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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Attaque terroriste meurtrière sur une plage aux portes d’Abidjan

L’attentat de dimanche en Côte-d’Ivoire a fait seize morts, dont un Français. Il a été revendiqué dans la soirée par Al-Qaeda au Maghreb islamique.

  • Côte-d'Ivoire : l'attentat revendiqué par Aqmi a fait au moins 16 morts

Georges a les yeux dans le vide, les mains encore tremblantes. Comme lui, sa femme et son fils, ils étaient des centaines ce dimanche midi sur la plage de Grand-Bassam : «J’ai encore le goût des langoustes braisées dans la bouche. Avec ma famille, nous étions en train de déjeuner à l’ombre des cocotiers. C’était le bonheur, quand tout à coup, on a entendu des tirs. J’ai tout de suite su ce que c’était, ça m’a rappelé la guerre.»

Située aux portes de la capitale économique ivoirienne, l’ancien comptoir colonial est très prisé des Abidjanais le week-end. Les hôtels sont pleins et les «maquis», de petits restaurants populaires, sont bondés d’Ivoiriens aisés et d’expatriés. Dans l’hôtel l’Etoile du Sud, il était environ 13 heures lorsque des hommes armés sont arrivés par la plage. «Ils étaient au moins deux, ils ont ouvert le feu. Ils étaient très calmes, ils ont tué trois personnes d’abord. Je les ai vus. Il y avait beaucoup de blessés, c’était la panique», raconte Kader. Ce guide touristique et ses clientes américaines se sont réfugiés dans une salle de bains pendant plus de deux heures :«On entendait les tirs s’éloigner et se rapprocher, ça a duré une éternité. Et il n’y avait pas un policier.» Ces attaques, revendiquées par Al-Qaeda au Maghreb ­islamique (Aqmi), ont fait quatorze morts parmi les civils, dont un Français, deux militaires ont été tués et les six terroristes abattus.

Cible.En Côte-d’Ivoire, l’inquiétude s’était installée depuis plus d’un an. Même les autorités reconnaissaient à demi-mot que le pays pouvait être une cible des jihadistes. Après une décennie de crise qui s’est achevée dans de graves violences en 2010-2011, l’Etat, en train de retrouver une place capitale de l’Afrique de l’Ouest et d’attirer de nombreux investisseurs, faisait figure de cible de choix des jihadistes.

Ces derniers mois, le péril semblait sensiblement se rapprocher. Pour la première fois, plusieurs attaques avaient eu lieu il y a quelques semaines dans le sud du Mali, à seulement quelques kilomètres de la frontière ivoirienne. Les assauts de Bamako, en novembre, et de Ouagadougou, en janvier, n’ont fait que renforcer les craintes. «Cela arrivera à Abidjan, la question, c’est où et quand», confiait une source sécuritaire récemment. Préoccupée, elle reconnaissait que le pays n’était pas armé pour faire face à une attaque d’ampleur : «Il n’y a pas de services de renseignements vraiment opérationnels, ni de forces de sécurité préparées à affronter un tel danger. Dans un pays encore fragile, divisé et où de nombreuses armes sont en circulation, en cas d’attaque, le pire est à craindre.»

Sirènes.Le but est de déstabiliser l’Afrique de l’Ouest alors même que la zone sahélienne toute proche reste volatile, voire dangereuse. Et certainement aussi de viser les intérêts français et occidentaux dans la région. Le projet est connu depuis longtemps et plusieurs cellules terroristes ont été démantelées en Côte-d’Ivoire en novembre et décembre. Même si dimanche soir, peu d’informations émergeaient sur l’identité et les revendications des six assaillants, qui ont crié«Allah akbar»,il est certain que «Bassam»,comme on l’appelle en Côte-d’Ivoire, est un lieu emblématique qui rassemble chaque week-end beaucoup d’Occidentaux. Et notamment des Français : 15 000 ressortissants vivent en effet dans le pays, dont 13 000 à Abidjan, l’une des villes les plus occidentalisées d’Afrique subsaharienne.

Les intérêts économiques de la France y sont importants et le régime du Président, Alassane Ouattara, arrivé au pouvoir à l’issue d’une décennie de guerre civile en 2011, est ouvertement soutenu par Paris. Un conflit qui avait pris une tournure éthnico-religieuse, alors que pendant des années, les Dioulas musulmans du nord du pays, également nombreux à avoir immigré à Abidjan, étaient stigmatisés comme des soutiens de facto de Ouattara.

Pourtant, les 38 % d’Ivoiriens musulmans ont globalement toujours résisté aux sirènes du fondamentalisme. L’attaque de Bassam va-t-elle faire ressurgir les haines communautaires, alors que la réconciliation peine encore à s’imposer ? C’est peut-être aussi le pari qu’ont fait les tueurs. Comme à Bamako et à Ougadougou, des attentats en partie anti-Occidentaux ciblent des pays fragiles qui peuvent facilement renouer avec l’instabilité.

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