anarchiste individualiste
20 Octobre 2014
Dans une tribune récemment publiée par le Temps, Marie-Hélène Miauton conclut son propos sur Kobané en écrivant "Avoir démasqué l'ami turc sera sans doute le seul effet collatéral positif du chaos qui règne au Proche-Orient". Peut-être est-ce effectivement le cas pour les observateurs les plus extérieurs longuement abusés par la très puissante politique de communication menée depuis de nombreuses années par Ankara. Pour ceux qui suivent les affaires turques de plus près en revanche, l'entreprise de dévoilement a fait long feu. Au pire, il n'est besoin que de se souvenir des câbles de Wikileaks pour se faire une idée de l'appréciation peu flatteuse entretenue par Washington, et sans doute par nombre de chancelleries occidentales, au sujet de leur "allié" turc.
Ce qui est peut-être nouveau en revanche, c'est que les développements en cours semblent attester d'une Turquie désormais moins indispensable à la puissance américaine comme aux acteurs locaux de la crise proche-orientale. Non pas qu'il y ait eu une volonté claire d'écarter Ankara mais plutôt que, par sa position intenable, l'Etat AKP se soit exclu de lui-même.
Deux initiatives spectaculaires sont récemment venues illustrer ce changement. D'une part, Le Parlement d'Erbil représentant le Kurdistan Autonome d'Irak vient de reconnaître les trois cantons syriens d'un "Kurdistan occidental" autoproclamé, ceux de Qamishli / Hassakeh, de Kobane bien sûr, et même celui d'Afrin situé au nord d'Alep. L'article premier de la résolution adoptée le 15 octobre stipule que "le Parlement du Kurdistan soutient la volonté de la Nation kurde du Kurdistan occidental pour toute décision qu'elle prendrait quant à sa souveraineté.
Le Gouvernement régional du Kurdistan devrait établir des relations officielles et légitimes avec ces cantons". Un message apparemment bien reçu de - sinon directement inspiré par - Massoud Barzani, le Président du Gouvernement en question. Dans la foulée, celui-ci a enterré la hache de guerre qu'il entretenait depuis longtemps avec le Parti de l'unité démocratique (PYD) d'inspiration marxiste pour déclarer avec Salih Müslim, le Président du PYD, que les Kurdes d'Irak allaient désormais soutenir leurs frères syriens et même qu'il enverrait "dans les 24 heures des armes à Kobané, parachutées par avion si la Turquie refuse leur transit sur son territoire".
Certes, en fin politique, Barzani s'est bien garder de rompre tout lien avec le régime turc. N'a-t-il pas quelques jours auparavant rendu un hommage ambigu à la Turquie en soulignant néanmoins la prééminence du rôle de l'Iran ? Selon des sources turques, Ankara aurait ainsi fourni secrètement des armes aux peshmergas débordés par l'offensive de l'Etat islamique. Des sources qui perdent néanmoins en crédibilité en alléguant que la Turquie soignerait des militants des forces d'autodéfense du PYD, et même du PKK. Quoi qu'il en soit, il est difficile de ne pas voir dans la reconnaissance des cantons syriens un acte de défiance vis-à-vis d'Ankara dont le clan Barzani est réputé proche et avec lequel le Gouvernement Autonome du Kurdistan entretient un très juteux trafic d'or noir.
Washington soutient désormais ouvertement le YPG
D'autre part, Erbil n'est certainement pas le seul acteur à avoir tiré les conclusions de la duplicité turque sur l'affaire de Kobané. Selon une dépêche Reuters, "des diplomates américains ont eu des contacts directs sans précédent avec le principal parti kurde de Syrie, dans le cadre des discussions sur l'élargissement de la coalition mise sur pied pour combattre l'Etat islamique". Jennifer Psaki, porte-parole du Département d'Etat a précisé que la rencontre avait eu lieu à Paris et que "Washington n'en était "pas encore" au stade d'envisager d'armer et de former les milices kurdes" et qu'il s'agissait uniquement "d'une brève rencontre".
Il n'empêche, selon des sources plus orientales, des contacts existeraient depuis plus de deux ans entre l'administration américaine et le PKK. Des sources qui précisent que les tractations de Paris, ce 12 octobre, ont réuni Salih Müslim lui-même et Daniel Rubinstein, l'envoyé spécial du Département d'Etat pour la Syrie, et qu'elles auraient portées sur "la mise en place d'une coordination militaire entre les unités de protection du peuple (YPG) et la coalition internationale contre le terrorisme".
