurait été tué par balles “au cours d’un contrôle de police” dans la capitale de la rébellion libyenne, selon le Quai d’Orsay. Quelle était la nature de l’activité en Libye de Pierre Marziali ? “Faire de la formation” pour le CNT (Conseil national de transition) comme l’a assuré le vice-président de la société, Robert Dulas dans un entretien à Libération ? Ou alors, comme l’ont laissé entendre les insurgés et certains diplomates européens, Pierre Marziali était-il un espion à la solde de Mouhammar Kadhafi ? D’après nos informations, Secopex ne travaillait pas pour Kadhafi mais était en Libye pour ouvrir un corridor le Caire-Benghazi pour faire des escortes sécurisées, de la protection rapprochée pour des journalistes, des ONG, des diplomates, des entrepreneurs français, éventuellement de la sécurisation de sites pétroliers. Bref, essentiellement du business mais également du conseil militaire privé auprès des rebelles libyens. » (« Les sociétés militaires privées à l’affût du business libyen », Marianne 19 mai 2011)

Le journal Le Monde du 16 février 2012, dans son article au titre évocateur « Vers un rôle accru du privé dans la défense française », ne fait que confirmer ce qui est dit plus haut, tout en précisant : « Nul ne prévoit de toucher à la loi de 2003 qui pénalise le mercenariat. » Derrière ce cache-sexe on ne parlera pas en France de SMP, dit l’article, mais d’« entreprises de sécurité et de défense », ESSD. Comme disait mon vieux « sur les pissotières il y a marqué Byrrh ».

Pour conclure

En relation avec notre précédent article, qui soulignait l’aspect directement boursier de la stratégie sécuritaire américaine. Il nous semble judicieux de rappeler que les Etats-Unis sont reconnus par le monde occidental comme le gardien mondial de l’approvisionnement pétrolier de la « grande bassine » c’est-à-dire du marché des hydrocarbures (14). A ce titre il est aussi celui qui doit bénéficier en priorité de la rente pétrolière de l’Arabie Saoudite, dont il doit assumer la sécurité depuis le pacte de Quincy. Bien entendu cette sécurité l’Arabie Saoudite doit la payer, elle arrose même d’ailleurs tous ceux qui peuvent la lui garantir (même ses ennemis) (15) en passant d’importants contrats d’armement. Cela s’appelle le recyclage de la manne pétrolière. Tout le système ne tient que par une stratégie de tension permanente, sans laquelle ni l’Arabie Saoudite ni l’Iran n’auraient besoin de s’armer. Mais les pays producteurs d’armements (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Israël, Russie, Chine...) sont pour que cette situation perdure. Seulement si les contrats ne trouvent pas preneur, l’entretien des armées devient un poids économique comme le faisait en son temps remarquer Engels : « Mais la violence ne peut pas faire de l’argent, elle peut tout au plus rafler celui qui est déjà fait et cela ne sert pas non plus à grand-chose, comme nous l’avons également appris à nos dépens avec les milliards de la France. » (« Théorie de la violence », op. cit.)

C’est ainsi que les Rafales de Dassault, invendables, seront achetés pour le compte de l’armée par la plus-value produite par le prolétariat. Les armées doivent elles aussi subir les lois de la rationalisation capitaliste – diminution des effectifs, hyperspécialisation et privatisation... – la « machine » ici aussi remplace l’homme (drones, robots). Une partie de plus en plus importante des activités militaires sont donc confiées à des SMP pour la protection des biens. A ce niveau l’Etat national régalien devient squelettique, il n’est plus qu’un maillon d’une entité plus grande, supranationale, la dite « communauté internationale » c’est-à-dire la puissance américaine. La puissance américaine et ses acolytes ont décidé lors de la mise en place du « Grand Moyen-Orient » de procéder à une straégie du chaos afin d’imposer par la force la démocratie dans cette zone et s’ouvrir des marchés, voire s’approprier directement la gestion de l’appovisionnement pétrolifère, comme en Libye.

Gérard Bad Décembre 2011-avril 2012

NOTES

(1) Accord entre le roi Abdel Aziz Ibn Saoud, fondateur du royaume d’Arabie saoudite, et le président américain Franklin Roosevelt, en route pour Yalta et le sommet soviéto-américain portant sur le partage du monde en zones d’influence.

(2) La transaction, conclue à l’occasion de la fête nationale saoudienne, le 23 septembre 2010, implique la modernisation de la flotte aérienne et de la marine saoudiennes. Soixante milliards de dollars seront affectés à la vente à l’Arabie saoudite de 87 chasseurs bombardiers « F-15 », de 70 hélicoptères de combat « Apache » et de 72 hélicoptères « Black Hawk », 36 hélicoptères Little Bird AH-6, ainsi que des bombes, des missiles, y compris la bombe guidée par GPS, JDAM, produite par Boeing et le missile guidé par laser Hellfire. Trente milliards de dollars complémentaires seront affectés à la fourniture de bâtiments de guerre et d’un système de défense balistique, complémentaire au réseau de missiles de type Patriot et au reconditionnement des anciens appareils de l’armée de l’air et de la marine.

(3) DFI : le New York Stock Exchange Arca Defense Index de 14 sociétés parmi les plus représentatives de l’industrie de l’armement aux Etats-Unis. Entre le 30 septembre 1996 et son point culminant du 6 novembre 2007, l’indice DFI a affiché une plus-value dépassant les 1 000 %, tandis que les indices généraux, durablement affectés par la chute du Nasdaq, stagnaient avec un gain de l’ordre de 40 % seulement sur la même période. Sur le continent européen, la surperformance du secteur de l’armement est nettement moins prononcée, mais néanmoins visible.

(4) Les observateurs militaires soulignent que « la mise en marche de l’accord israélo-grec n’a pu se faire sans le feu vert de Washington qui estime qu’il faut prendre les menaces belliqueuses d’Ankara au sérieux .

(5) Dow Jones STOXX TMI Aerospace & Defense (SXPARO.Z), coté à Zurich, et composé de 15 valeurs parmi les plus représentatives de l’industrie européenne de l’armement.

La démocratie veut des guerres propres, des guerres humaines et écologiques
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