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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Organisation Communiste Libertarie (OCL) - Courant Alternati

Nous avons résumé la partie du rapport de sûreté nucléaire de 2012 portant sur la question
du démantèlement dans le numéro de Courant Alternatif de novembre 2013. On avait pu
constater qu'il y avait de quoi avoir froid dans le dos, même en s'en tenant aux
euphémismes de l'autorité de sûreté nucléaire. Un article du projet de loi de transition
énergétique aborde cette question, dans le plus grand silence médiatique, y compris
naturellement des Verts et du réseau. Ce qui est prévu est pourtant grave: il va être voté
le démantèlement immédiat lorsqu'un réacteur est arrêté. Pourquoi cette décision, pourquoi
n'y a-t-il aucun débat à ce sujet, et quels en sont les enjeux? ---- Vu de loin, le
démantèlement pourrait sembler une bonne nouvelle. Depuis le début, la revendication
antinucléaire de base, c'est l'arrêt et le démantèlement des réacteurs existants.


Sauf que là, il ne s'agit
pas de réacteurs dont on a obtenu l'ar-
rêt, mais d'installations nucléaires en
fin de vie, vie parfois prolongée. Sauf
aussi que dès le départ, les antinu-
cléaires ont annoncé que le démantè-
lement était impossible. Et que
maintenant on y est, dans le démantè-
lement impossible je veux dire.


La portée idéologique de cette loi
est facile à décrypter. Inscrire le dé-
mantèlement immédiat des installa-
tions nucléaires arrêtées, qui plus est
sous le titre de mesures de sécurité nu-
cléaire, revient à proclamer qu'il n'y a
pas de problème, on sait démanteler
les centrales nucléaires contrairement
à ce que prétendent les opposants. Ca
permet aussi de mettre un coup de
pression supplémentaire dans le rap-
port de forces contre la lutte de Bure.
En effet, démanteler, c'est produire des
déchets, les conditionner et les stocker
ailleurs. Commencer le démantèle-
ment immédiatement suppose de dis-
poser de sites de stockage.


Qu'entend le projet de loi par dé-
mantèlement immédiat? «Lorsque le
fonctionnement d'une installation nucléaire
de base ou d'une partie d'une telle instal-
lation est arrêté définitivement, son exploi-
tant procède à son démantèlement dans un
délai aussi court que possible dans des
conditions économiquement acceptables et
dans le respect des principes énoncés à l'ar-
ticle L. 1333-1 du code de la santé publique
et au II de l'article L. 110-1du présent
code.» Bref, on ne sait pas sur combien
d'années ça court. Quand considère-t-
on qu'il est terminé? «Lorsque l'installa-
tion nucléaire de base a été démantelée
dans son ensemble (...), l'Autorité de sûreté
nucléaire soumet à l'homologation du mi-
nistre chargé de la sûreté nucléaire une dé-
cision portant déclassement de
l'installation.». Il n'est donc indiqué
nulle part qu'une installation déman-
telée ne présente plus de dangers pour
l'environnement, ni même que tout
risque de contamination radioactive
est écarté. C'est une affaire de décret.
Mais par contre, une fois une installa-
tion déclassée, elle ne relève plus de
l'autorité de sûreté nucléaire, et n'est
plus soumise à la même réglementa-
tion.


