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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

L'égalitarisme, c'est pas ce que vous croyez

Les militants parfaits existent-ils ?

Voilà un bon moment que je veux écrire cet article. Mais de peur de donner du grain à moudre à nos détracteurs, de peur de laisser entendre qu’il faut cesser de s’indigner contre les propos intolérants, même intra-militants (alors que ce n’est pas du tout mon but), je ne l’ai pas encore fait. Pourtant, plus le temps passe et plus je me dis qu’il faudrait que nous, militants, nous nous interrogions sur notre intransigeance. Surtout celle que nous avons entre nous.

Je ne vais pas le cacher, les raisons qui me poussent à écrire cet article sont les deux derniers gros événement de twitter : la dénonciation des propos de l’elfe qui a tenu des propos problématiques au sujet des neuroatypiques et l’indignation de beaucoup de féministes qui ont appris que le projet crocodile allait sortir en livre papier (et donc que son auteur allait être rémunéré à partir de témoignages de femmes).

Dans ces deux cas, nous avons deux militants qui tentent autant que faire se peut de se remettre en question et de lutter contre les injustices qui sont présentes dans notre société. Ces deux personnes ont essuyé beaucoup d’agressivité. À tort ou à raison, je ne saurais le dire, mais j’ai été personnellement affectée de voir que des personnes que j’estime et que j’admire se faire ainsi exécuter sur la place publique virtuelle que peut être twitter. Je ne dis pas qu’il était inconvenant de relever leur attitude et/ou leur propos. Interroger leur manière d’agir est nécessaire pour faire de notre groupe militant un endroit safe et de notre lutte un combat efficace. Mais une fois n’est pas coutume, je m’interroge non pas sur le fond, mais sur la forme.

D’une manière générale, j’ai l’impression que lorsqu’un propos ou une attitude problématique est relevée, nous avons tendance à ne plus nous interroger sur la personne à l’origine du problème et à nous concentrer sur ce qui est fait ou dit. Or, ça me dérange. Parce que s’en prendre sans prendre de gants à une personne avec 100% (ou presque) de privilèges qui ne s’est jamais remis en question et qui, face aux militants, se drape dans un « vous avez pas d’humour » ou un « on ne peut plus rien dire », je comprends. Face aux dominants qui font la sourde oreille, il faut parfois sortir les couteaux. Face aux personnes qui oppressent sans jamais écouter la voix des oppressés, il faut crier pour se faire entendre. Là où je suis davantage dubitative, c’est quand une personne qui a, à de nombreuses reprises, montré sa bonne foi, est châtiée au moindre faux-pas, sans que personne ne cherche à comprendre.

Parlons de Thomas Mathieu en guise d’exemple. Voilà longtemps que je suis son tumblr Projet Crocodile. Et certaines de ses notes, au départ, étaient problématiques. Il avait notamment fait une note grossophobe. J’ai écrit à Thomas Mathieu pour le lui faire remarquer et lui expliquer le problème, et le lendemain, la note avait disparu, avec, en plus des excuses publiques. Thomas Mathieu avait effacé ce qui lui avait demandé plusieurs heures de travail sans se plaindre. En temps qu’illustratrice, je sais combien il peut être douloureux d’effacer un travail sur lequel on s’est donné du mal. Je pense donc que, sans donner de cookie, on peut prendre cette action comme un gage de bonne foi. Bref. Cette bonne foi s’est manifestée à d’autres reprises chez Thomas Mathieu, prouvant qu’il est conscient des privilèges qu’il possède et qu’il tente autant que possible de faire de sa personne un allié de qualité. Ça ne fait pas de lui une personne 100% safe, mais en revanche, ça fait de lui une personne avec qui il est possible de discuter et de se faire entendre. Raison pour laquelle j’ai trouvé vraiment regrettable qu’il soit dénigré à ce point, parfois sans lui laisser de chance de s’expliquer au sujet de l’édition de son livre.

