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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Une histoire des mouvements sociaux

Les mouvements sociaux permettent d’attaquer l’ordre existant. Ils apparaissent comme le véritable moteur du changement social et politique. Des historiens proposent un livre collectif intitulé Histoire des mouvements sociaux en France. De 1815 à nos jours. Les luttes sociales, grèves, émeutes, rébellions et révolutions sont replacées dans leur contexte historique des débuts du mouvement ouvrier au XIXe siècle jusqu’à la période la plus récente. Les mouvement sociaux comprennent « toutes les interventions collectives destinées à transformer les conditions d’existence de leurs acteurs, de contester les hiérarchies ou les relations sociales, et à générer, pour cela, des identités collectives et des sentiments d’appartenance », présentent Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky.

François Jarrige évoque le luddisme et les mouvements d’opposition à l’industrialisation. Des ouvriers rejettent la mécanisation. « Ces soulèvements, contemporains de l’ère des révolutions, entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, amènent à questionner les formes d’organisation du travail et de mécanisation des tâches », décrit François Jarrige. Dans les régions textiles de l’Angleterre les nouveaux procédés techniques de production ne font qu’accroître la misère. Les nouvelles méthodes de travail mécaniques sont également contestées. Cette résistance se propage en France mais s’essouffle rapidement. Les briseurs de machines se heurtent au triomphe de l’industrialisation mais aussi au mouvement socialiste qui estime que la technique peut permettre de s’affranchir du travail.

Michel Cordillot se penche sur l’Association internationale des travailleurs (AIT), créée en 1864. Cette organisation valorise l’action autonome de la classe ouvrière et la solidarité internationale. Les militants de l’AIT en France valorisent les élections et les coopératives. La radicalisation de l’AIT ne s’expliquent pas par les débats animés par Karl Marx ou Bakounine, mais par les luttes sociales. En 1867, l’AIT constitue une caisse de grève pour soutenir la lutte victorieuse des bronziers en France. Dès lors, le mouvement ouvrier privilégie la grève et l’affrontement avec la bourgeoisie plutôt que les coopératives. Les militants de l’AIT participent activement au mouvement de la Commune en 1871. Ils contribuent à l’évolution du mouvement ouvrier en lui donnant une orientation socialiste révolutionnaire.

Jacques Rougerie et Robert Tombs tentent d’analyser la Commune de 1871. Cette insurrection s’explique par des causes sociales. Mais la dimension de classe ne suffit pas à expliquer cette révolte. Henri Lefebvre insiste sur la critique de l’urbanisme. Des réseaux de sociabilités tissés au sein des quartiers peuvent expliquer l’ampleur du soulèvement populaire. Mais les analyses sociologiques, qui insistent sur la logique de l’action collective, révèlent leurs limites pour comprendre la spontanéité de l’évènement.

Bertrand Tillier présente la mobilisation sociale des artistes de 1880 à 1914. Des peintres, comme Signac ou Picasso, se rapprochent du mouvement anarchiste. Cet engagement ne se reflète pas dans les sujets évoqués mais se traduit par un refus des conventions bourgeoises dans le milieu artistique. « Il leur sembla en effet qu’ils disposaient ainsi d’une voie nouvelle pour combattre un art miné par le goût bourgeois, les lois de l’industrie, les conventions sociales et les codifications académiques, au bénéfice d’une liberté de création, d’imagination et d’invention », décrit Bertrand Tillier. Ces artistes développent également une esthétique libertaire. Leur iconographie de la destruction annonce un monde de l’harmonie sociale.

Danielle Tartakowsky revient sur l’histoire du 1er Mai. Cette date doit permettre de renforcer la conscience de classe et créer un événement de dimension internationale. Mais, en France, le 1er Mai est rapidement récupéré par les institutions républicaines. Ses origines américaines, avec la revendication de la journée de travail de 8 heures, sont niées. Des mairies prennent même en charge l’organisation de l’événement. La CGT dénonce cette institutionnalisation qui vise à organisation une fête inoffensive plutôt que de lancer un mouvement de grève générale.

