anarchiste individualiste
29 Août 2014
La notion de religions traditionnelles africaines est une représentation de l'ensemble des religions non rattachées à l'Ancien Testament pratiquées en Afrique subsaharienneComme toutes les sociétés, les sociétés africaines ont des pratiques religieuses qui évoluent depuis leur début et se mélangent au gré des mouvements de population.
En Afrique, les adeptes de religions dites «africaines traditionnelles» seraient 100 millions1, ce qui représenterait 70 % des adeptes des religions dites «traditionnelles» dans le monde. Ils ne représenteraient cependant que 12 % de la population africaine, 45 % des Africains étantchrétiens et 40 % environ musulmans2. Cependant, il existe des syncrétismes importants entre ces pratiques religieuses qui amènent certains auteurs à envisager un particularisme africain2.
Le cadre religieux du continent africain est d'une grande richesse qui correspond à la variété de la population. Pour certains auteurs[Lesquels ?], les religions africaines traditionnelles participent d'un modèle unique, avec une base commune caractérisée par le culte des ancêtres, la croyance en la réincarnation, un aspect initiatique et, dans la majorité des cas, le matriarcat, le totémisme et l'impartialité de Dieu. Le prosélytisme n’est pas répandu parmi les africains[réf. nécessaire].
« Le corps de l'homme est tres grand par rapport à l'esprit qui l'habite. »
— Tradition orale africaine3.
L'ethnologue français Marcel Griaule (1898-1956) définit le fond et la forme du sentiment religieux africain comme un « système de relations entre le monde visible des hommes et le monde invisible régi par un Créateur et des puissances qui, sous des noms divers et tout en étant des manifestations de ce Dieu unique, sont spécialisées dans des fonctions de toutes sortes2. »
Il inclut la croyance aux forces, ensemble d'intermédiaires entre Dieu et l'homme, animant l'univers sous la forme de génies, d'esprits souvent nommés djindans l'islam, ou les ancêtres2. Il inclut aussi le totémisme, expression de la communion homme-animal, et l'ancestrisme, avec les ancêtres intercesseurs auprès de Dieu2. Avec le naturisme, les religions africaines signifient que le monde vivant est un langage absolu, comme une série de messages divins à interpréter :
« Ecoutez les ancêtres, l'esprit, les arbres et les animaux. Soyez à l'écoute de toutes ces forces qui viennent nous parler. »
— Sobon Fu Somé3.
Mais avec le fétichisme, la manipulation sacrée peut respecter la magie du Verbe par rapport aux forces, mais aussi les superstitions et les attitudes magiques2.
À travers cet ensemble, toutes les religions africaines forment une synthèse de cultes et de rites agraires où l'ensemble des actions de l'homme (cueillette, garde des troupeaux, etc...) sont vivifiées et exaltées2. Car pour la religion africaine tout est lié à la spiritualité, dans la vie quotidienne, par rapport aux saisons, les événements de la vie (naissance, puberté, mariage, vieillesse, mort). la frontière entre le profane et le sacrée n'existe pas.
« Tout est lié. Tout est vivant. Tout est interdépendant. »
— Amadou Hampâté Bâ cité par Aminata Traoré3.
Les religions africaines se caractérisent par la croyance en une force vitale cosmique, Dieu, qui émane à la fois des esprits de la Nature, des ancêtres, des chefs de tribu et des prêtres inities a l'aspect ésotérique2 :
« L'esprit est la force, la vie qui se trouve en toute chose. »
— Tradition orale africaine3.
Cette force se traduit notamment par la fécondité, que ce soit celle des hommes, des plantes ou des animaux2. Il est donc normal que tout ce qui permet la fécondité soit considéré comme positif, et négatif tout ce qui lui fait obstacle2 :
« Le bien, c'est tout ce qui favorise, augmente la force vitale ; le mal c'est tout ce qui la contrarie, la diminue. »
— Tradition orale africaine d'après Alassane Ndaw3.
Cultes et rites sont au service du développement de cette force vitale et la protègent des forces du mal qui tentent de l'affaiblir2. Tout tourne autour des deux pôles de la vie et de la décadence2. La mort n'étant pas ici associée au néant, la mort n'est pas jugée comme une décadence dans les religions africaines, car elle est considérée comme une fin, bien sûr, mais une fin qui indique un nouveau commencement :
« Ceux qui sont morts ne sont pas morts... les morts ne sont pas sous la terre. Ils sont dans l'ombre qui frémit. Ils sont dans l'eau qui coule. Ils sont dans l'eau qui dort. Ils sont dans la case, ils sont dans la foule. Les morts ne sont pas morts. »
— Bigaro Diop3.
Pour que cette force vitale cosmique puisse se développer, il faut qu'il y ait une continuité et un rapport étroit avec les origines mythiques de la familleet de la tribu2 :
« Si la branche veut fleurir, qu'elle honore ses racines. »
— Pacere F. Titinga3.
Il faut respecter les traditions en les consolidant : y renoncer, c'est-à-dire aller contre l'ordre sacré et social établi par les ancêtres, signifie limiter la force vitale, voire la détruire2. Prêtres, guerriers et héros sont considérés comme les messagers des divinités, ou comme les interprètes de la volonté des ancêtres2. Ils ont dévoilé aux hommes les secrets du feu et de la procréation, et leur ont enseigné la culture des plantes et la pratique de divers métiers2. Les ancêtres défunts continuent de faire partie de la communauté des vivants, puisque les uns et les autres sont liés par la nécessité d'une assistance réciproque2 :
« Si un homme tombe malade ou se blesse, cela ne nécessite de prime abord aucun traitement surnaturel et une simple intervention médicale suffit. En cas d'échec, une communion avec les ancêtres s'impose. »
— Tradition orale africaine3.
Selon la pensée religieuse africaine, tout être est doté d'une âme, – c'est-à-dire d'un principe vital :
« Tout ce qui vit a une âme. »
— Tradition orale africaine3.
La croyance en la réincarnation des âmes, répandue dans une grande partie de l'humanité (en Asie par exemple), est très bien établie en Afrique sub-saharienne :
« Toute naissance est la renaissance d'un ancêtre. »
— Tradition orale africaine3.
Dans le contexte des religions africaines, cette croyance est éminemment multiforme. Au niveau populaire, la réincarnation fait en général partie des évidences quotidiennes, alors qu'à un niveau plus réflexif, elle s'inscrit dans des constructions anthropologiques parfois très complexes.
« L'être humain a la maîtrise de la parole, c'est donc à lui qu'incombe de diriger la force vitale. »
— Tradition orale africaine3.
Le culte doit principalement régénérer la force vitale pour obtenir santé, enfants, bonnes récoltes, etc2.
La prière, les sacrifices, et les danses sacrées sont les principales formes de culte2.
Les sacrifices ont quatre fonctions précises : divinatoires, ils veulent interpréter un acte passé ; identitaires, ils aident à établir des liaisons entre le monde des hommes et celui des Ancêtres ; purificatoires, ils nettoient l'individu des souillures des fautes et des interdits ; enfin, rites de passage, ils servent à initier, à préserver et à placer tout individu dans une fonction nouvelle2.
Dans la représentation rituelle, culte et esprit ludique, temps mystique et extase, monde naturel et surnaturel se rencontrent et atteignent la perfection2 :
« Quand je me relie aux ancêtres totémiques et légendaires, je crée une harmonie des êtres entre le monde animal et végétal. »
— Tradition orale africaine3.
Au sein des tribus, le roi fait également office de grand prêtre. Le maitre spirituel, grand initié, se tient au côté du souverain. Il est chargé d'un rôle prépondérant, à la fois annonciateur de la pluie et guérisseur qui utilise souvent les reliques ancestrales.
En ce qui concerne les lieux de culte, on a souvent du mal à les distinguer des lieux de vie2, car en Afrique, le sacré et le profane ne sont pas délimités. Dans bien des cas cependant, des formes de culte sont célébrées dans des bois sacrés. Il existe également des sites, ou des temples, dans lesquels sont vénérés les ancêtres. De plus, les habitations des prêtres servent souvent de lieux de culte2.
Enfin, des pierres, consacrées aux ancêtres et vénérées comme « pierre de la pluie », établissent un contact avec les ancêtres, et donc avec les forces « atmosphériques »2.
La danse rituelle est surtout une danse « masquée » (on appelle à juste titre l'Afrique « le continent des masques »)2. En effet, les masques et la danse, par la fusion descouleurs et des costumes, de la musique et du rythme, représentent l'élément rituel et vital par excellence : le masque, s'il sert à cacher le visage, sert aussi à représenter un autre être, différent de celui qui le porte2. Cet être peut représenter tour à tour une force naturelle d'origine divine, un guérisseur ou un esprit, un ancêtre qui revient pour bénir ou pour punir, un esprit de la mort ou de la forêt2.