Cet exemple peut s’appliquer à bien d’autres personnes et à bien d’autres cas. Prenons un autre exemple. Une fois, à la fête d’une amie vegan, j’ai tenu des propos grossophobes. Au moment où ils sont sortis de ma bouche, mon amie vegan m’a lancé un regard éloquent et je me suis rendue compte de ma bourde. Je me suis empressée de présenter des excuses et de reprendre ma phrase malheureuse. Le problème s’est arrêté là et nous sommes passé à autre chose. Mais sur twitter, est-ce que ça aurait été aussi simple ? Est-ce que je n’aurais pas été définitivement catégorisée grossophobe ? Est-ce qu’une myriade de tweets en colère (de manière fort légitime) ne seraient pas apparues dans mes mentions ? Et est-ce que, malgré les plus plates excuses que j’aurais pu formuler, je ne me serais pas sentie terriblement mal à cause de tous les tweets en colère relevant mon erreur ? Si. Probablement. Pourtant, la problématique est la même. Mais twitter et internet ont ceci de terrible que les propos restent. Puisqu’ils sont écrits. (Et si on supprime ce qu’on a écrit, on est traité de lâches qui refusent d’assumer).

Le problème de twitter et des autres réseaux sociaux, c’est que souvent, on y écrit comme on y parle alors que le mécanisme n’est pas le même. Les paroles s’envolent, les écrits restent disait l’autre. Ainsi un même propos n’aura plus le même impact alors que la maladresse est tout à fait similaire dans les deux cas. Et j’en viens à ce qui s’est passé avec l’elfe.

Oui ses propos étaient violents pour les neuroatypiques, je ne reviens pas là-dessus. Et relever cette violence était important. Important parce qu’il fallait que les neuroatypiques blessés se sentent soutenus et parce qu’il fallait expliquer à l’elfe son erreur. Mais imaginez un instant que la bourde de l’elfe se soit faite à l’oral avec moins de personnes ? La discussion aurait sans doute été plus facile, pour elle comme pour les neuroatypiques. Et l’incident aurait été plus rapidement clos. Parce que l’elfe est une personne qui se remet facilement en question et qui est à l’écoute des arguments allant à l’encontre des siens. Je le sais, elle et moi avons des point de vue très différents sur certains sujets et ça ne nous empêche pas d’en discuter sans nous vautrer dans un bain de sang à la fin de la discussion. Personnellement, c’est en lisant ce qu’ont dit les neuroatypiques à l’elfe, puis en lisant leurs articles et les tweets du hashtag #tweetcommeunneurotypique que j’ai compris où se situait le problème et quelle était exactement cette maladie. Parce que avant, j’étais aussi peu safe que l’elfe sur ce genre de questions. En un sens, donc, j’aurais très bien pu faire la même erreur que l’elfe et prendre à sa place, parce que j’étais complètement ignorante sur le sujet.

Lâchement, je n’ai rien dit, car la tension sur twitter était à son comble. Mais je regrette que ça se soit passé de la sorte. Parce que le résultat c’est qu’elle a été exclue du cercle militant pour une erreur que j’aurais pu faire (et que d’autres auraient pu faire), alors que comme beaucoup de gens sur twitter, elle a besoin d’être entourée par des gens safe et que twitter est le seul endroit où elle peut l’être. Twitter est pour beaucoup d’entre nous un des rares endroits où nous pouvons nous exprimer sur nos souffrances d’opprimés sans entendre des poncifs du genre « arrête de te victimiser ». Je sais que pour beaucoup d’entre nous, c’est via ce cercle que nous avons rencontré la plupart de nos amis. Je m’interroge donc : l’elfe a commis une erreur qui a blessé beaucoup de gens, c’est un fait. Mais est-ce qu’une telle exclusion n’est pas une sanction trop sévère ?

L’elfe n’est pas la première militante a clore son compte à cause de la violence des militants entre eux. Si je ne me trompe pas, ça a aussi été le cas de La Marquise, pour ne citer qu’elle. Beaucoup de militant très suivi osent de moins en moins tweeter de peur de faire une faute qui leur retombera sur le coin de la figure. Parce que plus on a de followers, plus on est scrutés par de multiples yeux presque inquisiteurs. Et plus on a de followers, plus les retombées seront rudes.

Encore une fois, mon propos ici n’est pas de dire qu’il ne faut pas relever les problèmes entre nous. L’auto-critique de nos cercles militants est indubitablement nécessaire. Mais je pense qu’il est important de ne pas confondre un non-militant bourré de privilèges, borné et qui peut se rabattre sur son noyau de fan ou sur ses amis pour se conforter dans son petit ego et des militants qui ont à cœur de se remettre en question et qui veulent réellement bien faire.