Michel Pigenet présente les pratiques du syndicalisme révolutionnaire. La grève et l’action directe semblent plus efficaces que l’activité parlementaire. Les syndicalistes révolutionnaires de la CGT s’opposent aux socialistes et notamment aux guesdistes qui veulent soumettre le syndicat au Parti. Mais les mouvements de grève semblent plus efficaces que les ministres socialistes pour améliorer les conditions d’existence de la classe ouvrière. En 1911, la journal de La Bataille syndicaliste défend le « socialisme de la classe ouvrière » qui devient un « instrument par excellence de la lutte des classes ». Mais les réformistes demeurent nombreux au sein de la CGT. La grève générale et l’autonomie ouvrière ne sont pas toujours valorisées dans le syndicat.

Une multiplication des luttes au XXe siècle

Isabelle Sommier souligne le développement de la sociologie des mouvements sociaux. Les universitaires se penchent un peu plus sur les formes d’actions non conventionnelles, qui ne passent pas par les institutions. Mais les chercheurs ne s’intéressent pas beaucoup aux conflits sociaux liés au travail. Ils se tournent vers les nouveaux mouvements sociaux comme l’écologie et les luttes des homosexuels et des femmes. Cette approche s’explique par une homologie sociale entre les universitaires et les militants qui appartiennent à la petite bourgeoisie d’État dans les secteurs de l’enseignement, du travail social, de la santé.

Marianne Debouzy étudie les mouvements sociaux aux États-Unis. Une véritableguerre de classe s’observe. Le patronat tente d’éradiquer toute forme d’organisation syndicale. Ensuite, l’idéologie de la réussite individuelle et de l’american way of life s’oppose à la démarche de l’action collective. Mais des mouvements de travailleurs et de chômeurs se développent. Les IWW privilégient l’action directe et regroupent des travailleurs précaires. Une vague de grève éclate au début des années 1930. La contestation des sixties dénonce la guerre du Vietnam puis l’impérialisme et la société capitaliste. Des mouvements de noirs s’organisent. La contre-culture attaque le puritanisme hypocrite de la société et le mode de vie conventionnel qui réprime l’imagination et soumet les individus. Les féministes s’inscrivent également dans ce discours révolutionnaire. A partir de la fin des années 1960 éclatent des grèves sauvages, organisées à la base sans l’accord des syndicats. La résistance ouvrière vise à se réapproprier du temps et à créer des plages d’autonomie.

Antoine Prost décrit les grèves de 1936. La France se caractérise par l’explosion de grands mouvements interprofessionnels qui paralysent l’économie. Les syndicats ne parviennent pas à encadrer ces mouvements de lutte spontanés. Les usines dans lesquelles la CGT semble fortement implantée ne font pas grève. Ce mouvement s’explique par une fenêtre d’opportunité liée au Front populaire. Mais le nouveau pouvoir s’empresse de venir au secours du patronat à travers les accords de Grenelle. La crise ne se traduit pas par une baisse des salaires. Mais l’intensification du travail, la taylorisation et l’horreur de l’usine demeurent l’explication la plus crédible de cette révolte.

Michel Margairaz et Danielle Tartakowsky présentent le mouvement de Mai 68. La révolte de la jeunesse et l’insubordination ouvrière convergent vers une contestation globale de la société modernisée des Trente glorieuses. Les universitaires analysent difficilement les évènements de mai-juin 1968, entre un imaginaire qui emprunte à la Commune de Paris et aux grèves avec occupations de 1936. Cette révolte permet également un développement de la conflictualité sociale, notamment dans les usines, jusqu’en 1977.

Danielle Tartakowsky évoque les mouvements interprofessionnels. Contrairement aux luttes catégorielles et aux revendications corporatistes, les mouvements interprofessionnels semblent directement politiques. Ils engagent directement un rapport de force avec l’État. Mais des grèves qui commencent dans un secteur professionnel, comme les cheminots en 1995, peuvent s’étendre à l’ensemble de la population.

Françoise Thébaut présente les féminismes des années 1970. La sexualité, l’avortement et la famille deviennent des questions politiques portées par les femmes comme nouveau sujet autonome. Les rapports de pouvoir perdurent dans le mouvement révolutionnaire avec une division sexuée du travail militant et une marginalisation des luttes spécifiques aux femmes. La gauche et les gauchistes sont alors durement critiqués. Le privé devient politique à travers la sexualité, l’amour, la maternité, les relations conjugales. Les manifestations deviennent joyeuses et festives, avec la musique et les chants. L’ironie et les jeux de mots permettent de moquer l’oppression. Le plaisir féminin est revendiqué, mais en dehors des normes imposées par l’ordre social.

