Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Moishe Postone : "Le sionisme, l’antisémitisme et la gauche..."

* Robert Ogman : Pourquoi blâme-t-on les Juifs quand un suprémaciste blanc assassine des musulmans en Nouvelle-Zélande ? Pourquoi la colère contre le crime raciste commis par un sympathisant d’extrême droite à Christchurch (Nouvelle-Zélande ) a-t-elle été réorientée vers les Juifs américains, Chelsea Clinton et le Mossad ? Parce que les théories du complot, inévitablement antisémites, sont présentes dans tout le spectre politique et exercent un pouvoir d’attraction croissant. Alors que le meurtre de cinquante fidèles musulmans dans deux lieux de culte de Christchurch, en Nouvelle-Zélande donne l’occasion, à de nombreuses personnes, de réaffirmer leur attachement à la diversité religieuse et culturelle, d’autres individus utilisent ce massacre pour réorienter contre les Juifs la haine qui vise les musulmans. Une grande variété d’individus défendent les théories du complot qui placent Israël ou « l’establishment juif » sur la scène de ce crime. Cela pourrait préparer le terrain à de futures violences. Si la façon dont la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, a condamné la haine raciale et la manière dont elle a tenté de sincèrement consoler les personnes en deuil sont devenues un symbole mondial de la solidarité, de la responsabilité civique et de la tolérance, le pardon d’un survivant de ce massacre à ce meurtrier a certainement marqué le point culminant de ce drame. En effet, lors d’une cérémonie publique commémorative r