Oui, je pense qu’il faut s’adapter aux personnes avec qui on parle. Parce que c’est ce qui se fait au jour le jour loin d’internet, il me semble. On ne traite pas un inconnu qui nous a blessé de la même manière qu’on traite un ami qui nous a blessé. À un ami, on laisse généralement plus de chances, parce qu’on a un lien positif entretenu par le passé qui fait que. Ne peut-on pas agir de la même manière avec nos alliés ? Prendre en compte que l’erreur d’aujourd’hui n’invalide pas les aides passées et celles à venir ? Doit-on exécuter chaque personne petit à petit à la première erreur instaurant ainsi une sorte de Terreur virtuelle entre militants ? Est-ce que c’est à ça que doit ressembler notre communauté prétendument safe ?

J’en viens donc à l’idée que j’ai pu avoir pour nous permettre à chacun d’émettre ou de recevoir des critiques sans que ce soit mal vécu. Prenons en compte le fait que se faire submerger de messages en colère n’aide pas à la remise en question. Quand on voit un militant discuter avec un autre du problème, évitons de nous greffer à la conversation en faisant effet boule de neige. Si quelqu’un explique déjà le problème, ajouter du nombre ne fera que rendre l’info moins claire et plus agressive. Et si possible, si les deux personnes ont le temps, peut-être qu’en discuter ailleurs que sur twitter serait plus judicieux, puisqu’il est compliqué de s’exprimer en si peu de caractères.

Mon but avec cet article n’est pas de dicter à quiconque sa conduite. Je suis simplement fatiguée de l’ambiance de twitter et du stress que je ressens quand je m’y trouve alors que je suis censée être en milieu safe. Aujourd’hui, j’en suis au point ou je crains davantage les militants que les trolls. Et le problème, c’est que je suis bien loin d’être la seule à avoir ce sentiment. J’ai l’impression que nous craignons tous plus ou moins d’être exécutés publiquement sur twitter pour une erreur commise. Alors que des erreurs, tout le monde en fait. C’est normal. Si nous prenons soin de présenter nos excuses par la suite, il me semble que se faire accorder le pardon n’est pas inimaginable. J’aimerais donc que sans tomber dans la complaisance, nous soyons un peu plus indulgents les uns envers les autres.

Parce que après tout, on ne naît pas militant. On le devient.

Questionnements sur les réflexes militants


J’écris ce billet à la suite de ce que certainEs ont appelé « Elfegate ». Il ne s’agit pas pour moi de défendre personnellement l’Elfe (que je ne connais pas bien) ni de parler spécifiquement d’oppressions liées aux neuroatypiques et aux hqi.


J’ai quitté Twitter peu après le départ de L’Elfe pour prendre du recul sur ce qu’il s’était passé, et aussi pour me protéger de propos qui m’attristaient.


Pour citer Ondine, le militantisme c’est combattre des systèmes et non des gens ; c’est pourquoi je ne tiens pas à ce que ce billet soit une mise en accusation, ou à ce qu’il vise une personne en particulier.


Après l’affaire de « L’Elfegate », j’ai pris le temps de réfléchir à nos réactions en tant que militantEs et en tant qu’utilisateur-rices de Twitter.


La notion de call-out
En recherchant un peu le terme de « call-out » (= action de dénoncer des actes ou propos problématiques) je me suis aperçue qu’il n’y avait pas, à ma connaissance, de « guide » du call-out. J’ai trouvé des billets sur le site EverydayFeminism expliquant comment réagir après s’être fait « called-out » et comment s’excuser, de même pour les vidéos instructives de Franchesca Ramsey. Ces explications sont bien sûr utiles et nécessaires, mais je m’interroge sur l’absence de guide pour la dénonciation en milieu militant : aucune « directive », aucun principe sur lequel reposerait l’action du call-out.


[Note : si vous avez des liens à m’envoyer n’hésitez pas].


Evidemment, l’absence de « guide du call-out » est facilement explicable par une autre notion : celle du « tone policing » (action de silencier unE oppriméE en lui signifiant qu’iel ne s’exprime pas correctement). Dès le moment où l’on cherche à codifier le discours militant, on le silencie et on diminue sa portée, donc l’idée même d’un « guide du call-out » serait forcément contre-productive. Sauf que : interdire le tone-policing n’est pas équivalent à une licence pour injurier, harceler, menacer, etc.


