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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

L'immigration sera la chance de nos économies

Une fois n'est pas coutume, les économistes sont unanimes: la libre circulation des personnes conduit à plus de richesse et non le contraire. Cessons d'avoir peur des migrants.

Les économistes ne sont jamais d'accord entre eux, sauf sur un sujet: les bienfaits de l'immigration. Il en est bien peu dans cette profession qui soient malthusiens: pour la très grande majorité, la libre circulation des personnes conduit à plus de richesses et non le contraire. Ce sont les hommes qui créent leur travail; plus ils sont, plus il y aura de travail. Quant aux études économétriques, elles infirment toutes ce qu'affirment les populistes anti-immigration: non, les immigrés ne prennent pas le travail des autres; non, ils ne créent pas de trous dans la Sécurité sociale.

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Mais ce discours est très peu entendu. L'immigration est un sujet trop sensible. Elle provoque la peur la plus épaisse des sociétés humaines, celle de l'invasion et de la perte des identités, nationales, culturelles, religieuses. L'immigration est en conséquence un non-pensé. Les partis se taisent, les gouvernements n'ont pas de vision de long terme, ils suivent leur opinion publique. Du coup, les événements les bousculent, comme la vague de cet été le démontre.

Massives apparences

Notez que l'Europe n'est pas seule à se fermer les yeux et les oreilles. Il est frappant de constater que l'ONU, dont c'est pourtant la vocation première, vient de retenir dix-sept objectifs pour tracer «la route de la dignité vers 2030», qui comprennent l'éradication de la pauvreté et de la faim, mais sans rien dire de l'immigration.

L'afflux de migrants n'a pourtant rien d'une surprise. Les démographes nous ont prévenus depuis longtemps: le XXIe siècle sera celui d'un grand brassage. Les différences de niveau de vie, le vieillissement, les luttes pour attirer les talents vont venir forcer les portes, tant les offres que les demandes d'immigration vont fortement grossir. Depuis 1990, le nombre de personnes vivant hors de leur pays de naissance a crû de 76%. S'y ajoutent, comme aujourd'hui, des guerres qui provoquent des afflux si brusques qu'incontrôlables et insupportables.

L'immigration apparaît «massive», mais ne l'est pas tant que cela. On compte 230 millions d'immigrés dans une population mondiale de 7,2 milliards, soit 3,2%. C'est peu. Quitter son pays était d'ailleurs, jusqu'ici, un comportement de pays du Nord (le peuplement de l'Amérique) et non du Sud, où les gens trop pauvres restaient prisonniers de leur village. Dans les pays du Nord, globalement plus riches, 11% des habitants en moyenne sont nés ailleurs contre seulement 1,5% au Sud.

Flux réorientés

Le XXIe siècle sera celui d'un grand brassage

De quoi demain sera-t-il fait? La population mondiale va augmenter de 1,1% par an pour atteindre 10 milliards en 2050, elle devrait atteindre un plateau dans un siècle. Mais les pays à explosions démographiques se raréfient; déjà la population en âge de travailler se contracte au Japon, en Russie, en Corée. L'Europe connaîtra cette attrition dans dix ans, la Chine dès 2020. L'Amérique latine à partir de 2045. Pour maintenir le financement de leur système social, les pays engagent des politiques d'attraction de diplômés ou de certains métiers, comme déjà l'Australie, le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne et désormais l'Allemagne. Les vieux pays en ont besoin. Comme Barack Obama et Angela Merkel nous le disent, l'immigration est bienvenue.

L'autre grande évolution récente vient du «grand basculement» issu de la mondialisation, à savoir le rapide développement des pays émergents. Il réduit et modifie les«besoins de partir» des populations pauvres. Les économistes ont observé un seuil de 9.000 dollars: dans les pays en deçà de ce niveau de revenu par tête, les populations émigrent, mais dès que le revenu dépasse ce seuil, elles restent. Puis, au-delà de 15.000 dollars, la balance migratoire s'inverse, le pays devient attirant. C'est le cas désormais de l'Angola, du Brésil, de la Côte d'Ivoire, de la Malaisie et de l'Afrique du Sud, qui deviennent des pôles d'attraction pour leur région. Dans le même temps, les pays qui se développent se mettent à conserver leurs propres populations, comme le Mexique ou la Turquie. Hier, grands pourvoyeurs de travailleurs pour les États-Unis et l'Allemagne, ces pays ont réorienté les départs en flux internes vers leurs propres grandes métropoles.

La géographie mondiale de l'immigration change vite: pour l'heure, la moitié des 164 millions d'immigrés du Sud sont au Nord, mais la proportion de ceux qui iront du Sud au Sud va croître, soulageant la pression sur le Nord.

Angoisse d’invasion relativisée

Tout cela devrait conduire à beaucoup relativiser l'angoisse d'invasion et, puisque l'immigration reste, somme toute, gérable, à mener des actions de long terme pour profiter de ses bienfaits et éloigner ses inconvénients. L'immigration vient du sous-développement et de la pauvreté.

L'immigration est la première des armes contre l'immigration

La liste de ces actions est longue, on en citera deux. La première est la mondialisation, parce qu'elle enrichit le Sud. C'est la contradiction des populistes protectionnistes: s'ils ne veulent pas des produits africains chez eux, ils auront les Africains qui frapperont aux portes.

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La seconde est un paradoxe. Les travailleurs immigrés envoient chez eux 550 milliards de dollars chaque année à leur famille restée au pays. Ces mandats («remittances» en anglais) représentent 2,5 fois l'ensemble des aides au développement, sous toutes les formes, que le Nord verse au Sud. Cette somme permet, tant bien que mal, de trouver de l'eau, de se nourrir, de s'éduquer, de se soigner pour un milliard de personnes, selon Peter Sutherland, représentant de l'ONU pour les migrations et le développement. La pauvreté évitée, beaucoup peuvent rester au pays.

L'immigration est la première des armes contre l'immigration. Il est temps d'ôter les masques de peur, de regarder les faits et d'en parler calmement.

Cet article a été initialement publié dans Les Échos.

Eric Le Boucher

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