9 Novembre 2018
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La plupart des bilans des actes racistes, antisémites et/ou antimusulmans émanent d'organisations communautaires.
Pour la communauté juive, c'est le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) qui se charge de diffuser régulièrement des bilans. Le 13 juillet, le CRIF a ainsi dévoilé que le nombre d'actes antisémites avait bondi de 84 % sur les cinq premiers mois de l'année 2015, avec 508 actes recensés de janvier à mai, contre 276 sur la même période en 2014.
L'organisation de représentation politique des juifs de France s'appuie pour cela sur le décompte du Service de protection de la communauté juive (SPCJ, voir par exemple son dernier rapport annuel) : un organe, créé au lendemain de l'attentat de la rue Copernic (1980) pour recenser les actes antisémites sur le territoire français, que le CRIF cosponsorise aux côtés des consistoires(représentations religieuses du judaïsme en France) et du Fonds social juif unifié (un regroupement d'associations qui agissent sur le terrain social pour la communauté juive).
Du côté des musulmans, deux institutions se disputent le décompte des actes visant les Français pour leur pratique de l'islam :
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Ces indicateurs ne sont pas pour autant dépourvus de toute validation officielle. Le Service de protection de la communauté juive et l'Observatoire national contre l'islamophobie travaillent en effet en coopération avec le ministère de l'intérieur pour récolter leurs chiffres. Des chiffres généralement corroborés par la Commission nationale consultative des droits de l'homme dans ses rapports annuels, qui cite également le ministère de l'intérieur comme source.
Les actes antisémites, antimusulmans ou les autres actes racistes recensés par ces différents rapports correspondent donc à l'ensemble des « actions »(attentats, violences, incendies…) et des « menaces » (propos, gestes, écrits) qui ont fait l'objet d'une plainte ou d'une main courante auprès de la police.
Une méthodologie qui a l'avantage d'être plutôt « rigoureuse », mais l'inconvénient d'écarter tous les actes qui restent en dehors des radars de la police. Or, comme l'expliquait début 2014 le sociologue Marwan Mohammed au Monde.fr, « le recensement des plaintes pour mesurer l'islamophobie est une donnée relativement fragile. Dans les études de victimation, on remarque que le taux de plainte est plutôt faible sur ces questions. Nous ne disposons pas non plus d'étude précise sur l'accueil qui est réservé aux victimes d'islamophobie par les policiers. Et la plainte peut ensuite être requalifiée, par exemple en incitation à la haine raciale ».
Un raisonnement que l'on peut étendre au recensement des actes antisémites. Les mises à jour successives des statistiques d'une année sur l'autre montrent à quel point les chiffres proches doivent être pris avec des pincettes : alors que le ministère de l'intérieur (et donc le SPCJ) comptait 371 actes contre les juifs sur l'année 2006 dans son rapport publié en 2007, le bilan définitif pour la même année 2006 a fini par s'établir à 571 cas à partir du rapport 2012. Changements de méthodes au sein des services policiers et des définitions des actes « racistes », « xénophobes » et « antisémites » peuvent ainsi provoquerd'importantes fluctuations des statistiques d'une année sur l'autre.
691 ou 226 ?C'est pour pallier ces lacunes que le collectif contre l'islamophobie en France a décidé de compter les actes islamophobes par ses propres moyens : plutôt que de reprendre les chiffres du ministère de l'intérieur, il s'appuie sur les remontées directes des victimes, qu'il assure vérifier à l'aide de documents et de témoignages. Résultat : il recense 691 actes islamophobes en 2013, quand l'Observatoire national contre l'islamophobie n'en compte que 226.
Dans sa présentation des chiffres du Service de protection de la communauté juive, le 27 janvier 2015, le CRIF soulignait que « le point critique a largement été dépassé », relevant que les actes antisémites représentaient 51 % des actes racistes commis en France, alors que les juifs ne sont que moins de 1 % de la population française.
Notons tout d'abord que si le nombre d'actes antisémites a bien doublé entre 2013 et 2014, il ne fait malheureusement que revenir à son niveau de 2009. Encore plus préoccupant : les violences physiques explosent (+130 %) encore plus vite que les « simples » menaces (+ 92 %).
Le CRIF avait également raison de souligner la hausse de 30% de l'ensemble des actes racistes commis en France en un an « est constituée exclusivement par la hausse des actes antisémites », qui dépasse même le total des autres actes racistes, xénophobes et antimusulmans. Si la hausse est incontestablement inquiétante, il apparaît difficile d'établir une véritable tendance, tant les chiffres varient d'une année sur l'autre.
Les premiers chiffres pour l'année 2015 sont alarmants pour les deux communautés : les organisations communautaires ont recensé 508 actes antisémites de janvier à mai (+59 % sur un an), et 274 actes islamophobes de janvier à juin (+ 280 %). Malgré ce bond dramatique des actes et menaces recensés contre la communauté musulmane, la proportion d'actes antisémites rapportée à la taille de la communauté juive (environ 550 000 personnes) devrait rester largement supérieure à celles des actes islamophobes par rapport à la communauté musulmane (entre 2 et 5 millions de personnes, selon les sources et la définition).
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