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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

THOMAS SANKARA

Thomas Sankara a légué aux générations futures la verve et l’énergie de l’espoir, l’emblème de la probité et la conscience historique de l’inaliénabilité de la lutte contre toutes oppressions.

A travers ce site, dédié au capitaine Thomas Sankara, nous essayons de mettre en place une plateforme regroupant tous les oeuvres (films, photos, discours, interviews, publications, livres et bien d’autres...)

Affaire Sankara : "La France vient de rater l’occasion de se disculper"

publié le mercredi 22 juillet 2015 sur http://www.afrik.com par Frédéric Schneider En refusant l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions de l’assassinat de l’ancien Président Thomas Sankara, la France a manqué l’occasion de se (...)

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Au Nom de Thomas Sankara

Publié dans L’Humanité le 23 juin 2015 Par Rosa Moussaoui Elle a dans le regard quelque chose de bienveillant. Mariam Sankara parle d’une voix douce, sûre, enveloppante. Elle est d’une élégance discrète, se tient très droite. Depuis bientôt trente ans, elle est debout. Sa (...)

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Burkina Faso : Sankara, Rabhi et l’agroécologie

publié sur http://www.jeuneafrique.com le 15/05/2015 par Benjamin Roger Dans les années 1980, le président du Faso croyait à l’autosuffisance alimentaire. Il avait demandé l’aide d’un Français encore peu connu qui rêvait, lui, de révolutionner le monde paysan. C’est (...)

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Le président de l’Assemblée nationale française, Claude Bartolone, s’oppose à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur l’assassinat de Thomas Sankara

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Sommaire La lettre de Claude Bartolone Deux membres du réseau « Justice pour Sankara justice pour l’Afrique » ont transmis à Claude Bartolone, ainsi qu’à tous les députés de l’Assemblée nationale, deux courriers, datés respectivement du 30 avril et du 5 mai 2015, l’un (...)

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Cadres burkinabè formés à Cuba : Des morts, des suicides, des sans-emplois… depuis 1992

Publié sur lefaso.net le dimanche 19 avril 2015 Par Bassératou KINDO Après 29 ans, des membres de l’Association de solidarité et d’amitié Burkina Faso-Cuba (ASA - BC) sortent de leur silence. Pour rappeler l’histoire du contingent des 600 élèves burkinabè envoyés en (...)

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Discours de Sankara devant l’assemblée générale de l’ONU le 4 octobre 1984 (texte intégral)

LA LIBERTÉ SE CONQUIERT

Le 4 octobre 1984, Sankara s’adresse à la Trente-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies. La source de son discours ci-après est une brochure distribuée par la représentation du Burkina Faso auprès des Nations Unies. Vous trouverez une version audio du discours à www.thomassankara.net/spip.php ?article1217

Monsieur le Président, Monsieur le secrétaire Général,

Honorables représentants de la Communauté internationale

Je viens en ces lieux vous apporter le salut fraternel d’un pays de 274000 km², où sept millions d’enfants, de femmes et d’hommes, refusent désormais de mourir d’ignorance, de faim, de soif, tout en n’arrivant pas à vivre véritablement depuis un quart de siècle d’existence comme Etat souverain, siégeant à l’ONU.

Je viens à cette Trente-neuvième session vous parler au nom d’un peuple qui, sur la terre de ses ancêtres, a choisi, dorénavant de s’affirmer et d’assumer son histoire, dans ses aspects positifs, comme dans ses aspects négatifs, sans complexe aucun.

Je viens enfin, mandaté par le Conseil National de la Révolution (CNR) du Burkina Faso, pour exprimer les vues de mon peuple concernant les problèmes inscrits à l’ordre du jour, et qui constituent la trame tragique des évènements qui fissurent douloureusement les fondements du monde en cette fin du vingtième siècle. Un monde où l’humanité est transformée en cirque, déchirée par les luttes entre les grands et les semi-grands, battue par les bandes armées, soumise aux violences et aux pillages. Un monde où des nations, se soustrayant à la juridiction internationale, commandent des groupes hors-la-loi, vivant de rapines, et organisant d’ignobles trafics, le fusil à la main.

Monsieur le Président

Je n’ai pas ici la prétention d’énoncer des dogmes. Je ne suis ni un messie ni un prophète. Je ne détiens aucune vérité. Ma seule ambition est une double aspiration : premièrement, pouvoir, en langage simple, celui de l’évidence et de la clarté, parler au nom de mon peuple, le peuple du Burkina Faso ; deuxièmement, parvenir à exprimer aussi, à ma manière, la parole du "Grand peuple des déshérités", ceux qui appartiennent à ce monde qu’on a malicieusement baptisé Tiers Monde. Et dire, même si je n’arrive pas à les faire comprendre, les raisons que nous avons de nous révolter.

Tout cela dénote de l’intérêt que nous portons à l’ONU, les exigences de nos droits y prenant une vigueur et la rigueur de la claire conscience de nos devoirs.

Nul ne s’étonnera de nous voir associer l’ex Haute-Volta, aujourd’hui le Burkina Faso, à ce fourre-tout méprisé, le Tiers Monde, que les autres mondes ont inventé au moment des indépendances formelles pour mieux assurer notre aliénation culturelle, économique et politique. Nous voulons nous y insérer sans pour autant justifier cette gigantesque escroquerie de l’Histoire. Encore moins pour accepter d’être "l’arrière monde d’un Occident repu". Mais pour affirmer la conscience d’appartenir à un ensemble tricontinental et admettre, en tant que non-alignés, et avec la densité de nos convictions, qu’une solidarité spéciale unit ces trois continents d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique dans un même combat contre les mêmes trafiquants politiques, les mêmes exploiteurs économiques.

Reconnaître donc notre présence au sein du Tiers Monde c’est, pour paraphraser José Marti, "affirmer que nous sentons sur notre joue tout coup donné à n’importe quel homme du monde". Nous avons jusqu’ici tendu l’autre joue. Les gifles ont redoublées. Mais le cœur du méchant ne s’est pas attendri. Ils ont piétiné la vérité du juste. Du Christ ils ont trahi la parole. Ils ont transformé sa croix en massue. Et après qu’ils se soient revêtus de sa tunique, ils ont lacéré nos corps et nos âmes. Ils ont obscurci son message. Ils l’ont occidentalisé cependant que nous le recevions comme libération universelle. Alors, nos yeux se sont ouverts à la lutte des classes. Il n’y aura plus de gifles.

Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture.

Du reste, tous les nouveaux "maîtres-à-penser" sortant de leur sommeil, réveillés par la montée vertigineuse de milliards d’hommes en haillons, effrayés par la menace que fait peser sur leur digestion cette multitude traquée par la faim, commencent à remodeler leurs discours et, dans une quête anxieuse, recherchent une fois de plus en nos lieu et place, des concepts-miracles, de nouvelles formes de développement pour nos pays. Il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux actes des innombrables colloques et séminaires.

Loin de moi l’idée de tourner en ridicule les efforts patients de ces intellectuels honnêtes qui, parce qu’ils ont des yeux pour voir, découvrent les terribles conséquences des ravages imposés par lesdits "spécialistes" en développement dans le Tiers Monde. La crainte qui m’habite c’est de voir les résultats de tant d’énergies confisquées par les Prospéro de tout genre pour en faire la baguette magique destinée à nous renvoyer à un monde d’esclavage maquillé au goût de notre temps.

Cette crainte se justifie d’autant plus que la petite bourgeoisie africaine diplômée, sinon celle du Tiers Monde, soit par paresse intellectuelle, soit plus simplement parce qu’ayant goûté au mode de vie occidental, n’est pas prête à renoncer à ses privilèges. De ce fait, elle oublie que toute vraie lutte politique postule un débat théorique rigoureux et elle refuse l’effort de réflexion qui nous attend. Consommatrice passive et lamentable, elle se regorge de vocables fétichisés par l’Occident comme elle le fait de son whisky et de son champagne, dans ses salons à l’harmonie douteuse.

On recherchera en vain depuis les concepts de négritude ou d’"African Personality" marqués maintenant par les temps, des idées vraiment neuves issues des cerveaux de nos "grands" intellectuels. Le vocabulaire et les idées nous viennent d’ailleurs. Nos professeurs, nos ingénieurs et nos économistes se contentent d’y adjoindre des colorants parce que, des universités européennes dont ils sont les produits, ils n’ont ramené souvent que leurs diplômes et le velours des adjectifs ou des superlatifs.

Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui, le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité. Il faut, avant qu’il ne soit trop tard, car il est déjà trop tard, que ces élites, ces hommes de l’Afrique, du Tiers Monde, reviennent à eux-mêmes, c’est-à-dire à leur société, à la misère dont nous avons hérité pour comprendre non seulement que la bataille pour une pensée au service des masses déshéritées n’est pas vaine, mais qu’ils peuvent devenir crédibles sur le plan international, qu’en inventant réellement, c’est-à-dire, en donnant de leurs peuples une image fidèle. Une image qui leur permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos Etats à la seule perspective de la faillite.

C’est ce que nous avons perçu, nous, peuple burkinabè, au cours de cette nuit du 4 août 1983, aux premiers scintillements des étoiles dans le ciel de notre Patrie. Il nous fallait prendre la tête des jacqueries qui s’annonçaient dans les campagnes affolées par l’avancée du désert, épuisées par la faim et la soif et délaissées. Il nous fallait donner un sens aux révoltes grondantes des masses urbaines désoeuvrées, frustrées et fatiguées de voir circuler les limousines des élites aliénées qui se succédaient à la tête de l’Etat et qui ne leur offraient rien d’autre que les fausses solutions pensées et conçues par les cerveaux des autres. Il nous fallait donner une âme idéologique aux justes luttes de nos masses populaires mobilisées contre l’impérialisme monstrueux. A la révolte passagère, simple feu de paille, devait se substituer pour toujours la révolution, lutte éternelle contre la domination.

D’autres avant moi ont dit, d’autres après moi diront à quel point s’est élargi le fossé entre les peuples nantis et ceux qui n’aspirent qu’à manger à leur faim, boire à leur soif, survivre et conserver leur dignité. Mais nul n’imaginera à quel point " le grain du pauvre a nourri chez nous la vache du riche".

Dans le cas de l’ex Haute Volta, le processus était encore plus exemplaire. Nous étions la condensation magique, le raccourci de toutes les calamités qui ont fondu sur les pays dits "en voie de développement". Le témoignage de l’aide présentée comme la panacée et souvent trompetée, sans rime ni raison, est ici éloquent. Très peu sont les pays qui ont été comme le mien inondés d’aides de toutes sortes. Cette aide est en principe censée œuvrer au développement. On cherchera en vain dans ce qui fut autrefois la Haute-Volta, les singes de ce qui peut relever d’un développement. Les hommes en place, soit par naïveté, soit par égoïsme de classe, n’ont pas pu on n’ont pas voulu maîtriser cet afflux extérieur, en saisir la portée et exprimer des exigences dans l’intérêt de notre peuple.

Analysant un tableau publié en 1983 par le Club du Sahel, Jacques Giri dans son ouvrage "Le Sahel Demain", conclut avec beaucoup de bon sens que l’aide au Sahel, à cause de son contenu et des mécanismes en place, n’est qu’une aide à la survie. Seuls, souligne-t-il, 30 pour cent de cette aide permet simplement au Sahel de vivre. Selon Jacques Giri, cette aide extérieure n’aurait d’autres buts que de continuer à développer les secteurs improductifs, imposant des charges intolérables à nos petits budgets, désorganisant nos campagnes, creusant les déficits de notre balance commerciale, accélérant notre endettement.

Juste quelques clichés pour présenter l’ex Haute-Volta :

  • 7 millions d’habitants, avec plus de 6 millions de paysannes et de paysans
  • Un taux de mortalité infantile estimé à 180 pour mille
  • Une espérance de vie se limitant à 40 ans
  • Un taux d’analphabétisme allant jusqu’à 98 pour cent, si nous concevons l’alphabétisé comme celui qui sait lire, écrire et parler une langue.
  • Un médecin pour 50000 habitants
  • Un taux de scolarisation de 16 pour cent
  • et enfin un produit intérieur brut par tête d’habitant de 53356 francs CFA soit à peine plus de 100 dollars.

Le diagnostic à l’évidence, était sombre. La source du mal était politique. Le traitement ne pouvait qu’être politique.

Certes nous encourageons l’aide qui nous aide à nous passer de l’aide. Mais en général, la politique d’assistance et d’aide n’a abouti qu’à nous désorganiser, à nous asservir, à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel.

Nous avons choisi de risquer de nouvelles voies pour être plus heureux. Nous avons choisi de mettre en place de nouvelles techniques.

Nous avons choisi de rechercher des formes d’organisation mieux adaptées à notre civilisation, rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs, pour créer ainsi les conditions d’une dignité à la hauteur de nos ambitions. Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance. Tel est notre programme politique.

Au plan de la gestion économique, nous apprenons à vivre simplement, à accepter et à nous imposer l’austérité afin d’être à même de réaliser de grands desseins.

Déjà, grâce à l’exemple de la Caisse de solidarité nationale, alimentée par des contributions volontaires, nous commençons à répondre aux cruelles questions posées par la sécheresse. Nous avons soutenu et appliqué les principes d’Alma-Ata en élargissant le champ des soins de santé primaires. Nous avons fait nôtre, comme politique d’Etat, la stratégie du GOBI FFF, préconisée par l’UNICEF.

Par l’intermédiaire de l’Office du Sahel des Nations Unies (OSNU), nous pensons que les Nations unies devraient permettre aux pays touchés par la sécheresse la mise sur pied d’un plan moyen et long termes afin de parvenir à l’autosuffisance alimentaire.

Pour préparer le vingt et unième siècle, nous avons, par la création d’une tranche spéciale de la Tombola, "Instruisons nos enfants", lancé une campagne immense pour l’éducation et la formation de nos enfants dans une école nouvelle. Nous avons lancé à travers l’action salvatrice des Comités de Défense de la Révolution un vaste programme de construction de logements sociaux, 500 en trois mois, de routes, de petites retenues d’eau etc… Notre ambition économique est d’œuvrer pour que le cerveau et les bras de chaque burkinabè puissent au moins lui servir à inventer et à créer de quoi s’assurer deux repas par jour et de l’eau potable.

Nous jurons, nous proclamons, que désormais au Burkina Faso, plus rien ne se fera sans la participation des burkinabè. Rien qui n’ait été au préalable décidé par nous, élaboré par nous. Il n’y aura plus d’attentat à notre pudeur et à notre dignité.

Forts de cette certitude, nous voudrions que notre parole s’élargisse à tous ceux qui souffrent dans leur chair, tous ceux qui sont bafoués dans leur dignité d’homme par un minorité d’hommes ou par un système qui les écrase.

Permettez, vous qui m’écoutez, que je le dise : je ne parle pas seulement au nom du Burkina Faso tant aimé mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part.

Je parle au nom de ces millions d’êtres qui sont dans les ghettos parce qu’ils ont la peau noire ou qu’ils sont de culture différente et bénéficient d’un statut à peine supérieur à celui d’un animal.

Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur.

Je m’exclame au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis.

Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier, nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabè. En retour, nous donnons en partage à tous les pays, l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil de l’État et de la vie sociale au Burkina Faso. Des femmes qui luttent et proclament avec nous, que l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.

Je parle au nom des mères de nos pays démunis, qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l’OMS et l’UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.

Je parle aussi au nom de l’enfant. L’enfant du pauvre, qui a faim et qui louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une vitre épaisse. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier, placé là par le père d’un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que représentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système.

Je parle au nom des artistes (poètes, peintres, sculpteur, musiciens, acteurs), hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations de show-business.

Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge pour ne pas subir les dures lois du chômage.

Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage modernes.

Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim.

Militaire, je ne peux oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente, et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort.

Enfin, je veux m’indigner en pensant aux Palestiniens qu’une humanité inhumaine a choisi de substituer à un autre peuple, hier encore martyrisé. Je pense à ce vaillant peuple palestinien, c’est-à-dire à ces familles atomisées errant de par le monde en quête d’un asile. Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine la nécessité et l’obligation morale de respecter les droits d’un peuple : avec leurs frères juifs, ils sont antisionistes.