Marie-Claude Blanc-Chaléard évoque l’entrée des travailleurs immigrés comme acteurs autonomes des luttes sociales. En plus de l’exploitation, les immigrés subissent des problèmes de logement et de racisme. Ils luttent dans les usines, malgré l’hostilité de la CGT, mais aussi dans les quartiers, les foyers et les bidonvilles. Des assemblées, des collectifs et des coordinations s’organisent de manière libertaire et avec le soutien de militants maoïstes et chrétiens.

Anne-Marie Sohn souligne l’importance des mouvements de la jeunesse. En Mai 68, la contestation étudiante débouche vers une grève ouvrière. A l’université de Nanterre, le mouvement du 22 mars déclenche une révolte contre la répression. Ils favorisent la jonction entre travailleurs intellectuels et manuels. Les étudiants attaquent la culture, la consommation de masse, la hiérarchie des savoirs à l’Université. Ils critiquent l’aliénation dans la vie quotidienne pour libérer la créativité et l’autonomie de chacun. Les étudiants refusent de devenir les cadres dociles d’un capitalisme qu’ils rejettent. Des revues confidentielles exercent une influence et participent au renouveau de la pensée libertaire. La contestation de la jeunesse semble également influencée par l’Internationale situationniste.

Nouvelles luttes face à la recomposition du capitalisme

Éric Agrikoliansky revient sur le mouvement altermondialiste. Il nuance la réelle nouveauté de ce phénomène qui ne fait que regrouper une nébuleuse d’associations et de syndicats. L’altermondialisme s’effondre notamment en raison de chamailleries bureaucratiques à Attac et en 2007 au moment des élections présidentielles.

Denis Merklen se penche sur la politique dans les quartiers populaires. Les mouvements sociaux ne se réduisent plus au cadre de l’entreprise. Mais des sociologues, comme Alain Touraine ou François Dubet, réduisent les problèmes sociaux à une simple exclusion. La dimension politique des émeutes de banlieues demeure éludée. Pourtant, des mouvements s’opposent à l’État et aux violences policières. En revanche, avec la disparition de l’horizon révolutionnaire, le discours se réduit à une exigence de démocratie et d’intégration républicaine.

Ingrid Hayes revient sur le combat des sidérurgistes lorrains en 1978-1979. Le capitalisme impose une désindustrialisation. Mais si la lutte échoue, de nouvelles pratiques émergent. Le mouvement ne se limite pas à l’entreprise. Des mobilisations de masse regroupent également des habitants de la région. Ensuite, de nouvelles modalités d’action apparaissent : séquestrations, mises à sac, sabotages, barrages de route, affrontements avec les force de l’ordre. La CGT lance également Radio Lorraine Cœur d’Acier. Cette radio pirate favorise une liberté de ton, un débat permanent, des sujets liés à la culture et à la vie quotidienne et refuse les hiérarchies militantes. Mais la CGT préfère mettre un terme à une expérience qui s’éloigne de l’orthodoxie stalinienne. La radio n’abolit pas pour autant les rapports de domination. Les hommes et les intellectuels restent ceux qui s’expriment le plus.

Christian Chevandrier évoque les grèves de 1995. En décembre, un mouvement de lutte éclate contre un plan de réformes. Cheminots, postiers et électriciens déclenchent un mouvement de grève. Le paysage syndical se divise. La CGT, FO et la FSU soutiennent le mouvement tandis que la CFDT se range du côté du gouvernement. Des assemblées générales favorisent l’auto-organisation de la lutte. Ce ne sont plus les bureaucrates recroquevillés en « intersyndicale » qui dirigent le mouvement. Les pratiques de la jeunesse des années 1968 irriguent désormais le monde du travail. Malgré la forte popularité du mouvement, la grève par procuration remplace la grève générale.

