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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Le pacte suicidaire de l’Etat islamique

Les vidéos de décapitation de l’EI, loin de décourager les Occidentaux, ne font que raffermir leur mobilisation et les pousser à la guerre.


«Un nouveau message à l'Amérique et à ses alliés», annonce la macabre vidéo diffusée le 3 octobre par le groupe djihadiste EI (Etat islamique). Cette fois, la victime est l’otage britannique Alan Henning. «A cause de la décision de notre Parlement d’attaquer l’Etat islamique, moi, en tant que membre du public britannique, je vais aujourd’hui payer le prix de cette décision», dit l’homme condamné dans un adieu scénarisé. La vidéo s’achève par un avertissement à l’intention du président Obama: si les frappes aériennes américaines contre l’EI se poursuivent, c’est un otage américain, Peter Kassig, qui sera la prochaine victime.
Les vidéos ont affermi le soutien à une action militaire
Moralement, ces vidéos sont des meurtres. Politiquement, ce sont des suicides. Par ce moyen, l’EI précipite sa propre destruction. Pendant des mois, l’EI s’est déchaîné en Irak, accaparant territoires, richesses et armes. Aucune puissance capable d’arrêter cette milice ne voulait lui barrer la route. Les Etats-Unis, las de faire la guerre, espéraient ne pas s’en mêler ou tout au moins en faire le moins possible. Même après le 7 août, lorsque le président américain a annoncé de futures frappes aériennes en Irak, les Américains opposés à ces frappes étaient plus nombreux que ceux qui les soutenaient fermement.

Les vidéos ont tout changé. En proférant des menaces et en décapitant des Américains, des Britanniques et un Français, l’EI a cru, en nous effrayant, nous pousser à fuir. Les mots prononcés devant la caméra délivrent ce message de façon explicite: partez et ne revenez pas, ou nous tuerons d’autres des vôtres. Mais les vidéos n’ont pas refroidi le soutien à une action militaire américaine, britannique ou française. Elles l’ont affermi.
Le 19 août, presque deux semaines après l’annonce des frappes aériennes par Obama, l’EI a posté sa première vidéo du meurtre d’un citoyen américain. La victime était le journaliste James Foley. «Vous avez conspiré contre nous et vous vous êtes donné du mal pour trouver des raisons de vous mêler de nos affaires», y déclare le bourreau à Obama. Il présente la mort de Foley comme un avertissement que de futures attaques «auront pour conséquence le carnage de votre peuple».
Les frappes aériennes se sont poursuivies et le 2 septembre, l’EI a posté une autre vidéo de décapitation, mettant en scène la mort du journaliste Steven Sotloff. Le bourreau, s’adressant une nouvelle fois à Obama, y qualifie la mort de Sotloff de punition, pour «votre insistance à poursuivre vos bombardements». Il conclut ainsi:
«Tout comme vos missiles continuent de frapper notre peuple, notre couteau continuera de frapper le cou de votre peuple. Nous saisissons cette occasion pour avertir les gouvernements qui rejoignent cette alliance maléfique de l’Amérique contre l’Etat islamique de reculer et de laisser notre peuple tranquille.»
Entre-temps, l’EI a posté d’autres vidéos de décapitations. L’une d’entre elles montre un soldat kurde, et contient un message aux dirigeants kurdes:
«Vous avez commis une grave erreur en vous associant à l'Amérique.»
Sur d’autres encore, on voit le meurtre de soldats libanais prisonniers. Le 13 septembre, l’EI a posté une vidéo montrant cette fois la décapitation du travailleur humanitaire David Haines, et qui interpelle le Premier ministre britannique David Cameron. «Ce Britannique doit payer le prix de votre promesse (…) d’armer les peshmergas contre l’Etat islamique», décrète le bourreau.
«Votre alliance malfaisante avec l’Amérique, qui continue à frapper les musulmans d’Irak et a récemment bombardé le barrage de Haditha, ne fera que précipiter votre destruction et jouer le rôle du caniche obéissant, Cameron, ne fera que vous traîner, vous et votre peuple, dans une nouvelle guerre sanglante et ingagnable.»
Le 22 septembre, l’EI a encouragé ses partisans à tuer «les citoyens des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’Etat islamique». Le message visait «tout particulièrement les méprisables et sales Français». En Algérie, un groupe de militants revendiquant leur allégeance à l’EI a réagi en capturant un Français et en menaçant de le tuer si la France ne cessait pas de bombarder l’EI en Irak sous 24 heures. Deux jours plus tard, le groupe diffusait une vidéo de sa décapitation.
Le renversement de l'opinion publique
Si, comme elles le revendiquaient, ces vidéos avaient pour objectif d’intimider les citoyens des Etats-Unis, de Grande-Bretagne et de France, c’est raté.
En juin, bien avant que la plupart des Américains n’aient vraiment entendu parler de l’EI, un sondage CBS News/New York Times les a interrogés sur la possibilité «qu’une intervention américaine en Irak et en Syrie ne débouche sur un engagement sur place long et coûteux». 54% des adultes américains interrogés ont alors répondu que ce risque les inquiétait beaucoup. Alors que dans le dernier sondage CBS/Times, effectué plus d’une semaine après la vidéo de la décapitation de Steven Sotloff, la proportion d’Américains exprimant cette inquiétude est tombée à 40%.