Aux côtés de mes frères soldats de l’Iran et de l’Irak, qui meurent dans une guerre fratricide et suicidaire, je veux également me sentir proche des camarades du Nicaragua dont les ports sont minés, les villes bombardées et qui, malgré tout, affrontent avec courage et lucidité leur destin. Je souffre avec tous ceux qui, en Amérique latine, souffrent de la mainmise impérialiste.

Je veux être aux côtés des peuples afghan et irlandais, aux côtés des peuples de Grenade et de Timor Oriental, chacun à la recherche d’un bonheur dicté par la dignité et les lois de sa culture.

Je m’élève ici au nom des tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération réellement. Sur cette tribune beaucoup m’ont précédé, d’autres viendront après moi. Mais seuls quelques uns feront la décision. Pourtant nous sommes officiellement présentés comme égaux. Eh bien, je me fais le porte voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde, ils peuvent se faire entendre. Oui je veux donc parler au nom de tous les "laissés pour compte" parce que "je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger".

Notre révolution au Burkina Faso est ouverte aux malheurs de tous les peuples. Elle s’inspire aussi de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’Humanité. Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du Tiers Monde. Nous sommes à l’écoute des grands bouleversements qui ont transformé le monde. Nous tirons des leçons de la révolution américaine, les leçons de sa victoire contre la domination coloniale et les conséquences de cette victoire. Nous faisons nôtre l’affirmation de la doctrine de la non-ingérence des Européens dans les affaires américaines et des Américains dans les affaires européennes. Ce que Monroe clamait en 1823, « L’Amérique aux Américains », nous le reprenons en disant « l’Afrique aux Africains », « Le Burkina aux Burkinabè ». La Révolution française de 1789, bouleversant les fondements de l’absolutisme, nous a enseigné les droits de l’homme alliés aux droits des peuples à la liberté. La grande révolution d’octobre 1917 a transformé le monde, permis la victoire du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu possible les rêves de justice de la Commune française.

Ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant aussi de certains terribles échecs qui ont conduits à de tragiques manquements aux droits de l’homme, nous ne voulons conserver de chaque révolution, que le noyau de pureté qui nous interdit de nous inféoder aux réalités des autres, même si par la pensée, nous nous retrouvons dans une communauté d’intérêts.

Monsieur les Président,

Il n’y a plus de duperie possible. Le Nouvel Ordre Economique Mondial pour lequel nous luttons et continuerons à lutter, ne peut se réaliser que :

  • si nous parvenons à ruiner l’ancien ordre qui nous ignore,
  • si nous imposons la place qui nous revient dans l’organisation politique du monde,
  • si, prenant conscience de notre importance dans le monde, nous obtenons un droit de regard et de décision sur les mécanismes qui régissent le commerce, l’économie et la monnaie à l’échelle planétaire.

Le Nouvel Ordre Economique international s’inscrit tout simplement, à côté de tous les autres droits des peuples, droit à l’indépendance, au libre choix des formes et de structures de gouvernement, comme le droit au développement. Et comme tous les droits des peuples, il s’arrache dans la lutte et par la lutte des peuples. Il ne sera jamais le résultat d’un acte de la générosité d’une puissance quelconque.

Je conserve en moi la confiance inébranlable, confiance partagée avec l’immense communauté des pays non-alignés, que sous les coups de boutoir de la détresse hurlante de nos peuples, notre groupe va maintenir sa cohésion, renforcer son pouvoir de négociation collective, se trouver des alliés parmi les nations et commencer, de concert avec ceux qu peuvent encore nous entendrez, l’organisation d’un système de relations économiques internationales véritablement nouveau.

Monsieur le Président,

Si j’ai accepté de me présenter devant cette illustre assemblée pour y prendre la parole, c’est parce que malgré les critiques qui lui sont adressées par certains grands contributeurs, les Nations Unies demeurent la tribune idéale pour nos revendications, le lieu obligé de la légitimité des pays sans voix.

C’est cela qu’exprime avec beaucoup de justesse notre Secrétaire général lorsqu’il écrit : "L’organisation des Nations Unies est unique en ce qu’elle reflète les aspirations et les frustrations de nombreux pays et gouvernements du monde entier. Un de ses grands mérites est que toutes les Nations, y compris celles qui sont faibles, opprimées ou victimes de l’injustice, (il s’agit de nous), peuvent, même lorsqu’elles sont confrontées aux dures réalités du pouvoir, y trouver une tribune et s’y faire entendre. Une cause juste, même si elle ne rencontre que revers ou indifférence, peut trouver un écho à l’Organisation des Nations Unies ; cet attribut de l’Organisation n’est pas toujours prisé, mais il n’en est pas moins essentiel".

On ne peut mieux définir le sens et la portée de l’Organisation.

Aussi est-il, pour chacun de nous, un impératif catégorique de consolider les assises de notre Organisation, de lui donner les moyens de son action. Nous adoptons en conséquence, les propositions faîtes à cette fin par le Secrétaire Général, pour sortir l’Organisation des nombreuses impasses, soigneusement entretenues par le jeu des grandes puissances afin de la discréditer aux yeux de l’opinion publique.

Monsieur le Président,

Reconnaissant les mérites mêmes limités de notre Organisation, je ne peux que me réjouir de la voir compter de nouveaux adhérents. C’est pourquoi la délégation burkinabè salue l’entrée du 159ème membre de notre Organisation : l’Etat du Brunei Daressalam.

C’est la déraison de ceux entre les mains desquelles la direction du monde es tombée par le hasard des choses qui fait l’obligation au Mouvement des pays non alignés, auquel je l’espère, se joindra bientôt l’Etat du Brunei Darussalam, de considérer comme un des objectifs permanents de sa lutte, le combat pour le désarmement qui est un des aspects essentiels et une condition première de notre droit au développement.

Il faut, à notre avis des études sérieuses prenant en compte tous les éléments qui ont conduit aux calamités qui ont fondu sur le monde. A ce titre, le Président Fidel Castro en 1979, a admirablement exprimé notre point de vue à l’ouverture du sixième sommet des Pays non alignés lorsqu’il déclarait : "Avec 300 milliards de dollars, on pourrait construire en un an 600000 écoles pouvant recevoir 400 millions d’enfants ; ou 60 millions de logements confortables pour 300 millions de personnes ; ou 30000 hôpitaux équipés de 18 millions de lits ; ou 20000 usines pouvant employer plus de 20 millions de travailleurs ou irriguer 150 millions d’hectares de terre qui, avec les moyens techniques adéquats pourraient alimenter un milliard de personnes…"

En multipliant aujourd’hui ce chiffre par 10, je suis certainement en deçà de la réalité, on réalise ce que l’Humanité gaspille tous les ans dans le domaine militaire, c’est-à-dire contre la paix.

On perçoit aisément pourquoi l’indignation des peuples se transforme rapidement en révolte et en révolution devant les miettes qu’on leur jette sous la forme ignominieuse d’une certaine "aide", assortie de conditions parfois franchement abjectes. On comprend enfin pourquoi dans le combat pour le développement, nous nous désignons comme des militants inlassables de la paix.

Nous faisons le serment de lutter pour atténuer les tensions, introduire les principes d’une vie civilisée dans les relations internationales et les étendre à toutes les parties du monde. Ce qui revient à dire que nous ne pouvons assister passifs, au trafic des concepts.

Nous réitérons notre résolution d’être des agents actifs de la paix ; de tenir notre place dans le combat pour le désarmement ; d’agir enfin dans la politique internationale comme le facteur décisif, libéré de toute entrave vis-à-vis de toutes les grandes puissances, quels que soient les projets de ces dernières.

Mais la recherche de la paix va de pair avec l’application ferme du droit des pays à l’indépendance, des peuples à la liberté et des nations à l’existence autonome. Sur ce point, le palmarès le plus pitoyable, le plus lamentable _ oui, le plus lamentable_ est détenu au Moyen Orient en termes d’arrogance, d’insolence et d’incroyable entêtement par un petit pays, Israël, qui, depuis, plus de vingt ans, avec l’inqualifiable complicité de son puissant protecteur les Etats-Unis, continue à défier la communauté internationale.

