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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Alternative Libertaire AL - Dossier Kurdistan, Contre-société Au Kurdistan, un nouveau

Depuis l'été, son rôle de rempart face aux atrocités djihadistes a placé la ­gauche kurde
sous les feux de la rampe. Ce que l'on savait moins jusque-là, c'est que dans les zones
qu'elle contrôle en Syrie, elle a favorisé l'essor d'une contre-société sur des bases
laïques, sociales et démocratiques. Une situation exceptionnelle, qui appelle un soutien
international. ---- «Savez-vous qu'il y a un nouveau Chiapas au Kurdistan?» C'est à peu
près en ces termes que les militants d'Alternative libertaire ont été interpellés par un
camarade de la gauche kurde en février 2014, à l'occasion du Salon anticolonial, à Paris.
Dans ce lieu où fraient différentes sensibilités de gauche de l'anticolonialisme et des
luttes de libération nationale (de la Palestine aux Antilles, en passant par le Tibet et
le Kurdistan), l'évocation du Chiapas était sûre de faire mouche. Elle conférait à la
cause kurde, légitime en elle-même faut-il le souligner, un caractère autogestionnaire,
donc subversif, d'autant plus attrayant.


Que se passe-t-il au Chiapas? Dans cet État du sud du Mexique, l'Armée zapatiste de
libération nationale (EZLN) mène une stratégie de double pouvoir. Après l'insurrection de
janvier 1994, les zapatistes ont mis en place des structures d'autogouvernement, fondées
sur les assemblées populaires, pour prendre en main la plupart des aspects de la vie
sociale (économie, éducation, santé, justice...). Des dizaines de milliers d'indigènes
chiapanèques ont ainsi fait sécession des institutions étatiques pour se rattacher à leurs
propres institutions autonomes. Cette contre-société autogestionnaire perdure depuis plus
de dix ans, dans une situation de «paix armée» entre l'EZLN et l'État mexicain, qui
préfère le statu quo au risque d'une nouvelle insurrection.


Une «auto-administration démocratique»

Depuis l'été, son rôle de rempart face aux atrocités djihadistes a placé la ­gauche kurde
sous les feux de la rampe. Ce que l'on savait moins jusque-là, c'est que dans les zones
qu'elle contrôle en Syrie, elle a favorisé l'essor d'une contre-société sur des bases
laïques, sociales et démocratiques. Une situation exceptionnelle, qui appelle un soutien
international. ---- «Savez-vous qu'il y a un nouveau Chiapas au Kurdistan?» C'est à peu
près en ces termes que les militants d'Alternative libertaire ont été interpellés par un
camarade de la gauche kurde en février 2014, à l'occasion du Salon anticolonial, à Paris.
Dans ce lieu où fraient différentes sensibilités de gauche de l'anticolonialisme et des
luttes de libération nationale (de la Palestine aux Antilles, en passant par le Tibet et
le Kurdistan), l'évocation du Chiapas était sûre de faire mouche. Elle conférait à la
cause kurde, légitime en elle-même faut-il le souligner, un caractère autogestionnaire,
donc subversif, d'autant plus attrayant.


Que se passe-t-il au Chiapas? Dans cet État du sud du Mexique, l'Armée zapatiste de
libération nationale (EZLN) mène une stratégie de double pouvoir. Après l'insurrection de
janvier 1994, les zapatistes ont mis en place des structures d'autogouvernement, fondées
sur les assemblées populaires, pour prendre en main la plupart des aspects de la vie
sociale (économie, éducation, santé, justice...). Des dizaines de milliers d'indigènes
chiapanèques ont ainsi fait sécession des institutions étatiques pour se rattacher à leurs
propres institutions autonomes. Cette contre-société autogestionnaire perdure depuis plus
de dix ans, dans une situation de «paix armée» entre l'EZLN et l'État mexicain, qui
préfère le statu quo au risque d'une nouvelle insurrection.