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En dépit des changements qui affectent continuellement le monde de la religion africaine, il est possible de distinguer quelques éléments communs aux différentes traditions religieuses africaines.
En premier lieu, toutes les religions dont nous parlons ici reposent sur la croyance en un seul Dieu que l’histoire des religions définit comme l’Être suprême. Ce Dieu-Créateur est à peu près identique dans toutes les religions africaines : après avoir créé le monde, ce Dieu se retire et intervient rarement dans les affaires humaines, car Il est considéré comme d'essence trop pure pour interférer dans ces affaires humaines, qui sont souvent liées à leurs besoins physiologiques. Il est le garant de l’ordre établi des choses, ne se souciant de l'être seulement qu'une fois que celui a rejoint son monde invisible, en juge. L'être humain ne vivant plus, son corps reste sur terre et se transforme selon les lois de la nature, tandis que son âme rejoint le monde invisible. Selon le degré de bonnes ou mauvaises actions qu'il a accompli sur terre, il pourra soit se réincarner pour se parfaire toujours plus, jusqu'à rejoindre les ancêtres vivant au sein de Dieu, quand son âme sera jugée suffisamment pure pour cela, soit subir une seconde mort, où l'âme, trop souillée par les péchés, est envoyé dans le magma des mauvaises âmes détruites. L’Être suprême est rarement l’objet d’une vénération ou d’un culte. Par exemple, Ngaï, le Dieu du peuple Kikuyu, un peuple qui vit au Kenya, est censé s’être retiré sur le sommet du Mont Kenya, où il ne prend aucune part active aux vicissitudes de ses créatures. Cependant, les Kikuyus tournent toujours le visage en direction de la montagne lorsqu’ils prient, en témoignage de respect. Les peuples africains sont tous monothéiste dans leurs religions traditionnelles, et chaque religion a son nom pour désigner Dieu: Amma pour les Dogons, Engaï pour les Masaïs, Maa Ngala pour les Mandingues, Gueno pour les Peuls,Nzambé pour les Bantous, Olodumare pour les Yorubas, Nyamé pour les Fangs, etc.
L’Être suprême est la figure la plus importante de toute une série d’êtres spirituels qui agissent en tant que médiateurs entre l’Être suprême et les humains. Dans les religions africaines, les divers esprits sont très importants, car Dieu est perçu comme trop lointain, par rapport à son essence divine. Dieu est considéré comme impartial. C’est vers ces esprits que le peuple se tourne pour formuler ses demandes. Il existe deux sortes d’esprits : ceux qui ne sont pas d’origine humaine et ceux qui, après avoir été des humains, sont devenus des « esprits ancestraux » sous la bénédictions de Dieu. Les esprits ne sont que hypostase, qui représentent les multiples facettes de la création de Dieu, à la fois unique et pluriel par ses actions, sa création etc., tout comme la trinité chrétienne par ex. Pour la spiritualité africaine, dans chaque élément de la création se trouve la parcelle divine. C'est la raison pour laquelle la spiritualité africaine porte un grand respect a la nature et aux êtres vivants. De par ce postulat, une action volontairement destructrice envers un élément ou un être de la création revient à remettre en cause l'essence divine. Pour pouvoir se servir de la nature, et des êtres vivants, la demande aux esprits protecteurs, mise en place pour cela sous forme de prières, est recommandée.
Les esprits d’origine non humaine sont souvent en rapport avec des lieux naturels. Par exemple, les esprits des bois ou les esprits de la mer. Au Kenya, l’un des esprits les plus actifs et les plus proches, pour le peuple Luo, est Mumbo l’esprit du Lac. Ce qui s’explique par la proximité du Lac Victoria sur les rives duquel les Luo habitent depuis longtemps. Chez les Dogons, au Mali, l’esprit de l’eau, Nommo, est considéré comme le père de l’humanité, celui qui a enseigné aux hommes l’art d’utiliser le feu et les outils.
Les esprits de la nature n’ont pas une personnalité bien définie. Ils sont les gardiens du territoire sur lequel vit une population donnée et avec laquelle ils établissent des relations sociales complexes. D’autres esprits sont identifiés avec des phénomènes naturels, comme l’esprit du tonnerre, l’esprit du vent, l’esprit de la tempête, de la pluie, et ainsi de suite. Toutes ces entités spirituelles sont des êtres créés par Dieu et plus puissantes que les êtres humains (djin dans l'islam). Elles peuvent être bonnes ou mauvaises ou même avoir une nature ambivalente. Dans certains cas elles sont amicales et bien disposées envers les humains ; mais dans d’autres cas elles peuvent se montrer hostiles. Certaines interviennent rarement, d’autres sont omniprésentes dans la vie quotidienne. Certaines voyagent beaucoup, d’autres sont sédentaires. Chacune de ces entités occupe une place bien définie sur une échelle hiérarchique et leurs relations entre elles et avec les humains sont codifiées selon cette position hiérarchique. Certains esprits entrent en contact avec les hommes à l’occasion d’états de transe ou de possession. Quelquefois, des familles entières d’esprits s’emparent périodiquement d’une personne et lui dictent son action pour le bien du clan ou de la communauté tout entière. On trouve de telles situations avec les esprits Bori chez les Haousas du Niger ou les esprits Bisimba chez les Zélas duZaïre.
Les ancêtres appartiennent naturellement à la deuxième catégorie d’esprits. La mort ne transforme pas automatiquement un parent en ancêtre. Des rites précis sont nécessaires. Ils accompagnent en quelque sorte le défunt dans l’au-delà pour l’aider à assumer une nouvelle essence spirituelle. Ces rites consistent, entre autres, en « doubles funérailles », dans le cas desquelles on s’attend à ce que, pendant un certain laps de temps, l’esprit du défunt soit mal disposé envers les vivants, jusqu’à ce que de secondes funérailles, avec toute une série d’offrandes et de prières collectives, le réconcilient avec sa famille.
Dans toutes les sociétés africaines, les liens entre les vivants et les morts sont très forts : il faut toujours respecter les morts et les honorer au moyen d’offrandes de diverses natures. Ils gardent une ferme emprise sur la structure familiale et on redoute de provoquer leur colère. Les ancêtres représentent le lien le plus immédiat entre les vivants et le monde spirituel, ils sont en mesure de garantir la prospérité, la santé et la fécondité de leurs descendants. Au Kenya, la structure sociale des Kikuyus est le reflet du monde de leurs ancêtres, qu’ils appellent Ngomas, et parmi lesquels figurent les Ngomas cia aciari, ou ancêtres immédiats.
Parmi les rites religieux africains, les jeûnes, les pèlerinages aux lieux saints, les offrandes et sacrifices, les prières quotidiennes, les grandes cérémonies en l'honneur de Dieu, des ancêtres et des esprits tutélaires, et les cycles d'initiations répétés suivants les étapes de la vie via les classes d'âges, ponctue la vie spirituelle africaine.
Les pratiques religieuses dites « africaines » se maintiennent principalement à travers des syncrétismes avec l'islam et le christianisme. Si une grande partie des Africains sont musulmans ou chrétiens, leurs pratiques restent influencées par d'autres qui se mélangent.
Cependant, on peut observer de véritables résistances chez des pratiquants de religions dites « africaines », qui ne pratiquent aucun syncrétisme. Ainsi au Bénin et dans de nombreux pays du golfe de Guinée, en particulier chez les Yorubas avec le culte des orishas ou les Fon-gbe et Ewes, avec ceux des voduns qui en sont inspirés. Au Cameroun chez les Bamilékés et les Bamouns. Au Gabon, chez une partie des Fangs, des Mitsogo, avec le Bwiti. Au Mali, de nombreux Mandingues, surtout Malinkés et Bambaras etDogons, au Sénégal, les Sérères, Diolas, les habitants de la région orientale, les Badiarankés, conservent des pratiques religieuses dites « traditionnelles ». En Afrique centrale, les Kongos, du groupe Bantous. Chez les peuples nilotes de la vallée de l'Omo, Dinka, Nuer, Hamer, Nyangatom, etc., ainsi que les divers groupes masaïs du Kenya et de la Tanzanie et les Shonas en Afrique australe. En Afrique sahélienne, par exemple au Sénégal ou en Centrafrique, la situation évolue rapidement et ces résistances contiennent difficilement l'expansion de l'Islam.[réf. nécessaire]
Il existe des communautés vaudou, qui ne pratiquent pas de syncrétisme, en Haïti et au Brésil.[réf. nécessaire] Le courant kémite aux États-Unis (terme qui selon des afrocentristessignifierait la terre des Noirs) revendique d'être issu de la religion égyptienne antique.