Au mépris d’une histoire qui hier encore, désignait chaque Juif à l’horreur des fours crématoires, Israël en arrive à infliger à d’autres ce qui fut son propre calvaire. En tout état de cause, Israël dont nous aimons le peuple pour son courage et ses sacrifices d’hier, doit savoir que les conditions de sa propre quiétude ne résident pas dans sa puissance militaire financée de l’extérieur. Israël doit commencer à apprendre à devenir une nation comme les autres, parmi les autres.

Pour l’heure, nous tenons à affirmer du haut de cette tribune, notre solidarité militante et agissante à l’endroit des combattants, femmes et hommes, de ce peuple merveilleux de la Palestine parce que nous savons qu’il n’y a pas de souffrance sans fin.

Monsieur, le Président,

Analysant la situation qui prévaut en Afrique sur les plans économique et politique, nous ne pouvons pas ne pas souligner les graves préoccupations qui sont les nôtres, face aux dangereux défis lancés aux droits des peuples par certaines nations qui, sûres de leurs alliances, bafouent ouvertement la morale internationale.

Certes, nous avons le droit de nous réjouir de la décision de retrait des troupes étrangères au Tchad, afin que le Tchadiens entre eux, sans intermédiaire, cherchent les moyens de mettre fin à cette guerre fratricide, et donner enfin à ce peuple qui n’en finit pas de pleurer depuis de nombreux hivernages, les moyens de sécher ses larmes. Mais, malgré les progrès enregistrés çà et là par les peuples africains dans leur lutte pour l’émancipation économique, notre continent continue de refléter la réalité essentielle des contradictions entre les grandes puissances, de charrier les insupportables apories du monde contemporain.

C’est pourquoi nous tenons pour inadmissible et condamnons sans recours, le sort fait au peuple du Sahara Occidental par le Royaume du Maroc qui se livre à des méthodes dilatoires pour retarder l’échéance qui, de toute façon, lui sera imposée par la volonté du peuple sahraoui. Pour avoir visité personnellement les régions libérées par le peuple sahraoui, j’ai acquis la confirmation que plus rien désormais ne saurait entraver sa marche vers la libération totale de son pays, sous la conduite et éclairée du Front Polisario.

Monsieur le Président,

Je ne voudrais pas trop m’étendre sur la question de Mayotte et des îles de l’Archipel malgache. Lorsque les choses sont claires, lorsque les principes sont évidents, point n’est besoin d’élaborer. Mayotte appartient aux Comores. Les îles de l’archipel sont malgaches.

En Amérique Latine, nous saluons l’initiative du Groupe de Contadora, qui constitue une étape positive dans la recherche d’une solution juste à la situation explosive qui y prévaut. Le commandant Daniel Ortega, au nom du peuple révolutionnaire du Nicaragua a fait ici des propositions concrètes et posé des questions de fond à qui de droit. Nous attendons de voir la paix s’installer dans son pays et en Amérique Centrale, le 15 octobre prochain et après le 15 octobre et nous prenons à témoin l’opinion publique mondiale.

De même que nous avons condamné l’agression étrangère de l’île de Grenade, de même nous fustigeons toutes les interventions étrangères. C’est ainsi que nous ne pouvons pas nous taire face à l’intervention militaire en Afghanistan.

Il est cependant un point, mais dont la gravité exige de chacun de nous une explication franche et décisive. Cette question, vous vous en doutez, ne peut qu’être celle de l’Afrique du Sud. L’incroyable insolence de ce pays à l’égard de toutes les nations du monde, même vis-à-vis de celles qui soutiennent le terrorisme qu’il érige en système pour liquider physiquement la majorité noire de ce pays, le mépris qu’il adopte à l’égard de toutes nos résolutions, constituent l’une des préoccupations les plus oppressantes du monde contemporain.

Mais le plus tragique, n’est pas que l’Afrique du Sud se soit elle-même mise au banc de la communauté internationale à cause de l’abjection des lois de l’apartheid, encore moins qu’elle continue de maintenir illégalement la Namibie sous la botte colonialiste et raciste, ou de soumettre impunément ses voisins aux lois du banditisme. Non, le plus abject, le plus humiliant pour la conscience humaine, c’est qu’elle soit parvenue à "banaliser" le malheur de millions d’êtres humains qui n’ont pour se défendre que leur poitrine et l’héroïsme de leurs mains nues. Sûre de la complicité des grandes puissances et de l’engagement actif de certaines d’entre elles à ses côtés, ainsi que de la criminelle collaboration de quelques tristes dirigeants de pays africains, la minorité blanche ne se gêne pas pour ridiculiser les états d’âme de tous les peuples, qui, partout à travers le monde, trouvent intolérable la sauvagerie des méthodes en usage dans ce pays.

Il fut un temps où les brigades internationales se constituaient pour aller défendre l’honneur des nations agressées dans leur dignité. Aujourd’hui, malgré la purulence des plaies que nous portons tous à nos flancs, nous allons voter des résolutions dont les seules vertus, nous dira-t-on, seraient de conduire à résipiscence une Nation de corsaires qui "détruit le sourire comme la grêle tue les fleurs".

Monsieur le Président,

Nous allons bientôt fêter le cent cinquantième anniversaire de l’émancipation des esclaves de l’Empire britannique. Ma délégation souscrit à la proposition des pays d’Antigua et de la Barbade de commémorer avec éclat cet événement qui revêt, pour les pays africains et le monde noir, une signification d’une très grande importance. Pour nous, tout ce qui pourra être fait, dit ou organisé à travers le monde au cours des cérémonies commémoratives devra mettre l’accent sur le terrible écot payé par l’Afrique et le monde noir, au développement de la civilisation humaine. Ecot payé sans retour et qui explique, sans aucun doute, les raisons de la tragédie d’aujourd’hui sur notre continent.

C’est notre sang qui a nourri l’essor du capitalisme, rendu possible notre dépendance présente et consolidé notre sous-développement. On ne peut plus escamoter la vérité, trafiquer les chiffres. Pour chaque Nègre parvenu dans les plantations, cinq au moins connurent la mort ou la mutilation. Et j’omets à dessein, la désorganisation du continent et les séquelles qui s’en sont suivies.

Monsieur le Président,

Si la terre entière, grâce à vous, avec l’aide du Secrétaire Général, parvient à l’occasion de cet anniversaire à se convaincre de cette vérité-là, elle comprendra pourquoi, avec toute la tension de notre être, nous voulons la paix entre les nations, pourquoi nous exigeons et réclamons notre droit au développement dans l’égalité absolue, par une organisation et une répartition des ressources humaines.

C’est parce que de toutes les races humaines, nous appartenons à celles qui ont le plus souffert, que nous nous sommes jurés, nous burkinabè, de ne plus jamais accepter sur la moindre parcelle de cette terre, le moindre déni de justice. C’est le souvenir de la souffrance qui nous place aux côtés de l’OLP contre les bandes armées d’Israël. C’est le souvenir de cette souffrance qui, d’une part, nous fait soutenir l’ANC et la SWAPO, et d’autre part, nous rend intolérable la présence en Afrique du Sud des hommes qui se disent blancs et qui brûlent le monde à ce titre. C’est enfin ce même souvenir qui nous fait placer l’Organisation des Nations Unies toute notre foi dans un devoir commun, dans un tâche commune pour un espoir commun.

Nous réclamons :

  • Que s’intensifie à travers le monde la campagne pour la libération de Nelson Mandela et sa présence effective à la prochaine Assemblée générale de l’ONU comme une victoire de fierté collective.
  • Que soit créé en souvenir de nos souffrances et au titre de pardon collectif un Prix international de l’Humanité réconciliée, décerné à tous ceux qui par leur recherche auraient contribué à la défense des droits de l’homme.
  • Que tous les budgets de recherches spatiales soient amputés de 1/10000e et consacrés à des recherches dans le domaine de la santé et visant à la reconstitution de l’environnement humain perturbé par tous ces feux d’artifices nuisibles à l’écosystème

Nous proposons également que les structures des Nations Unies soient repensées et que soit mis fin à ce scandale que constitue le droit de veto. Bien sûr, les effets pervers de son usage abusif sont atténués par la vigilance de certains de ses détenteurs. Cependant, rien ne justifie ce droit : ni la taille des pays qui le détiennent ni les richesses de ces derniers.