Jean-Marie Pernot se penche sur le phénomène de la désyndicalisation. La diminution du nombre d’adhérents s’explique par la bureaucratisation, avec des permanents professionnels, et la routinisation des pratiques. Mais des évolutions sociales expliquent également la désyndicalisation. L’effondrement du secteur industriel et la précarisation renforcent l’isolement des travailleurs. Le sentiment d’une condition commune s’évapore. Les formes de sociabilité liées au syndicat semblent disparaître. Sophie Béroud évoque les nouveaux usages de la grève. Contrairement aux idées répandues, il existe toujours des luttes sociales dans les entreprises, et pas uniquement dans le secteur public. D’importants mouvements de grève ont éclaté dans le secteur du commerce pour s’opposer à la précarité. Les caissières, les femmes de ménages, la grande distribution et la restauration rapide peuvent mener des luttes importantes.

Abdellali Hajjat revient sur la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Désigné comme « Marche des Beurs », ce mouvement n’est pas culturel mais bien politique. La protestation contre le racisme et les violences policières ne débouche pas sur des émeutes mais sur une marche pacifique encadrée par les religieux de la Cimade. Le Parti socialiste et les médias soutiennent cette action mais en proposent une interprétation dépolitisée. Le PS dénonce en revanche les grèves ouvrières organisées par des immigrés. Le gentil beur s’oppose à l’immigré qui lutte. Mais la Marche, malgré son côté consensuel, devient également un vecteur de socialisation politique pour toute une génération de militants des quartiers populaires.

Fabien Granjon évoque la question des médias. Les mouvements sociaux ne cessent de dénoncer le conformisme des médias dominants qui soutiennent les élites politiques, les journalistes, les experts et les chefs d’entreprises. Les médias sociaux favorisent l’horizontalité sur l’organisation verticale et hiérarchique. Chacun peut facilement diffuser ses informations.

Emmanuel Pierru présente les mouvements de chômeurs. Cette population semble souvent isolée et résignée mais peut aussi s’organiser. Au cours de l’hiver 1997-1998 un mouvement éclate à l’échelle nationale avec une multiplication des occupations. Les luttes des chômeurs visent à améliorer leur condition matérielle mais aussi à retrouver de la dignité face à toutes les stigmatisations. Magali Boumaza évoque les luttes de précaires. La crise du salariat débouche vers un développement de la précarité. Les luttes de précaires croisent les question de genre, de l’immigration et plus largement des classes sociales. La lutte de salariés de Mac Donald’s au début des années 2000 se révèle victorieuse. L’atteinte à la dignité peut déclencher un conflit salarial.

Pierre Baron, Anne Bory, Sébastien Chauvin, Nicolas Jounin et Lucie Tourettereviennent sur la grève des travailleurs sans papiers. Entre 2006 et 2010 des grèves éclatent dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du nettoyage et du bâtiment. La loi ouvre la possibilité pour les employeurs de régulariser leurs salariés. Ce qui apparaît comme une dépendance du travailleur se retourne comme une arme pour les sans papiers à travers la grève. Les mouvements se multiplient dans la région parisienne et de nombreux sans papiers contactent la CGT. En revanche, la CSP 75 regroupe des travailleurs isolés. Ces sans papiers occupent alors la Bourse du travail pour faire pression sur la CGT qui apparaît comme un relais de l’État pour obtenir des régularisations.

Michel Kokoreff évoque l’émeute urbaine. Les violences et crimes de la police déclenchent des émeutes qui durent souvent quelques jours avant un retour à la normale. Le gouvernement alimente souvent la tension car il dénie toute responsabilité de la police. Les familles, les associations et autorités locales lancent des appels au calme et militent pour un retour à l’ordre. Des émeutes éclatent en France en 2005 et en 2007 avec davantage de violence. Les humiliations, la misère, le racisme et l’oppression policière expliquent ces émeutes spontanées.

Lilian Mathieu présente les luttes des minorités sexuelles. Les années 1968 permettent l’émergence d’un mouvement homosexuel. Le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) dénonce la « normalité sexuelle fasciste ». Les mouvements de femmes et de lesbiennes construisent leur autonomie. Le mouvement des prostituées émerge en 1975. Elles luttent contre la répression policière à leur encontre et sont immédiatement soutenues par les féministes. Cette lutte introduit un changement de perception. Mais les prostituées demeurent la population exclue du mouvement de libération sexuelle des années 1970. Un regard misérabiliste se diffuse dans le milieu féministe.

