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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

La "Libération de 1944" : Le PCF parachève l’écrasement du prolétariat

rs que, de concert avec toute la bourgeoisie, le PCF fête aujourd’hui la «libération de Paris», l’article ci-dessous, déjà paru il y a vingt ans dans notre presse à l’occasion des cérémonies entourant le débarquement et la «Libération», rappelle utilement le rôle particulièrement odieux qu’a joué ce parti durant la Seconde Guerre mondiale. Il rappelle ainsi le tribut payé par les ouvriers embrigadés dans la Résistance grâce aux appels et aux mots d’ordre anti-"boche" du PCF qui s’enorgueillit du titre de «parti des fusillés». Il évoque notamment l’appel à la grève ouvrière lancé par la CGT le 10 août, encore fièrement revendiqué aujourd’hui dans les colonnes de L’Humanité, grève dirigée non pas contre les exploiteurs mais contre «les forces ennemies», pour les intérêts guerriers de la bourgeoisie française. Pour le PCF, ce qui compte, c’est la lutte du "peuple" qui se retrouve dans "le souffle vivant de la libération", le triomphe de "la République, de la liberté, la fraternité, la démocratie", des "forces populaires qui s’engagèrent dans la reconstruction du pays". Pour le PCF encore, "la Libération de Paris a donné un souffle extraordinaire à l’espoir d’un monde de paix, de justice et de solidarité" et ce souffle "porte encore aujourd’hui" (éditorial de L’Humanité daté du 21 août 2004). Derrière ce verbiage lyrique et "démocratique", le PCF voudrait faire oublier de la façon la plus hypocrite ses appels haineux au pogrom contre les "sales boches" désignés alors comme l’ennemi à abattre. Ce sont ces états de service zélés dans la défense de la patrie qui lui permettront d’accéder au gouvernement après la guerre et d’œuvrer à la reconstruction du capital national français en exhortant les ouvriers à retrousser leurs manches.

Sachets de sable, éclats d'obus, drapeaux tricolores et autres grigris bradés à tous les étalages au son des fanfares militaires ! Voilà l'ignoble fête sabbatique que vient d'organiser la bourgeoisie mondiale pour le 60e anniversaire de la "Libération". Commémoration en grande pompe où la frénésie nationaliste, le fétichisme guerrier le plus immonde de la bourgeoisie décadente ont transformé les plages sanglantes du Débarquement en champ de foire. Faisant de ce carnage une marchandise, voilà que le capital se met à exploiter aujourd'hui le sang dans lequel il s'est vautré hier ! Voilà la plus grande victoire que la bourgeoisie mondiale vient de célébrer : celle de l'enrôlement de dizaines de millions d'ouvriers dans la deuxième boucherie impérialiste !

Aujourd'hui, face à un prolétariat qui a relevé la tête, insoumis au drapeau national, ce n'est que sous forme de farce que le capital peut se permettre de répéter la tragédie du 6 juin 1944.

Non ! Le "jour J" ne fut pas un jour de gloire pour le prolétariat décimé par la contre-révolution victorieuse ! Ce jour, de triste mémoire, ce fut un jour d'horreur où 20.000 cadavres des deux camps se sont échoués sous la mitraille capitaliste (et, en trois semaines, ce sont 250.000 soldats allemands qui ont été exterminés !), où des centaines de milliers de prolétaires, venus des contrées les plus "civilisées", les plus industrialisées du monde, sont allés au massacre, la peur au ventre, pataugeant dans la boue et le sang, pour une cause qui n'était pas la leur !

Non ! La guerre n'est pas un carnaval ! La guerre impérialiste, c'est le couronnement de la plus grande défaite du prolétariat, c'est le massacre de la seule force porteuse du devenir de l'humanité !

Non ! La "Libération" ne fut pas celle du prolétariat ! La "Libération", ce fut son enchaînement à "sa propre" bourgeoisie nationale, pour la défense d'un bloc impérialiste contre un autre. Ce fut la libération des bombes sur Dresde, Hambourg, Hiroshima !

  • "Vive la France immortelle ! Plus fort les coups sur le boche chancelant !" (L'Humanité, 25 août 2004)
  • "Pas un boche ne doit sortir vivant de Paris insurgé !" (L'Humanité, 10 août 1944)
  • "Pour en finir avec l'envahisseur exécré, à chaque parisien son boche !" (L'Humanité, 24 août 1944)

Jamais l'histoire de la lutte de classes n'avait vu succomber sous une telle hystérie chauvine les fractions les plus décisives du prolétariat !

Usurpateur d'un titre appartenant aux épisodes les plus glorieux de l'Internationale Communiste, c'est le PCF qui a entraîné des millions de prolétaires dans la barbarie capitaliste, au nom de la lutte contre la barbarie.

L'appel revanchard du PCF à l'extermination de tous ceux qui, sous l'uniforme nazi, étaient pour bon nombre des prolétaires brisés par l'écrasement de la révolution en Allemagne, voilà ce que fut la "Libération" de la France ! Il est vrai qu'en appelant le prolétariat français à abattre comme du bétail le "boche indigne", le PC prétendait rendre leur "dignité d'homme" aux Juifs persécutés !