Religions traditionnelles africaines
Cet article concerne les religions africaines traditionnelles. Pour une vision d'ensemble des religions en Afrique, voir Religions en Afrique. La notion de religions traditionnelles africaines est ...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Religions_traditionnelles_africaines
L’animisme (du latin animus, originairement esprit, puis âme) est la croyance en une âme, une force vitale, animant les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, comme les pierres ou le vent, ainsi qu'en les génies protecteurs1.
Ces âmes ou ces esprits mystiques, manifestations de défunts ou de divinités animales, peuvent agir sur le monde tangible, de manière bénéfique ou non. Il convient donc de leur vouer un culte2. Ainsi défini, l'animisme peut caractériser des sociétés extrêmement diverses, situées sur tous les continents.
À moins d'être redéfini dans le champ de l'anthropologie, par exemple à la manière de Philippe Descola, ou limité à un processus psychique, par exemple dans la psychanalyse ou dans la conception piagétienne, l'objet "animisme" ne correspond à aucune réalité religieuse se revendiquant comme telle. Il n'est qu'un objet créé historiquement pour distinguer des croyances et des pratiques n'entrant pas dans le cadre des paradigmes des religions dites universalistes.
Le médecin allemand Georg Stahl est à l’origine (en 1720) d’une théorie médicale appelée animisme ; pour résumer à l’extrême, il s’agissait d’expliquer que l’âme avait une influence directe sur la santé.
Introduit à la fin du xixe siècle par l'anthropologue britannique Edward Burnett Tylor pour désigner les religions des sociétés qu'il nomme « primitives » (Primitive Culture, 1871), le concept a connu un indéniable succès jusque dans les premières décennies du xxe siècle, devenant « l'un des termes de référence majeurs de l'histoire de l'ethnologie religieuse »3. Cette ambitieuse tentative d'explication globale des croyances religieuses – une « doctrine de l'âme » – a perdu une large part de sa validité aujourd'hui et les travaux contemporains s'en écartent, notamment ceux de l'anthropologue français Philippe Descola qui ne voit pas dans l'animisme une religion, mais plutôt « une manière de concevoir le monde, et de l'organiser »4.
Le terme lui-même, souvent entaché de connotations colonialistes5, du moins perçues comme péjoratives6, est employé avec circonspection, parfois remplacé par des expressions telles que « croyances populaires », « croyances indigènes », « religions traditionnelles ». Par défaut ou par commodité, il est désormais utilisé dans le langage courant ou dans les statistiques, comme un mot fourre-tout désignant généralement l'ensemble de ce qui, ne relevant pas des grandes religions théistes s'appuyant sur des textes sacrés (christianisme, islam, bouddhisme…), est transmis par des traditions orales7.
La théorie traditionnelle oppose habituellement[réf. nécessaire] l'animisme et le chamanisme, qui prennent source dans les mêmes principes de vie, aux religions, que celles-ci soient terrestres (bouddhisme, fétichisme, polythéisme) ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Religions_de_la_Terre ) ou du ciel (hindouisme, islam, christianisme, judaïsme). En réalité toutes les religions reconnaissent l'existence de ces forces occultes, que certains appellent, esprits, ou démons, ou djinns, ou anges, etc, que ces entités soient considérées bénéfiques ou maléfiques. Les trois grandes religions monothéistes recèlent en leur sein plusieurs théories sur ces êtres de différentes formes. Chez les animistes, ces notions sont primitives car elles concernent des êtres simples : la pierre, le vent, le rocher, le sable, l'eau, la feuille et les éléments comme le feu. On retrouve du reste à la base de toutes les religions structurées ces éléments transfigurés. La vénération de fleuve dans l'hindouisme tel le Gange, ou dans l'Égypte ancienne tel le Nil divinisé sous le nom d'Hapy, chez les Celtes le culte des arbres8 que l'on retrouve dans un de leurs calendriers, le culte du feu chez les Romains de l'antiquité avec les Vestales en sont quelques exemples.
Tout comme dans l'animisme, on peut identifier un lien entre les éléments perçus dans la nature et la pratique religieuse des monothéismes abrahamiques. Par exemple, une fête comme Noël est liée à un solstice, une fête comme Pâques est attachée au calendrier lunaire, le ramadan est pareillement lié au calendrier lunaire.
Comparativement, on peut citer qu'en Afrique, de l'Ouest par exemple, l'habitant local, en suivant l'exemple du marabout ou du cheik offre à la terre un peu de boisson avant d'en consommer. Dans certaines civilisations d'Amérique du Sud comme au Pérou on offre également des produits de la terre à la terre comme le tabac9. Tandis que, dans le catholicisme le prêtre dit, lors de l'offrande des hosties et du vin : « fruit de la terre et du travail des hommes ». C'est l'évolution d'un sacrifice pour remercier la nature, ce qui est un principe de base de l'animisme ; ce sacrifice se voit dans la Bible entre le livre de l'Exode et le Lévitique et le Nouveau Testament. Pour finir ce parallèle on peut remarquer que dans l'hindouisme, les agendas publient le calendrier lunaire pour suivre, par exemple, des règles de vies comme ekadashi.
L'animisme est souvent fortement rapproché du chamanisme ; un dieu de la terre est certes invoqué dans ces deux courants[réf. nécessaire]. En réalité, le chamanisme désigne plutôt la croyance en la possibilité de communiquer (médiation) avec un autre monde, et l'existence d'individus (les Chamans) et de techniques privilégiés pour accéder à ce monde ; qui peut certes être celui des âmes ou esprits mais aussi celui des morts, des animaux, d'êtres supérieurs ou d'un passé mythologique, ou de tout autre univers que celui 'réel' directement accessible à tout humain. Dans la pratique cependant l'animisme implique un certain niveau de chamanisme en ce sens où postuler l'existence d'un monde des âmes sans laisser entrevoir aucun moyen d'y accéder ou d'échanger avec lui serait vain.
Les religions théistes postulent d'ailleurs elles aussi un moyen de communiquer avec leurs entités divines, tel que par la prière.
Edward Burnett Tylor (1832 - 1917) est le premier sociologue à avoir établi une théorie sur l’animisme, dans Primitive Culture (1871). Il fonde son analyse sur le sentiment, pour lui général dans les sociétés qu’il qualifiait alors de « primitives », que l’âme était distincte du corps car, lors des rêves, le dormeur semble atteindre un monde différent de celui où se trouve son corps.
C’est cette expérience qui aurait fondé la notion d’« âme ».
Par analogie et extension, des âmes auraient ainsi été prêtées (attribuées) à l’ensemble des éléments de la nature10. Pour Tylor, l’animisme représentait le premier stade de religiosité humaine, celui des sociétés les plus primitives, et il devait être suivi par le fétichisme, puis le polythéisme et enfin, bien sûr, le monothéisme, qui caractérisait la religion de sa propre société11.
La théorie de Tylor sur l’animisme eut un énorme succès. Le terme fut ensuite beaucoup repris, discuté et critiqué.
Les anthropologues ont notamment reproché à Tylor sa perspective évolutionniste (comme si toutes les sociétés devaient évoluer de la même manière vers un même but), sa perspective psychologique (il est difficile d’expliquer une notion telle que l’âme par une simple référence à une expérience de dormeur – ou alors, cette notion devrait prendre un sens identique dans toutes les sociétés, ce qui n’est pas le cas), ainsi que le caractère imprécis du terme animisme (tous les éléments de la nature ne sont pas partout perçus comme ayant une âme, attribuer un esprit ou une âme à un élément n’est pas la même chose, etc.).
En dehors de quelques anthropologues qui reprennent ce terme dans leur analyse en lui donnant une signification précise (tel Philippe Descola), le terme d’animisme n’est plus employé que de manière très vague, pour finalement désigner toutes les religions qui ne sont pas universalistes (c’est-à-dire les religions de la conversion, telles le christianisme, l’islam ou qui ne sont pas des religions de grands pays-civilisations (les religions chinoises, indiennes, etc.). Il est alors pris comme synonyme de « religion traditionnelle » (un terme qui ne signifie rien, en soi), ou d’autres termes à l’usage tout aussi vague, tels que le chamanisme. En réalité la difficulté de définir clairement ces termes et circonvenir leur périmètre respectif procède essentiellement de leur éloignement des modes de pensées des sociétés modernes, issus d'une représentation du monde radicalement différente, que Philippe Descola qualifie de naturaliste.
Parmi les anthropologues contemporains, Philippe Descola, dans une vision globalisante voire universaliste, a redéfini l'animisme dans un ouvrage remarqué Par-delà nature et culture (2005). Il se place pour cela dans la situation de l'Homme s'identifiant au monde suivant deux perspectives complémentaires : celle de son « intériorité » et celle de sa « physicalité » vis-à-vis des autres – humains et non humains.