Il faut croire que ces discussions sont allées bien plus loin que ce que prétend Mme Psaki puisqu'on apprend ce lundi 20 octobre que l'armée américaine a procédé dans la nuit à des largages d'armes en provenance des Kurdes d'Irak aux résistants de Kobané. Au grand dam d'Ankara: la veille même, Erdogan affirmait à nouveau qu'il considérait l'YPG comme un groupe terroriste. Un retournement d'alliance qui ne s'est certainement pas fait sans concession : Salih Müslim jusqu'alors plutôt bienveillant vis-à-vis du régime de Damas ne vient-il pas de déclarer que le régime d'Assad était désormais "illégitime"?
Le crépuscule de la diplomatie turque ?
Mais l'essentiel n'est sans doute pas là. Pour la première fois depuis longtemps, le régime turc semble n'être pas parvenu à jouer de la position du territoire qu'il contrôle en Asie mineure pour faire prévaloir ses options et ses vues. Une marginalisation d'Ankara nouvelle et qui étonne de la part d'une diplomatie ayant jusqu'à présent toujours réussi à faire passer la Turquie pour un allié fiable et indispensable. L'avènement possible d'une Turquie inutile n'est pas sans conséquence. Sur le plan intérieur, Il est certain qu'un revers d'une telle ampleur affaiblit l'Etat AKP. Il y a quelques jours, le chef du parti kémaliste, Kemal Kılıçdaroğlu, avait déjà vu là l'occasion de redorer le blason de son parti défait aux dernières présidentielle, en accusant le gouvernement de soutenir l'Etat islamique. Il semblerait que depuis lors, la tension politique ne fasse que s'accroître en Turquie. Sur le plan extérieur, la Turquie inutile a été en quelques sortes actée par la communauté internationale : En dépit d'un lobbying intensif, Ankara n'est pas parvenu à se faire élire au Conseil de Sécurité de l'ONU, alors que cela son élection semblait jouée quelques jours auparavant. Mis en perspective des signes sans cesse croissants de réintégration de l'Iran au sein de la communauté internationale, les évolutions en cours pourraient annoncer un bouleversement géostratégique majeur au Proche-Orient.
La Turquie, alliée devenue inutile
INTERNATIONAL - Mis en perspective des signes sans cesse croissants de réintégration de l'Iran au sein de la communauté internationale, les évolutions en cours pourraient annoncer un bouleverse...
http://www.huffingtonpost.fr/laurent-leylekian/la-turquie-alliee-devenue-inutile_b_6013030.html
Avant Daech, la Turquie doit résoudre le problème kurde au plus vite
Publication: 09/10/2014 07h06 CEST Mis à jour: 09/10/2014 07h06 CEST
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La question qui hante les esprits depuis la mise en lumière de la non intervention turque dans la ville kurde de Kobane, bientôt aux mains des jihadistes de l'Organisation de l'Etat islamique est la suivante: qu'est-ce qui a empêché la Turquie de secourir Kobane?
Tout d'abord, il n'est pas étonnant que la Turquie ne souhaite pas s'engager seule au sol militairement pour combattre « l'Organisation de l'Etat islamique » -je tiens à cette expression, elle est plus juste que « l'Etat islamique tout court ». La coalition elle-même ne le fait pas. Les Américains, qui réalisent pour leur part 90% des frappes aériennes, n'ont aucune envie de remettre le pied dans un bourbier à la manière de l'Irak. La France n'a plus de budget militaire, tout comme le Royaume-Uni. Des militaires français confiaient récemment que nous étions au bout de nos capacités humaines et matérielles. Par ailleurs, cela serait s'illusionner que de croire à une possibilité d'éradiquer une telle organisation avec de « simples » bombardements aériens.
La contradiction militaire est bien là. Associée à une contradiction politique. En effet, si l'on souhaitait mettre fin à cet imbroglio militaire, il faudrait redéfinir des objectifs politiques clairs, et obtenir une résolution de l'Onu donnant un mandat clair à une intervention militaire.
Ainsi, on peut reprocher à la Turquie de ne pas intervenir pour sauver Kobane mais, sans vouloir justifier leur position, on peut la comprendre dans ce contexte de contradiction à la fois politique et militaire au sein de la coalition contre l'Organisation de l'Etat islamique.