Le tone policing c’est dire : « je n’aime pas le ton que tu prends pour me parler, donc je décrète que ton discours n’a aucun intérêt ». Il n’a rien à voir avec les techniques de survie qui consistent à demander à l’autre de ne pas être agressif-ve verbalement : dire qu’on se sent mal à l’aise face à la violence verbale est bien différent du tone policing. Dans un cas c’est une technique de silenciation, dans l’autre c’est une manière de se protéger moralement.


Par conséquent, je vois certaines limites au call-out qui paraîtront évidentes à beaucoup mais qui ne sont que rarement formulées. C’est un des problèmes que nous semblons rencontrer régulièrement : nous avons tous ces outils militants en main, mais pas toujours les principes qui nous permettraient d’utiliser de manière éthique ces outils.


Le call-out peut rapidement devenir une licence au harcèlement si on n’établit pas de règles pour effectuer nos call-out.


Les circonstances atténuantes
Pas besoin de traduire ce terme, vous l’avez déjà entendu dans le vocabulaire judiciaire : je parle ici de circonstances atténuantes parce que j’ai vu à plusieurs reprises des personnes affirmer que les circonstances « n’excusaient ni ne justifiaient » quoi que ce soit.


Evidemment, si vous venez d’affirmer quelque chose de particulièrement oppressant, rien dans votre état actuel ne saurait excuser vos propos. Cependant, est-ce que les circonstances ne peuvent-elles pas être prises en compte quand on dénonce des propos oppressants ?


Quand j’avais 15 ans, je slut-shamais constamment, et ce jusqu’à ce que je lise de la littérature féministe bien plus tard : est-ce que mon âge et mon ignorance n’étaient pas des circonstances atténuantes à l’époque ?


Est-ce qu’on peut traiter avec la même sévérité n’importe quel propos problématique, sans prendre en compte les circonstances ?


Le « passe-droit » féministe
Il paraît que les personnes qui ont « défendu » l’Elfe revendiquaient une sorte de passe-droit pour féministe : puisqu’il s’agissait de l’Elfe, une féministe, on pouvait lui donner le bénéfice du doute et supposer qu’elle allait se remettre dans le « droit chemin ».


Je pense que cette histoire de passe-droit est assez malhonnête, car elle redirige la discussion vers quelque chose de parfaitement différent : adapter son discours à l’interlocuteur-rice ne signifie pas qu’on favorise l’interlocuteur-rice, mais qu’on est conscientE de son niveau de compréhension et de connaissance du sujet.


De même que vous n’expliqueriez pas le racisme à un enfant de 5 ans de la même manière qu’à une personne de 25 ans : vous utiliseriez des mots simples pour l’enfant. Si la personne est votre amie ou une connaissance, votre discours changera aussi : vous parlerez avec plus de familiarité du sujet si vous êtes proche de votre interlocuteur-rice. A l’inverse : si la personne a sa carte au FN, vous savez qu’elle ne sera pas particulièrement disposée à vous écouter.


L’égalité devant le conflit
J’ai vu fleurir à plusieurs reprises des témoignages de comptes twitter expliquant à quel point illes avaient apprécié se faire gueuler dessus par d’autres militantEs car ça avait été complètement pédagogique et nécessaire pour elleux.


Là encore j’ai un problème avec l’idée sous-jacente : partir du principe que, si l’on est capable de tirer profit d’une engueulade, tout le monde en tirera profit, c’est partir du principe qu’on est tous-tes égaux-les devant les confrontations verbales. C’est bien sûr complètement faux, et ça ne devrait en aucun cas justifier ou encourager l’agressivité et la violence verbale. Je précise que le ressenti devant la violence diffère complètement selon les gens : je suis de celles qui sont très sensibles au changement de ton dans une discussion, et c’est pour moi déjà violent qu’une personne me parle sèchement.


Tant mieux si vous avez appris en vous faisant corriger sévèrement par unE militantE ; personnellement, j’ai peur du conflit et des violences. Dès qu’une personne hausse le ton avec moi, j’ai envie de fuir, pas de rester et d’écouter patiemment ce que l’autre a à me dire. Pour certaines personnes qui ont des traumatismes liés à ce type de violence, ça n’a rien d’évident et d’utile, et c’est généralement très brutal pour iels.


Bien sûr, on ne peut pas connaître les triggers (= déclencheurs) de chaque personne, en particulier sur Internet. Mais est-ce une raison pour ne pas faire attention ? Pour ne pas s’inquiéter de la manière dont on s’adresse à l’autre ?