L'animisme correspondrait à la perception d'une identité commune des intériorités entre les existants humains et non humains mais d'une identité distincte entre leurs physicalités. Il décrit les trois autres « ontologies » suivant la perception d'une fusion ou d'une rupture entre intériorité et physicalité, nommées totémisme, analogisme et naturalisme, les quatre modes ({identité/rupture} * {intériorité/physicalité}) réunis ayant vocation universelle, tout en prenant diverses formes de cohabitation ou de dominance suivant les cultures, qu'elles soient archaïques, traditionnelles ou modernes.
Dans son œuvre Psiche e Natura, fondamenti dell’approccio psicoanimistico12, le psychanalyste Antoine Fratini attire l’attention sur l’omniprésence des références au monde naturel des grands symboles de l’inconscient collectif : la Montagne et le Fleuve sacrés, l’Arbre philosophique, le Lapis des alchimistes, la Mer, la Grotte, le Serpent etc., qui prouverait l’existence d’un « inconscient animiste » comme reflet de l’animisme originaire. Cet inconscient serait lié donc à la Nature non seulement par projection, mais aussi par la voie du symbole et rendrait la psyché inséparable du monde de la Nature. Fratini parle aussi d’une « approche psycho-animiste » qui consiste par exemple à faire les séances d’analyse dans des lieux naturels afin de favoriser l’évocation de l’inconscient animiste, et à puiser à la source de la sagesse des traditions animistes pour interpréter certains songes et symptômes.
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Article connexe : Tengriisme.
Le chamanisme, ou shamanisme, est une pratique centrée sur la médiation entre les êtres humains et les esprits de la nature ou les âmes du gibier, les morts du clan, les âmes des enfants à naître, les âmes des malades à ramener à la vie, etc. C'est le chamane qui incarne cette fonction, dans le cadre d'une interdépendance étroite avec la communauté qui le reconnaît comme tel.
Le chamanisme, au sens strict (chamane vient étymologiquement de la langue toungouse), prend sa source dans les sociétés traditionnelles sibériennes. Partie de la Sibérie, la pensée chamanique a essaimé de la Baltique à l'Extrême-Orient et a sans doute franchi le détroit de Béring avec les premiers Amérindiens. On observe des pratiques analogues chez de nombreux peuples, à commencer par lesMongols, les Turcs et les Magyars1 (avant leur christianisation), qui seraient tous originaires de Sibérie, mais aussi au Népal, en Chine, en Corée, au Japon, chez les Amérindiens d'Amérique du Nord, en Afrique, en Australie et chez les Amérindiens d'Amérique latine2.
Le mot chamane ou chaman est connu dès le xviie siècle. Il entre officiellement dans la langue française en 18423.
Sam est une racine altaïque signifiant « s'agiter en remuant les membres postérieurs ». Saman est un mot de la langue evenki qui signifie « danser, bondir, remuer, s'agiter ». Dans les dialectes évènes, « shaman » se dit xamān ou samān4.
Ojun désigne le chamane chez les Yakoutes, terme évoquant l'action de « sauter, bondir, jouer ». L'équivalent turc est kam d'où dérive en russe kamljat, « chamaniser », et kamlanie, « séance chamanique ». Chez les Bouriates, boo murgel signifie « encornement (ou affrontement) de chamane ».
L'idée générale est celle d'une imitation des espèces animales, notamment celles qui sont prisées à la chasse : les cervidés et lesgallinacés5.
À noter qu'en sanskrit le terme Shramana désigne celui ou celle qui veille à la transmission de la connaissance à travers la tradition orale.
Suivant Roberte Hamayon, reprise par Bertrand Hell3, le chamane est soit « celui qui sait », soit celui qui « bondit, s'agite, danse ».
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La catégorie « chamanisme » pose problème aux anthropologues. Que désigne réellement le « chamanisme » quand ce terme est généralement utilisé tant pour parler des pratiques des Toungouses que de celles des urbains Européens ? Pour répondre à cette question, il faut revoir l'histoire du mot et ce qu'elle implique.
Le terme « chamane » est introduit en Europe vers la fin du xviie siècle à travers les récits publiés par quelques explorateurs et marchands. Il est emprunté au toungouse (Sibérie) et on le trouve mentionné une vingtaine d'années plus tôt dans les manuscrits de l’archiprêtre Avvakoum. Roberte Hamayon6 caractérise le chamanisme de Sibérie ainsi : il s’agit d’une « procédure de médiation, rudimentaire et bonne à tout faire supposant une conception spécifique de l'homme, du monde et de la société » ainsi que de leurs relations. La notion d'échange est au cœur de la pensée chamaniste : surtout il existe un lien fondamental entre la chasse, l’alliance et le chamanisme ; ainsi, Roberte Hamayon propose que le chamanisme en soi s'enracine dans la vie de chasse, en raison d'un rapport de nécessité fondé sur ce qui semble caractériser le chamanisme au niveau le plus général : la gestion de l’aléatoire. Celle-ci se réalise par un échange avec les esprits, lors de la transe.
Le chamanisme est donc une conduite, une efficacité, une technique, à restituer dans le tout de la société. Il remplit une fonction d'adaptation à des situations démunies et difficiles, par sa souplesse, son pragmatisme (contrairement aux religions instituées), et par sa disponibilité.
Les traits essentiels du chamanisme, dans les sociétés de chasse, sont : l’alliance avec les esprits de la « sur-nature », le voyage de l'âme, la gestion de l’aléatoire par le rapport entre chamane et esprits, mais aussi la fluidité, car le chamanisme n’est pas quelque chose de figé puisqu’il intègre.
L’institution chamanique dépasse largement la région sibérienne. Tous les continents sont touchés et l'on assiste aussi à des mouvements du New Age en Amérique du Nord, en Europe et en France, avec l’émergence d’un néo-chamanisme.
Si l'on prend le terme « chamanisme » stricto sensu dans le sens toungouse, alors son champ est fortement limité et ne s’étend plus qu’à cette société. Il faudrait en fait répertorier les traits du chamanisme toungouse, et on s’autoriserait alors à appliquer ce terme à toutes les institutions partageant exactement tous ces traits énumérés. Probablement cela couvrirait alors l’ensemble sinon une partie de la Sibérie, mais certainement pas tous les groupes pour lesquels on parle de chamanisme. Toutefois, si l’on en prend les traits principaux, on peut alors utiliser le terme de « chamanisme », celle-ci devenant une catégorie, et le chamanisme toungouse un modèle. Car ce que l’on peut comparer ce sont les modèles tirés de ces sociétés, et non les sociétés elles-mêmes, ni leurs rituels.
Cela étant établi, pour placer des éléments, pratiques, institutions, sous la catégorie « chamanisme » il faut donc de la rigueur. Ainsi, lors du Congrès international sur le chamanisme de 1997, on a pu assister à des communications soulevant le problème du « développement des pratiques dites alors chamaniques, auprès d’Européens en mal d’exotisme » ; et à ce sujet deux avis s’opposaient, l’un déniant le caractère « chamanique » (D. Vazeilles), l’autre ne voyant pas de raison illégitime qui interdirait cette dénomination, puisque selon C. Kappler, l’Europe avait jusqu’au Moyen Âge des pratiques également « chamaniques », citant Jeanne Favret-Saada (Les mots, la mort, les sorts), donc associant la sorcellerie au chamanisme.
Le débat, loin d’être clos, pose toujours problème. Dans l’application du terme « chamanisme » à d’autres sociétés, il convient de justifier ce choix par une description précise des faits et pratiques qui forment le modèle que l’on veut comparer au modèle toungouse. Pour utiliser le « chamanisme » comme élément de comparaison, il faut en effet pouvoir comparer des modèles entre eux.
La nature du chamanisme fait l'objet d'un débat. Les scientifiques, ethnologues et érudits divers ne se sont guère intéressés à l'idéologie du chamanisme, certains refusant même de discuter de son éventuelle nature religieuse.
Le chamanisme est appréhendé comme tel dès le xviie et xviiie siècles par les premiers observateurs en Sibérie. C'est le contact avec les esprits qui est considéré, à la fin duxixe siècle, comme le phénomène religieux de base. Au xxe siècle, Mircea Eliade, influencé par le mysticisme du christianisme russe orthodoxe, rattache le complexe chamaniste (croyances, rites et mythes) à la religion. C'est surtout l'expérience extatique qui est définie comme l'expérience religieuse de base. Mais cette dernière notion est actuellement très controversée, certain la considérant comme une imposture scientifique7, d'autres lui préférant le terme de transe, la seule à impliquer un élément musical.
Ake Hultkrantz présente le chamanisme comme un complexe culturel religio-magique et conclut : « puisque le monde surnaturel est le monde de la religion, le chamanisme joue donc un rôle religieux » et « il n'est pas interdit de supposer que toutes les expériences extatiques à l'origine de renouveaux religieux remontent aux chamans des temps anciens » 8.