Aujourd'hui pour obtenir une résolution adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'Onu, il faudrait qu'elle soit discutée en amont avec les Russes et les Chinois, pour éviter qu'elle ne soit rédigée par les équipes américaines seules. Je suis persuadé que si une résolution était préparée en bonne et due forme, elle serait acceptée par toutes les parties.
Mais un autre problème de taille se poserait alors. L'organisation est à la fois en Irak et en Syrie. Si la résolution se concentre sur l'Irak, on pourrait aboutir à une résolution commune sans trop de difficultés. En revanche, pour intervenir en Syrie, les choses se compliquent, Russes et Chinois n'étant pas sur la même longueur d'ondes que les Etats-Unis, la France ou le Royaume-Uni depuis le début de la guerre civile.
Ceci m'amène à penser que la lutte contre l'Organisation de l'Etat islamique doit avant tout être prise en charge par les Etats de la région. Bien sûr, cela poserait des problèmes politiques. Imaginez les négociations avec l'Iran...
La Turquie seule semble être un allié acceptable. Mais elle fait face à deux problèmes majeurs. Le premier est l'obsession d'Erdogan de mettre fin au règne de Bachar El Assad. Dès lors, il a soutenu tous les groupes susceptibles de lui causer du tort à ce dernier. Et bien sûr, les groupes qui ont su tirer leur épingle du jeu sont les plus radicaux, à savoir l'Organisation de l'Etat islamique, devenue incontrôlable.
La Turquie paie le prix de cette erreur.
Second enjeu : les Kurdes. Cette question apparaît, aux yeux des Turcs, comme plus dangereuse que l'EI. Les combattants du PKK sont toujours considérés comme des terroristes par la Turquie et l'Union européenne, ce qui n'empêche, au passage, pas la France de les armer.
Ne pas intervenir à Kobane c'est aussi dire au monde la crainte de la Turquie de voir les Kurdes profiter de la situation pour imposer un nouveau rapport de forces à l'égard des autorités turques. Ainsi, je ne vois qu'une seule issue, elle est politique.
Les pourparlers avec le PKK mises en oeuvre depuis deux ans n'ont pas abouti. Or, il devient urgent d'entamer un processus de résolution politique. Revenons un peu en arrière. Les pourparlers ont commencé fin 2012. Le leader du PKK, en prison depuis 1999, a appelé le 21 mars 2013 (début de l'année kurde), à un cessez-le-feu. Ses troupes ont obtempéré. Le 8 mai 2013, ce même chef a demandé à ses combattants de partir du sol turc. Une partie a commencé à partir vers le nord de l'Irak. Mais quelques semaines plus tard, les événements de Taksim ont éclipsé ces avancées. Ont suivi plusieurs affaires de corruption, puis des démissions du gouvernement, puis des élections... Aujourd'hui, la Turquie paie le prix de ces discussions avortées. Et il ne faut pas oublier que pour la Turquie, les combattants de l'Organisation de l'Etat islamique sont près de 25.000, alors que les Kurdes sont 15 millions. Ainsi, je fais le pari que si les différentes parties revenaient à la table des discussions, cela décrisperait la situation.
Avant Daech, la Turquie doit résoudre le problème kurde au plus vite
INTERNATIONAL - La question qui hante les esprits depuis la mise en lumière de la non intervention turque dans la ville kurde de Kobane, bientôt aux mains des jihadistes de l'Organisation de l'Etat
Que fait la Turquie pour empêcher les jihadistes de l'Etat islamique de prendre la ville syrienne kurde de Kobané?
Le HuffPost avec AFP
Publication: 08/10/2014 07h36 CEST Mis à jour: 08/10/2014 16h36 CEST TURQUIE
TURQUIE - Malgré le feu vert la semaine dernière du Parlement à une opération militaire contre l'EI, Ankara s'est jusque-là refusé à intervenir pour aider les combattants kurdes qui défendent Kobané, du côté syrien de la frontière, pourtant à portée de canons des chars de l'armée turque.
Si Kobané, 3e ville kurde de Syrie située à seulement quelques kilomètres de la frontière turque venait à tomber, les pourparlers de paix engagés il y a deux ans entre Ankara et la rébellion armée kurde du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) prendront fin, ont averti les Kurdes mardi 7 octobre.