Irène Pereira se penche sur les discours postmodernes. Ces analyses proviennent davantage des universitaires que des prolétaires et reposent sur de nombreuses ambiguïtés. La critique des domination de sexe et de race permet de construire l’autonomie des minorités opprimées en dehors du cadre des organisations qui reproduisent les rapports sociaux de domination. Les personnes directement concernées peuvent construire leurs propres luttes. Mais les théories postmodernes de l’intersectionnalité peuvent aussi déboucher vers un émiettement toujours croissant des sujets politiques. L’autonomie ici et maintenant remplace l’horizon d’une rupture révolutionnaire.

Mouvements sociaux et changements historiques

L’étude des mouvements sociaux dessine une histoire par en bas. La version académique de l’histoire, incarnée par Sciences Po (avec les Rémond, Winock, Milza, Berstein), se focalise sur l’observation des crises ministérielles. Cette histoire officielle se réduit à une observation des institutions et des coulisses du pouvoir. Cette histoire écrite du point de vue des vainqueurs et de la permanence du pouvoir ne permet pas de comprendre les changements sociaux. L’histoire des mouvements sociaux, écrite du point de vue des vaincus, permet de comprendre les rapports de force entre la population et les tenants du pouvoir, à l’Etat et au capitalisme.

Selon cette approche, le pouvoir est dans la rue pour reprendre le beau titre d’un livre de Danielle Tartakowsky. L’histoire de l’humanité demeure l’histoire de la lutte des classes. Les changements de régime, les grands bouleversements politiques, sociaux et culturels proviennent des révoltes et de la rue. Cette approche de l’histoire par l’étude des mouvements sociaux semble alors indispensable pour comprendre l’évolution du monde.

Ce livre collectif permet de présenter la diversité des luttes contre l'idée d'un sujet révolutionnaire homogène et définit. Les classes populaires ne sont pas uniquement des victimes des gouvernements et de l'histoire. Le prolétariat n'est pas condamné à subir son sort dans la résignation. Il semble important de raviver cette histoire de lutte contre tous les discours qui estiment que seul un aménagement de l'oppression est possible. Ce sont des mouvements sociaux, larges, interprofessionnels, qui ont permis les plus importantes améliorations des conditions de vie de la population. La dérive électoraliste de l'extrême-gauche et du Front de gauche mène en revanche vers une impasse.

Ce livre collectif propose un large panorama des mouvements sociaux en France. Le contexte historique est reconstitué et des chapitres synthétiques permettent de se pencher sur des mouvements de révolte spécifiques. Cet article évoque surtout les mouvements qui s’inscrivent dans la lutte des classes, avec si possible, une demarche révolutionnaire et libertaire. Mais le livre collectif évoque aussi les mouvements bourgeois et réactionnaires. Ce fourre-tout peut manquer de clarté politique, peut favoriser les amalgames et alimenter la confusion. A l’occasion des manifs pour tous, organisées par la droite bourgeoise et homophobe, Danielle Tartakowsky a publier un livre pour rappeler que la droite peut également prendre la rue. En revanche, il ne s’agit pas de mouvements sociaux qui visent à changer la société, mais d’une agitation réactionnaire qui vise à maintenir l’ordre existant. La composition sociale et les objectifs de ces deux tendances diffèrent donc fortement.

L'approche historique permet de battre en brèche cette sociologie des mouvements sociaux qui ne cesse de s'embourber dans le ridicule. les sociologues tentent de comprendre les révoltes à partir des logiques rationnelles des acteurs. Ils tentent d'enfermer les luttes dans des cases et des catégorisations à partir d'explications vaseuses. L'expliction historique permet au contraire de souigner la spontanéité des luttes et la dimension originale de l'événement.