Si l’argument développé pour justifier une telle iniquité est le prix payé au cours de la guerre mondiale, que ces nations, qui se sont arrogé ces droits, sachent que nous aussi nous avons chacun un oncle ou un père qui, à l’instar de milliers d’autres innocents arrachés au Tiers Monde pour défendre les droits bafoués par les hordes hitlériennes, porte lui aussi dans sa chair les meurtrissures des balles nazies. Que cesse donc l’arrogance des grands qui ne perdent aucune occasion pour remettre en cause le droit des peuples. L’absence de l’Afrique du Club de ceux qui détiennent le droit de veto est une injustice qui doit cesser.

Enfin ma délégation n’aurait pas accompli tous ses devoirs si elle n’exigeait pas la suspension d’Israël et le dégagement pur et simple de l’Afrique du Sud de notre organisation. Lorsque, à la faveur du temps, ces pays auront opéré la mutation qui les introduira dans la Communauté internationale, chacun de nous nous, et mon pays en tête, devra les accueillir avec bonté, guider leur premier pas.

Nous tenons à réaffirmer notre confiance en l’Organisation des Nations Unies. Nous lui sommes redevables du travail fourni par ses agences au Burkina Faso et de la présence de ces dernières à nos côtés dans les durs moments que nous t traversons.

Nous sommes reconnaissants aux membres du Conseil de Sécurité de nous avoir permis de présider deux fois cette année les travaux du Conseil. Souhaitons seulement voir le Conseil admettre et appliquer le principe de la lutte contre l’extermination de 30 millions d’êtres humains chaque année, par l’arme de la faim qui, de nos jours, fait plus de ravages que l’arme nucléaire.

Cette confiance et cette foi en l’Organisation me fait obligation de remercier le Secrétaire général, M. Xavier Pérez de Cuellar, de la visite tant appréciée qu’il nous a faite pour constater, sur le terrain, les dures réalités de notre existence et se donner une image fidèle de l’aridité du Sahel et la tragédie du désert conquérant.

Je ne saurai terminer sans rendre hommage aux éminentes qualités de notre Président (Paul Lusaka de Zambie) qui saura, avec la clairvoyance que nous lui connaissons, diriger les travaux de cette Trente-neuvième session.

Monsieur le Président,

J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu pour demander à chacun de vous que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison, pour que s’efface le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes et qu’enfin, avec une seule et même volonté, luttant pour la survie de l’Humanité, nous parvenions à chanter en chœur avec le grand poète Novalis :

"Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassement ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout brûleront à nouveau les flammes de la vie, le vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie".

A bas la réaction internationale !

A bas l’impérialisme !

A bas le néocolonialisme !

A bas le fantochisme !

Gloire éternelle aux peuples qui luttent pour leur liberté !

Gloire éternelle aux peuples qui décident de s’assumer pour leur dignité !

Victoire éternelle aux peuples d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie qui luttent !

La Patrie ou la mort, nous vaincrons !

Je vous remercie.

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Nous publions un article qui rapport de nombreuses anecdotes à propos de Thomas Sankara, de son entourage pour appuyer la thèse de l’auteur sur les raisons de son assassinat. Devant notre surprise devant certains d’entre eux, nous avons pensé utile de demander à Fidèle Toe, proche ami de Thomas Sankara depuis l’adolescence et ministre pendant la révolution, de réagir à cet article. Sa réponse de trouve donc à la suite de l’article.
Pour compléter votre information nous vous invitons aussi à lire l’article intitulé "Ce que l’on sait sur l’assassinat de Thomas Sankara" à l’adressethomassankara.net/spip.php ?article
805.

La rédaction

Burkina Faso L’assassinat de Thomas Sankara

Narcisse Kimfado

« Lorsque nous avons appris que Monsieur François Mitterrand allait fouler le sol du Burkina Faso, nous nous sommes dit que si le raisonnement nous écartait l’élégance des propos, le sens aussi du noble combat, je veux parler des joutes oratoires, saurait nous rapprocher tant nous apprécions ceux chez qui le discours s’éloigne du négoce, des tractations, des combines, et des magouilles.... Monsieur le Président, parlant de la coopération entre la France et le Tiers-Monde, mais principalement celle entre la France et le Burkina Faso, je voudrais vous dire que nous accueillons à bras ouverts tous ceux qui passant par là, acceptent de venir contribuer avec nous à la réussite de ce vaste chantier qu’est le Burkina Faso. En ce sens, la France sera toujours la bienvenue pour nous. Elle sera la bienvenue dans des formes qu’il nous convient d’imaginer. Plus souples. Et qui rapprochent davantage Français et Burkinabé. Nous ne demandons pas comme cela a été le cas déjà, que des autorités françaises s’accoquinent avec des autorités burkinabé, africaines. Et que seulement quelques années plus tard, l’opinion française à travers sa presse, se répande en condamnations de ce qu’elle appelait aide, mais qui n’était que calvaire et supplice pour les peuples... ». Isidore Noël Thomas Sankara Président fondateur du Conseil national de la révolution (CNR), 2ème Secrétaire général du Haut commandement de la jeunesse africaine Président du Faso assassiné le 15 Octobre 1987

« ...hummmmm.... C’est un accident... Sankara est un révolutionnaire qui s’est trompé ». Blaise Compaoré Président fondateur de la mafia ouest-africaine Futur prisonnier du TSSL Commanditaire avec d’autres de l’assassinat de 465.000 Ouest-Africains Actuel président du Faso.

Duel des duels, feu le président du Faso, le camarade Thomas Sankara, a affronté jusqu’au bout la Françafrique, ses bandits, ses criminels et son président d’alors, le Français François Mitterrand. Le dernier acte de cette guerre secrète eut lieu les 17 et 18 novembre 1986, à Ouagadougou (lire citation ci-dessus). Il sera le détonateur direct de son assassinat le 15 octobre 1987. Le président François Mitterrand a-t-il décrété l’assassinat de Sankara ? Feu le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny a-t-il donné de son côté le feu vert à cette opération ? L’intervention des autorités togolaises a-t-elle précipité sa chute ? L’assassinat de Thomas Sankara était-il l’œuvre de Blaise Compaoré, de Gilbert Diendéré, de Salif Diallo et du grand criminel de tous les temps Yacinthe Kafando, le vrai tueur de Sankara, celui qui l’acheva de deux balles sur le front ? Blaise Compaoré et ses complices n’ont-il pas violé les droits relatifs aux prisonniers de guerre en exécutant quelques minutes après la mort de Sankara, tous ses gardes du corps et collaborateurs qui étaient avec lui dans la Villa « Haute Volta » du Conseil de l’Entente ? Dans tous les cas, au-delà des intrigues géopolitiques et stratégiques, Blaise Compaoré est le seul responsable de l’assassinat de Sankara.

En effet, quand Blaise Compaoré affirme aujourd’hui que l’assassinat de Sankara est un accident, il ment tout simplement. Il savait bien depuis ce 15 janvier 1985 où il avait rencontré au sulfureux banquet du président ivoirien, Chantal Terrasson de Fougères, ce qu’il devait faire : tuer (faire tuer) l’ex-deuxième secrétaire général du Haut commandement de la jeunesse africaine Thomas Sankara.

Aussitôt, après son retour à Ouagadougou, Blaise Compaoré n’obéit qu’à sa future épouse Chantal et au président ivoirien Félix Houphouët Boigny. Cette relation amoureuse marquée par de nombreux voyages hebdomadaires de Chantal à Ouagadougou, l’avait beaucoup rapproché du chef de l’Etat ivoirien. Au cours de ces multiples voyages, plusieurs lettres entre lui et le président Houphouët-Boigny avaient été échangées. Ces actes de haute trahison avaient permis à la Françafrique de diriger depuis Paris et Abidjan, le régime sankariste. Ce dernier fut alors noyauté à travers le fonctionnement parfait de la stratégie de la trappe à miel mise en place par la Françafrique, laquelle a emporté Blaise Compaoré.

