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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

le texte, le texte du con, le contexte… (partie 1)

Ça fait longtemps que la question du contexte d’un discours vient et revient régulièrement, j’avais envie d’écrire là dessus depuis un bail. Il est sans doute temps de enfin faire ce topo sur l’importance du contexte, mais aussi sur l’immédiateté du dessin, le danger des discours truffés de logique pourrie, etc.


Bref : sur la propagande.




… Bon le sujet est tellement vaste que je pense le découper en plusieurs parties. Mais attention cependant et j’insiste : je ne suis pas experte. Il n’est pas question de faire une étude sur ces sujets, mais de mettre à plat ce que j’observe, ce que j’expérimente, et des réflexions qui reviennent régulièrement sur le tapis ces derniers temps. et à commencer par


L’humour


… parce qu’a priori anodin et sans danger, il s’avère être une arme redoutable, d’autant plus redoutable qu’on ne s’en méfie pas assez souvent. Je n’avais pas réagis ailleurs que sur twitter à propos de la note d’Un Odieux Connard sur les fans de Dieudonné, qui avait eu un succès retentissant, et j’avais envie de fixer un peu ce que j’en pensais.
Cette note a été reprise partout, a été applaudie, et y’avait de quoi foutre les jetons pour une note qui avait pour objet central que les idées de merde circulent à cause de ceux qui les combattent. C’était même le titre, et malgré ce titre on ne peut plus trollesque et impossible à ignorer, la note a remporté un succès énorme. Pourquoi cet enthousiasme avec un titre aussi dégueulasse, avec une logique aussi merdique ?
D’après ce que j’ai vu, parce que c’était marrant. parce que c’était “super trop vrai”. Y’a de quoi rester pantois… comment l’antisémitisme pourrait-il avancer grâce à ceux qui le combattent ? Comment peut-on croire que les idées nauséabondes se répandent à cause de ceux qui les dénoncent ?!
Donc finalement les féministes sont machistes, les militants antiracistes racistes et le PS de gauche ?
(pardon, j’ai succombé à l’envie de faire dans la vanne).


Reprenons. Donc la note d’un Odieux Connard (OC pour aller plus vite) a fonctionné plein pot parce qu’elle était drôle et « trop vraie ».On dirait un argumentaire de fan de Dieudonné (lol). L’humour n’est pas une chose à traiter à la légère. L’OC a des facilités pour s’exprimer, il sait manier les bons mots et le soucis c’est que ça a finit par masquer le fait que sa logique ne tient pas, elle part de postulats qu’il sort d’un chapeau magique.


OCComme dans cet extrait (ci-contre) par exemple : le « con » selon OC n’entend jamais ce qu’on lui dit, et son détracteur n’a jamais d’argument valable. On ne sait pas d’où viennent ces certitudes, mais il faut les prendre pour argent comptant, ce que tout le monde a fait. Il part de l’idée que tout le monde réagit uniformément, d’un côté et de l’autre. C’est un exemple parmi d’autre et sa note en était truffée. Ça ne serait pas si grave si l’OC nous causait de la recette du boeuf bourguignon de mémé, sauf qu’il choisit de traiter de discours dangereux et fait preuve d’un aplomb sidérant quand il assène ses “vérités”. Oui, ça fait mal à la tête une telle mise en abyme.


L’OC est un sophiste et son discours est dangereux. Sa note a eu du succès aussi parce qu’elle donne du poids à l’inaction et conforte dans la passivité : il ne servirait à rien de lutter contre les discours nauséabonds puisque réagir ne ferait que renforcer ces discours. Peut-être est-ce rassurant de se dire qu’il vaut mieux fermer sa gueule face au racisme, à l’antisémitisme, au sexisme, à l’homophobie. Mais sans doute que c’est beaucoup plus simple à tenir quand on a le cul relativement au chaud, cette logique là. L’OC ne semble pas ressentir d’urgence à abattre les oppressions, son cynisme détaché est celui d’un mec qui n’aurait pas jamais eu à affronter l’humiliation à cause de sa misère, son inculture, sa couleur, sa religion ou son sexe. Il est bien facile de dire qu’on se fout de quelque chose qui ne nous touche pas personnellement.


