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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Finance. La crise dans tous ses Etats

Ce texte est paru dans Echanges n° 131 (hiver 2009-2010).


Décembre 2009 - C’est par la transformation des dettes privées en dettes publiques, à coup de milliards de dollars, d’euros, de yens… que la croissance économique est tant bien que mal maintenue. Ce qui n’annule pas l’élimination des surcapacités de production à l’échelle mondiale.
L’industrie automobile est l’exemple le plus frappant de cette situation où nous assistons à une redistribution des cartes à l’échelle mondiale, la zone Asie-Pacifique prenant en apparence l’ascendant sur les anciennes implantations de cette industrie. Bien que cette zone soit elle aussi en Etat de « surchauffe » c’est-à-dire en surcapacité.


Tous les Etats, de plus en plus en déficit, commencent depuis quelques mois à lever des emprunts sur les marchés financiers, pour financer les mesures anti-crise. Nous allons voir bientôt des masses d’obligations et de bons du Trésor se déverser sur les places financières, et ces mêmes places financières exigeant que l’argent rapporte de l’argent, entrer dans l’angoisse dès qu’un Etat se trouvera en difficulté sur sa dette. Nous nous en sommes rendu compte,
quand Dubaï ne fut plus en mesure de régler ses dettes. De même pour la Grèce dont la dette publique pour cette année, selon l’OCDE, représente 75,3 % du PIB (soit 300 milliards d’euros) et devrait atteindre 89,3 % en 2010. Les agences de notation viennent de déclasser ce pays, bientôt considéré en cessation de paiement. Le Royaume-Uni est lui aussi dans une situation critique et, selon la presse, pourrait être déclassé. Ce n’est pas la première fois que des Etats sont en faillite, :la Yougoslavie a été démantelée dans les années 1990 du fait de son surendettement et la Serbie bombardée par l’OTAN. En 2001 c’est l’Argentine qui allait boire le bouillon, au point que le FMI lança l’idée, déjà émise lors de la crise asiatique, qu’il fallait légiférer sur le « risque pays ».


Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que le risque pays ne concerne plus seulement des pays comme la Turquie, le Liban, la Thaïlande, la Corée du Sud … mais directement des pays de l’OCDE. Ainsi le quotidien La Tribune écrit-il (le 15 mai 2009), à propos des Etats-Unis : « Ils devront dévaluer le dollar, mais cela ne suffira pas, ils devront également renégocier leur dette. »


Pour le moment, les gouvernements cherchent à étaler, dans le temps et sur les peuples, le remboursement de montagnes de dettes, d’où toute la propagande médiatique sur la fiscalité, et les paradis fiscaux, le premier ministre grec Georges Papandréou (socialiste) en appelle à l’union nationale contre la fraude fiscale, mais la jeunesse se révolte contre la précarité et passe à des actions radicales… En France on a mis en couveuse le corbeau de la banque suisse HSBC et sa liste de « fraudeurs du fisc ». On fait semblant de s’attaquer au grand capital, comme par exemple en indiquant que les entreprises du CAC 40 trichent et que les PME (petites et moyennes entreprises) payent plus d’impôts que les multinationales. Mais dans la réalité, c’est un montant d’aides publiques représentant 31,2 % du PIB de l’UE qui a servi entre autres au rachat d’actifs toxiques. Les voilà les vrais bonus.


Le président de la République française, Nicolas Sarkozy en personne, a déclaré tout haut que les 35 milliards d’euros d’emprunt se feraient non pas sur le dos des Français, mais par un appel au marché financier. C’est exactement ce qui fut fait pour combler le trou de la Sécu, c’est le marché qui est intervenu, et c’est le populo qui banque : la CRDS est directement prélevée sur la quasi-totalité des revenus, y compris les allocations familiales et les allocations chômage.


La facture finale des intérêts de la dette est colossale. Selon la Cour des comptes, la charge d’intérêts des emprunts contractés par la Cades s’élève à 2,9 milliards d’euros par an en moyenne sur la période 2005-2009, contre 1,4 miliard d’euros sur la période 1996-2004, soit un total de 25,7 milliards d’euros versé au capital financier depuis 1996.


Mais il y a aussi, du fait de la rétraction du marché mondial, une tendance au protectionnisme qui s’amorce. Les grandes messes de l’écologie (« il faut sauver la planète ») sont de cet acabit, il s’agit d’élever des normes « écolos » c’est-à-dire des taxes, pour protéger certains secteurs de la concurrence. Le recours aux dévaluations compétitives est de retour : il consiste à faire chuter sa monnaie afin de donner un avantage à ses exportations. Par exemple le Royaume-Uni a laissé la livre sterling se déprécier de 20 % par rapport à l’euro depuis août 2008, ce qui en fait revient à dissimuler une taxe de 20 % sur ses importations. Il en est de même pour le dollar, en chute libre, le franc suisse, le dollar canadien… Le cycle des dévaluations compétitives est en pleine action. Tout se concentre sur le vrai argent, c’est à dire sur des valeurs sûres et non plus sur des billets de papier fraîchement produits par la planche à billets ; d’où un certain retour vers l’or considéré comme la valeur refuge a minima.


Avec le déplacement des dettes privées (celles des propriétaires des moyens de production et d’échanges) en dettes publiques, nous avons une sorte de socialisation des moyens de production, sauf que le propriétaire de l’Etat, ce n’est pas le peuple. L’Etat est au service du capital financier et la seule propriété qu’il accorde au peuple c’est la dette publique, sa seule identité nationale c’est de payer les impôts et taxes.


« La dette publique, en d’autres termes l’aliénation de l’Etat, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique. »
(Karl Marx, Le Capital,
t. 1, Editions de Moscou p. 721)


Mais encore :


« Le peuple sait bien, par sa propre expérience et les saignées faite à sa bourse, combien la dette publique pèse sur les impositions ; mais peu de gens savent dans quelles conditions spéciales cette dette a été contractée et existe toujours. L’Etat, cet instrument commun entre les mains de nobles propriétaires fonciers, et des gens de la finance, a besoin d’argent pour réaliser, à l’intérieur comme à l’extérieur, l’œuvre d’oppression. Il emprunte donc chez les capitalistes et usuriers, et leur remet un bout de papier, par lequel il s’engage à payer, pour 100 livres sterling prêtées, tel chiffre d’intérêt. Les moyens nécessaires à ce paiement, il les tire, sous forme d’impôts, de la poche des classes ouvrières. Si bien que le peuple doit servir de garantie à ses oppresseurs vis-à-vis des gens qui prêtent leur argent pour qu’on lui coupe le cou à lui, peuple. Cette dette figure sous diverses rubriques, suivant que le taux d’intérêt est de 3,3 % ou de 4 %. »
(K. Marx , People’s Paper, 16 avril 1853.)


Nous voyons que cette histoire de dette publique ne date pas d’hier et que tous les appels à la nation, à l’identité nationale, ne sont que des justificatifs pour sauver le capital.


« Si les démocrates exigent la régulation de la dette publique, les ouvriers doivent exiger la banqueroute de l’Etat. » (Karl Marx, 1re Adresse du comité de la Ligue des communistes, 1850.)


G. Bad


Décembre 2009

Finance. La crise dans tous ses Etats
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