Une «auto-administration démocratique»


Le «nouveau Chiapas» évoqué plus haut, ce sont en fait les trois cantons (Cizîrê, Kobanê,
Efrîn) qui forment le Kurdistan syrien (Rojava). Ces cantons, tenus par les milices armées
du Parti de l'union démocratique (PYD), branche syrienne du Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK, marxiste), sont devenus le refuge des minorités persécutées (Assyriens,
Arméniens, chrétiens, ­yézidis...). Ces diverses composantes côtoient d'ailleurs les
Kurdes au sein des YPG-YPJ, les milices d'autodéfense qui défendent le Rojava contre les
djihadistes.


La Rojava expérimente, depuis janvier 2014, un système d'autogouvernement populaire laïc,
social et même, au regard du contexte, féministe (voir ci-contre, le témoignage «Deux
semaines au Rojava»). Le Monde a d'ailleurs pu parler, au sujet du Rojava, de «vitrine» du
PKK (1) sans que la situation y soit idyllique, comme l'a fait remarquer Human Rights
Watch en juin (2). Dès 2011, le PYD y a impulsé une organisation de masse, le Mouvement
pour la société démocratique (Tev-Dem), dans la perspective d'instaurer un double pouvoir
vis-à-vis de l'administration syrienne.


Les trois cantons ont proclamé leur autonomie le 19 juillet 2012 dans la ville désormais
célèbre de Kobanê. Puis, en janvier 2014, ils ont proclamé une Constitution (dite «Contrat
social») et élu chacun une assemblée et un gouvernement cantonal baptisé
«Auto-administration démocratique» (DSA). Sa particularité? Il est censé n'être que
l'organe exécutif du Tev-Dem et de ses comités de base. Son ambiguïté? Il ne tient que
grâce à la bonne volonté de Damas, qui continue de verser les salaires des fonctionnaires (3).


Cette stratégie de double pouvoir de n'est pas nouvelle de la part de la gauche kurde. À
la fin des années 2000, s'inspirant du Chiapas, le PKK avait déjà tenté de mettre en
place, en Anatolie, des institutions autonomes concurrentes de celles de l'État turc. Mais
celui-ci avait tué dans l'oeuf ce mouvement de désobéissance civile en emprisonnant près
de 10 000 personne

participant au processus (maires, délégués, militants divers). La
guerre civile en Syrie a fourni au PKK l'occasion de relancer le processus dans une zone
hors d'atteinte de l'armée turque.

Un parti qui reste pyramidal

Alors, le PKK est-il devenu néozapatiste? Une nouvelle EZLN? Hélas, on en est loin. En
phase avec son projet autogestionnaire, l'EZLN est une force armée non militarisée, fondée
sur l'autodiscipline et dont le commandement est élu par la base. Au contraire, le PKK,
malgré une évolution ces dix dernières années, reste une organisation pyramidale, cimentée
par un effarant culte du leader. Cela représente un hiatus avec la forme
d'autogouvernement - louable par ailleurs - qu'il a impulsé au Rojava.

Pour lui mettre des bâtons dans les roues en 2012-2013, Ankara n'a en tout cas rien trouvé
de mieux que de fournir discrètement des armes à son pire ennemi: l'État islamique
(Daech). On connaît la suite: des assauts répétés contre le Rojava ; la magnifique
contre-offensive d'août 2014 pour sauver les yézidis du Sinjar.

Deux pôles politiques rivaux

Avec cette montée en puissance du PKK, le mouvement national kurde apparaît plus que
jamais divisé entre deux pôles rivaux. Le premier a son épicentre en Irak, avec le
gouvernement régional autonome installé à Erbil sous l'autorité de Massoud Barzani. Il
incarne un modèle nationaliste traditionnel, laïc et patriarcal, fondé sur le business du
pétrole. Enfant chéri des puissances occidentales, il tient Bagdad à distance et
entretient des relations cordiales avec Ankara. Le second pôle est celui qui gravite
autour du PKK, en Syrie et en Turquie, sur un modèle aussi laïc mais plus démocratique,
progressiste et féministe. À cette heure, il suscite une sympathie croissante de par le