Cependant, Sankara était informé de tous les détails du banquet, et comprit le rôle d’espionne que jouait Chantal Terrasson de Fougères. Toutefois, il faisait comme si de rien n’était. Ce mutisme de l’enfant terrible de Yako fut compris par son ministre délégué à la présidence, Blaise Compaoré, comme un chèque en blanc pour continuer sa traîtrise, en s’accoquinant avec les impérialistes et les ennemis du développement du Burkina Faso, de la jeunesse africaine, et de la mobilisation mondiale des noirs contre le régime ségrégationniste sud-africain. Quatre mois après la rencontre de Yamoussoukro, Blaise Compaoré haussa les épaules et décida en mai 1985 d’épouser Chantal. Blaise Compaoré organisa son mariage qui rassembla des invités étrangers venant d’un pays ennemi dans un camp militaire plus précisément, le camp des para-commandos de Pô, qui était la partie charnière du régime révolutionnaire burkinabé. Sankara accepta cette humiliation en devenant témoin de ce mariage.

A travers cette union sacrée, tout était fin prêt du côté d’Houphouët-Boigny et de la Françafrique pour déclencher sans état d’âme l’assaut final. Mais, au moment où ses ennemis hésitaient sur ce qu’ils appelaient « l’assaut final », le camarade-président Sankara commettait dans la foulée en cette année 1985, deux fautes politiques très graves :

  • la première fut sa « love story » supposée avec son ministre de la Condition féminine, la camarade Halima Ouédraogo, qui était réputée être en même temps la copine de Gilbert Diendéré, l’adjoint de Blaise Compaoré à la garnison de Pô. La Françafrique exploita cette relation à travers ce qu’on appelait « l’affaire de Spiro hôte ! » de Maputo (Mozambique). En effet, lors d’une visite officielle de Thomas Sankara et de sa délégation au Mozambique, chez un autre combattant anti-apartheid et chef de l’Etat, le camarade Samora Machel, les proches (en réalité deux agents de fait de la Françafrique selon nos sources) de Blaise Compaoré qui faisaient partie de cette délégation, trouvaient dans les discussions nocturnes du président-fondateur du CNR avec Melle Halima Ouédraogo à Spiro hôtel de Maputo, un acte de relation extraconjugale. Ils en informèrent Blaise Compaoré qui saisit aussitôt les deux capitales de la Françafrique, à savoir, Abidjan et Paris.

Pour la Françafrique, cette nouvelle constituait une aubaine et elle en fit une exploitation digne, à Ouagadougou, à travers une black propagande ponctuée de distribution de tracts, de campagne radio et de presse dans le but de susciter la colère de Gilbert Diendéré et de créer par ricochet des rivalités entre Sankara et cet adjoint de l’un des quatre chefs historiques de la révolution. Pendant six mois, la Françafrique a accentué cette propagande de telle sorte que l’aile marchande de la révolution sankariste, le CDR est monté au créneau face aux diffamations orchestrées contre le président Sankara, en qualifiant au passage Melle Halima Ouédraogo d’ « obsédée sexuelle en quête de sensations ». Le président Sankara qui était très embêté par cette propagande, fit démissionner sa ministre de la Condition féminine.

Ce départ de Melle Halima Ouédraogo du gouvernement entraîna le courroux de son copain Gilbert Diendéré, qui était depuis la nomination de Biaise Compaoré comme ministre délégué à la présidence, le commandant de la garnison des para-commandos de Pô. Il jurait à qui voulait l’entendre qu’il vengerait sa copine. La Françafrique en arrivant à retourner Gilbert Diendéré contre Sankara via cette affaire de Spiro hôtel de Maputo, venait d’avoir sous son influence, le commandement général de la célèbre garnison para-commando de Pô, qui était également la clé de voûte du pouvoir sankariste. Le contrôle de ce camp, échappa dès lors à Sankara.

  • La deuxième faute de Sankara fut son soutien à une opposition armée, le Mouvement national pour la révolution togolaise (MNRT), au régime du défunt Eyadèma Gnassingbé. Le fameux MNRT était dirigé par le très bavard et ex-conseiller interprète du président togolais, Andoch Nutepé Bonin et soutenu par le duo Gilchrist Olympio/Jerry John Rawlings, à l’époque, président du Ghana. Le 23 septembre 1986, le MNRT tenta un coup d’état contre Eyadèma qui réussit, in extremis, à sauver son régime grâce à ses réseaux. Le sergent Théo-neste Maritus Kaboré’11 se rappelle : « ... Pour l’affaire du MNRT, le président togolais a reçu des informations qui lui avaient été transmises par la DGSE et le régime ivoirien via le duo Biaise Compaoré/Chantal Terrasson de Fougères. Ceux-ci avaient fourni des informations multiformes sur notre pays, Sankara et des camarades révolutionnaires étrangers qui y vivaient... Vous comprenez donc qu’Eyadèma a pu échapper à ce coup d’état du 23 septembre 1986 grâce à Biaise Compaoré et sa femme ...Lechef de l’Etat togolais était le premier président à se féliciter de l’assassinat de Sankara en reconnaissant Biaise deux jours après le crime ».

Ayant survécu dans ce que lui-même appelait « les attentats terroristes », Eyadèma est résolu à « descendre » selon ses termes, le régime de celui qu’il appelait de fois son jeune frère (Sankara). Aussi, faut-il souligner que le chef de l’Etat togolais fut un autre poids lourd de la Françafrique, et qui de surcroît, n’était pas diplomate dans ses manières de faire. Il ne cachait plus ses intentions vis-à-vis du régime sankariste. Il était irrité de voir son régime menacé par un nouvel international révolutionnaire basé à 400 km, seulement, de son village natal Pya. Sa philosophie se résumait à l’adage suivant : l’ennemi de mon ami est mon ennemi. Il rejoignit l’Ivoirien Houphouët-Boigny et le ministre français de la Coopération Guy Penne qui, depuis longtemps, étaient pour le changement du régime et faisaient des pressions sur le président François Mitterrand. Ce dernier qui était beaucoup plus préoccupé par le processus d’auto-détermination en Nouvelle Calédonie, voyait dans le soutien d’Eyadèma à Houphouët Boigny et à Guy Penne, la certitude que le but du régime révolutionnaire était de se débarrasser de la Françafrique.

Cependant, étant de même obédience maçonnique que Sankara, le président Mitterrand dans la perspective du Sommet franco-africain de Lomé qui allait se tenir du 11 au 16 novembre 1986, espérait réconcilier la famille francophone, en répondant à l’une des exigences de Sankara qui était le départ de l’Elysée du conseiller aux affaires africaines Guy Penne. Feu le président du Faso considérait ce dernier, comme l’instigateur de son arrestation en mai 1983. Guy Penne qui pensait que l’Afrique natale en générale et le Burkina Faso en particulier étaient la propriété privée de ses parents et de sa loge maçonnique, fut remercié le 5 octobre 1986 par François Mitterrand. Pourtant, Sankara qui réclamait aussi une coopération conforme au socialisme, ne fut pas entièrement satisfait. Pour preuve, il boycotta le Sommet franco-africain.

Humilié, le chef de l’Etat français essaya une nouvelle tentative de réconciliation, en décidant de rencontrer sur son chemin de retour de ce Sommet franco-africain, le président Sankara à Ouagadougou les 17 et 18 novembre 1986. Celui-ci le reçut et créa pour la toute première fois dans l’histoire de la Françafrique, l’affrontement public entre un chef d’Etat français et un président africain. L’enfant terrible de Yako, abandonnant tout protocole, se livra dans un discours (citation de la page 30) sous forme de réquisitoire et prit la France dans ses propres contradictions. François Mitterrand fut ouvertement effaré et même courroucé. Il renonça, lui aussi, à son discours initial et répondit point par point dans une allocution pleine de sous-entendus et de menaces : « Je ne pouvais pas moi écouter le président Sankara, faire un petit compliment aimable puis rentrer me coucher et dormir... C’est un homme un peu dérangeant le président Sankara ! C’est vrai, il vous titille, il vous pose des questions... Avec lui, il n’est pas facile de dormir en paix, il ne vous laisse pas la conscience tranquille ! Moi, là-dessus, je suis comme lui avec 35 ans de plus. Il dit ce qu’il pense, je le dis aussi. Et je trouve que dans certains jugements, il a le tranchant d’une belle jeunesse et le mérite d’un Chef d’Etat totalement dévoué à son peuple. J’admire ces qualités qui sont grandes, mais il tranche trop, à mon avis, il va plus loin qu’il ne faut... Cela dit, s’il n’était pas comme il est chef d’un Etat jeune, entouré d’hommes jeunes, avec des idées neuves, s’il n’était pas comme cela à 37 ans, dans quel état serait-il à 70 ans ! Je l’encourage, mais pas trop... Je n’ai pas à me mêler de votre politique intérieure, si j’étais ce soir devant un autre chef d’ Etat que le président Sankara, je n’aurais sans doute pas eu à répondre à toutes les questions qu’il m’a posé, mais la disposition de la France à l’aider serait la même ! Retenez bien ce que je vous dis : ce n’est pas parce qu’il y a une équipe jeune dérangeante quelquefois un peu insolente au verbe libre, que nous devons faire moins et nous retirer sur la pointe des pieds. C’est parce qu’elle est là que nous devons nous parler yeux dans les yeux et dire ...Vous avez à lutter contre des forces énormes, les forces de la nature souvent hostiles... Vous avez à vous défendre contre les ambitions, les pressions et les détournements. Votre tâche est très lourde et je m’en voudrais de la compliquer aussi peu que ce fût ».