Le président turc plaide pour une opération terrestre
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a indiqué mardi que Kobané était "sur le point de tomber" et a plaidé, en visitant un camp de réfugiés syriens à Gaziantep (sud), pour une opération militaire terrestre contre les jihadistes. Les autorités turques jugent insuffisantes les frappes aériennes de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis et redoutent qu'elles ne renforcent le régime du président syrien Bachar al-Assad, leur principal ennemi.
Les Kurdes ont prévenu que la chute de Kobané provoquerait la fin des pourparlers censés mettre un terme à un conflit qui a fait 40.000 morts depuis 1984. Dans un message relayé par son frère, le chef emprisonné du PKK Abdullah Öcalan a laissé au gouvernement jusqu'à la mi-octobre pour faire un geste en faveur de la paix.
L'Union des communautés du Kurdistan (KCK), considérée comme la branche urbaine du PKK, a de son côté appelé les "millions" de Kurdes à descendre dans la rue.
Lire aussi :
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Dans la nuit de mardi à mercredi, selon Idriss Nahsen, un responsable local, 350 civils sont passés en Turquie, mais les services de renseignement turc les ont interpellés, les soupçonnant de liens avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Ces civils sont pour l'instant retenus dans deux bâtiments dans un village à la frontière.
14 morts dans de violents heurts
Dans ce contexte, des violences ont éclaté et quatorze personnes ont perdu la vie lors de heurts survenus mardi en Turquie entre les forces de l'ordre et les manifestants kurdes qui dénoncent l'inaction d'Ankara contre les jihadistes, ont rapporté mercredi les sources de sécurité et les médias turcs.
Un précédent bilan faisait état de 12 morts. Les incidents les plus meurtriers se sont produits dans le chef-lieu de la zone kurde de Turquie, Diyarbakir (sud-est), où huit manifestants ont été tués, selon le journal à gros tirage Hürriyet. Une source de sécurité locale a confirmé à l'AFP ce bilan.
Les forces de l'ordre ont réprimé toute manifestation dans d'autres villes du sud-est anatolien, provoquant des morts et blessés. Des heurts ont également opposé les militants kurdes à des adversaires politiques, notamment du petit parti politique islamiste, HUDA-PAR.
Véhicules incendiés, banques et magasins pillés
Mobilisés à l'appel du principal parti politique kurde de Turquie, les Kurdes sont descendus dans les rues de tout le pays pour dénoncer le refus d'Ankara de voler militairement au secours de Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe). De nombreux blessés et d'importants dégâts matériels ont également été recensés, notamment des bâtiments publics et appartenant aussi au parti gouvernemental de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur). Des véhicules ont été incendiés et des banques ou des magasins pillés.
Dans plusieurs districts d'Istanbul qui abrite une importante communauté kurde, de violentes échauffourées ont opposé les forces de l'ordre aux manifestants prokurdes. La police a interpellé au moins 98 personnes dans cette mégapole, selon l'agence de presse Dogan.
Les autorités locales ont décrété le couvre-feu à Diyarbakir, Mardin (sud-est) et Van (est), où l'armée a pris position, une mesure inédite depuis la levée de l'état d'urgence dans cette zone il y 12 ans.
Nouvelles frappes américaines, les jihadistes reculent
Les jihadistes sont entrés lundi soir, après près de trois semaines de siège, dans Kobané, ville frontalière de la Turquie, où ils combattent rue par rue les YPG (Unités de protection du peuple kurde), moins nombreuses et moins bien armées mais aidées par les frappes aériennes de la coalition américano-arabe. "La situation a changé depuis hier (mardi). Les YPG ont repoussé les forces de l'EI", a affirmé Idriss Nahsen, ajoutant que les frappes avaient été "utiles".
Le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, a confirmé le retrait des jihadistes de plusieurs zones de l'est de la ville après des frappes aériennes contre leurs bases arrières qui "ont causé des victimes dans leurs rangs et endommagé au moins quatre de leurs véhicules".
Le président Barack Obama doit rencontrer mercredi les commandants en chefs des forces armées et faire le point sur les frappes aériennes menées par l'armée américaine et les alliés en Irak et en Syrie.
Que fait la Turquie pour empêcher les jihadistes de prendre Kobané
TURQUIE - Malgré le feu vert la semaine dernière du Parlement à une opération militaire contre l'EI, Ankara s'est jusque-là refusé à intervenir pour aider les combattants kurdes qui défende...