En deux mois, la Turquie a presque atteint son but.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui regroupent principalement les Unités de protection du peuple (YPG) kurdes et des résistants démocrates avaient anticipé cette attaque que le président turc annonçait.
Mais le régime turc, en dépit d’une situation économique qui se détériore et de relations plus que tendues avec l’Europe, en particulier l’Allemagne (où vivent et travaillent des centaines de milliers de Turcs) dispose d’une supériorité militaire importante. Le combat est inégal. D’un côté, la Turquie possède la deuxième armée de l’OTAN et dispose des dernières technologies (tanks dernier modèle vendus par l’Allemagne, F-16 qui pilonnent les villes et les villages tous les jours) et est épaulée par des brigades djihadistes. De l’autre des milices populaires, équipées d’armes légères, sans tanks ni aviation.
Avec des journaux et télévisions fermés, des centaines de journalistes emprisonnés (certains venant même d’être condamnés à la perpétuité) Erdoğan bénéficie d’une couverture médiatique sans la moindre critique.
Les médias étrangers, eux, sont soit totalement supervisés par l’armée turque soit empêchés d’entrer sur le territoire.
Alors que le territoire syrien est ainsi envahi, le régime syrien ne proteste pas. D’une part, ses forces sont occupées à écraser le dernier bastion de la contestation de son régime, la Ghouta, où ses bombardements ont tué et blessé des milliers de civils et jeté sur les routes de l’exil des dizaines de milliers d’autres. Mais surtout, il se satisfait de l’écrasement du projet démocratique du Rojava, celle d’une Syrie sans la dictature d’une ethnie ou d’une caste, où tous, hommes, femmes, jeunes, vieux, quelle que soit leur religion, bénéficient des mêmes droits.
Au plan international, Erdoğan a joué sur deux tableaux. D’une part, un réchauffement de ses relations avec la Russie (qui soutient le régime syrien), la région d’Afrin étant dans la « zone d’influence russe » en Syrie. La signature de gros contrats entre Ankara et Moscou, en particulier celui d’un gazoduc pour acheminer le gaz russe, y a contribué. D’autre part, les États-Unis hésitent à condamner la Turquie, leur allié de l’OTAN.
Quant à l’Europe, qui négocie avec le président turc pour qu’il retienne les réfugiés, elle n’entend pas intervenir. D’où un lâchage honteux de la population d’Afrin. Comme du reste de la population syrienne.
En ce mois de mars 2018, le bilan est lourd. L’armée turque est entrée dans la ville, le gouvernement autonome a décidé d’en évacuer les civils, peut-être aussi les combattant-e-s, rien n’est sûr. Un sursaut de la conscience internationale permettra-t-il d’éviter le massacre annoncé ?