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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Armer les rebelles n'est historiquement pas une bonne idée

Par Joshua Keating
Journaliste

C'est ce qui ressort d'un rapport secret commandé par l'administration Obama, mais aussi de nombreuses études.


Dans un article publié le 14 octobre, le New York Times dévoilait le contenu d’un rapport de la CIA toujours classé secret qui avait été commandé par l’administration Obama entre 2012 et 2013 alors que l’on débattait pour savoir s’il fallait augmenter le soutien américain en faveur des rebelles anti-Assad en Syrie.
Plusieurs hauts fonctionnaires ont raconté au New York Times que le rapport «concluait que de multiples tentatives de l’agence pour armer des forces étrangères secrètement avait eu un faible impact sur l’issue du conflit à long terme. Elles étaient même moins efficaces, selon le rapport, quand les milices se battent sans un soutien américain direct, au sol».
Barack Obama a fait référence à ce rapport dans une interview avec le New Yorker, l’année dernière:
«Très tôt dans le processus, j’ai demandé à la CIA d’analyser des exemples de financement et de fourniture d’armes aux insurgés qui se sont bien passés. Ils n’en ont pas trouvé beaucoup.»
Le meilleur exemple qu’ils ont trouvé était le soutien des moudjahidines en Afghanistan, dans les années 1980, qui ont obligé les Soviétiques quitter le pays. Mais ce qu’il s’est passé ensuite peut difficilement être considéré comme une expérience à renouveler.
Le fait que le président et ses conseillers parlent de ce document fait peut-être partie d’un plan de bataille pour contrer les critiques exprimées, parmi d’autres, par l’ancienne secrétaire d’Etat Hillary Clinton et l’ancien secrétaire à la Défense, Leon Panetta (qui est aussi l’ancien directeur de la CIA). Selon eux, la situation en Syrie ne serait pas devenue hors de contrôle si les Etats-Unis avaient fourni plus d’aide aux rebelles «modérés» plus tôt. Tout ceci est pourtant contredit par le rapport.
L’estimation de la CIA est en accord avec les écrits universitaires sur le sujet. C’est d’ailleurs ce qu'écrivait le politologue de l’université George Washington, Marc Lynch sur un blog du Washington Post:
«En général, le soutien extérieur aux rebelles rend quasiment tout le temps les guerres plus longues, fait plus de victimes, et rend le conflit plus compliqué à résoudre… Pire encore, comme l’a montré David Cunningham, de l’université du Maryland, la Syrie avait la plupart des caractéristiques d’une guerre civile dans laquelle un soutien extérieur aux rebelles est le moins efficace. Aysegul Aydin de l’université du Colorado et Patrick Regan de l’université de Binghamton ont suggéré que le soutien extérieur d’un groupe rebelle pourrait être efficace quand toutes les puissances extérieures qui le soutiennent sont sur la même page et coopèrent de façon efficace en redirigeant des ressources vers un but commun. Malheureusement, cela n’a jamais été ce type de guerre civile en Syrie.»
Les Etats-Unis ont parfois aidé les groupes rebelles anti-communistes pendant la Guerre froide (la Baie des cochons était un exemple notable), mais le pays a redoublé d’effort avec la «doctrine Reagan» dans les années 1980, qui contenait une riposte au soutien soviétique de gouvernements de gauche dans le tiers-monde en finançant des groupes rebelles anti-communistes. En plus de l’Afghanistan, la CIA a fait passer des armes et de l’argent à d’autres rebelles anti-communistes au Nicaragua et en Afghanistan.
Dans le contexte de la Guerre froide, on peut toujours dire que cette stratégie a marché –l’Union soviétique s’est écroulée, après tout– mais dans les vrais conflits, les résultats ont été ambigus et les guerres plus longues et sanglantes qu’elles auraient pu l’être autrement (la guerre civile en Angola a duré 27 ans).
L’étude de l’histoire a peut-être conduit la Maison Blanche à être réticente quand elle a dû choisir si la CIA devait fournir une aide directe aux rebelles. L’agence, par contre, était impliquée pour faciliter l’aide d’autres acteurs (les gouvernements arabes et la Turquie en particulier) qui ont peut-être été un peu moins discriminants sur les récipiendaires qu’auraient pu l’être les Etats-Unis.
Quand de futurs historiens réfléchiront aux leçons de cet engagement, ils concluront peut-être que les exemples historiques ont permis aux Etats-Unis d'éviter de commettre de nouvelles erreurs, mais qu’ils les ont peut-être amenés à en faire d’autres, nouvelles.


Joshua Keating

La radicalisation djihadiste ne doit pas être criminalisée mais soignée, comme l'alcoolisme, selon un psychiatre britannique

Les adolescents britanniques partis faire le djihad sont dépressifs et souffrent de solitude, selon Kamaldeep Bhui, professeur en psychiatrie et en épidémiologie à l’université londonienne Queen Mary. Après avoir interrogé plus de 600 personnes au sein de la communauté musulmane de Bradford et de Londres, Kamaldeep Bhui a conclu que la radicalisation ne devrait pas être criminalisée mais être soignée de la même façon que l’alcoolisme ou la toxicomanie, rapporte le Telegraph.
«Ceux qui avaient de la sympathie pour l’Etat islamique (Daech) étaient principalement jeunes, instruits et ont grandi dans un foyer plutôt aisé. Il y avait davantage de chance qu’ils soient isolés et déprimés, raconte Kamaldeep Bhui. Il y a une part de naïveté juvénile [dans leurs discours]. (…) Ils n’ont jamais connu la charia ou un califat, et quand ils s’en vont c’est la désillusion.»
Les jeunes femmes sont tout aussi susceptibles de se radicaliser, selon le chercheur. Des douzaines de femmes sont en effet soupçonnées d’avoir quitté le pays pour épouser des djihadistes d’après le MI5, service de renseignements britannique.
Pour contrer ce phénomène, Kamaldeep Bhui suggère un rapprochement avec les institutions religieuses locales:
«Ces jeunes sont déconnectés de leur famille et de leurs origines, c’est une bonne chose [de rejoindre une mosquée] pour avoir accès à un enseignement de l’islam plus orthodoxe.»
Dans un discours tenu le 1er octobre, à l’occasion d’une conférence organisé par les conservateurs, David Cameron annonçait que les ressortissants britanniques partis rejoindre une organisation terroriste seraient traités comme des ennemis de la nation.
Déjà un mois auparavant, le Premier ministre faisait part de sa volonté de faire voter de nouvelles lois qui permettraient de priver les ressortissants britanniques de retour de Syrie ou d'Irak de leur nationalité, y compris ceux qui n'en ont pas d'autre.
En plus de se heurter à la législation internationale au sujet de l’apatridie, cette mesure serait une «catastrophe», selon Kamaldeep Bhui, car cela reviendrait à les renier comme citoyens britanniques.

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