Au moment même où des mouvements de désertion commençaient à se manifester chez les soldats allemands, au moment où, avec la déroute de la bourgeoisie hitlérienne, les ouvriers d'Allemagne pouvaient espérer voir se desserrer l'étau de la contre-révolution[1], les slogans fratricides, patriotards du PCF ont réussi à désamorcer toute possibilité de fraternisation, enfouissant sous les décombres de la guerre, et pour des décennies, le mot d'ordre du Manifeste Communiste : "Les prolétaires n'ont pas de patrie, prolétaires de tous les pays, unissez-vous !".

C'est à la "Libération" que le venin idéologique de l'anti-fascisme, inoculé par le PCF, est apparu dans sa nudité la plus scandaleuse, anesthésiant jusque dans ses moindres fondements la conscience de classe du prolétariat.

Ceux qui ont prétendu renier les Noske et Scheidemann[2] quelques vingt ans plus tôt, ceux qui sont devenus à leur tour les chiens de garde les plus serviles du capital, ont traîné une fois encore dans la boue et le sang l'appel des Bolcheviks à "transformer la guerre impérialiste en guerre civile". C'est, en effet, au nom de ce mot d'ordre, vidé de tout contenu révolutionnaire, que le PCF a présenté la "Libération" de Paris comme une grande insurrection populaire.

Non ! Ce n'est pas sur leur terrain de classe que les ouvriers de Paris se sont insurgés ! La grève générale de l'été 1944, ce n'était pas la guerre civile que prônait la Gauche de Zimmerwald à l'heure où un Cachin[3], lors de la première guerre mondiale, abdiquait le drapeau rouge pour la bannière tricolore de l'Union Sacrée ! Non ! le PCF n'a pas exhorté les prolétaires parisiens à retourner leurs armes contre "leur propre" bourgeoisie, mais au coude à coude avec celle-ci, contre leurs frères de classe, le "boche exécré" !

C'est à croire que, en lançant ses mots d'ordre revanchards, le PCF a eu la mémoire bien courte !
N'a-t-il pas, au début de l'occupation, lui-même proclamé cet appel émouvant à la "fraternisation" avec ceux qu'il appelle désormais "l'envahisseur exécré" ?
"Il est particulièrement réconfortant en ces temps de malheur de voir de nombreux travailleurs parisiens s'entretenir amicalement avec les soldats allemands, soit dans la rue, soit au bistrot du coin. Bravo camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants ! La fraternité des peuples ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité vivante !" (L'Humanité du 4 juin 1940)

Telle fut l'ignoble hypocrisie d'un parti "ouvrier" qui s'est prostitué au capital : ce n'était pas à la fraternisation avec les prolétaires d'Allemagne que le PCF appelait, mais en réalité à la soumission à la bourgeoisie hitlérienne, alliée momentanée de l'URSS.

Et ce n'est que sous la pression de l'impérialisme russe que le PCF s'est trouvé contraint, à son corps défendant, de ravaler pour un temps (le temps que dura le pacte germano-soviétique) ses slogans nationalistes au profit de mots d'ordre qu'avec sa chute dans le camp bourgeois, il avait piétinés, enterrés à tout jamais. Fidélité à la "patrie socialiste" obligeait !

Il suffit de rappeler, pour exemple, comment le PCF a enchaîné à leurs exploiteurs ces 100.000 mineurs du Nord-Pas-de-Calais qui s'étaient mis spontanément en grève au printemps 1941, contre les conditions de travail imposées par le STO[4]. D'abord en enfermant la grève dans le carcan syndical grâce à la reconstitution clandestine de la CGT qui, bénéficiant de l'auréole du martyr, a conduit les mineurs à la répression nazie (alors qu'au même moment se déroulait une grève identique de l'autre côté de la frontière, en Belgique) ; en appelant ensuite au calme, à la reprise du travail, usurpant et falsifiant le véritable contenu du défaitisme révolutionnaire :
"Vous tous, mineurs, qui avez combattu côte à côte, restez unis et dites-vous bien que ce n'est pas dans la victoire d'un impérialisme sur un autre que réside notre salut commun", pérorait L'Humanité du 20 juin 1941.

Deux jours plus tard, Hitler envahit l'URSS, libérant le PCF de ses états d'âme. Il va enfin pouvoir concilier ouvertement sa vocation nationaliste avec sa fidélité à Staline, enchaîner de nouveau le prolétariat au capital national en organisant la résistance armée contre le démon fasciste. Et tout cela, au nom de la défense de cette "patrie socialiste" qui, la veille encore, l'avait cocufié en flirtant honteusement avec le "boche exécré".

Ce déferlement de chauvinisme à la "Libération", ce ne fut pas seulement l'extermination implacable de l'"ennemi extérieur".