Michel Perrin définit le chamanisme9 comme l'un des grands systèmes imaginés par l'esprit humain dans diverses régions du monde pour donner sens aux événements et pour agir sur eux. Selon lui, il implique une représentation bipolaire ou dualiste de la personne et du monde. L'être humain est fait d'un corps et d’une ou plusieurs composantes invisibles, souvent qualifiées d’« âmes », qui survivent à la mort. Le monde est également double. Il y a ce monde-ci, visible, quotidien, profane, et un monde-autre. C'est le monde des dieux et de leurs émissaires, des esprits de toutes sortes, des maîtres des animaux ou des végétaux, des ancêtres, des morts... C'est le monde que décrivent les mythes. Le chamanisme suppose aussi que certains humains savent établir à volonté une communication avec le monde-autre. Ils peuvent le voir et le connaître, à la différence des autres hommes, qui ne font que le subir ou le pressentir. Ce sont les chamanes. Ils sont désignés et élus par le monde-autre. Selon Perrin, le chamanisme est donc bien une sorte de religion, à condition de considérer une religion comme une représentation du monde qui ne peut être séparée des actes découlant de la croyance qu'elle met en place.
Wilhelm Schmidt considère le chamanisme comme de la magie, voire comme une dégénérescence religieuse. Pour Bertrand Hell, le chamanisme, à l'instar de la possession, est placé sous le signe de l'efficacité pratique et pragmatique, rejoignant par là Marcel Mauss pour qui la magie est la manipulation des forces immanentes, alors que la religion s'attache plus à la métaphysique, la transcendance et à un au-delà meilleur.
D'autres considèrent le chamanisme comme de la sorcellerie (Roland Dixon), voire comme une imposture entretenues par le chaman.
Inversement certains auteurs présentent la religion des peuples du Nord de la Sibérie comme chamanique.
L'observation, par les médecins et administrateurs coloniaux, de l'aspect thérapeutique et du comportement du chaman ont mis un doute sur ce caractère religieux, rejoignant l'échec des théories sociologiques à le définir comme tel, notamment du fait de l'absence de doctrine, de clergé et de liturgie.
L'anthropologie contemporaine ramène plutôt le chamanisme à un mode d'organisation des expériences des individus chamanes. Pour Roberte Hamayon, le chamanisme s'enracine dans la vie de chasse, et, à ce titre, est conditionné « par la donnée empirique qu'est le caractère imprévisible de l'apparition du gibier », « la pensée chamanique s'interprète comme la création de moyens symboliques pour agir sur cet aléa »... " les changements dans la place et la nature des aléas commandent l'évolution du chamanisme"10. Au centre des rituels chamaniques bouriates, il y a le jeu, jeu rituel dont l'issue rappelle les aléas de la vie de chasse, et « qui récuse la transcendance et impose l'altérité ». Il est remarquable que les Bouriates se définissaient eux-mêmes comme peuples à chamanes, par opposition aux peuples à Dieux pour se différencier des Russes lors de la colonisation.
Enfin, la question de l'assimilation ou non du chamanisme à la religion a permis de se (re)poser des questions quant à la nature du phénomène religieux, conduisant par là à une reconceptualisation de celle-ci.
C'est Spitsyne11 qui a révélé au public la découverte de plaques chamaniques coulées dans le bronze, nommées les plaques de Perm, sur les bords de la Kama et de l'Ob, dans l'Oural. Elles datent du Moyen Âge.
Pour certaines de ces plaques, un parallèle a été fait, par A.V. Schmidt, avec la littérature orale lapone fixée en 1926-1927 et relatant la légende de l'homme-renne13. Pour Boris Rybakov14Le culte des cervidés célestes, qu'on retrouve également sur certaines de ces plaques, est très répandu chez les peuples sibériens : chez les Evenks de la Toungouzka il y a l'élane céleste Bougady Enintyne, chez les Kètes la déesse Tomane, chez les Selkoupy Yliuonda Kotta. Le culte des deux maîtresses célestes du monde, semi-femmes semi-cervidés est également répandu (Nganassanes, Evenks, Dolganes, Nivkhes des îles Sakhaline).
La coiffure chamanique décorée d'un museau d'élane est attestée également par des données archéologiques. On la trouve sur une sculpture d'os provenant de la nécropole mésolithique de l'Île au Renne de l'Onéga (Ve millénaire avant notre ère) et coiffant un officiant s'élevant vers le monde céleste, entouré de deux femmes, la tête tournée vers le chamane. Spitsyne l'identifie au casque de souldé des plaques de Perm. On la trouve aussi dans l'Île au Renne de la Mer de Barents, dans la tourbière de Chiguir dans l'Oural, près dePalanga sur les bords de la Baltique.
Pour Boris Rybakov, le culte des cervidés célestes, étroitement associé au chamanisme, est ainsi attesté au mésolithique il y a cinq mille ans, au cours de la période du folklore de bronze du viie au xie siècle, et dans les mythes cosmogoniques sibériens collectés au xixe et xxe siècles. Son étendue géographique est celle de l'ensemble ethniquetoungouse, samoyède et ougrien, mais s'étend bien au-delà d'après ses conclusions (Europe et Asie). Par contre, d'après cet auteur et la majorité des préhistoriens, aucune base ne permet de supposer qu'il ait existé chez les chasseurs de l'époque glaciaire. Bien que les figurations de cervidés soient fréquentes dans l'art paléolithique, elles ne se distinguent pas de la masse des autres animaux. Concernant peut-être la seule exception, le Dieu Cornu de la Grotte des Trois-Frères (Ariège) pourrait n'être finalement, selon Rybakov entre autres, qu'un simple chasseur ayant mis sur lui une peau de renne pour approcher un troupeau, dans le cadre d'un déguisement. L'interprétation de l'anthropologue Margaret Murray, suivant laquelle le dieu cornu serait invoqué dans un rituel chamanique, semble controversée. Pourtant, la présence et la survivance même du dieu cornu dans la mythologie celte (Cernunnos et chaudron de Gundestrup), tend à souligner l'importance de ce culte.
Dès 1952, Horst Kirchner a tenté d’expliquer l'art pariétal européen par un chamanisme paléolithique 16. Cette hypothèse, certes critiquée dès le début, a ses partisans. Reprise par Andreas Lommel en 1960 et en 1964 par l'abbé André Glory, à la fin de sa vie, et combattue alors par André Leroi-Gourhan (qui apporte lui-même sa propre interprétation), elle a de nouveau été formulée en 1988 par deux anthropologues d'Afrique du Sud, David Lewis-Williams et T. A. Dowson. Lewis-Williams établissait une comparaison entre le "chamanisme" chez les San (Bushmen) et les peintures pariétales des sites sud-africains. Enfin, un peu plus tard, cette thèse a été reprise, pour l'art paléolithique eurasiatique, par le préhistorien Jean Clottes, auteur (avec D. Lewis-Williams) des Chamanes de la Préhistoire, ouvrage qui, adoptant une double approche, neurophysiologique et ethnologique, a dès sa parution en 1996 suscité une vive controverse.
Ces interprétations très littéraires n'ont pas été acceptées par la plupart des spécialistes, tant du chamanisme que de l'art préhistorique. Ils considèrent qu'elles s'appuyaient, sans preuves scientifiques, ni neurophysiologiques ni ethnologiques, sur une vision très littéraire, réductrice et extrapolée du chamanisme « J. Clottes et D. Lewis-William ont largement outrepassé les limites de la démarche scientifique en proposant une explication unique, unilatérale de la religion des origines » (Sciences Humaines, décembre 2006). Les auteurs répondent à leurs détracteurs à la fin de leur ouvrage, partie Polémiques et réponses.
Cette hypothèse a eu de farouches adversaires (tel le Pr Denis Vialou : « Prendre cette théorie sans fondement archéologique et vouloir l'imposer comme interprétation de l'art paléolithique, c'est nier l'hétérogénéité des cultures préhistoriques »[réf. nécessaire]). Elle a trouvé un certain nombre de soutiens auprès de quelques personnes, qu'il s'agisse de R. Layton 17 ou de E. Tscherter 18. Par ailleurs, le préhistorien Jean Courtin en a même fait le thème d'un roman, Le Chamane du Bout-du-Monde 19.
Le chamane est un être complexe chez qui on a voulu voir un guérisseur, un sorcier, un prêtre, un magicien, un devin, un médium ou un possédé20.