émorative rassemblant 20 000 personnes, Farid Ahmed, dont l’épouse, Husna, a été tuée au cours de ces attaques, a déclaré qu’il ne pouvait pas haïr l’auteur, son « frère humain1 », et que cette position était fondée sur sa religion musulmane. Mais tout comme l’amour de l’humanité s’est exprimé et répandu, la haine a aussi fait son chemin. Une fois que le meurtrier a été pardonné par l’une de ses victimes et que l’on a pu vérifier les convictions de ce tueur favorable à la suprématie blanche, certains ont commencé à rechercher les « véritables » causes de cet acte odieux. A ce moment-là, de nombreuses voix différentes ont trouvé une cible séculaire et prévisible: les Juifs. Lors d’un autre événement commémoratif (intitulé « Love Aotearoa, Hate Racism » 2 ), à Auckland, Ahmed Bhamji3 , un dirigeant local de la communauté musulmane, a blâmé l’État juif, laissant entendre que des Juifs auraient délibérément pris pour cible les six Palestiniens qui ont perdu la vie lors de l’attentat. Prétendant dévoiler la vérité, ce « courageux » orateur a déclaré: « Je n’ai pas peur de dire que le Mossad est derrière tout cela. » Et il a ajouté: « Et pas seulement eux. Il y a aussi certaines entreprises commerciales ... des sociétés sionistes qui soutiennent ce tueur ... Les recherches doivent être menées dans cette direction. Où a-t-il obtenu l’argent pour acheter toutes ces armes? » Les propos dramatiques d’un chef religieux, même lorsqu’ils sont appuyés par une foule, ne constituent pas une tendance, d’autant plus que ses propos ont été condamnés le jour même et plus tard par la Fédération des associations islamiques de Nouvelle-Zélande, selon laquelle que Bhamji ne « réprésente pas » les musulmans de la Nouvelle-Zélande. Mais Bhamji n’a pas été pas le seul à tenir ce genre de propos. Des journalistes politiquement engagés ont rapidement brodé sur le thème de la main invisible d’Israël, et fourni un habillage 1 https://www.radionz.co.nz/news/chch-terror/385863/christchurch-mosque-attack-survivor-faridahmed-i-have-chosen-love-and-i-have-forgiven 2 https://lahr.nz/ . 3 https://www.memri.org/reports/ahmed-bhamji-chairman-new-zealand-mosque-hosted-new-zealandprime-minister-ardern-mossad 2 « intellectuel » à cette hypothèse farfelue. Dans un article paru sur le site d’Al Jazeera4 , le massacre a été présenté comme partie prenante de la « guerre mondiale contre les Palestiniens » menée par Israël ; selon ses auteurs, l’Etat juif s’allierait activement avec des suprématistes blancs et défendrait leur théorie du « grand remplacement ». Les auteurs de cet article ont tenté de dissimuler la faille évidente de leur argument – les néo-nazis détestent aussi également les Juifs – en glissant que « cette théorie a également acquis une connotation antisémite dans certains endroits ». D’autres, dans les marges de la gauche, comme Max Parry, sont allés encore plus loin pour dénoncer les ambitions néfastes d’Israël, en décrivant la fusillade comme une « opération fictive5 » – tout comme le 11 septembre, d’après eux – pour faire avancer les objectifs plus larges de l’Etat hébreu en matière de politique étrangère. Toujours selon Parry, ce massacre aurait été aussi une manière de punir la « politique étrangère relativement équitable » de la Nouvelle-Zélande au Moyen-Orient, politique qui a « irrité les sionistes ». Ce type d’arguments détourne clairement l’attention du tueur et de son idéologie raciste et font du meurtrier une marionnette passive au service des plans diaboliques conçus par un manipulateur sournois qui tire les ficelles. Il n’a pas fallu pas longtemps pour que des personnalités associées à la Marche des femmes aux Etats -Unis se joignent à ce chœur d’accusations aberrantes. La co-dirigeante de cette marche, Bob Bland6, a partagé sur Facebook le post d’un militant favorable à la justice sociale et qui imputait la responsabilité morale des attentats à « l’établissement juif américain », qui aurait prétendument mené une campagne de haine contre d’éminents musulmans américains. « Ce sont le même langage et la même haine que des gens vomissent contre nos sœurs Linda Sarsour7 et Ilhan Omar8 (représentante du Minnesota) qui ont tué 54 musulmans en Nouvelle-Zélande. Vous ne pouvez pas être solidaires de la communauté musulmane et, en même temps, désavouer les femmes musulmanes qui expriment ces vérités. » Interpellée, Bland s’est excusée plus tard pour son manque de «vigilance». Il existe clairement un lien entre les discours, l’incitation à passer à l’acte et les agressions physiques. Mais je ne vois aucune raison pour laquelle d’éminents progressistes américains choisiraient de cibler la minorité juive plutôt que la rhétorique nationaliste beaucoup plus influente de Fox News, de l’«alt- 4 https://www.aljazeera.com/indepth/opinion/hating-muslims-loving-zionists-israel-model190322145619468.html 5 https://www.mintpressnews.com/author/max-parry/ 6 Née en 1982, ex-prêtre de l’Eglise épiscopalienne, dessinatrice de mode, entrepreneuse, féministe et co-organisatrice de la marche des femmes le jour de l’entrée en fonction de Donald Trump en 2017 (NdT). 7 Née en 1980 à New York, d’origine palestinienne, Linda Sarsour a été l’une des principales organisatrices des marches des femmes de 2017 et 2019. Elle a été la directrice exécutive de l’Association des Arabes américains de New York. Elle participe au mouvement Black Lives Matter, intervient fréquemment à la télévision pour critiques les brutalités policières et le racisme antimusulmans. Elle est membre des Democratic Socialists of America (NdT). 8 Née en 1981 en Somalie. Elue démocrate au Congrès des Etats-Unis en 2018. Selon RFI,