Ce fut aussi, dans la logique tortionnaire de la Guépéou, la vindicte contre "l'ennemi intérieur", le meurtre organisé de tous ceux que la vermine stalinienne taxait de "collabo", "d'hitléro-trotskistes", de tous ceux qui hésitaient ou se refusaient à marcher au pas derrière les bannières des FFI. Avec l'épuration de la France "libre", les Francs-Tireurs et Partisans du PCF parachevaient leur besogne anti-ouvrière destinée au maintien de l'ordre bourgeois, à la sauvegarde de l'unité nationale contre toute déviation internationaliste. Ainsi ces pourvoyeurs de guerre pouvaient-ils oeuvrer à la reconstruction du capital national en appelant de nouveau les ouvriers à retrousser les manches, à "travailler partout avec ardeur, avec abnégation, en particulier dans les usines de guerre, à accroître sans cesse leur rendement, à dépasser les plans de production prévus." (Frachon)

Ainsi, en 1944 comme en 1936, Thorez appelait-il de nouveau les ouvriers à resserrer les rangs derrière le Front National : "Faire la guerre, créer une puissante armée française, reconstruire rapidement l'industrie, travailler et se battre, préparer effectivement dans l'union des coeurs et des cerveaux la renaissance de notre patrie, telles sont les tâches immédiates pour faire une France libre, forte et heureuse." (Thorez : "Oeuvres Choisies")

La soumission à l'esclavage salarié, à la production de guerre était pour le PCF la forme la plus élevée du "devoir de classe". Telle fut la grande victoire "populaire" de la "Libération" : pour tous ces prolétaires saignés à blanc, abusés par les phrases sonores du Front Populaire, assujettis aux idéaux bourgeois jusqu'au sacrifice de leur vie, il y eut "de l'eau bénite d'abord, des injures ensuite, de la mitraille enfin, de la misère toujours." (Blanqui)

Il est vrai que le PCF s'était sauvagement battu dans la Résistance pour en finir avec l'"exploitation honteuse des ouvriers français par les hordes hitlériennes." Il est tout aussi vrai que, dans la logique nationaliste du PCF, l'exploitation aux couleurs de la France "libre" n'avait désormais plus rien de honteux ! La grande "victoire" de la "Libération", ce fut aussi, pour le prolétariat affamé comme jamais il ne l'a été sous l'occupation, la répression des grèves qui éclateront dès l'automne 1944 ; répression organisée par le PCF au gouvernement, partageant avec de Gaulle la gestion du capital national. Voilà ce qui se tramait derrière la politique de "liquidation des traîtres" : la condamnation des grèves, considérées comme une "arme des trusts", comme une capitulation devant le "boche", fomentées par les "hitléro-trotskistes" !

Il faut dire que la bourgeoisie était loin d'avoir oublié la gigantesque vague révolutionnaire qui avait ébranlé tout l'édifice capitaliste à la fin de la première guerre mondiale. Pour que cela ne se reproduise pas, la bourgeoisie s'était assurée de l'écrasement complet du prolétariat avant de déclencher la seconde Guerre Mondiale et, à la fin de celle-ci, elle avait pris toutes les précautions pour étouffer dans l'oeuf, par un quadrillage militaire systématique, tout surgissement de classe. En ce sens, dans la Sainte Alliance des "libérateurs" de l'Europe, le PCF a largement contribué à chasser le spectre de la Révolution, méritant bien l'hommage que de Gaulle lui rendra dans ses "Mémoires" : "Les communistes n'essaieront aucun mouvement insurrectionnel. Bien mieux, tant que je gouvernerai, il n'y aura pas une seule grève."

Ainsi, après avoir fait trembler le monde bourgeois au lendemain de la Première Guerre mondiale, jamais le prolétariat n'avait connu un tel désespoir, une telle honte. Jamais le capital moribond, broyant dans ses mâchoires les partis ouvriers, n'avait accouché de tels monstres. Jamais un parti de l'Internationale n'avait consommé sa trahison avec une telle arrogance. Si aujourd'hui encore, la bourgeoisie présente la plus grande défaite du prolétariat comme une victoire, le resurgissement historique de la lutte de classe, auquel nous assistons depuis 1968, ne peut que la faire déchanter : le géant prolétarien s'est ressaisi. Il est revenu confirmer ce que Rosa Luxemburg annonçait en janvier 1919, lors de la Semaine Sanglante en Allemagne :

  • "L'ordre règne à Berlin, sbires stupides ! Votre ordre est construit sur du sable. Dès demain, la Révolution se dressera de nouveau avec fracas, proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi : j'étais, je suis, je serai !"

Avril

[1] En effet, vers la fin de la guerre éclatèrent dans toute l’Allemagne de nombreux mouvements insurrectionnels (mutineries de soldats, émeutes ouvrières à Berlin, Kiel, Brême) écrasés tant par le gendarme nazi que par les bombardements des Alliés sur les quartiers ouvriers.
[2] Dirigeants du Parti social-démocrate allemand, responsables à la tête du gouvernement de l’écrasement de la Révolution allemande en 1919.
[3] Dirigeant de la SFIO. Dès 1914, «jusqu’auboutiste», membre du gouvernement de l’Union Sacrée lors de la première guerre mondiale, fondateur et grand orateur du PCF.
[4] Service du Travail Obligatoire institué sous le régime de Vichy.

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