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En fait, depuis les vidéos, les Américains sont davantage enclins à dire qu’Obama aurait dû laisser des troupes en Irak. Dans le sondage de juin, 50% des personnes interrogées déclaraient que les Etats-Unis «auraient dû retirer toutes les troupes américaines d’Irak en 2011». Seuls 42% étaient d’avis que les Etats-Unis «auraient dû y laisser des soldats». En septembre, cette différence s’était effacée. 47% des sondés jugeaient que nous aurions dû laisser des troupes en Irak, 46% que nous aurions dû toutes les retirer.
Le public s’est aussi montré davantage en faveur de l’idée d’armer les Kurdes. Lors d’un sondage ABC News/Washington Post mené entre le 13 et le 17 août, avant la vidéo de la décapitation de James Foley, une quasi-majorité d’adultes américains –entre 45% et 49%– étaient contre l’idée «de fournir des armes et des munitions aux forces militaires kurdes qui s'opposent aux rebelles sunnites en Irak». Mais dans un sondage de suivi ABC/Post conduit du 4 au 7 septembre, juste après la vidéo de décapitation de Sotloff, ces chiffres ont flambé. 58% des sondés s’y déclaraient favorables à un armement des Kurdes; seuls 32% y étaient opposés.
Décapiter des Américains tout en exigeant de leurs concitoyens de ne pas s’en mêler a de toute évidence eu l’effet inverse à celui escompté. Un sondage Pew mené du 14 au 17 août, avant la publication de la vidéo de décapitation de James Foley, demandait aux Américains s’ils s’inquiétaient davantage à l’idée que les actions militaires américaines contre l’EI aillent trop loin ou au contraire pas assez. 51% des personnes interrogées s’inquiétaient alors à l’idée que les Etats-Unis n’en fassent trop; seules 32% avaient plutôt peur qu’ils n’aillent pas assez loin. Un mois plus tard, après les vidéos de décapitation de Foley et de Sotloff, cette marge de 19 point entre les deux s'était totalement dissoute. Le pourcentage de sondés inquiets à l’idée que les Etats-Unis n’iraient pas assez loin avait gagné quelque 9 points, tandis que celui de ceux qui avaient plutôt peur que nous n’en fassions trop avait chuté de 10 points.
Le même effet en Grande-Bretagne et en France
On ne peut imputer aux seules vidéos tous les virements de bord des sondages. Les avancées de l’EI sur le terrain ont sans aucun doute joué un rôle, tout comme les discours alarmistes des politiciens américains.
Pourtant, il vaut la peine de noter à quel point la vague d’enthousiasme en faveur de l’action militaire coïncide avec la période de diffusion des vidéos, comparée à celle où Obama a décrété que l’EI constituait une menace pour les intérêts américains et lancé des attaques contre ce groupe.
Dans le sondage ABC/Post de juin, seuls 45% des Américains approuvaient «les frappes aériennes américaines contre les rebelles sunnites en Irak». Moins de la moitié de ces supporters (20% de l’échantillon total) revendiquaient soutenir fermement ces frappes aériennes. Dans la période du 13 au 17 août, soit une semaine après l’annonce d’Obama, ce soutien avait augmenté d'une dizaine de points: 54% soutenaient les frappes aériennes, et 31% les soutenaient fermement. Mais du 4 au 7 septembre, après la vidéo de Sotloff, le soutien avait énormément augmenté. 71% des Américains soutenaient les frappes aériennes, dont 52% fermement. On peut déduire de ces chiffres que les vidéos de l’EI ont été deux fois plus efficaces qu’Obama pour pousser l’Amérique à approuver la guerre.
L’EI est une organisation qui tue. Et elle ne peut s’arrêter de tuer, même lorsque c’est contre elle-même qu’elle dirige sa folie meurtrière