Ensuite, il semble important d'insister sur la spontanéité des mouvements sociaux les plus importants. Ce ne sont pas les partis et les syndicats qui ont impulsé la lutte. Bien au contraire, les exploités tentent souvent de créer leurs propres formes d'organisation pour échapper à l'emprise des bureaucrates. Les militants gauchistes et anarchistes, qui pensent éduquer le peuple par leur propagande éculée, ne font que hurler au milieu du désert. C'est la généralisation des pratiques de lutte et le développement d'une solidarité de classe qui permettent de diffuser un esprit de révolte. C'est la lutte sociale qui produit la conscience politique, et non l'inverse.

Le livre collectif permet aussi d’observer l’évolution des mouvements sociaux. Aujourd’hui les luttes semblent éclatées et morcelées, avec une multiplication des révoltes spécifiques et spécialisées. Le mouvement ouvrier qui s’organise sur une base de classe semble disparaître. Le discours devient davantage citoyenniste et interclassiste. Les rapports d’exploitation ne sont plus mis en évidence dans les discours politiques et syndicaux. Ainsi, l’horizon révolutionnaire d’un changement radical de société semble disparaître. Les mouvements sociaux se contentent désormais de faire pression sur le pouvoir et les institutions pour demander un aménagement partiel de l’exploitation capitaliste. Au contraire, les mouvements sociaux doivent se généraliser et se coordonner pour inventer une nouvelle forme d’organisation en rupture avec les logiques marchandes et hiérarchiques.

Source : Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky, Histoire des mouvements sociaux en France. De 1815 à nos jours, La Découverte, 2012, Poche 2014

Vidéo : Présentation du livre par Michel Pigenet et Danielle Tartakowsky, publié le 25 février 2013

Vidéo : François Jarrige - Techno-critiques du refus des machines à la contestation des technosciences, ajoutée le 14 mars 2014

Vidéo : Société Louise Michel : la 1ère Internationale...avec Michel Cordillot, mis en ligne sur le site du groupuscule Ensemble !

Vidéo : De la grève, diffusée par Mediapart

Vidéo : "Manifestations dans Paris" par Danielle Tartakowsky enregistrée le 3 avril 2014

Vidéo : LA MANIF' : Histoire des mobilisations de rue

Vidéo : Penser la crise des banlieues. Que peuvent les sciences sociales ? 2- Le quartier populaire, espace de protestation, débats enregistrés en janvier 2006

Vidéo : Documentaire "Memoire en Marche" (2003)

Vidéo : Abdellali Hajjat et la Marche pour l'égalité (Vidéo Mediapart), mis en ligne sur le site Repères antiracistes le 2 décembre 2013

Vidéo : Abdellali Hajjat, sociologue, "1983 : contexte de la marche pour l'Egalité et contre le Racisme", mis en ligne par Kaina TV le 2 décembre 2013

Vidéo : Nicolas Duvoux, Y a-t-il une radicalisation des conflits sociaux ? Questions à Sophie Béroud, sociologue, publié sur le site La Vie des idées le 27 avril 2009

Vidéo : Quand les conflits sociaux se radicalisent, enregistrée sur France Inter le 17 juillet 2009

Vidéo : Isabelle Sommier : "Nous sommes sur une poudrière", mis en ligne sur le site Bellaciao le 13 décembre 2008

Vidéo : Isabelle Sommier, Les processus de radicalisation, Une conférence du cycle "La violence aujourd'hui", Université de tous les savoirs, 2013

Vidéo : Isabelle Sommier, De la critique sociale, dans le cadre du colloque "Territoires critiques" organisé par le Centre d'Études sur les Médias, les Technologies et l'Internationalisation, les 3 et 4 juin 2014

Vidéo : Réincarner l'autogestion : Irène Pereira, séminaire de la Fondation Copernicenregistré le 9 avril 2013

Radio : Danielle Tartakowsky sur France Culture

Radio : Danielle Tartakowsky sur France Inter

Radio : « Conscience de place et conscience de classe », M.Pigenet, F.Schepens…

Radio : “De l’usine au studio” avec Ingrid Hayes, publié sur le site Genre et classes populaires le 4 janvier 2013

Hicham-Stéphane Afeissa, Qu'est-ce qu'un mouvement social ?, publié sur le site Nonfiction le 4 février 2013

Un compte rendu de Morgan Poggioli, publié sur le site de la revue Dissidences le 30 mars 2013

Publié dans #Histoire des luttes

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