Le président français et son service de protocole étaient très énervés sur le chemin du retour vers Paris, selon un membre de la délégation. Sankara avait dépassé les bornes face au président de la Françafrique en faisant trois affronts à Mitterrand, entre autres, le refus de la contrepartie du limogeage de Guy Penne, son absence au Sommet franco-africain, et son discours ingrat par rapport à la démarche de réconciliation de François Mitterrand. Sankara mettait ainsi fin implicitement à son pouvoir sans le savoir. Selon nos différentes sources, un mois plus tard, soit en décembre 1986, l’ordre est donné par Mitterrand : « Sankara doit partir ». En janvier 1987, Blaise Compaoré est reçu secrètement par le président Houphouét-Boigny à plusieurs reprises. Il comprit que le pouvoir lui revenait par son mariage avec la nièce (au sens africain du terme) du président ivoirien, Chantal Terrasson de Fourgères. Selon le secrétaire général de la présidence ivoirienne, Koffi Gervais, 5 milliards de francs CFA avaient été débloqués par Houphouët-Boigny en faveur de Compaoré, pour développer la black propagande via des tracts afin de créer la division au sein des quatre chefs historiques de la révolution et de passer à l’étape du coup d’état.

Minimisant les effets de cette propagande, Sankara annonça dans un discours du 4 août 1987 « une pause dans la poursuite de la révolution » et projetait de se consacrer aux problèmes « organisationnels et actions des masses », en laissant Biaise Compaoré diriger directement l’exécutif. Il proposa à Compaoré le poste de premier ministre qu’il refusa net : « Je ne tenais pas à diriger une équipe dont les trois quarts des ministres auraient été choisis par Sankara pour leur fidélité à sa personne ». Sankara devint furieux et passa à l’attaque le 22 août 1987 en créant une structure indépendante du pouvoir, chargée officiellement de l’assister, bref, un Cabinet spécial présidentiel qui marginaliserait de facto le Conseil national de la révolution (CNR).

En septembre 1987, il est de nouveau informé de ce qui se tramait contre lui et disait : « Je ne pense pas que Blaise veuille attenter à ma vie. Le seul danger, c’est que si lui-même se refuse à agir, l’impérialisme lui offrira le pouvoir sur un plateau d’argent en organisant mon assassinat. Même s’ils parvenaient à m’assassiner, ce n’est pas grave ! Le fond du problème, c’est qu’ils veulent bouffer, et je les en empêche ! Mais je mourrai tranquille car plus jamais, après ce que nous avons réussi à inscrire dans la conscience de nos compatriotes, on ne pourra diriger notre peuple comme jadis ».

Fin septembre 1987, Blaise Compaoré est de nouveau reçu à Abidjan en compagnie de Pierre Ouedraogo, le tout puissant secrétaire national du CDR, par le président ivoirien. Koffi Gervais affirme : « Regardez l’homme assis dans la salle, c’est le président du Faso ». Au cours de cette rencontre tête à tête, Blaise Compaoré reçut la confirmation expresse d’Houphouët qu’il sera le prochain président du Faso. A la sortie de cette entrevue, il fut ivre de joie et lança au salon d’honneur de l’aéroport d’Abidjan, à des artistes : « C’est moi qui serai votre interlocuteur, mais ne venez pas à Ouaga avant novembre ».

Sankara est une fois encore informé. Il comprit alors que sa sécurité ne pouvait plus être dépendante des hommes de Blaise Compaoré. Il créa fin septembre 1987 la Force d’intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (FIMATS) qu’il confia au tout puissant Vincent Sigué. La fameuse FIMATS avait pour objectif initial de gérer sa propre sécurité. Mais, pour Blaise Compaoré et ses commanditaires, il fallait empêcher l’installation de cette force de sécurité qui risquait de compromettre le complot contre le régime sankariste. C’est ainsi que, sous l’ordre Houphouët-Boigny, il prit la décision d’arrêter Sankara. Coïncidence ou pas, on a constaté que le mois d’octobre a toujours été un mois révolutionnaire et historique.
Certains témoins trouvent de nos jours, dans ce mois d’octobre 1987, un intersigne qui illustre bien le destin de Sankara. Car il coïncidait avec le vingtième anniversaire de la mort de l’internationaliste révolutionnaire cubo-argentin, Ernesto Guevara de la Serra. Comme on pouvait s’attendre, le matin du 15 octobre 1987, une dispute éclata entre Blaise Compaoré et son adjoint Gilbert Diendéré, le copain de Melle Halima Ouedraogo, et Salif Diallo.

Gilbert Diendéré qui voulait régler ses comptes avec Sankara, à propos de sa copine inventa une histoire : « Jusqu’à 20 heures, les hommes de la FIMATS profiteront de la réunion du CNR pour exécuter tous les membres du gouvernement y compris toi-même. Tu dois nous donner l’ordre de contre-attaquer le plan d’assassinat de la FIMATS ». Compaoré hésita. Mais Diendéré revint à la charge et menaça : « Si avant 20 heures, tu n’as pas donné ton accord, nous allons attaquer ». Et à 15 heures, Blaise Compaoré donna son accord. Gilbert Diendéré en recevant cet ordre, l’a exécuté in fine et sans état d’âme. Il en profita pour régler ses comptes avec Sankara. Il dirigea aussitôt un groupe de commandos camouflés et armés de kalachnikov. Ceux-ci furent embarqués dans une voiture bâchée et arrivèrent à 16 heures 15 au Conseil de l’entente où Sankara avait ses bureaux et son cabinet spécial. Précisément, c’était la Villa « Haute Volta ». Ils tiraient de tout côté. Sankara qui était en réunion avec sept de ses hommes dans la salle de la Villa Haute Volta se coucha parterre. Feu le chef de l’Etat du Faso se releva après et dit : « Restez, c’est moi qu’ils cherchent ». Il sortit de la salle les bras en l’air. A peine fut-il dehors que le commando Yacinthe Kafando, (aujourd’hui membre de la garde personnelle de Blaise Compaoré) tira deux balles dans le front de Sankara ! Plus grave, un autre commando entra dans la salle et poussa les sept hommes couchés par terre en disant : « Dehors. Dehors. Dehors » et dès leur sortie de la salle, ils furent abattus ! Une page de l’histoire de l’Afrique et du Burkina Faso fut ainsi tournée. Le destin de la jeunesse africaine, les efforts de la mobilisation de tous les noirs du monde entier contre la situation des frères sud-africains, venait d’être compromis. Que Dieu pardonne à Biaise Compaoré, à Gilbert Diendéré et à Yacinthe Kafando, qui multiplient de nos jours, des consultations ésotériques et maraboutiques pour échapper à la malédiction. •

Narcisse Kimfado

AFRIOUE EDUCATION N° 231-232 - Du 1" au 1 juillet 2007 -www.afriqueeducation.com

Cet article fait partie d’une série de 5 articles traitant de l’assassinat de Thomas Sankara publié dans le même mensuel :

Nous n’avons pour l’instant pas pu récupérer le dernier.

La réaction à cet article de Fidel Toe

Je viens de lire ou plutôt de relire ces articles bien connus qui datent de 2007 et ont été publiés dans EDUCATION AFRIQUE.

Le document me paraît comme une construction, un échafaudage pour expliquer a posteriori le 15 octobre. Apparemment, il s’agit d’articles qui prétendent mettre en relief les agissements de la FRANCAFRIQUE. C’est un travail militant dirions-nous !

