lus de 36 % de l’électricité allemande vient toujours du charbon (contre moins de 3 % en France [2]) : 14 % de la houille, 22,5 % du lignite, le charbon extrait dans les mines à ciel ouvert allemandes [3]. Le pays extrait toujours chaque année plus de 170 millions de tonnes de lignite de ses sous-sols. La commission charbon doit poser les jalons d’un plan de sortie planifiée et progressive, un peu sur le modèle de la sortie du nucléaire décidée pour 2022.
Le directeur de la commission, Ronald Pofalla, ancien député conservateur et responsable de l’infrastructure au sein de la société des chemins de fer allemande, Deutsche Bahn, a laissé fuité la semaine dernière la date de 2035-2038 pour une sortie allemande du charbon. Un calendrier que le groupe énergétique RWE, qui entend raser la forêt de Hambach, a immédiatement jugé « inacceptable », car bien trop avancé à ses yeux [4]. Il est vrai que RWE avait obtenu dans les années 1990 une autorisation pour exploiter du charbon rhénan jusqu’en 2045. Les Amis de la terre Allemagne avancent qu’une sortie du charbon avant 2030 est possible. Les Verts allemands veulent, quant à eux, fermer les vingt centrales à charbon les plus polluantes d’ici deux ans.
Une mobilisation continue face au charbon
Le charbon allemand est un très gros émetteur de gaz à effet de serre. Sans fermeture prochaine de centrales à charbon, l’Allemagne ne respectera pas ses engagements en matière de réduction d’émissions de CO2. En 2015, le ministre de l’Économie d’alors, le social-démocrate Sigmar Gabriel, avait tenté de faire adopter un plan de fermeture des centrales les plus polluantes. Mais le gouvernement avait rapidement fait marche arrière sous la pression des industriels du secteur.
Aujourd’hui, l’urgence climatique toujours plus criante et les mobilisations citoyennes contre le charbon pourraient changer la donne. Car avant les 7000 manifestants venus à Hambach dimanche dernier, plusieurs milliers de personnes avaient déjà occupé les mines rhénanes de RWE en 2015, 2016 et 2017, pour demander la fin de l’exploitation de ce combustible. Une nouvelle action est prévue dans toute l’Allemagne le 30 septembre contre l’extension de la mine d’Hambach, puis encore du 25 au 29 octobre, à l’appel de l’organisation Ende Gelände pour l’arrêt du charSur les pancartes et les parapluies des manifestants anti-charbon : « Arrêter le charbon »,« Électricité du charbon, non merci ».
En Rhénanie, RWE exploite trois grandes mines de lignite à ciel ouvert : Hambach, celle qui doit engloutir la forêt du même nom, Inden et Garwzeiler. Ces mines ont déjà dévoré des dizaines de villages pour que du charbon puisse en être extrait (lire notre reportage). En janvier dernier encore, l’église du village d’Immerath avait été détruite pour que la mine de Garzweiler puisse s’agrandir. Les habitants ont été déplacés et relogés, certains dans un nouveau village construit à quelques kilomètres. D’autres villages de la région sont menacés, tout comme dans l’autre grande région minière allemande, la Lusace, près de la frontière polonaise.
« Jusqu’en 2017, il y avait le projet de trois nouvelles mines dans la région. Mais après dix ans de résistance, une partie a été abandonnée », rapporte René Schuster, activiste anti-charbon en Lusace. Un village, Proschim, est pourtant toujours menacé d’être rasé pour laisser la place à l’exploitation de lignite. « Les habitants vivent dans une grande insécurité. Ils devraient en savoir plus sur leur sort en 2020, mais nous espérons que la commission charbon aura statué avant cette date. »
Reconvertir les mines et les emplois
Les habitants de Lusace font aussi face à une nouvelle inconnue. Il y a deux ans, les mines de la région ont été rachetées par un oligarque tchèque, Daniel Kretinsky, et son entreprise EPH (Energeticky a Prumyslovy Holding) (lire notre article). Elles appartenaient jusque-là à l’entreprise énergétique suédoise Vattenfall, majoritairement détenue par l’État suédois. « La relation entre l’industrie du charbon et ses opposants était déjà très mauvaise auparavant, poursuite René Schuster. Mais avec le rachat par l’entreprise tchèque, qui a une structure opaque, il règne une plus grande incertitude sur la prise en charge des coûts liés à la reconversion des terrains après l’exploitation du charbon [5]. Nous craignons que cela soit finalement la puissance publique qui doive prendre en charge ces dépenses. »
Les gouvernements régionaux, quelle que soit leur couleur politique – celui du Brandebourg, où se trouve une grande partie des mines de Lusace, comme celui de Rhénanie – se montrent généralement très conciliants avec les industriels du charbon. « Mais la commission charbon a bien dit qu’elle allait se pencher sur le cas de la Lusace, car la région est plus faible économiquement », ajoute René Schuster. Située en ex-Allemagne de l’Est, la Lusace est déjà touchée par la désindustrialisation et le dépeuplement. Ici, le charbon emploie toujours directement plus de 8000 personnes. Dans toute l’Allemagne, ce sont plus de 20 000 personnes qui travaillent dans les mines et les centrales à charbon. Le chiffre est important, mais reste inférieur à celui du secteur des énergies renouvelables, qui a généré plus de 300 000 emplois en Allemagne.
Même en plein cœur de la région minière rhénane, les paysages, comme l’économie, semblent déjà avoir entamé leur transition vers les énergies vertes. Sur le chemin qui mène vers la forêt de Hambach, à quelques centaines de mètres seulement de la mine, s’étendent, en bordure du chemin de fer et de l’autoroute, des installations géantes de panneaux photovoltaïques.
Rachel Knaebel
Photo de une : CC Tim Wagner
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