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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Le Queer est-il l’avenir de l’homme… Et de la femme ? Article mis en ligne le 1er juillet 2014 dernière modification le 7 juin 2014

Le Queer est-il l’avenir de l’homme… Et de la femme ? Article mis en ligne le 1er juillet 2014 dernière modification le 7 juin 2014

La science-fiction engagée ne se contente pas de constater ou de dénoncer les normes et les pratiques de domination que le sexe mâle exerce généralement sur les individus de sexe féminin, au nom de prétendues lois naturelles qui ne sont que le résultat d’une lente construction sociale et politique. Depuis le milieu du XIXe siècle, auteurs puis auteures de récits d’anticipation n’ont pas hésité à envisager des sociétés futures ou les rapports de genre pourraient être inversés ou bien, mieux encore, seraient fondées sur un principe simple d’égalité.

Il s’agit donc d’une perspective véritablement révolutionnaire qui s’inscrit dans le courant des luttes féministes incarnées, entre autres, par Simone de Beauvoir dont on n’a souvent retenu qu’une formule choc : « On ne naît pas femme : on le devient », en oubliant le reste de son argumentation : 
« Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c’est l’ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu’on qualifie de féminin ». Cette prise de position, iconoclaste à l’époque de la parution du Deuxième sexe (1949), ne l’empêchait pas d’affirmer la singularité de la femme par rapport à l’homme : « Si je veux me définir, je suis obligée de déclarer : je suis une femme ».

Cependant, pour combattre l’ordre masculin dominant, il faut aussi s’attaquer à la langue qui, sous couvert de règles grammaticales supposées neutres, impose son point de vue sur la société. Comme l’avait dit Roland Barthes en 1977 dans son discours inaugural au Collège de France : « La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire ». Or, la langue française n’est pas seulement fasciste, elle est aussi sexiste comme le prouve le choix arbitraire de donner la préférence au masculin pour accorder un adjectif commun à deux noms, l’un féminin, l’autre masculin. La règle de proximité qui a longtemps prévalu a fini par être abandonnée au XVIIe siècle au profit de la supériorité supposée du sexe dominant selon, entre autres, les recommandations du grammairien Vaugelas : « Pour une raison qui semble être commune à toutes les langues, que le genre masculin étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble » [1].

Dans Chroniques du Pays des Mères, Elisabeth Vonaburg a répondu ironiquement à cette injustice en élaborant un nouveau lexique permettant de féminiser une grande partie des mots que l’on conçoit aujourd’hui comme exclusivement masculins. C’est ainsi que le printemps devient la printane, un courrier une courrière, un animal une animale et un cheval une chevale. Dans les prairies en fleurs, on peut même voir gambader des sourices et voltiger des nuées de papillonnes… Joëlle Wintrebert a suivi le même chemin en décidant que le genre dominant ne serait plus le masculin dans la langue future de Pollen, ce qui l’a conduite à se conformer dans son roman aux règles littéraires du monde qu’elle décrit. Ainsi, quand Sahrâ et Seymour se baignent ensemble, « elles sont nues toutes les deux » — ce qui est contraire aux normes en vigueur puisque Seymour est un homme et ne peut donc pas être « nue » [2].

Si cette réforme est un sujet d’actualité qui pourrait être résolu malgré l’opposition des prétendus puristes de la langue française, la science-fiction dispose d’idées et d’outils qui ne sont pas encore (ou pas toujours) à notre portée pour résoudre définitivement les problèmes posés par les
rapports genrés de domination, les conflits liés à l’identité sexuelle ou les débats sans fin sur les mérites comparés de l’hétérosexualité et l’homosexualité. Ainsi, le développement actuel des recherches sur le queer — expression utilisée pour rassembler tous les comportements sexuels échappant à la norme hétérosexuelle (gay, lesbiennes, travestis, bi ou transexuels…), a souvent été anticipé par des auteurs inattendus, tel le digne et respectable Camille Flammarion, créateur en 1887 de la Société astronomique de France — mais aussi ardent spirite et disciple d’Allan Kardec.

Au-delà du féminisme politique revendiquant pour la femme le statut de sujet à part entière, il est donc possible de se demander si l’invention, l’apparition ou la reconnaissance d’un troisième sexe (au delà de l’homme, de la femme et du castrat évoqués par Simone de Beauvoir) ne serait pas la meilleure manière d’en finir avec toutes les phallocraties et si le queer, débarrassé des oripeaux de Priscilla, folle du désert, n’est pas l’avenir de l’humanité (figure 1).


Figure 1. Felicia, Mitzi et Bernadette dans Priscilla, folle du désert (© Stephan Elliott, 1994).

Suffragettes du futur, féministes et résistantes

L’une des premières formes de résistance à l’ordre patriarcal s’inscrit dans le cadre des luttes futures menées par les femmes pour devenir des citoyennes à part entière, comme on peut le voir dans le récit d’anticipation politique d’Alfred de Ferry, Un roman en 1915, dont l’action se situe à Paris treize ans après les grands troubles révolutionnaires de 1892 qui ont affaibli et rabaissé la France. Ferry joue clairement sur la peur provoquée par la Commune de 1871 pour évoquer une société décadente et corrompue où les femmes ont enfin obtenu le droit de vote grâce à l’appui des groupes anarchistes responsables du sac et de la destruction des quartiers riches de la capitale mais qui ont été poursuivis et décimés par le brave général Boucher – avatar littéraire du général Boulanger.

Cette époque troublée a été propice à l’émancipation des femmes qui ont bénéficié des bienfaits d’une éducation pour tous et pour toutes, sans distinction de sexe. Au moment où commence le récit, les femmes peuvent voter et être élues, quelle que soit leur condition sociale :

 

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