Le chamanisme de chasse a pour but de répondre à un besoin essentiel : trouver du gibier. Certains peuples de Sibérie ou d'Amérique du Nord vivant de la chasse ont conservé ses fonctions primitives. On croit que les animaux sont animés par des esprits. Le chaman les rejoint dans le monde non sensible de la «surnature». Pour ce faire, il doit lui-même se transformer en animal et épouser la fille de l'esprit donneur de gibier (l'esprit de la forêt), qui lui servira de guide23,24. Cet esprit a souvent la forme d'un cerf. Les gesticulations du chaman, que les Européens ont parfois pris pour de la folie, ne sont rien d'autre que la manifestation de sa nature animale. De son épouse, à l'aide de séduction et de ruse, il obtient des promesses de gibiers, animaux qui viendront donner aux chasseurs leur principe vital. Mais la chasse est un échange : les esprits des chasseurs sont eux-mêmes dévorés, ce qui leur cause des maladies et conduit à une mort inéluctable. Le rôle du chaman n'est pas, normalement, d'y remédier. Il doit seulement faire en sorte que l'échange se produise, mais de façon à retarder le plus possible l'échéance de la contrepartie, c'est-à-dire la seconde phase de l'échange, par le biais d'une manipulation.
Le chamanisme est marqué par des changements et des mutations lorsque la chasse cède le pas aux activités agricoles et d'élevage25. La survie de la communauté ne dépend alors plus des esprits des animaux, mais d'esprits à caractère humain, notamment de ceux des ancêtres26. Le monde des esprits, auparavant confiné à la forêt, s'étire vers le haut et le bas, vers ce qui deviendra le Ciel et les Enfers. Ce monde non phénoménal est souvent perçu comme étant une échelle à barreaux ou encore parfois un arbre, avec ses branches et ses racines. Le chamane est celui qui a la capacité de monter et descendre le long de ces différents niveaux de réalité, vers le Ciel ou les Enfers, de rencontrer des entités des mondes supérieurs et inférieurs (des esprits, par exemple) et de ramener de son voyage conseils, soins et pouvoirs « magiques », expansion de conscience etc.
Ainsi, pour effectuer un soin, le chamane entre d'abord dans un état de conscience modifié par le biais de transes et d'extases provoquées, par exemple, par des techniques de visualisation, de respiration, la musique, la danse ou l'utilisation de plantes psychoactives. Cet état est censé lui permettre d'accéder au monde non phénoménal. Il est souvent aidé par un ou plusieurs esprits alliés (animaux, plantes, objets ou même ancêtres) et doit alors faire face à la maladie de son patient, qui peut être visualisée sous la forme d'un monstre ou d'un mauvais esprit. Il utilise un ensemble de techniques choisies en fonction de sa situation et de sa culture, et qui peuvent aller de l'aspiration du mauvais esprit au don d'énergie... À la fin du processus, le patient est souvent censé avoir récupéré un morceau de son âme qui lui aurait été volé, ou avoir fait sortir hors de son corps un mauvais esprit.
Elle révèle l'élection du futur chamane27. Les symptômes sont conventionnels, attendus, plus ou moins provoqués. Elle est interprétée comme une absence de l'âme qui est partie dans l'au-delà. L'évanouissement est le symptôme caractéristique de la maladie. Dans le cas du chamanisme d'élevage, les esprits se sont humanisés, et l'électeur est l'esprit d'un ancêtre. L'évanouissement est le moment particulier où les ancêtres emmènent l'âme du futur chamane pour y être instruit.
Elle donne l'apparence de la folie et exprime la présence d'un danger de mort. Le premier évanouissement indique une future carrière de chamane.
L'élection du futur chamane est vécue, en général, comme un fléau, aussi bien par le candidat que par la famille de celui-ci. Il y a un danger de mort en cas de refus d'assumer la fonction de chamane. C'est l'esprit électeur qui s'en charge.
(Les informations de cette section sont empruntéees à Hamayon et à Eliade27,28.)
Le morcellement du corps, ou dépècement, ou dévoration est une mort rituelle qui est suivie d'une résurrection. Elle marque le passage du profane au sacré, l'initiation par les esprits, et s'inscrit dans le cadre de la "maladie initiatique".
➝ Dans le chamanisme de chasse, le morcellement du corps est le fait des esprits auxiliaires qui mangent la chair et boivent le sang du futur chamane. Il s'agit surtout d'une dévoration interne. À la fin du rituel, le chaman peut alors incorporer les esprits auxiliaires dans les accessoires que la communauté lui a confectionné. Chaque séance chamanique sera par la suite l'occasion de nourrir les auxiliaires, ce qui est le prix à payer pour le service rendu : il s'agit donc d'un processus continu qui a lieu toute la vie du chamane, ce qui est à mettre en rapport avec son teint blême.
➝ Dans le chamanisme d'élevage, le dépècement s'effectue généralement en une fois, lors de la "maladie initiatique". C'est une dévoration externe, c’est-à-dire qui a lieu en général en dehors du corps du chamane. Il existe certaines particularités comme la cuisson de la chair et le comptage des os. Elle est l'œuvre des ancêtres. Cependant, dans le chamanisme d'élevage, coexistent des éléments du chamanisme de chasse, ce qui se traduit par l'existence parallèle d'esprits animaux et d'esprit des ancêtres : la dévoration interne continue persiste donc parallèlement.
Tout autre est la dévoration de la chair humaine consécutive à la prédation des esprits, dont l'action entraîne la maladie par le biais du départ de l'âme, voire la mort en cas de départ définitif. Ce cadre est celui de tout un chacun qui peut devenir la proie d'un esprit :
(Les informations de cette section sont empruntées à Hamayon et à Eliade27,28).
Les variations concernant ce thème sont très importantes suivant les ethnies et les époques. Il existe cependant des lignes communes qui sont abordées ici. La distinction entre l'esprit électeur (ou protecteur), et les esprits auxiliaires (ou familiers, ou gardiens) revient constamment.
L'esprit électeur est unique. C'est lui qui choisit le chamane et le protège toute sa vie. Il possède une double identité sexuelle, féminine et masculine. Il est impossible de s'y soustraire, sous peine de mort. Il accorde au chamane le service des esprits auxiliaires. Au cours de la séance chamanique, l'éclat de furie du chamane correspond à son union avec son électeur et assure le départ et le voyage du chamane dans l'au-delà, avec le concours des esprits auxiliaires.
Dans les sociétés de chasse, l'esprit protecteur choisit "par amour" son (ou sa) chamane et devient son conjoint surnaturel. Il est l'esprit de la fille ou du fils de la forêt, le donneur de gibier. Son exigence est de l'ordre de la jouissance. Il existe ainsi une forte connotation sexuelle avec celui-ci. Il octroie au chamane son droit de chasse dans l'au-delà.
Dans les sociétés d'élevage, l'esprit protecteur est en général l'esprit d'un ancêtre, lui-même ayant été chamane. Et de ce fait l'enseignement du chamane provient souvent de cet esprit, le préparant à des révélations et à des contacts avec des êtres divins ou semi-divins (rôle de psychopompe).
Parfois l'électeur est un esprit céleste mineur.
Les esprits auxiliaires sont en général soumis à l'esprit électeur : c'est ce dernier qui les transmet au chamane (chamanisme de Sibérie). Parfois, la transmission se fait par héritage. Parfois leur concours doit être un acte de volonté et de recherche personnelle de la part du chamane (chamanisme nord américain). Pour obtenir leurs services, le chamane doit les nourrir de son propre corps : leur exigence est alimentaire. Ils donnent au chamane les moyens de la chasse dans l'au-delà : ce sont les pouvoirs chamaniques. Chacun est spécialisé dans un service. Un chamane peut en avoir plusieurs ; c'est d'ailleurs au nombre d'esprits auxiliaires qu'un chamane est fort ou faible. La relation d'un auxiliaire au chamane est soit de l'ordre du bienfaiteur, soit de l'ordre du serviteur. Le transfert des esprits auxiliaires se voit et s'effectue dans les accessoires de son costume. La réunion des esprits auxiliaires peut parfois prendre plusieurs années, et fait intervenir une grande partie de la communauté.
La plupart du temps ils ont la forme d'un animal : ours, loup, cerf, lièvre mais aussi oie, aigle, hibou, corneille... Ils peuvent également être des esprits de la nature : esprit des bois, de la terre, d'une plante, du foyer, fantôme... Le chamane prend possession de l'esprit auxiliaire au cours de la séance chamanique. Bien plus qu'une imitation de celui-ci, il est identifié à cet esprit et se métamorphose en lui : c'est l'ensauvagement du chamane, suivant Roberte Hamayon. L'auxiliaire a alors un rôle de psychopompe, c’est-à-dire qu'il accompagne le chamane dans l'au-delà : c'est l'expérience ou le voyage extatique du chamane, suivant Mircea Eliade.
Avertissement : le folklore est très prolixe sur les voyages de l'âme. Les variantes et les techniques sont foisonnantes et il est impossible d'en embrasser l'ensemble des conceptions. Parfois les données sont même contradictoires suivant les points de vue des auteurs. Les points de vue décrits ci-dessous forment un schéma général qui permet d'y voir plus clair et de s'orienter plus facilement lors de la lecture d'ouvrages traitant du chamanisme.