L’opprimé adaptant son discours à l’oppresseur
C’est aussi un des reproches qui ont été énoncés sur le sujet : en faisant du cas par cas on forcerait les oppriméEs à adapter leur discours à leurs oppresseurs, ce qui dépouillerait les oppriméEs de leurs possibilités d’émancipation.


D’une part, je ne crois pas que le call-out soit réservé aux oppriméEs visant les oppresseurs : la population est souvent plus diverse et comprend généralement des alliéEs. D’ailleurs, les personnes se faisant « called-out » sont parfois elles aussi des oppriméEs. Et les oppriméEs peuvent devenir oppresseurs (un homme blanc gay peut jouir de son privilège blanc et masculin tout en étant oppressé par le système homophobe) dans d’autres configurations.


D’autre part, si l’oppriméE n’a pas à adapter son discours à l’oppresseur, cela ne signifie pas qu’iel ne peut pas suivre des principes pour codifier son propre discours. Rappelons là aussi qu’il y a une énorme différence entre écrire un texte énervé sur les méfaits du patriarcat et envoyer une salve de tweets énervés à un homme qui fait partie du système patriarcal. Certes, nous n’avons pas à rendre de comptes sur notre façon d’exprimer notre colère, mais cela ne nous donne pas pour autant la licence de s’acharner sur une personne.


En outre, le call-out en milieu militant ou avec des proches se fait toujours de manière très différente que lorsqu’on signe des pétitions sur Change pour condamner les propos de telLE personnage public : c’est toujours personnel, c’est toujours du cas par cas et ce n’est jamais un rapport binaire oppriméE/oppresseur.


Enfin, je crois que le fait de ne pas avoir à adapter son discours à l’autre est un luxe : rares sont les personnes avec lesquelles vous pouvez parler sur n’importe quel ton. Si, sur Internet, beaucoup se permettent de dénoncer des propos avec énormément d’agressivité, je pense que peu d’entre elleux le feront avec la même brutalité IRL. Adapter son discours à l’autre est souvent une technique de survie : par prudence et par peur, je ne répondrai pas avec agressivité à un policier qui tient des propos racistes devant moi. En revanche sur Internet, l’anonymat aidant, on se sent moins contraintEs par ces principes de précaution, et on tend à « libérer » son agressivité beaucoup plus facilement.


Conclusion
Je n’ai pas de certitude, ni de guide à vous offrir sur le call-out en milieu militant. Je réfléchis, je débats, je discute et je remets constamment en question mes actes passés et futurs en tant que militante.


Je ne crois pas qu’il soit possible d’être irréprochable politiquement, même si on peut tendre toute sa vie vers un idéal de pureté militante.


Je pense que le militantisme est forcément une question de communication : nos manières de nous adresser aux autres comptent énormément dans leur volonté de nous écouter et d’adhérer à nos propos. Si une partie des codes qui régissent nos interactions sont obsolètes voire nauséabondes (le vouvoiement me dérange par exemple) cela ne signifie pas que tous nos moyens de communication sont dispensables, au contraire.


Nous souhaitons tous-tes plus de justice, mais peut-être devrions-nous réfléchir à la manière dont nous l’appliquons en notre sein. Je pense que la bienveillance est nécessaire, et nous en manquons grandement. Nous sommes promptEs à fustiger et à pointer du doigt, mais nous oublions que tout le monde peut faire des erreurs, et peut s’améliorer.


Suis-je une bisounours qui veut un militantisme tiède ? Peut-être. Peut-être que je suis une vendue qui veut adopter des stratégies de respectabilité par paresse et par manque de rigueur militante. Peut-être que je n’aime pas les conflits et que j’ai écrit ce billet pour empêcher les gens que j’apprécie de s’entre-déchirer. Peut-être que cela fait un peu trop longtemps que je vois cette problématique ressurgir sur Twitter.


J’ai encore beaucoup de réflexions à mener sur ma manière de militer, en particulier au sein de Twitter. Je crois que, à défaut d’être irréprochables, nous ferions tous bien de réfléchir à nos façons de dénoncer les propos problématiques car ce n’est pas la première fois que notre propre violence vient à bout de nos alliéEs.


N’hésitez pas à venir en discuter avec moi, calmement, si vous avez des réponses à faire à ce billet.


L'égalitarisme, c'est pas ce que vous croyez
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