Il faut noter que cette histoire de
démantèlement immédiat est une re-
vendication de l'Autorité de Sûreté Nu-
cléaire et non d'EDF ou d'AREVA.
Pourquoi l'ASN est-elle si pressée de
démanteler une fois les réacteurs arrê-
tés? C'est qu'elle craint par dessus tout
le problème de la mémoire. Qu'est-ce
à dire? Une installation nucléaire est
d'abord une installation industrielle: il
y a les plans, ce que les ingénieurs ont
prévu, les directives qui ont été don-
nées... et ce qui s'est passé réellement.
Et ça, à part ceux qui y étaient, nul ne
le sait réellement. Ca signifie que la ra-
dioactivité la plus importante n'est pas
forcément là où c'était prévu, les réac-
tions chimiques possibles ne sont pas
forcément celles auxquelles on avait
pensé, on peut tomber sur des objets
imprévus, etc. L'ASN craint, à juste
titre, que tous ceux qui savent soient
partis à la retraite, voire définitivement
partis. Elle a bien raison d'ailleurs, sur-
tout si on rajoute que l'essentiel du tra-
vail pendant les arrêts de tranches est
effectué en sous-traitance ou par in-
terim. Ce sont les intérimaires qu'on
n'a plus voulu voir pour ne pas en-
tendre parler des conséquences médi-
cales des doses qu'ils ont prises qui
savent ce qui se passe réellement en
terme de soudure, de déchets, de ma-
tériaux, etc... pendant la maintenance.
On pourrait même se demander si
cette question de la mémoire que se
pose l'ASN n'est pas résolue: elle a
foutu le camp depuis bien longtemps
déjà.


Sachant que de toutes façons, im-
médiat ou différé, un démantèlement
se compte en décennies et ne peut dé-
marrer immédiatement après l'arrêt,
cette question a-t-elle un enjeu? Diffi-
cile dans l'absolu de définir ce qui est
le moins pourri, c'est-à-dire le moins
dangereux, entre laisser tel quel, at-
tendre que la radioactivité baisse avant
de faire quelque chose, ou commencer
à démonter dès que c'est possible. (Il
ne s'agit pas bien sûr du combustible
usé qui de toutes façons doit être retiré
et stocké.) Vu de loin, on pourrait pen-
ser que mieux vaut attendre que la ra-
dioactivité diminue avant de faire quoi
que ce soit. Mais bon, tant que l'instal-
lation est radioactive, elle chauffe, il y
a des réactions chimiques non maîtri-
sées qui se produisent, des corrosions
qui se poursuivent, des fissures qui
s'élargissent..., il ne faut surtout pas
imaginer qu'une centrale nucléaire à
l'arrêt définitif est une centrale qui a
cessé d'être dangereuse, pas même
que le danger a diminué. Il reste que
faire le choix d'un démantèlement im-
médiat, c'est faire le choix d'envoyer
en zone très fortement radioactive des
hommes (et/ou des femmes). Ces per-
sonnes ont toutes les chances d'être
salarié-e-s d'entreprises sous-trai-
tantes, intérimaires, précaires, de
prendre plus de doses que prévu, de
n'être pas suivies en terme de santé. La
gestion de la main d'oeuvre a toutes
les chances d'être la même que celle
des arrêts de tranches: on envoie des
précaires en zone fortement radioac-
tive avec une forte rotation de person-
nel pour éviter de dépasser les limites
réglementaires, et en espérant qu'elles
seront très loin quand elles tomberont
malades. Cette raison est une raison
déterminante pour s'opposer au dé-
mantèlement immédiat.


Il faut se préparer à mener des
luttes sur ce terrain que pour le mo-
ment nous ne maîtrisons pas. Le dé-
mantèlement va occasionner des
pollutions radioactives et chimiques,
exposer la santé des salarié-e-s, occa-
sionner des déchets supplémentaires
et des transports de déchets. Il va fal-
loir se battre aussi pour que la déclas-
sification ne soit pas utilisée pour
réemployer des matériaux faiblement
radioactifs au milieu d'autres, comme
matériaux «normaux», comme ça a
déjà été fait pour certains remblais de
routes ou d'autoroutes dans lesquels
on a incorporé du béton radioactif.
Maintenant que le nucléaire est ins-
tallé, la lutte antinucléaire passe par
des combats autour des dégâts occa-
sionnés par celui-ci. Le démantèle-
ment est une nouvelle page durable
qui s'ouvre dans laquelle il va bien fal-
loir que nous mettions notre nez.


Sylvie
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