Depuis l'été, son rôle de rempart face aux atrocités djihadistes a placé la ­gauche kurde
sous les feux de la rampe. Ce que l'on savait moins jusque-là, c'est que dans les zones
qu'elle contrôle en Syrie, elle a favorisé l'essor d'une contre-société sur des bases
laïques, sociales et démocratiques. Une situation exceptionnelle, qui appelle un soutien
international. ---- «Savez-vous qu'il y a un nouveau Chiapas au Kurdistan?» C'est à peu
près en ces termes que les militants d'Alternative libertaire ont été interpellés par un
camarade de la gauche kurde en février 2014, à l'occasion du Salon anticolonial, à Paris.
Dans ce lieu où fraient différentes sensibilités de gauche de l'anticolonialisme et des
luttes de libération nationale (de la Palestine aux Antilles, en passant par le Tibet et
le Kurdistan), l'évocation du Chiapas était sûre de faire mouche. Elle conférait à la
cause kurde, légitime en elle-même faut-il le souligner, un caractère autogestionnaire,
donc subversif, d'autant plus attrayant.


Que se passe-t-il au Chiapas? Dans cet État du sud du Mexique, l'Armée zapatiste de
libération nationale (EZLN) mène une stratégie de double pouvoir. Après l'insurrection de
janvier 1994, les zapatistes ont mis en place des structures d'autogouvernement, fondées
sur les assemblées populaires, pour prendre en main la plupart des aspects de la vie
sociale (économie, éducation, santé, justice...). Des dizaines de milliers d'indigènes
chiapanèques ont ainsi fait sécession des institutions étatiques pour se rattacher à leurs
propres institutions autonomes. Cette contre-société autogestionnaire perdure depuis plus
de dix ans, dans une situation de «paix armée» entre l'EZLN et l'État mexicain, qui
préfère le statu quo au risque d'une nouvelle insurrection.


Une «auto-administration démocratique»


Le «nouveau Chiapas» évoqué plus haut, ce sont en fait les trois cantons (Cizîrê, Kobanê,
Efrîn) qui forment le Kurdistan syrien (Rojava). Ces cantons, tenus par les milices armées
du Parti de l'union démocratique (PYD), branche syrienne du Parti des travailleurs du
Kurdistan (PKK, marxiste), sont devenus le refuge des minorités persécutées (Assyriens,
Arméniens, chrétiens, ­yézidis...). Ces diverses composantes côtoient d'ailleurs les
Kurdes au sein des YPG-YPJ, les milices d'autodéfense qui défendent le Rojava contre les
djihadistes.


La Rojava expérimente, depuis janvier 2014, un système d'autogouvernement populaire laïc,
social et même, au regard du contexte, féministe (voir ci-contre, le témoignage «Deux
semaines au Rojava»). Le Monde a d'ailleurs pu parler, au sujet du Rojava, de «vitrine» du
PKK (1) sans que la situation y soit idyllique, comme l'a fait remarquer Human Rights
Watch en juin (2). Dès 2011, le PYD y a impulsé une organisation de masse, le Mouvement
pour la société démocratique (Tev-Dem), dans la perspective d'instaurer un double pouvoir
vis-à-vis de l'administration syrienne.


Les trois cantons ont proclamé leur autonomie le 19 juillet 2012 dans la ville désormais
célèbre de Kobanê. Puis, en janvier 2014, ils ont proclamé une Constitution (dite «Contrat
social») et élu chacun une assemblée et un gouvernement cantonal baptisé
«Auto-administration démocratique» (DSA). Sa particularité? Il est censé n'être que
l'organe exécutif du Tev-Dem et de ses comités de base. Son ambiguïté? Il ne tient que
grâce à la bonne volonté de Damas, qui continue de verser les salaires des fonctionnaires (3).


