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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

L'enfer des femmes népalaises victimes de traite sexuelle

L'enfer des femmes népalaises victimes de traite sexuelle

«J'ai passé les quatre cinquièmes de ma vie de photoreporter à travailler sur l'atteinte aux droits humains, et particulièrement à ceux des femmes, dans plusieurs pays, dont la France, raconte la photographe française Lizzie Sadin. Alors quand j'ai vu que le thême du prix Carmignac était la traite des femmes, j'ai postulé», poursuit la lauréate du prix. «J'ai proposé de travailler sur le Népal car le tremblement de terre en 2015, qui a fait 9.000 morts, a aggravé la vulnérabilité des femmes. Elles sont devenues plus que jamais des proies pour les trafiquants, fragilisées par le chômage, la précarité ou la mort de leur mari dans la catastrophe». Les photographies de Lizzie Sadin sont exposées à l'hôtel de l'Industrie, à Paris, jusqu'au 12 novembre.

 

«Au Népal, la traite des êtres humains est massive et plurielle depuis longtemps. L'extrême pauvreté, le manque d'éducation, l'analphabétisme touchent tous les Népalais, mais surtout les filles des territoires reculés. Or, 80% de la population habite dans ces zones. À cela s'ajoute le fait que les femmes sont vues comme des êtres inférieurs, voire comme des biens. Selon une étude du gouvernement népalais, la moitié des femmes sont confrontées à la violence au cours de leur vie. Presque toutes celles que j'ai interviewées disent avoir été violées par leur beau-père, un oncle ou un cousin. Elles se sauvent, errent, et finissent exploitées sexuellement. Sur cette photo, on peut voir Kopila, 18 ans, dans une cabine, un petit espace à l'intérieur d'un restaurant à l'abri des regards, où les hommes peuvent la toucher.»

«La plupart de ces filles sont mineures. Elles travaillent dans des cabin restaurants, des dance bars, des dohoris (bars chantants) ou des “salons de massages”. Elles servent les hommes en boisson et doivent se laisser toucher. On leur promet bien souvent un salaire de 250 ou 300 euros, mais elles n'en gagnent que 50 ou 70 au final. À cela s'ajoutent les pourboires qu'elles obtiennent en fonction du nombre de boissons consommées par les clients, ce qui crée une rivalité entre les filles: celles qui font vendre le plus de boissons ont plus à manger. C'est terrifiant! Elles travaillent sept jours sur sept, sans repos, sans contrat et peuvent être renvoyées à tout moment. Elles ne peuvent pas dire à leur famille qu’elles travaillent là, de peur d'être déshonorées. Je trouve cette image forte car on voit les hommes dans le miroir, la patronne au centre et des filles, dont Nina qui n'a pas 15 ans.»
 

«Les contrats de travail sont la plupart du temps des faux. Même quand ils sont vrais, on ne leur montre qu’à l’aéroport, quand elles sont prêtes à embarquer. Or, comme beaucoup sont analphabètes, rares sont celles qui peuvent vérifier ce qu’on leur dit. Elles pensent aller travailler dans des usines textiles et deviennent des esclaves sexuelles. 300.000 femmes népalaises partent ainsi chaque année. Le trafic interne, lui, concerne 20.000 femmes, dont un tiers sont mineures. Au Népal, le suicide est la cause principale de mortalité des femmes de 15 à 49 ans. Tous les jours, cinq à sept corps reviennent dans des cercueils à l’aéoport de Katmandou: des femmes, mais aussi hommes travaillant dans le bâtiment, par exemple dans le Golfe. Ils sont âgés entre 18 et 35 ans en moyenne, et le gouvernement dit qu'ils sont morts de crise cardiaque. Mais des ONG militent pour réaliser des autopsies, car elles savent grâce aux témoignages qu'ils ont en réalité été victimes de mauvais traitements.»

«Sur cette image, prise de façon cachée, le propriétaire du dance bar simule une scène de viol devant les clients. Je suis ensuite allée le voir pour lui demander pourquoi il avait fait ça: “pour que les clients aient envie de sexe”, a-t-il répondu. Je n'ai fait aucune photo à Katmandou le premier mois. J'ai arpenté ces bars et ces quartiers. Il a été difficile de gagner la confiance des ONG et des femmes. Au début, les patrons me refusaient l'entrée dans ces lieux fréquentés uniquement par des hommes. Mais j'ai continué à y retourner, à me faire jeter et finalement, on m'a permis de rester cinq minutes. Je ne posais pas de questions frontales qui auraient pu mettre les filles en danger devant leur patron.»

 

«Rita a 17 ans. C'est une “amie” de son village qui lui a proposé de partir pour l'Inde, avec des promesses d'argent et de bijoux. Arrivée là-bas, l'“amie” a disparu et Rita a été emmenée dans un bordel, sans comprendre ce qui lui arrivait. Elle a d'abord refusé de travailler mais a aussitôt été enfermée pendant une semaine avec juste assez de nourriture pour survivre.  “Maquille-toi et mets ces vêtements... Qui va te donner à manger si tu ne travailles pas?” Elle n'avait aucun moyen de s'échapper et a été obligée de se prostituer. Les clients étaient violents et la battaient. Elle a finalement été libérée par un raid de la police, et l'organisation Shakti Samuha l'a ramèné au Népal.»

«Même chose pour Nilan, 21 ans. Lorsqu'elle avait 15 ans, une “amie” est arrivée chez elle avec de très beaux vêtements et des bijoux et lui a dit qu'elle pourrait en avoir autant si elle la suivait à l'étranger: “Je reviens d'Arabie Saoudite, tu verras, ce serait très bien pour toi.” Le voyage passe par Delhi, avec sept autres filles. Enfermées dans une chambre, elles attendent un faux passeport pour s'envoler vers le Kenya. Enfin, c'est ce que les trafiquants lui ont dit. Elle se retrouve en fait à Dubai. Elle devient femme de ménage pour une famille nombreuse, avec huit enfants. Forcée à travailler plus de vingt heures par jour, elle est mal nourrie et devient rapidement victime d'attouchements sexuels de la part des hommes de la famille. Suite à un viol, elle tombe enceinte et se fait renvoyer. On lui procure un emergency ticket, un billet d'avion gratuit pour se débarasser de ces femmes devenues encombrantes... Son patron la laisse à l'aéroport, non sans l'avoir violée une dernière fois. Mais, arrêtée par la police, elle passe trois mois en prison pour détention de faux passeport. Elle est ligotée, pieds et mains liés pendant sa grossesse. Une fois de retour au Népal, elle perd son enfant, mort-né. Elle a ensuite été recueillie dans un foyer. Un procès a eu lieu, mais le trafiquant a menacé sa famille si elle ne retirait pas sa plainte. Cette photo résume à elle seule plein de choses.»

«Leha de Ki Nepal (à gauche) suspecte cette femme qui voyage seule (à droite). Elle est confuse, se contredit, reste muette devant certaines questions. Les numéros de téléphones fournis ne répondent pas. Elle dit qu'elle va rejoindre un ami de l'autre côté de la frontière, mais n'est pas capable de l'appeler. Leha décide de l'emmener au commissariat de police pour pousser l'enquête. Elle pense qu'elle s'apprêtait à rejoindre un trafiquant. La jeune femme continue d'argumenter et tente de convaincre le policier qui surveille la cellule des détenus. L'homme derrière les barreaux, mis en garde à vue, porte un tee-shirt sur lequel il est écrit '“Je ne suis pas EN danger, je suis LE danger”.»

 
 
 
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