Ce soutien du public a également augmenté en Grande-Bretagne. Les enquêtes YouGov menées auprès d’adultes au Royaume-Uni montrent deux grands pics en faveur de «la participation de la RAF à des opérations de frappe aérienne» contre l’EI: un après la vidéo de la décapitation de Foley, l’autre après celle de Sotloff. Du 11 août au 5 septembre, la marge nette d’approbation des frappes aériennes par le public britannique a connu une inflation de 1 à 28 points de pourcentage. La vidéo de la décapitation de David Haines, publiée le 13 septembre, n’a fait qu’accentuer cette tendance. En fait, la marge de soutien a continué d'augmenter. Le 25 septembre, elle en était à 33 points (de 24 à 57%), accordant au Parlement britannique un mandat pour se joindre aux combats.
En France, les effets ont été encore plus spectaculaires. Dans un sondage effectué les 18 et 19 septembre, les adultes français se montraient presque également divisés sur le bien-fondé de la participation militaire de leur pays à l’intervention contre l’EI. 53% étaient pour; 47% contre. Une semaine plus tard, après la décapitation d’un Français par des partisans algériens de l’EI en représailles de l’intervention française, l’approbation du rôle de la France dans la campagne militaire grimpait à 69%, tandis que l’opposition tombait à 31%.
Les chefs militaires américains qualifient l’EI «d’organisation en phase d'apprentissage». Mais une organisation en phase d’apprentissage aurait compris à ce stade que ses vidéos, en dépit de ses messages exigeant une non-intervention, ont exactement l’effet inverse.
Pour justifier la production continue de vidéos, il faudrait postuler que l’EI, tout en essayant de former l’ébauche d’un califat, veut s’engouffrer dans une guerre non seulement contre les Etats-Unis mais également contre les puissances militaires européennes (ainsi que l’Australie et le Canada). C’est vraiment trop tiré par les cheveux.
Il y a une explication plus simple. L’EI n’est pas une organisation en phase d’apprentissage. C’est une organisation qui tue. Et elle ne peut s’arrêter de tuer, même lorsque c’est contre elle-même qu’elle dirige sa folie meurtrière.


William Saletan

Il faut refuser de regarder les images des mises à mort

Ce n'est pas seulement une question de dignité des victimes ou de «jouer le jeu des djihadistes»: c'est qu'elles ne nous laissent psychiquement le choix qu'entre deux positions possibles, victime ou bourreau.


Ecrit à l'occasion de l'assassinat par l'Etat islamique des deux journalistes (James Foley et Steven Sotloff) et du travailleur humanitaire (David Haines), cet article a été mis à jour ce 24 septembre, après l'annonce, par les médias, de l'exécution d'Hervé Gourdel, Français enlevé en Algérie le 21 septembre. L'information n'est pour le moment pas confirmée par les autorités françaises mais serait relayée, à l'instar des cas précédents, par une vidéo.
Ces derniers jours, les images des décapitations des personnes assassinées par l'État islamique ont provoqué de multiples réactions quant à leur diffusion.
Certains estiment qu’il s’agit d’informer le public, d’autres qu’elles permettent d'opérer une prise de conscience quant à la réalité de l’Etat islamique. A l’inverse, de nombreux appels se sont fait entendre pour dénoncer ces diffusions, soit par respect pour la victime, soit parce que cela revenait à jouer le jeu des djihadistes qui ne cherchent qu'à intimider, ou encore, comme l’ont exprimé de nombreux musulmans, parce qu’elles contribuent à souiller l’Islam lui-même.
Pour d’autres raisons encore, nous pensons qu’il faut refuser de regarder ces images.
Si les vidéos ont été retirées des sites, il n’en va pas de même des photos, qui ont fait la une de nombreux médias. Or, déjà, la simple photo du djihadiste qui s’apprête à tuer est traumatisante car elle force à imaginer l’horreur des secondes qui suivent. Au sein de notre psychisme, nous sommes alors amenés à créer ce geste, en pensée.
Mais pire encore, ces images nous poussent à nous identifier à l’un des deux protagonistes: la victime ou son bourreau. Car ici, il n’est que deux places possibles. Pour mieux comprendre, il faut retourner à la photo d’Edward Adams du général vietnamien pointant son revolver sur la tempe d’un Viêt-Cong. Prise par un photographe juste avant le coup de feu, cette image nous met dans une position très différente: celle du témoin, du tiers. La fascination n’est pas seule au rendez-vous, la révolte également; l’envie de crier «Stop!». Et c’est bien ce qui se passa car l’image fut rapidement prise comme symbole d’une «sale guerre» à arrêter.


