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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Organisation Communiste Libertarie (OCL) - Kurdistan, Le rojava

Chris Den Hong est journaliste à La Gauche. Militant révolutionnaire Il a réalisé de
nombreux reportages écrit et filmés sur les mouvements kurdes, palestiniens, Gaza, les
manifestations contre l'austérité, etc. on peut voir entre autre un reportage sur kobane:
https://www.youtube.com/user/chrisd... ---- Le Rojava sous embargo ---- Chris Den Hond a
passé Newroz, le Nouvel An kurde, à proximité de Kobanê et à Diyarbakir. L'occasion de
faire le point sur la situation à la frontière turco-syrienne. Où en est Kobané, après
avoir repoussé l'assaut de Daesh ? Quel rôle joue la Turquie ? Quel impact sur la question
kurde ? Récit de voyage. ---- 17 mars 2015: des milliers de Kurdes traversent en
klaxonnant la petite ville frontalière kurde de Suruç en Turquie, pour se rendre sur la
frontière entre le Kurdistan turc et le Kurdistan syrien et fêter Newroz, le Nouvel An
kurde. En face, à moins de 2 kilomètres: Kobanê, la ville déjà devenue mythique pour sa
résistance contre les barbares de Daesh. Les militaires turcs gardent la frontière fermée.
Seuls des gens avec un passeport syrien peuvent passer, mais sans retour.

Depuis que la résistance kurde a chassé l'État islamique, 50 000 des 200 000 réfugiés sont
rentrés dans le canton de Kobanê. Des journalistes ne peuvent plus passer la porte
frontière officielle de Mursitpinar pour aller à Kobanê. «Parce que ce que vous écrivez,
c'est négatif pour la Turquie», a déclaré le responsable presse de la préfecture de Urfa
(une autre ville frontalière) aux reporters des médias turcs et internationaux présents
sur place.

C'est vrai que l'État turc est montré du doigt, parce qu'il a abandonné à leur propre sort
les Kurdes du Rojava (la région autonome kurde en Syrie) et particulièrement à Kobanê
quand les YPG et YPJ (Comités de Défense du Peuple et Comités de Défense des Femmes) se
battaient contre Daesh. Pire: la Turquie avait décidé de fermer la frontière pour les
combattant(e)s kurdes tandis que les terroristes de l'État islamique traversaient sans
être embêtés la frontière à Gaziantep ou à Urfa dans les deux sens. L'attitude de l'État
turc pendant le «Kobanigrad» (comme on appelle la bataille de Kobanê) énerve même les
États-Unis, principal allié de la Turquie au sein de l'OTAN.

GAGNÉ MALGRÉ L'ÉTAT TURC

??La co-maire de Suruç, Zuhal Ekmez, du Parti pour la Paix et la Démocratie (BDP), ne
cache pas sa colère: «Nous voulons un corridor du Kurdistan turc vers Kobanê. Depuis deux
ans, Kobanê est resté isolé. Nous voulons que de l'aide humanitaire, mais aussi des armes
puissent être livrées à la population et aux combattant(e)s de Kobanê, parce que bien que
Daesh ait été repoussé à 40 kilomètres de la ville de Kobanê, tout reste possible. L'État
turc n'a rien fait pour nous aider. Nous avons gagné la guerre à Kobanê malgré la Turquie.»

??La partie sud de la ville de Kobanê est entièrement détruite. La partie ouest pas
entièrement, mais personne peut y vivre pour l'instant. L'Association Rojava, qui
coordonne toute l'aide locale et internationale, envoie environ quinze camions par semaine
à Kobanê remplis de secours humanitaires. L'État islamique, avant de se retirer, a miné la
plupart des maisons de la ville et des villages aux alentours ; et ces deux derniers mois,
environ quarante personnes ont trouvé la mort à cause de ces mines. Il reste encore des
cadavres de Daesh sous les décombres et, avec la chaleur de printemps, ils commencent à se
putréfier avec un risque d'épidémie. Malgré l'énorme mobilisation de la communauté kurde
et l'immense espoir qui est né après la victoire des combattant(e)s kurdes à Kobanê pour
défaire Daesh, la situation reste très difficile.

??VERS KOBANÊ À TRAVERS UN CHAMP DE MINES

Puisqu'on ne peut pas aller à Kobanê par la porte frontière, nous attendons quelques jours
et nuits pour y accéder par une route clandestine. Les Kurdes sont bien organisés. Un
groupe peut traverser seulement si la traversée est sécurisée. Le plan est assez sportif
et malgré tout risqué: on nous emmènera à un village et ensuite on traversera la frontière
au milieu de la nuit. Il faut courir vite les premières centaines de mètres pour éviter
les véhicules militaires turcs, ensuite sauter un barbelé et traverser un champ de mines,
avec des passeurs bien entendu! Un groupe de dix personnes qui attendaient depuis deux
semaines déjà à Suruç a traversé la frontière de cette manière. Nous-mêmes avons dû
renoncer faute de temps. Si arriver à Kobanê est une galère, en revenir est encore plus
compliqué... nous ont prévenus nos passeurs.