L'âme, ou du moins la part perceptive, douée de perception, de l'homme, a la faculté de quitter le corps, chez les gens ordinaires, comme chez le chamane et le héros épique.
Chez les gens ordinaires, elle le quitte à certains moments particuliers : pendant le rêve, l'ivresse et la maladie. Ils ne sont pas contrôlés. Chez le chamane, le départ de l'âme (où de la part perceptive de l'homme) se voit au cours de la maladie initiatique (absence d'âme), au cours de la furie pendant la séance chamanique (ensauvagement selon Roberte Hamayon), au cours de son voyage dans le monde des esprits (l'extase de Mircea Eliade). Il réalise ici-bas et autant de fois qu'il le désire la "sortie du corps".
Les voyages de "l'âme" sont largement attestés dans la culture : littérature, croyances et mythologie, récitation des épopées.
Il existe une similitude entre les récits des extases chamaniques et certains thèmes épiques de la littérature orale : l'aventure héroïque s'apparente au voyage du chamane dans la surnature. Souvent il s'effectue sous la forme et l'apparence d'animaux. Il s'agit de franchir des espaces dont la forme humaine interdit l'accès. Les épopées exirit-bulagat sont ainsi des modèles et le véhicule d'une idéologie où ces voyages et ces métamorphoses sont largement attestés.
Le support concret et naturel des voyages de l'âme est représenté par certains oiseaux, notamment les cygnes qui sont les porteurs d'âmes par excellence : ils rapportent de l'âme pour les enfants et les animaux à naître, témoignant de l'animation et du renouvellement de la vie, conformément à la pratique des grands rituels de printemps et d'automne. Il est d'ailleurs instructif de savoir que l'âme prend l'apparence d'un oiseau, aussi bien chez l'enfant avant l'acquisition de la parole, que chez le vieillard, lors de la perte des dents et l'apparition de la confusion verbale : dans les zones sans parole, en deçà et au-delà, l'âme est dans un état potentiel, elle peut quitter le corps en s'envolant.
L'âme ne reste dans le corps qu'à condition d'y être bien nourrie. Tout affaiblissement augmente la vulnérabilité du corps et devient la proie des esprits dont la stratégie est d'expulser l'âme et de la maintenir à l'écart de celui-ci. Nourrir les esprits est donc un acte préventif et protecteur.
D'une façon schématique, le voyage du chamane fait suite à l'accès de furie pendant la séance chamanique. Cette folie est l'ensauvagement qui correspond à l'union avec un esprit. Pour Roberte Hamayon, cet ensauvagement est la condition de la réalisation du voyage et traduit l'éloignement du monde des hommes. Pour Mircea Eliade, l'incorporation et la possession par des esprits sont des phénomènes universellement répandus qui n'appartiennent pas stricto sensu au chamanisme.
À sa suite, le chamane s'effondre, en général en un lieu réservé. Il est inanimé. C'est un état de transe que la médecine qualifiera de cataleptique. Son âme est dans l'au-delà, avec les esprits. L'angoisse règne dans l'assistance : va-t-il revenir ? C'est la période de l’extase de Mircea Eliade, au cours de laquelle s'effectue les expériences de vol magique, d'ascension au Ciel, ou de descente dans les Enfers. Pour ce dernier, l'extase est la cause de l'incorporation des esprits, et non son résultat. C'est même l'élément spécifique du chamanisme.
De retour, le chamane raconte ce qu'il a vu, ce qu'il a fait. Il peut le mimer également, le chanter, le danser, l'accompagner de cris et d'exclamations. Pour Mircea Eliade, la danse peut faire partie intégrante de l'extase, de même que l'imitation chorégraphique d'un animal. Lorsqu'il répond aux questions de l'assistance, c'est parfois l'esprit qui habite le chamane qui parle. Il s'agit alors d'une transe dramatique.
Le vol magique du chamane est largement tributaire de la cosmologie du monde. Celui-ci est divisé en trois parties : le Ciel, monde des divinités, la Terre, monde des hommes, et les Enfers, monde des ancêtres. Le vol traduit la transcendance du chamane par rapport à la condition humaine, et l'autonomie de son âme. Il traduit également l'intelligence et la compréhension des choses secrètes et des vérités métaphysiques. Parce qu'il est capable de monter et de descendre dans les sphères, les esprits peuvent descendre et s'incorporer au chamane. Mais le vol magique déborde aussi le cadre du chamanisme puisque c'est une idéologie de la magie universelle.
Le vol s'effectue donc vers le haut et vers le bas :
Le vol magique s'effectue essentiellement au cours des rituels. Les plus fréquemment cités sont :
(Les informations de cette section sont empruntées à Hamayon27).
Le tambour, de même que le costume, est un accessoire récurrent chez les chamanes. D'autres instruments peuvent également servir de tambour : les cannes chevalines, une cloche, une guimbarde, une poêle à frire, une corde. L'identité sexuelle du tambour est à la fois mâle (pour la peau) et femelle (pour le cadre). L'animation du tambour est cruciale pour l'entrée en fonction du chamane.
Ses fonctions sont multiples :
Bien que la peau du tambour porte souvent un dessin de cervidé à large ramure, le tambour n'est pas qu'une simple figuration d'esprit. Il est un support ou un lieu de rassemblement des esprits (auxiliaires notamment). Du statut d'objet, il passe ainsi au statut d'être animé grâce aux rituels d'animations qui redonne vie (ou renouvelle la vie) à l'animal dont la peau a servi à le fabriquer30.
Dans certains groupes (les Sor) le chamane épouse son tambour (l'esprit féminin du tambour est alors une véritable épouse), concrétisant ainsi le mariage avec la surnature (la fille de l'esprit de la forêt) et traduisant l'alliance surnaturelle (le tambour héberge l'épouse surnaturelle).
Les rituels d'animation sont variables d'une contrée à l'autre. Ils nécessitent la coopération des membres de la communauté. Les rituels de grandes ampleurs se font principalement au printemps (Selkoupes). L'animation du tambour, dans ce cadre, est une promesse de gibier, garantissant le succès à la chasse. Les rituels évoquent alors une chasse symbolique à l'animal imaginaire. Mais les rituels d'animation peuvent être plus autonome, faisant suite, par exemple, à la chasse réelle d'un animal destinée à fournir la peau du tambour : le chant du chamane peut alors retracer la vie de cet animal.
C'est l'esprit clanique (par exemple l'esprit de la montagne) qui déterminera l'utilisation future du tambour, ainsi que le nombre de ses remplacements.
Chamanes et tambours
Le chamanisme a existé en Chine. Il a été repris par le taoïsme. Selon un ouvrage du iiie siècle, le Baopuzi, le prêtre connaît des voyages extatiques qui l'emmènent au ciel, où il peut rencontrer des dieux, des ancêtres, ou trouver des remèdes médicaux. Il est aidé par des animaux, dragons, tigres ou cerfs. Une caractéristique générale des chamanes est justement de pouvoir se rendre au Ciel ou dans les Enfers.
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On qualifie d'« hyperboréens » ou d'« apolliniens » un groupe de penseurs ou de mages ou de chamanes antérieurs à Socrate et même au premier des présocratiques (Thalès) :Aristée de Proconnèse (vers 600 av. J.-C.), Épiménide de Crète (vers 595 av. J.-C.), Phérécyde de Syros (vers 550 av. J.-C.), Abaris le Scythe (vers 570 av. J.-C. ?), Hermotime de Clazomènes (vers 500 av. J.-C.). Les Grecs en faisaient une école, qui anticipait le pythagorisme.
Pour Apollonios Dyscole, « À Épiménide, Aristéas, Hermotime, Abaris et Phérécyde a succédé Pythagore (...) qui ne voulut jamais renoncer à l'art de faiseur de miracles. » 32
Le pythagoricien Nicomaque de Gérase (vers 180) a sa liste : « Marchant sur les traces de Pythagore, Empédocle d'Agrigente, Épiménide le Crétois et Abaris l'Hyperboréen accomplirent souvent des miracles semblables ». Clément d'Alexandre met ensemble (Strômates, I, 133) Pythagore, Abaris, Aristéas, Épiménide, Zoroastre, Empédocle, Phormio.
Pline l'Ancien (Histoire naturelle, VII, 174) groupe Hermotime, Aristéas, Épiménide, Empédocle. Walter Burkert énumère comme "faiseurs de miracles" : Aristéas, Abaris, Épiménide, Hermotime, Phormio, Léonymos, Stésichoros, Empédocle, Zalmoxis33. Ces personnages sont à la fois des chamanes et des penseurs ou même des philosophes. Le premier à noter l'aspect chamanique fut Meuli34, suivi par Alföldi et Eric Robertson Dodds35.