Cette stratégie de double pouvoir de n'est pas nouvelle de la part de la gauche kurde. À
la fin des années 2000, s'inspirant du Chiapas, le PKK avait déjà tenté de mettre en
place, en Anatolie, des institutions autonomes concurrentes de celles de l'État turc. Mais
celui-ci avait tué dans l'oeuf ce mouvement de désobéissance civile en emprisonnant près
de 10 000 personnes participant au processus (maires, délégués, militants divers). La
guerre civile en Syrie a fourni au PKK l'occasion de relancer le processus dans une zone
hors d'atteinte de l'armée turque.


Un parti qui reste pyramidal


Alors, le PKK est-il devenu néozapatiste? Une nouvelle EZLN? Hélas, on en est loin. En
phase avec son projet autogestionnaire, l'EZLN est une force armée non militarisée, fondée
sur l'autodiscipline et dont le commandement est élu par la base. Au contraire, le PKK,
malgré une évolution ces dix dernières années, reste une organisation pyramidale, cimentée
par un effarant culte du leader. Cela représente un hiatus avec la forme
d'autogouvernement - louable par ailleurs - qu'il a impulsé au Rojava.


Pour lui mettre des bâtons dans les roues en 2012-2013, Ankara n'a en tout cas rien trouvé
de mieux que de fournir discrètement des armes à son pire ennemi: l'État islamique
(Daech). On connaît la suite: des assauts répétés contre le Rojava ; la magnifique
contre-offensive d'août 2014 pour sauver les yézidis du Sinjar.


Deux pôles politiques rivaux


Avec cette montée en puissance du PKK, le mouvement national kurde apparaît plus que
jamais divisé entre deux pôles rivaux. Le premier a son épicentre en Irak, avec le
gouvernement régional autonome installé à Erbil sous l'autorité de Massoud Barzani. Il
incarne un modèle nationaliste traditionnel, laïc et patriarcal, fondé sur le business du
pétrole. Enfant chéri des puissances occidentales, il tient Bagdad à distance et
entretient des relations cordiales avec Ankara. Le second pôle est celui qui gravite
autour du PKK, en Syrie et en Turquie, sur un modèle aussi laïc mais plus démocratique,
progressiste et féministe. À cette heure, il suscite une sympathie croissante de par le
monde, dans les milieux de gauche et révolutionnaires, y compris libertaires.


Pour un soutien critique


Le monde entier a suivi le siège de Kobanê par Daech, et la coalition arabo-occidentale
dirigée par Washington, n'a pu faire autrement que d'aider les miliciennes et les
miliciens kurdes qui se sont battus héroïquement. Comment les choses vont-elles tourner à
présent? Les Etats-Unis vont-ils nouer un partenariat non dit avec le PKK, comme c'est le
cas avec Téhéran? Quel va être le deal? Vont-ils radier le PKK de la liste des
organisations terroristes? Comment va réagir la Turquie?


Dans ce labyrinthe géopolitique qu'est, plus que jamais, le Moyen-Orient, les alliances
sont mouvantes, et les lignes de fracture se déplacent. Chaque force, dont la gauche
kurde, cherche à tirer son épingle du jeu. À Kobanê, elle a forcé la main des
impérialistes arabo-américains pour obtenir de l'aide et des armes. Il ne faut surtout pas
que, de fil en aiguille, elle en devienne dépendante, et réduite à jouer un rôle sur leur
échiquier politique. Elle doit mener sa propre barque et, pour le moment, elle y parvient
très bien. La gauche kurde incarne sans conteste la seule force autonome représentant un
espoir d'indépendance, de paix et de démocratie pour les peuples du Moyen-Orient. C'est dans
cette mesure qu'elle mérite amplement notre soutien: face aux fanatiques de Daech ; face à
l'axe Damas-Téhéran ; face à l'axe Ankara-Washington.




(1) Allan Kaval, «La lutte contre l'État islamique impose le PKK comme puissance
régionale», Le Monde du 9 septembre 2014.
(2) «Syrie: des abus sont commis dans les enclaves sous contrôle kurde», HRW, 19 juin 2014.
(3) A d'autres époques, le PKK a pu bénéficier de l'aide de l'URSS, de la Grèce ou de la
Syrie, intéressées pour diverses raisons à déstabiliser la Turquie.
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