KOBANÊ SOUS EMBARGO

Une délégation belge qui voulait se rendre dans la ville kurde de Qamishlo au Rojava, pas
loin de la frontière turco-irakienne, a aussi dû renoncer. Cette fois à cause du parti
kurde conservateur PDK (Parti démocratique du Kurdistan) de Barzani qui domine le
Kurdistan irakien. Des combattant(e)s kurdes luttent en première ligne contre les
commandos de Daesh, ils font le sale boulot sous les yeux du monde entier, des milliers de
jeunes Kurdes meurent ou sont blessés dans la lutte contre l'État islamique, ils payent un
lourd tribut pour leur combat et quelle est leur récompense ? Dans le Nord, la frontière
avec la Turquie est toujours fermée. Il n'y a toujours pas de corridor pour livrer des
armes antichars à la Résistance. À l'Est, les Kurdes irakiens mettent des bâtons dans les
roues parce que apparemment ils sont jaloux que les Kurdes turcs et syriens du PKK (Parti
des Travailleurs du Kurdistan) et du PYD (Parti de l'Union Démocratique) progressent,
tandis que, eux, particulièrement leurs forces armées, les Peshmergas, se sont retirés de
la région kurde irakienne de Shengal en août dernier alors qu'ils auraient dû protéger ses
populations, notamment les Yézidis, contre les attaques de Daesh. À l'Ouest et au Sud, les
gangs de l'État islamique se montrent toujours menaçants.

??BOMBARDEMENTS PAS INDISPENSABLES??

Même si les bombardements aériens de «l'Alliance» en Syrie ont contribué à ce que Kobanê
ne tombe finalement pas dans les mains de Daesh, les dirigeants militaires kurdes sont
formels: «Ces bombardements nous ont aidés, mais si on avait eu des armes antichars, les
bombardements n'auraient pas été nécessaires. Ce qu'il nous faut, c'est un corridor pour
apporter des armes antichars. Ce corridor est aussi nécessaire pour sécuriser la
population civile. Si nous disposions de ces armes, les bombardements ne seraient plus
nécessaires. C'est la lutte sur le terrain qui a défait Daesh, pas les bombes qui sont
tombées du ciel.»

??21 MARS 2015: NEWROZ À DIYARBAKIR

??Quand nous entrons à Diyarbakir, la capitale du Kurdistan turc, quelque chose a disparu.
Depuis ma première visite dans cette ville en 1995, on ne pouvait pas le rater: un énorme
calicot sur un grand pont avec l'inscription «La Turquie: une nation, un peuple, un
drapeau». Aujourd'hui ce slogan a disparu, il a été remplacé par de grands panneaux
officiels de la mairie: «Newroz pîroz be», «Bienvenue au Nouvel An», en langues kurde et
turque. Il y a cinq ans encore, un maire kurde aurait été jeté en prison pour cela.

??Difficile à décrire la fête de Newroz elle-même. En 1996, 1997 et 1998, j'ai filmé ici
des manifestations interdites avec une caméra interdite pour une télévision interdite. En
1999, j'ai passé Newroz dans une cellule de la police de la ville de Mersin. En 2000,
Newroz a été autorisé, mais 10 kilomètres en dehors de la ville et fortement censuré.
Aujourd'hui, des millions de Kurdes fêtent les victoires de Shengal et de Kobanê et
écoutent en applaudissant la dernière proposition politique d'Abdullah Öcalan, le
dirigeant du PKK, toujours détenu dans l'île-prison d'Imrali: la fin de la lutte armée
votée par un congrès du PKK, à condition que l'État turc garantisse l'élargissement des
libertés démocratiques, entérine le «processus de pourparlers de paix» supervisé par des
personnalités indépendantes et accepte un comité «Vérité et Réconciliation» sur le modèle
de celui de l'Afrique du Sud post-apartheid.

??DES CAMÉRAS INTERDITES AUX CAMÉRAS SUR GRUE

??Des caméras sur grue filment tout. La fête politique est transmise en direct par des
dizaines de télévisions partout en Turquie. Les Kurdes n'ont plus besoin de ma petite
caméra. Tant mieux. Les discours sont surtout en langue kurde. La victoire de Kobanê est
d'une portée historique et le moral est au zénith. La nation kurde est plus forte que
jamais. Le concept stratégique du PKK pour un confédéralisme démocratique est la
proposition la plus moderne qui circule aujourd'hui dans toute la région. C'est une
alternative concrète au concept caduc d'État-nation. ??Avec la dernière proposition de
paix d'Abdullah Öcalan, de nouveau les Kurdes tendent la main à l'État turc pour une
solution politique de la question kurde. Dans une région qui est plus que jamais déchirée
par la guerre, la destruction et les massacres, ce n'est pas un petit détail. L'État turc
à tout intérêt à saisir cette main tendue et à commencer de vraies réformes. Aujourd'hui.
Pas demain.


http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1679
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