Avec Abaris et Aristéas, voici, dit Giorgio Colli, « le délire d'Apollon à l'ouvrage. L'extase apollinienne est un sortir hors de soi : l'âme abandonne le corps et, libérée, elle se transporte au dehors. Cela est attesté par Aristéas, et on dit de son âme qu'elle volait36. À Abaris, en revanche, on attribue la flèche, symbole transparent d'Apollon, et Platon fait allusion à ses sortilèges. Il est permis de conjecturer qu'ils (Abaris et Aristéas), ont réellement vécu. (...) Ce que relate Hérodote à propos de la transformation d'Aristéas en corbeau37 est aussi digne d'intérêt : le vol est un symbole apollinien (...). D'autres renseignements sur Épiménide en donnent une représentation chamanique qui est à mettre en relation avec Apollon Hyperborée. Dans ce cadre prennent place sa vie ascétique, sa diète végétarienne, voire son fabuleux détachement vis-à-vis de la nécessité de se nourrir. (...) C'est, en effet, chez Épiménide que l'on peut saisir pour la première fois les deux aspects de la sagesse individuelle archaïque de source apollinienne : l'extase divinatoire et l'interprétation directe de la parole oraculaire du dieu38. Le premier aspect est déjà repérable chez Abaris et Aristéas. (...) Phérécyde de Syros se présente à première vue comme un personnage apollinien. En effet, de Phérécyde est attestée l'excellence dans la divination, et Aristote lui-même39 lui attribue une pratique miraculeuse de la magie, qualité récurrente dans le chamanisme hyperboréen. »40 Aristote classe Phérécyde de Syros et quelques autres comme proche des Mages41.
Selon Élien, « les habitants de Crotone ont appelé Pythagore Apollon Hyperboréen. »42. Pythagore a des aspects chamaniques, sans être un chaman : il distingue nettement l'âme du corps, il utilise des guérisons magiques, il croit en la solidarité entre humains et animaux, etc.
Empédocle (vers 460 av. J.-C.) pouvait, dit-on, « retenir le vent », détourner la peste, délivrer les terres de la stérilité, guérir par la musique, et même faire revenir à la vie.
Phormion, fameux amiral en 429 av. J.-C., blessé dans une bataille, fut, dit-on, guéri en allant - sans doute par voyage chamanique, par transe - à Sparte, chez les Dioscures (Castor et Pollux), souvent liés à Apollon et immortels.
Les Grecs ont été en contact avec le chamanisme vers 630 av. J.-C. quand ils ont colonisé la région de la mer Noire, où vivaient des Scythes. Les Scythes avaient leurs chamans, qui respiraient la fumée de chanvre et entraient en extase (Hérodote, IV, 75). Abaris est un Scythe.
Il y a des exemples très nets de chamanisme dans le monde indo-européen, surtout dans sa mythologie. Ainsi, le dieu Odin des Scandinaves peut quitter son corps, qui gît alors comme endormi, sous une forme animale, et voyager là où il le désire. Il possède un cheval à huit pattes, très rapide (Sleipnir), qui est aussi identifié à un arbre cosmique(Yggdrasil) semblable à celui utilisé par les chamanes lors de leurs voyages. Par ailleurs, Odin est un grand magicien et il peut forcer les morts à livrer les secrets de l'au-delà, ce qui est une prérogative du chamane. Dans la Grèce antique, on connaît le poète Aristée de Proconnèse. Il était transporté au loin lors de « délires apolliniens » (Apollon étant un dieu apparenté à Odin). Il abandonnait son corps, qui gisait comme mort. Sur son île, une statue le représentait à côté d'Apollon (Hérodote, IV, 13-15). Pline l'Ancien rapporte qu'elle représentait son âme quittant son corps sous la forme d'un corbeau.
La cosmologie indo-européenne ressemble au chamanisme néolithique : l'univers est constitué de trois mondes, le Ciel, la Terre et les Enfers, qui sont reliés par un arbre. La voyance, la divination ou la magie sont plus l'affaire des femmes que des hommes (d'où les croyances aux sorcières). Le chamanisme masculin se voit relégué dans la mythologie tandis que les fonctions sacerdotales sont exercées par une classe de prêtres.
Les Scandinaves considéraient leurs voisins Lapons (de langue finno-ougrienne) comme de grands magiciens. Ils appelaient aussi ce peuple les Sameh (singulier Same), comme les Lapons se nomment eux-mêmes. De toute évidence, le chamanisme était très développé chez eux. Les chamanes sameh étaient appelés des noaides. Leurs pratiques ont été décrites au xiiie siècle dans l'Historia Norwegiae. Ils officiaient grâce à des assistants qui chantaient et ils utilisaient un tambour (comme leurs homologues sibériens) et un marteau de corne. Ils pouvaient prendre une forme animale pour aller se battre contre un confrère, découvrir un voleur ou même le mutiler à distance, attirer le gibier à portée des chasseurs ou le poisson dans le fjord, provoquer des états d'hypnose ou d'illusion des sens. Les Finno-Ougriens sont originaires des forêts du nord de la Russie. D'une manière ou d'un autre, une analyse fine du chamanisme le fait toujours provenir du nord de l'Eurasie.
En Corse, peut être trouvé le Mazzeru (voir Mazzérisme). Le Mazzeru n'est pas toujours considéré comme faisant partie de ce monde à part entière. N'étant ni du monde des vivants, ni du monde des morts, il se situe plutôt à la limite de ces deux mondes. Il est également désigné, selon les régions, sous les noms de Culpadore, d'Acciacatore et bien sûr de Mazzeru. Ces trois termes sont formés à partir des verbes acciacà, culpà, amazzà, qui signifient « tuer » en frappant. Cette fonction de tuer provient de la capacité du Mazzeru à « chasser en rêves ». Lors du sommeil du Mazzeru son double spirituel va dans le monde des rêves participer à une partie de chasse, le Mazzeru tuant le premier animal (sauvage ou domestique) qu'il croise. En retournant la bête sur le dos, la tête de celle-ci se transformera en visage humain. Cet humain, connu du Mazzeru, est condamné à mourir entre trois jours et un an plus tard. Hommes et femmes peuvent être des Mazzeru, même si les femmes sont réputées être plus acharnées que les hommes dans leur façon de tuer.
Le néo-chamanisme commence en 1968 avec Carlos Castaneda, quand il publie The Teachings of Don Juan (trad. fr. : L'Herbe du diable et la Petite Fumée). Ce livre se présente comme une enquête ethnologique auprès d'un chamane indien d'origine yaqui, Don Juan. Il faut rappeler que tout ce que décrit Castaneda est en partie inventé. Certains prétendent qu'il n'est jamais allé sur le terrain, que son œuvre n'est pas, à proprement parler, une œuvre ethnographique, mais du génie romancé. Cependant ses récits et expériences relatent des expériences tellement précises vécues lors de transes chamaniques que seul celui qui les à vécues peut les décrire. Castaneda à expérimenté la prise de médecines, à savoir de plantes de pouvoirs, telle que la Datura qui lui ont permis d’atteindre le niveau de conscience qu'il décrit dans ses récits.
Joan Halifax, Harley Swift Deer, Rolling Thunder, ou Archie Fire Lame Deer, Amérindiens des États-Unis, se disent medicine-men (Michel Perrin)43.
Le Français Mario Mercier, écrivain, poète, artiste, est un exemple de néo-chamane français aujourd'hui en activité, il a publié un Manifeste pour un nouveau chamanisme (2002),Chamanisme et chamans (1977).
L'anthropologue Michael Harner, à partir de son étude des Jivaros et d'une approche comparative de diverses traditions chamaniques, a contribué au retour des pratiques chamaniques en Occident à la suite de la parution de son livre : The Way of the Shaman (titre français : Chamane) en 1980. Il a qualifié son approche de "core-shamanism", c'est-à-dire "chamanisme fondamental", une approche regroupant des techniques transcendant les contextes culturels spécifiques. Il est le président et fondateur de laFoundation for Shamanic Studies (FSS).
Signalons finalement, en France, le livre Le Chamane et le Psy, par Laurent Huguelit et le Dr Olivier Chambon (Mama Éditions, 2010), qui traite de la complémentarité et de l'intégration des techniques chamaniques dans la psychothérapie moderne, ainsi que du chamanisme moderne tel qu'il se développe actuellement en Occident.
Gloria Flaherty dans Shamanism and the eighteenth century montre que la figure du chamane transparaît au xviiie siècle dans de nombreuses œuvres littéraires, philosophiques, mais aussi dans l'opéra et même dans la recherche médicale.
Dans le chapitre intitulé « Chamanisme et sorcellerie » de son livre Le Règne de la quantité et les signes des temps, René Guénon note 1:
Plus loin, après avoir signalé que l'utilisation de ces influences psychiques pouvaient constituer une véritable “sorcellerie”, différente de celle des « vulgaires sorciers de campagne occidentaux», René Guénon conclut le chapitre en ces termes: