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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Au Liban, le triste sort des « petits réfugiés » syriens

« Regardez mes mains, ce ne sont pas des mains d’enfant. Ce sont des mains de vieux », raconte un jeune réfugié syrien. Soha Boustani, de l’Unicef Liban, évoque cette conversation avec ce petit garçon au visage brûlé par le soleil, les mains abîmées par la récolte de pommes de terre et travaillant dans un champ de la plaine de la Bekaa, à la frontière syrienne, pour subvenir aux besoins de sa famille réfugiée dans le pays du Cèdre.

Comme lui, plus de 2 millions d’enfants syriens vivent en tant que réfugiés au Liban, en Turquie, en Jordanie et dans d’autres pays, selon les estimations de l’Unicef en 2015. Plus de quatre millions de Syriens sont réfugiés. Traumatisés par près de cinq ans de crise humanitaire, les enfants de la révolution syrienne sont souvent privés d’école et contraints de travailler.

« Ils rêvent d’une vie normale, mais savent qu’ils n’ont pas le choix », explique Mme Boustani. Beaucoup de familles dorment dans la rue ou dans des structures abandonnées (terrains vagues, immeubles inachevés, entrepôts désaffectés) et doivent payer un loyer malgré des conditions insalubres.

Au Liban, environ 35 % des réfugiés syriens enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sont installés dans la région de la Bekaa, proche de la frontière syrienne, mais la plupart vivent dans les zones urbaines. « A Beyrouth, ils sont partout dans la rue. Ils mendient et dorment par terre », décrit Gareth Richards, directeur de l’ONG CARE au Liban. « Les enfants arrivent au Liban exténués, choqués par la guerre. Leurs parents – s’ils sont encore vivants – espèrent trouver un avenir meilleur pour leurs enfants, mais les conditions sont très difficiles ici », déplore-t-il.

Lire aussi : Au Liban, le désespoir des réfugiés syriens

Capacités d’accueil limitées dans les écoles

Selon le HCR, 400 000 enfants réfugiés syriens sont en âge d’aller à l’école, mais seuls 106 000 ont été scolarisés en 2014, les capacités d’accueil étant dépassés. Au Liban, l’enseignement est obligatoire et gratuit pour tous les enfants de 6 à 14 ans, et le gouvernement a ouvert ses écoles publiques aux réfugiés.

Lors d’une réunion de coordination humanitaire, jeudi 3 septembre, il a été annoncé que les coûts de scolarisation des réfugiés syriens seront payés par l’Unicef, le HCR et le ministère de l’éducation libanais. Les capacités d’accueil sont cependant limitées à 140 000 places pour les enfants syriens pour cette année scolaire, avec une priorité donnée aux enfants déjà scolarisés en 2014.

« Nous n’avons pas les moyens de prendre en charge tous les enfants, auxquels s’ajoutent les coûts de transport ainsi que les fournitures », regrette Soha Boustani. Par ailleurs, la plupart des Syriens ont arrêté les études pendant la guerre et n’ont donc plus le niveau. « Des élèves de 12 ans se retrouvent avec des enfants de 8 ans », ajoute Mme Boustani. Les jeunes réfugiés ont également du mal à s’adapter au système scolaire libanais, où les matières les plus importantes sont enseignées en français ou en anglais.

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Lire aussi : 13 millions d’enfants privés de rentrée scolaire à cause des guerres au Moyen-Orient

Ainsi, beaucoup d’enfants syriens renoncent à poursuivre leurs études et trouvent du travail. Dans les rues de Beyrouth, les garçons cirent les chaussures, les petites filles vendent des roses ou des mouchoirs. D’autres œuvrent dans la construction, le commerce ou l’agriculture, en particulier dans la Bekaa.

« Dans les champs, les enfants travaillent pour deux à cinq euros pour une journée entière de labeur », indique Soha Boustani. « Le travail des enfants se développe car ils sont désespérés, obéissent et acceptent d’être exploités pour un salaire de misère », poursuit-elle. Dans la vallée de la Bekaa, les Syriens ont trouvé refuge dans des camps de fortunes. Mais les tentes ont un prix, que parfois seuls les enfants peuvent louer pour la nuit.

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Aide humanitaire insuffisante

Le Liban compte un réfugié pour cinq habitants, soit la plus grande concentration de réfugiés dans le monde. En janvier, le gouvernement a décidé de restreindre l’accès aux réfugiés à la frontière syrienne, en imposant des visas. Pour Gareth Richards, « c’est injuste de pointer le doigt uniquement vers le Liban. On ne peut pas laisser le pays seul face à ce fléau, la communauté internationale doit les aider ».

En 2015, des initiatives ont été prises à l’échelle mondiale. L’Union européenne a notamment créé le Fonds d’affectation spéciale pour lancer des programmes d’aide d’urgence d’un montant de 40 millions d’euros, afin de secourir jusqu’à 400 000 personnes au Liban, en Turquie, en Jordanie et en Irak. L’ancien premier ministre britannique et envoyé spécial des Nations unies pour l’éducation mondiale, Gordon Brown, a promis au Liban une collecte de 100 millions de dollars pour la scolarisation des enfants syriens du Liban.

Mais l’aide humanitaire est loin d’être suffisante. « L’ONU a fait un appel de dons de 4,5 milliards de dollars, mais nous n’avons reçu que 1,6 milliard. Comment voulez-vous qu’on fasse ? », s’inquiète Soha Boustani. Le manque de fonds ne permet pas de répondre à tous les besoins et d’assurer une protection maximale pour les enfants, c’est pourquoi beaucoup d’agences réduisent leur aide. « Cela a un impact direct sur les réfugiés, qui se retrouvent dans des conditions encore plus difficiles », prévient-elle, alors que le conflit syrien est entré dans sa cinquième année.

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  • Ghalia Kadiri


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