L'exécution de Nguyen Van Lem (Edward Adams)
Quand nous regardons un film ou une série, même les plus réalistes et crus (Homeland), nous savons qu’il s’agit d’une fiction, nous pouvons à tout moment nous dégager de la scène, nous interroger sur la réalisation, les truquages...
Ici, la prise de vue et la très soigneuse mise en scène sont organisées par ceux qui transgressent. Le témoin, celui qui enregistre la scène, est également le bourreau et, par ce dispositif, il place en situation similaire tant les médias qui diffusent que le public captivé. Nous sommes alors tous pris, malgré nous, dans l’acte criminel, et c’est bien ce que cherche l’assassin. Vouloir rendre tout un chacun complice: c’est le même mécanisme qui est à l’œuvre dans le viol de guerre (garder ou non l’enfant né de la transgression) ou dans l’obligation de mutiler ou tuer un proche.
Qu’elles viennent de djihadistes, gangs ou tueurs isolés (Luka Rocco Magnotta), nous pouvons nous attendre à une multiplication de ces images, d’autant que l’assimilation de la position de tiers à celle du meurtrier est facilitée par les caméras de type GoPro, comme celles utilisés par Mohamed Merah.
Afin de refuser d’être assigné à cette place, nous invitons chacun à détourner le regard de ces mises à mort et les médias à diffuser, comme pour toute annonce mortuaire, des photos du défunt, vivant et paisible, confiant qu’un monde de culture est à même de lutter contre la barbarie.


Vincent Magos

Comment authentifie-t-on une vidéo? L'exemple de l'AFP

De nombreux contenus sont diffusés sur Internet. L'agence de presse doit faire le tri et s'appuyer sur de nombreux indices avant de reprendre, voire diffuser, l'information.


