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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Gilets jaunes, répression d’État et syndicalismeÉcole éman

près des mois de répression intense du mouvement des gilets jaunes mais aussi de luttes syndicales, bien marquée par l’attitude du gouvernement et de la police le 1er mai à Paris contre les manifestant·e·s et le cortège syndical, des syndicalistes d’École émancipée (tendance de la FSU) reviennent sur les conditions d’expression du mouvement social aujourd’hui face un capitalisme néolibéral qui, en faisant feu de tout bois, montre un nouveau potentiel de répression, et sur ce que devrait essayer de faire le syndicalisme de transformation sociale.

***

Nous sommes confrontés à une réalité qui interpelle, bouscule tout le mouvement syndical, donc la FSU, et à laquelle nous ne pouvons pas échapper : la persistance d’un mouvement social atypique dans notre pays depuis six mois. Même si celui-ci s’exprime de façon moins massive depuis plusieurs semaines, il persiste (en acceptant aussi aujourd’hui de manifester « avec les syndicats ») et a servi de révélateur des carences du syndicalisme tel qu’il fonctionne dans notre pays.

Pouvons-nous penser (et nous satisfaire) que les choses vont revenir « comme avant », que l’on pourrait poursuivre notre travail syndical comme on « sait faire », avec nos bonnes vieilles méthodes ? Nous estimons que c’est une douce illusion parce que ce mouvement, ces formes d’expression révèlent aussi les nouvelles formes d’affirmations économiques, sociales et politiques des néolibéraux que nous n’avons sans doute pas vu bien venir. D’un certain point de vue, la radicalité populaire exprimée par les GJ est une réponse à la radicalité et à la morgue des possédant.es qui accaparent le pouvoir économique et politique.

Ce sont donc des constantes importantes auxquelles nous sommes maintenant confronté·es sur la durée et auxquelles il nous faut répondre, faute d’être menacé·es de disparition pure et simple. Il n’est pas donné que cette expression reste en « extériorité » du mouvement syndical. Des signes de convergences se manifestent depuis plusieurs semaines par ce qu’on pourrait appeler des « participations croisées » aux initiatives des un·es et des autres. D’un certain point de vue, l’attitude du pouvoir pousse à la confluence des mobilisé·es, que ce soit par ses réponses aux revendications qui paraissent de plus en plus communes ou par son attitude répressive, exprimée avec éclat le 1er mai à Paris !

 

De fortes exigences démocratiques

Des camarades ne retiennent comme plage d’accord avec cette mobilisation que ses demandes relatives à la justice sociale, et interprètent sa dynamique avant tout comme celle d’un soulèvement violent contre les institutions de la République porté par le souffle antidémocratique d’une extrême droite qui a le vent en poupe. A contrario, nous estimons que malgré les éléments de confusion politique qu’elle charrie et les dérives minoritaires qu’elle a pu occasionner, la tendance lourde du combat des Gilets Jaunes est celle d’une exigence et d’un espoir de démocratisation des formes de gouvernement et de mandatement actuelles usées jusqu’à la corde et auxquelles les manifestant·es et leurs soutiens ne veulent plus consentir.

C’est d’abord dans ce sens là, et pas à cause du recours à la violence de certain·es manifestant·es, qu’il est légitime d’évoquer la dimension insurrectionnelle assez inédite de ce mouvement. Les marches sur l’Élysée, la volonté de se faire voir et entendre au plus près des lieux symboliques du pouvoir politique ne s’inscrivent pas dans la lignée des manifestations séditieuses et antirépublicaines des ligues d’extrême droite des années 1920 et 1930, bien au contraire. L’historien Yves Cohen, Directeur d’Etudes à l’EHESS, y voit une référence évidente à 1789 et aux révolutions du XIXème siècle. On y trouve la volonté farouche et déterminée de ne plus reconnaître l’ordre établi, de ne plus réclamer un bon fonctionnement de l’existant parce que la croyance que l’existant pourrait bien fonctionner fait de moins en moins partie du sens commun.

La revendication du RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne), malgré les aspects simplistes et unilatéraux qu’elle peut revêtir, est venue cristalliser la critique diffuse des limites du suffrage universel sous sa forme actuelle et l’expression d’un besoin de transfert du pouvoir des mains d’un président, fonction héritée du bonapartisme, à celles de la population qui, en matière de législation, souhaite de plus en plus pouvoir proposer, décider et contrôler depuis la base, à mesure que se renforce la crise de représentation institutionnelle dont l’élection de Macron n’a été qu’un des aléas. Yves Cohen rapproche le mouvement des Gilets Jaunes d’une série de mobilisations sociales des années 2010 (Tunisie, Égypte, Gezi en Turquie, Maïdan en Ukraine…). Selon lui,

« ce que ces soulèvements marquent en commun est le refus du XXe comme siècle hiérarchique, de l’obligation de se placer sous l’autorité d’un chef au travail, dans la vie civique comme dans la famille, l’école et la politique. Il y a là plus que le rejet des partis et des syndicats. C’est celui d’une forme profonde d’organisation de la vie sociale qui n’a pris cette rigidité que dans le siècle de la « société de masse » avec ses productions de masse, consommation de masse, culture de masse, guerre de masse, etc., dans l’exercice des pouvoirs et dans celui de la protestation contre eux. »

Il ajoute que « la plupart de ces mouvements sans leader ont connu des répressions terribles, jusqu’à la dictature en Turquie et en Égypte, jusqu’à la confiscation d’une province et la guerre en Ukraine, jusqu’aux éborgnements en série dans un pays comme le nôtre, etc., mais c’est aussi à la mesure de leur force… et cette force en grande partie due à l’horizontalité est insupportable aux pouvoirs. »

 

Une horizontalité qui se heurte à la répression

Sans tomber dans le raccourci qui ferait de la France actuelle un régime autoritaire comparable à la Tunisie de Ben Ali ou à la Turquie d’Erdogan, cette analyse nous force à nous interroger sur les pratiques actuelles du pouvoir dans notre pays face à un mouvement auquel il entend ne pas céder davantage en ce qui concerne ses revendications sociales et ne rien céder du tout en ce qui concerne ses revendications démocratiques.

Le mode horizontal d’organisation de la contestation en cours limite par nature toute véritable négociation avec le pouvoir, ainsi que toute cooptation ou manipulation par ce dernier d’une partie du mouvement contre une autre, pour mieux le diviser et en venir à bout. D’autre part, dans le camp des Gilets Jaunes, aucun·e porte- parole n’a la légitimité requise pour reconnaître et faire reconnaître que la bataille est peut-être perdue et qu’il serait temps de passer à autre chose. D’où une succession d’actes qui semble sans fin tant qu’une masse critique de manifestant·es continuera à se rendre dans la rue le samedi pour faire exister le mouvement. Et il y en a encore des dizaines de milliers !

Du côté du pouvoir, alors que la farce du Grand Débat n’est pas parvenue à calmer le conflit, et après que les nouvelles annonces de Macron tentent encore une fois d’éteindre l’incendie sans remettre en cause le fond de sa politique, il reste alors la répression, de plus en plus brutale, sous la forme d’une surenchère, dans le but d’atteindre à un moment donné un niveau d’intimidation par la violence assez élevé pour inciter les manifestant·es à ne plus revenir.

 

Le recours à la violence d’État : un choix assumé du pouvoir

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