7 Née en 1980 à New York, d’origine palestinienne, Linda Sarsour a été l’une des principales organisatrices des marches des femmes de 2017 et 2019. Elle a été la directrice exécutive de l’Association des Arabes américains de New York. Elle participe au mouvement Black Lives Matter, intervient fréquemment à la télévision pour critiques les brutalités policières et le racisme antimusulmans. Elle est membre des Democratic Socialists of America (NdT). 8 Née en 1981 en Somalie. Elue démocrate au Congrès des Etats-Unis en 2018. Selon RFI, elle soutient BDS, porte le voile islamique et a déclenché « un tollé en affirmant que le soutien américain à Israël s’expliquait par l’argent distribué aux élus par le principal lobby pro-israélien », l’AIPAC (NdT). 3 right9» et, bien sûr, du président Donald Trump. En fait, les Juifs ont contesté avec force les tropes10 racistes et xénophobes de plus en plus utilisés dans le discours public de la droite aux États-Unis. Mais dans ce post sur Facebook, la cible de la responsabilité éthique pour les attentats en Nouvell ajoritairement chrétiennes. Pourtant, comme le montre la sociologue Ruth Wodak, les musulmans ne sont qu’une partie de la Feindbild globale, c’est-à-dire de l’ennemi mondial existentiel de l’extrême droite. Pour celle-ci, l’immigration n’est pas provoquée par les guerres, la pauvreté, les persécutions ou la lutte pour une vie meilleure. Non elle est orchestrée par les Juifs, qui cherchent à saper la civilisation occidentale. Cette même idéologie a motivé le tueur qui a abattu des fidèles juifs dans une synagogue de Pittsburgh le 27 octobre 2018 : il croyait frapper les organisateurs supposés d’une « invasion » de caravanes d’immigrés. Malheureusement, la droite n’est pas la seule à être séduite par des idéologies tordues comme cellesci. Les théories du complot autour du massacre de Christchurch montrent que, dans tout l’éventail politique, certains événements sont l’expression de forces perverses opérant dans les coulisses et invariablement rattachées aux Juifs. Cet état d’esprit favorable aux théories du complot est profondément enraciné dans la culture politique de diverses sociétés arabes et musulmanes, de l’Égypte à la Turquie en passant par le Pakistan. Et malgré ses valeurs progressistes proclamées, elle trouve également un terrain fertile dans la gauche occidentale, parallèlement à l’antisémitisme qui se répand dans les sociétés européennes. Développant une vision du monde « anti-impérialiste » extrêmement simpliste, elle attaque le racisme ou le capitalisme à la surface, mais elle cible les Juifs, sous différentes formes ; selon elle, ils incarnent les véritables forces qui sous-tendent la politique mondiale: Israël, le Mossad, « les entreprises sionistes » ou l’ « l’establishment juif américain ». Mais pourquoi tomb

« intellectuel » à cette hypothèse farfelue. Dans un article paru sur le site d’Al Jazeera4 , le massacre a été présenté comme partie prenante de la « guerre mondiale contre les Palestiniens » menée par Israël ; selon ses auteurs, l’Etat juif s’allierait activement avec des suprématistes blancs et défendrait leur théorie du « grand remplacement ». Les auteurs de cet article ont tenté de dissimuler la faille évidente de leur argument – les néo-nazis détestent aussi également les Juifs – en glissant que « cette théorie a également acquis une connotation antisémite dans certains endroits ». D’autres, dans les marges de la gauche, comme Max Parry, sont allés encore plus loin pour dénoncer les ambitions néfastes d’Israël, en décrivant la fusillade comme une « opération fictive5 » – tout comme le 11 septembre, d’après eux – pour faire avancer les objectifs plus larges de l’Etat hébreu en matière de politique étrangère. Toujours selon Parry, ce massacre aurait été aussi une manière de punir la « politique étrangère relativement équitable » de la Nouvelle-Zélande au Moyen-Orient, politique qui a « irrité les sionistes ». Ce type d’arguments détourne clairement l’attention du tueur et de son idéologie raciste et font du meurtrier une marionnette passive au service des plans diaboliques conçus par un manipulateur sournois qui tire les ficelles. Il n’a pas fallu pas longtemps pour que des personnalités associées à la Marche des femmes aux Etats -Unis se joignent à ce chœur d’accusations aberrantes. La co-dirigeante de cette marche, Bob Bland6, a partagé sur Facebook le post d’un militant favorable à la justice sociale et qui imputait la responsabilité morale des attentats à « l’établissement juif américain », qui aurait prétendument mené une campagne de haine contre d’éminents musulmans américains. « Ce sont le même langage

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article