Mercredi 24 septembre, en fin d'après-midi, l'ensemble des médias français informent de la présence en ligne d'une vidéo montrant la décapitation d'Hervé Gourdel par le groupe algérien Jund al-khilafa, rattaché à l'organisation Etat islamique. Dans les bureaux de l'AFP à Beyrouth et Nicosie, on sait en fait depuis plusieurs heures qu'une nouvelle vidéo est sur le point d'être diffusée. L'alerte n'est émise qu'à 17h07, après que l'agence a effectué certaines vérifications.
Comment authentifie-t-on une vidéo?
Contacté par Slate, le Quai d'Orsay refuse, pour des raisons de sécurité, de divulguer des informations sur ses techniques d'authentification des vidéos. Il confirme cependant disposer d'une équipe spécialisée.
Avec le développement des réseaux sociaux, le déclenchement des révolutions arabes et la multiplication des citoyens-journalistes, l'AFP a elle aussi dû apprendre à décrypter les contenus diffusés sur Internet. «On a peu à peu acquis un savoir-faire et mis en place des lignes directrices qu’on applique de façon systématique», explique Henry Bouvier, adjoint vidéo à la rédaction en chef de l'AFP. Pour cela, l'agence utilise tous les moyens disponibles sur le Net.
Identifier le lieu du tournage et la provenance de la vidéo
La première étape consiste à identifier le lieu où la vidéo a été tournée, car il ne correspond pas forcément au titre ou à la description qui l'accompagne. Une fonctionnalité de Google Map met notamment à disposition des photographies prises il y a quelques années (par exemple de la Syrie avant la guerre) dans le monde entier, ce à quoi l'agence peut ajouter ses propres fonds d'archives.
«On compare alors la physionomie des rues, des bâtiments ou des montagnes sur les vidéos et les images pour voir si il s’agit bel et bien du même endroit», poursuit Henry Bouvier.
Tous les éléments visuels (plaques d'immatriculation des véhicules...) et sonores (accent des protagonistes de la vidéo) constituent des preuves supplémentaires.
La provenance des vidéos est également essentielle. L'AFP a l'habitude de travailler avec certains «channels», des chaînes de vidéos hebérgées par des sites comme Youtube. «La confiance que l'on a dans le channel, le fil Twitter ou dans la source elle-même sont des élements d'authentification aussi», confirme Henry Bouvier. L'AFP dispose de contacts directs avec les propriétaires de certains «channels» (comme des rebelles syriens) ce qui lui permet notamment d'aborder la question des autorisations d'utilisation.
La diffusion d'une information par des sites de confiance est aussi à prendre en compte.
Le 24 septembre, l'AFP a par exemple donné l'information sur le décès d'Hervé Gourdel après que Site a envoyé un e-mail qui confirmait la nouvelle.
«Dans ce cas précis, leur expertise a été un élement de plus dans la balance. Nous étions déjà assez confiants sur le fait que la vidéo était authentique, mais la réception de leur e-mail a été un argument de plus pour officialiser son authenticité.»
Regrouper différentes informations
«Lorsque l'on voit le sang, il n'y a pas de doute sur l’authenticité de "l’acte de tuer", mais notre rôle ensuite est d'en comprendre le contexte», explique l'adjoint.
Fin août, des vidéos montrant des syriens prisonniers de l'organisation Etat islamique avaient été publiées par un channel suivi par l'AFP. On y voyait le groupe d'hommes marcher dans le désert en sous-vêtements. L'agence a vérifié si l'âge des hommes semblait correspondre à celui du service militaire et si les étandards des ravisseurs étaient bel et bien ceux du groupe terroriste. Une seconde vidéo de plans en travelling montrait l'entassement des corps des 160 soldats. Si l'AFP ne disposait pas de vidéo montrant le moment de l'assassinat, la seconde vidéo a permis de corroborer les informations et de conclure à l'éxécution.
L'authentification à 100% n'existe pas, un doute demeure toujours.
La date de tournage, par exemple, est souvent un des élements les plus problématiques. Les métadonnées de chaque vidéo ne renseignent bien souvent que sur la date de mise en ligne et non du tournage.
«Au début de la révolution syrienne, raconte Henry Bouvier, les rebelles avaient compris notre problème d'authentification. Ils ont alors commencé à mettre devant la caméra des petits papiers avec la date et parfois avec le mot d'ordre du jour des manifestations du vendredi qui était différent chaque semaine.»
Propagande, information et dignité
Lorsque la vidéo a subi des montages, certains plans qui ne peuvent pas être authentifiés peuvent être coupés. Le service vidéo de l'agence ne dispose pas de logiciels comme Tungstène utilisé par contre par le service photo pour détecter les manipulations d'images.
Les personnes qui visionnent ces vidéos gardent toujours en tête qu'il peut s'agir d'un faux. Henry Bouvier raconte:
«Le desk concerné regarde chacune des vidéos longuement et fait ensuite remonter à la rédaction en chef centrale un dossier avec les vidéos retenues qui contient tous les éléments qui permettent d'identifier les images, un peu comme un dossier d'instruction. On regarde ensuite à notre tour chacune de ces vidéos et on discute de son intérêt éditorial.»
Lorsqu'il s'agit d'une vidéo de pure propagande (défilé, effets spéciaux, etc.) mais qu'un intérêt informatif est avéré, l'AFP peut diffuser la vidéo en précisant son contenu particulier et en supprimant certains effets, comme la musique. L'agence a par exemple diffusé il y a quelques temps la vidéo d'un défilé militaire à Raqqa qui, selon elle, permettait de se rendre compte de l'impressionnante quantité de matériel militaire (tank, missiles, etc.) récupéré par l'organisation Etat islamique.
Mais si une vidéo est authentifiée, une dernière chose est prise en compte et valide ou non sa diffusion par l'agence: le respect de la dignité de la personne humaine. Ainsi, l'agence a rédigé des dépêches informant de la mort de James Foley, Steven Sotloff, David Haines ou Hervé Gourdel, mais elle n'a diffusé aucune image des assassinats.


Fanny Arlandis

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