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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Les réfugiés syriens, un fardeau trop lourd pour le Liban

Elles sont trois à tourner en rond, à quelques mètres du poste-frontière de Masnaa. Ce bâtiment cerné par les barbelés, niché au pied de l'Anti-Liban à l'est du pays, marque la frontière avec la Syrie, leur pays. Un téléphone vissé à la main, deux d'entre elles courent d'un passant à un autre pour trouver de l'aide. Des larmes coulent sur le visage ridé de la plus âgée. Cela fait trois jours qu'une de leurs proches et ses trois enfants sont coincés de l'autre côté de la frontière. "Ma belle-soeur est retournée en Syrie pour faire passer à sa fille une radio de la tête, car cela coûte moins cher qu'au Liban", explique la plus jeune. Originaire de Khan el-Sheeh, ville bombardée par le régime en banlieue de Damas, cette famille est réfugiée au Liban depuis un an. "Maintenant, elle nous dit que la sûreté générale libanaise ne les laisse plus passer."
Depuis octobre, le Liban a commencé à réduire sévèrement l'accès des Syriens au pays. La cellule de crise ministérielle a déclaré le 20 octobre que les demandeurs d'asile sont désormais interdits d'entrée sur le territoire libanais. Une décision acceptée par le gouvernement. Récente à Masnaa, la mesure est déjà en partie mise en pratique depuis septembre aux postes-frontières du nord du Liban. "On a atteint le niveau de saturation", soutient Hala el-Helou, conseillère du ministre des Affaires sociales pour les questions internationales et humanitaires. "Il y a un million et demi de Syriens pour une population libanaise de quatre millions, tous les infrastructures et services du pays sont déstabilisés, on doit préserver le Liban." Depuis le début du conflit syrien, il est le pays à avoir accueilli le plus de réfugiés. "On a accepté les Syriens sans restriction, mais on ne pensait pas que la crise allait durer si longtemps. Maintenant, on doit faire comme la Turquie ou la Jordanie", poursuit-elle.
Le gouvernement libanais a aussi pris des mesures pour encourager les Syriens à rentrer dans leur pays. Il a notamment déclaré que ceux étant en situation irrégulière peuvent désormais être exemptés des 200 dollars de résidence par an et par personne s'ils repassent par la Syrie. Le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) a envoyé un SMS aux réfugiés pour leur préciser que, en suivant cette procédure, ils risquaient de se trouver bloqués en Syrie pour une durée minimum de six mois.
Le résultat d'une telle politique ne s'est pas fait attendre. "On observe une chute significative du nombre de réfugiés et aussi des Syriens venant au HCR pour se faire enregistrer", affirme Dana Sleiman, porte-parole du HCR pour le Liban. Seuls des "cas humanitaires extrêmes" feront désormais exception aux yeux du gouvernement libanais. Le flou demeure cependant sur leur définition. "Pour l'instant, le gouvernement ne nous a pas communiqué ces critères", dit Dana Sleiman. Ces imprécisions caractérisent l'ensemble des décisions concernant les Syriens annoncées par le ministère des Affaires sociales libanais cette semaine. En effet, l'accès restreint aux frontières n'est qu'une des nombreuses mesures annoncées pour réduire leur nombre sur le territoire libanais.
Peu de voix se sont élevées contre ces décisions parmi les organisations de défense des droits de l'homme et la communauté internationale. "Certains pays ont essayé de nous convaincre de ne pas prendre ces mesures, mais pas autant qu'avant", ajoute Hala el-Heloun du ministère des Affaires sociales. "Seuls 123 000 Syriens ont eu l'asile en Europe, ils ont bien conscience que leurs pays n'auraient pas pu en accueillir autant que le Liban." Le manque de financement des donateurs est aussi une raison majeure : en 2014, 38 % seulement de la somme annoncée dans l'appel d'offres lancé par le gouvernement libanais, les ONG et les agences des Nations unies travaillant avec les réfugiés a été versée.
À quelques jours de la conférence internationale sur les réfugiés qui se tiendra à Berlin le 28 octobre, ces mesures-chocs semblent aussi être avant tout un moyen de pression pour les donateurs. Mais pas seulement. Elle marque un tournant dans la politique des autorités envers les réfugiés. Depuis l'offensive de l'État islamique (EI) dans la ville frontalière libanaise d'Ersal en août dernier, la classe politique, pourtant très divisée sur la question, s'est mise d'accord pour réguler davantage la présence des Syriens présents au Liban.
À Masnaa, un employé du poste-frontière explique en effet que la décision est aussi sécuritaire. "Les hommes entre 18 et 47 ans ne peuvent plus entrer au Liban, on ne sait pas qui est avec l'État islamique", glisse-t-il. L'efficacité de ces restrictions, qui en outre n'ont pas encore été clairement communiquées aux autorités libanaises en charge des frontières, n'est pas garantie pour autant. À deux pas de la Syrie, un chauffeur de taxi pointe du doigt les montagnes des alentours et affirme que beaucoup de réfugiés arrivent à présent illégalement : "Il suffit pour eux de payer le passeur, alors que par le poste-frontière ils doivent soudoyer beaucoup d'employés."
Nombreux sont les Syriens à dénoncer la corruption ambiante à Masnaa. "Ça m'est déjà arrivé de payer un employé libanais pour pouvoir entrer", confie Yahya, un Damascène qui se rend souvent au Liban. À Chtaura, à une vingtaine de kilomètres de Masnaa, de nombreux Syriens se restaurent après être entrés en territoire libanais. Sur le parking d'un restaurant, Mona Hamza s'insurge contre le comportement des employés libanais. "Ils choisissent de manière arbitraire qui peut passer ou non, déchirent parfois le laissez-passer qu'on leur présente pour pouvoir entrer au Liban et nous insultent", accuse-t-elle. Selon elle, une centaine de Syriens étaient bloqués mardi à la frontière, sans espoir de pouvoir se rendre au Liban.




(26-10-2014 - Marie Kostrz )

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