Pire que cela, l’OC renvoie les opprimés au silence, les enjoint de se taire, les écrase, une fois de plus. La question reste : pourquoi se donner autant de mal pour prouver qu’il ne sert à rien de se révolter ?


Son texte est une gifle pour qui perçoit le mécanisme de manipulation, et/ou pour qui doit se farcir un discours antisémite, raciste, sexiste et/ou homophobe tous les jours, pour qui ces discours là sont insupportables, pour qui il est révoltant de ne jamais voir personne s’opposer. Son discours n’est ni plus ni moins que celui du dominant : si les dominés sont dominés, c’est de leur faute. Que ce soit pour les enjoindre au silence ou pour leur reprocher leur inaction, les dominants ne manquent pas de ressource et d’imagination pour s’absoudre de leur propre responsabilité.


L’humour ici sert les dominants et semble s’adresser au plus grand nombre, les dominés. Ce genre de chose serait extrêmement difficile sans humour. Je persiste : si on enlève l’aspect drolatique de cette note, je ne suis pas sûre du tout que son texte aurait eu autant de relai, ni autant d’adhésion. C’est l’aspect divertissant qui a fait beaucoup pour le succès de cette note, mais avec l’autre sens du terme, celui qui signifie « faire diversion« .


Je me méfie de l’humour quand il sert de paravent, des discours simplistes ou dangereux qu’il peut cacher. Si cette note d’un OC a si bien tourné c’est que son discours nauséabond était camouflé par le vernis de la langue et du ressort comique. Prendre une gravure désuète et coller un langage contemporain dessus c’est pas non plus un truc nouveau ou révolutionnaire, mais il est toujours efficace, reste à savoir à quoi on emploie ce ressort comique. La mauvaise foi joue évidemment son gros rôle, comme ce charmant petit couplet sur les antifascistes qui ne feraient que tabasser tout ce qui bouge. Là, notre fieffé OC « oublie » de parler de de la légitimation des idées nauséabondes si on les laisse s’exprimer, de la réappropriation de l’espace public, ce genre de choses, quoi (ça serait trop long, trop compliqué et on pourrait pas faire de blague ? mazette, ça relativiserait sa rhétorique à deux sous ?). C’est tout le danger quand on se sert de l’humour : la dépolitisation de l’humour, la simplification par l’humour, pour construire une vision des choses sans nuance, sans complexité. Une réponse simple à un problème compliqué.


Pour résumer : l’Odieux Connard nous prend vraiment pour des cons, et son « humour » est un instrument de simplification à l’extrême. Adepte du bon mot, il prend n’importe quel sujet et écrit sur tout sur le même ton, cynique, détaché, au-dessus. Le sujet Dieudonné est interchangeable avec n’importe quoi d’autre, un film pourri ou le féminisme. Peu importe le flacon, pourvu qu’il s’enivre de son propre talent, peu importe les conséquences.


Et là où ça s’emballe c’est quand un tel discours se retrouve relayé de partout et que le nombre de relais devient un “argument”, comme une confirmation que ce qu’il dit est vrai… et là…


connard1un Odieux Connard : l’arroseur arrosé


L’humour sert ici à faire avaler un discours de merde sans que ça se voit trop, et en ayant l’air de faire de l’éduc’ pop’.
Et l’Odieux Connard comme beaucoup d’autres, il ne s’agissait que d’un exemple , choisi à cause de son succès.
La forme, le fond et le contexte sont indissociables, j’y reviendrai, comme sur l’humour, dans la 2è (2nde ?) partie, où je causerai plus du dessin…
[EDIT : finalement la deuxième partie, enfin en ligne, parle du contexte, à lire par ici]


NB : – à propos des logiques faussées, des erreurs de raisonnements, etc. je vous conseille ce lien pour apprendre à les reconnaître.
Ce contenu a été publié dans langage par la soupe à l'herbe. Mettez-le en favori avec son permalien.

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