De prime abord, j’ai trouvé curieux qu’une revue avec une pareille dénomination se livrât à cette analyse des événements de 1987. Elle se serait intéressée aux questions de l’éducation et de l’enseignement et de l’éducation telles que le Président Sankara les entrevoyait et les traitait que je l’eusse considéré comme étant dans son domaine. Mais bien sûr on me rétorquera que rechercher et comprendre l’Histoire et mettre les fruits de sa recherche à la disposition des populations est aussi une mission d’éducation. Toutefois il faut transmettre la vérité et en toute indépendance. Parce que ces articles sont pleins de contrevérités, de mensonges et d’inexactitudes que de jeunes générations pourraient prendre pour des vérités que j’interviens pour relever quelques éléments et les souligner pour que les jeunes soient assez critiques dans la lecture de ces parus dans Education Afrique.

Pour rappel, j’ai constaté que ces articles sont apparus à la veille de la commémoration du vingtième anniversaire de la disparition toujours inexpliquée du Président Sankara. Disparition inexpliquée, puisque jusqu’à ce jour aucun membre de sa famille n’a vu son corps, il n’ya aucun acte de décès convainquant, le premier est signé du médecin militaire, le docteur Guébré qui n’a jamais vu le corps et dit qu’il est mort de mort naturelle, le second acte de décès est une ordonnance délivrée par un magistrat, assis dans son bureau sans enquête préalable. Ces articles ont-ils été commandités ou s’agit-il vraiment des résultats d’une investigation journalistique indépendante ?

Ce qui enlève de la crédibilité à ce type de document ce sont d’abord les erreurs grossières et les formes de narration simplistes ou militaires. Qui en est l’auteur et quelles sont ses sources et peut-il juridiquement soutenir tout ce qu’il affirme ?

Des personnes sont citées, les plus célèbres étant Monsieur Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré, la personnalité ivoirienne qui aurait remis 5 milliards cfa à Blaise Comporé, Hyacinthe Kafando, des Chefs d’Etat étrangers, Houphouet- Boigny, Eyadéma et Françcois Mitterrand. Elles gagnent à donner leur avis sur ce document, pour celles qui vivent encore. Les ayant causes des défunts ont toute latitude pour protester contre ces assertions ou sont à même de les reconnaître comme avérées. Des journalistes enquêteurs pourraient aller les voir et leur demander de confirmer les actes et autres propos que ce document leur prête.

Il est aisé de relever les erreurs et amalgames dans la désignation du Ministre de la condition féminine sous le CNR. Cela enlève à ce supposé "love story" de Samkara tout élément de vérité et cela dessert tout ce document.

Je ne m’en tiendrai qu’aux assertions relatives à la dénommée Halima Ouédraogo et à l’appartenance de Thomas Sankara à la franc-maçonnerie franàaise..

1. Halima Ouédraogo membre du Gouvernement du CNR

Dans aucun gouvernement du CNR on ne retrouve une femme ministre portant le nom de Halima Ouédraogo. La question du limogeage de l’intéressée tombe du coup.

2. Fatou Diendéré épouse de Gilbert Diendéré.

Halima Ouédraogo est présentée dans l’article comme une compagne ou amie de Gilbert Diendéré et membre du gouvernement. L’épouse de Gilbert Diendéré se nomme Fatoumata Diendéré née Diallo. Elle est assistante de police, mais faisait partie de l’encadrement des Colombes de la Révolution et des Petits Chanteurs au poing levé. A l’occasion d’une sortie pour des spectacles au Congo Brazzaville, elle s’est comportée de manière dévoyée, avec justement des « love’stories » avec des Congolais. Dans le compte rendu de mission, ce point a été souligné et des sanctions ont été prises à son encontre. La dame a été plus tard maire de Baskuy à Ouagadougou dans les années 1998, et elle est, depuis 2002 jusqu’à ce jour, député du CDP, siégeant au sein de l’Assemblée Nationale. Aux dires de beaucoup de personnes ses mœurs ne se sont guère assagies.

Mais le retournement de Gilbert Diendéré, originaire de Yako (ville natale du Président Sankara), son retournement en faveur de Blaise Compaoré peut s’expliquer par une frustration née de la sanction infligée à sa compagne et au désir de s’enrichir. Aujourd’hui c’est un homme extrêmement riche et qui partage bien de sinistres secrets d’assassinats et de disparitions de personnes avec Blaise Compaoré et également avec son épouse Fatou. C’est l’homme des plans d’intervention au Libéria, en Sierra Leone et en Côte d’Ivoire.

3. L’intervention togolaise sous le CNR

Elle a été préparée pour être exécutée par les soins de Gilbert Diendéré mais au dernier moment, Blaise Compaoré dans sa félonie vendra la mèche à Eyadéma. Lors de la première visite de Blaise Compaoré au Togo, il sera accueilli comme le sauveur de Gnassingbé Eyadéma.

On pourra se souvenir qu’à cette occasion, Christophe Mitterrand, le fils de son père a pu autoriser une intervention des troues françaises pour sauver Eyadéma.

4. Sankara franc-maçon.

D’autres assertions tendent à faire de Sankara un franc maçon appartenant à la même obédience que François Mitterrand. Pour rappel, François Mitterrand était franc-maçon du Grand Orient comme probablement l’était Guy Penn. On n’a pas souvenance que cette obédience maçonnique ait approché Sankara pour qu’il en devienne membre. Par contre la Grande Loge Maçonnique de France a cherché à le recruter comme en atteste des correspondances que le Front Populaire de Blaise Compaoré a exhibées pour, pensait-il, salir son image. Mais aujourd’hui Monsieur Compaoré, les membres de son gouvernement, les officiers supérieurs de l’armée et les grands directeurs des sociétés d’Etat sont devenus des francs-maçons de le Grande Loge Maçonnique de France. Ce sont là également des affirmations gratuites.

Parce que la répétition est pédagogique surtout utile pour les jeunes générations, on peut relever à chaque fois qu’on a l’occasion les falsifications de l’histoire ou même d’une histoire, mais dans quel but procède-t-on aux falsifications ? Elles ne sont pas gratuites et on est pas obligé de meubler son ignorance par des inventions romanesques fantaisistes. Surtout quand on parle d’évènements aussi graves.

Fidèle TOE

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  • 7 janvier 2012, par Inoussa Ouedraogo

    Burkina Faso L’assassinat de Thomas Sankara

    Blaise Compaoré avait effectivement beaucoup d’argent qu’il distribuait à ses soldats. S’agissait-il des 5 milliards d’Houphouet Boigny ? Il était visible que les militaires proches de Blaise étaient mieux habillés et avaient bien plus de moyens que ceux proches de Sankara. Si visible qu’un opérateur économique avait décidé d’aider Sankara en lui faisant apporter de l’argent pour "s’occuper lui aussi des éléments de sa garde". Cet opérateur économique serait passé par un conseiller de Sankara pour lui envoyer un sachet plein de billets de banque. Sankara ayant reçu le fric fit appel à la camarade ministre du budget à qui l’argent fut remis pour les caisses de l’Etat. Notre bon samaritain ayant constaté quelques temps après son geste que les éléments de Sankara n’avaient pas changer de vie, de look, aurait passé par le même canal pour lui envoyer encore un sachet d’argent. Même réaction de la part du Président du Faso qui aurait fait verser les sous dans les caisses publiques.

    Aucune ministre du CNR ne s’appelait Halima Ouedraogo et il n’y avait pas de ministre de la condition féminine sous la RDP. Il y avait une ministre de l’essor familial et de la solidarité révolutionnaire qui était Joséphine Ouedraogo, une dame très compétente et respectable qui n’était ni la copine de Gilbert, ni amoureusement proche de Sankara au point de susciter la jalousie de qui que ce soit. C’est faire injure à Sankara et aux Sankaristes que de chercher à faire croire en ces histoires. Thomas Sankara était, quoique jeune homme, bien au dessus de toutes ces pulsions.

    repondre message

    • 25 mai 2015, par thiombiano issa

      Burkina Faso L’assassinat de Thomas Sankara

      rien ne seras plus comme avant mais rien na changet l auteur de l assasinant sankara est blaise c est lache

      repondre message

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