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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

CNT-AIT POUR L’ABSTENTION Propos anarcho-syndicalistes pour l’abstention et contre le capitalisme CNT-AIT

Parce que nous sommes pour l’abolition de ce système autoritaire où la propriété et le profit servent de valeur morale, et parce que nous savons qu’un monde de solidarité, de partage — riche de sa diversité — est possible, nous appelons à la lutte contre le pouvoir par l’abstention et l’action directe.

Cette édition augmentée contient en particulier des textes qui reviennent sur les dernières élections présidentielles, qui montrent que, contrairement au retournement de vestes de certains, la théorie et pratique abstentionniste révolutionnaire est plus que jamais valable.

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VI - Vote ou boycott ?
VII - S’abstenir aux élections, est-ce favoriser le fascisme ?
VIII - Manipulation électorale
IX - Lettre d’un jeune abstentionniste
X - Du passé (récent) tirons les leçons
XI - Ils ont voté contre Le Pen.. Et puis après ?
XII - Où sont ils passés ?
XIII - Pour commencer
XIV - Electoralisme, ma preuve par Lula

Le rituel de la farce électorale provoque chez les libertaires de tout poil, soit d'âpres et sanguinaires débats (vote tactique, vote de protestation, vote blanc, vote de déstabilisation,...), soit un long bâillement indulgent, tant le dilemme de l'utilité ou non du vote semble résolu une fois pour toute (inutile bien sûr !).

Aux uns qui rêvent de faire vaciller le pouvoir par le biais des urnes, les autres opposent la vacuité des messes électorales et la fourberie des élus. S'il me paraît évident que les urnes n'ont jamais engendré de révolution, le principe du vote dans les démocraties auto-proclamées représentatives n'en est pas pour autant un rituel désuet et inutile, une survivance ringarde des pratiques sociales du 20ème siècle. Je crois bien au contraire que c'est le premier élément de police de la république bourgeoise. L'acte de mise en urne de sa propre voix est avant tout l'acte de la soumission volontaire et délibérée de l'individu au pouvoir d'un autre. Voter dans un système électoral représentatif, c'est avant tout accepter qu'un autre parle et décide à sa place. Voter, c'est donc en tout premier lieu se défaire de sa propre liberté, de sa propre responsabilité. Les scribes de la république ne s'y trompent pas lorsqu'ils gravent sur leurs tablettes les termes explicites de "représentation par les élus", de "délégation de pouvoir", ou encore de "légitimation par les urnes". Bien plus qu'un escadron de gardes mobiles, qu'une armée en parade aux portes du désordre, qu'un juge à la robe aussi noire que la mort et la peine, le système électoral n'est rien d'autre que la capitulation de l'individu au nom du principe du nombre, du principe de majorité. Contrairement à ce que prétendent bon nombre de "citoyens" en brandissant leur carte d'électeur, participer à ce rite païen, ce n'est pas prendre ses responsabilités, c'est les fuir, c'est demander à quelqu'un d'autre de décider à sa place. Voter ce n'est pas agir, c'est s'engager à ne pas agir, c'est admettre que ses propres actions soient interdites, décidées ou ordonnées par d'autres.

Cette vision du système électoral n'est pas une construction théorique, mais le constat du mode de fonctionnement réel de nos sociétés totalitaires. Comme le disait mon prof de droit : l'élection, c'est le prix de la paix sociale. Les politiciens de profession qui, eux, vivent (et très bien) d'un tel système le savent parfaitement, qui après chaque grondement social, se dépêchent d'organiser de nouvelles élections. D'ailleurs, même en temps de "paix sociale", l'élection est nécessaire pour assurer aux dirigeants la soumission consentante et récurrente de la population. Les rituels organisés à intervalles de temps plus ou moins réguliers ont pour fonction première de rappeler à l'individu qu'il accepte ce pacte de résignation. Peu importent les résultats des élections (ils s'arrangent toujours entre eux), l'essentiel est que les "citoyens" acceptent le pouvoir des élus. Tout est mis en œuvre pour rappeler au quidam que c'est là le fondement du fonctionnement démocratique. Journaleux en tête, tous les communicateurs de la république sont alors chargés de donner l'impression à chaque individu — républicain — qu'il participe à l'élaboration de la démocratie. Les combats télévisés de petits chefs, les révélations croustillantes, les discours sur la constitution, même les affaires juridico-mafieuses sont avant tout un spectacle destiné à faire de l'élu le garant (fragile) de la démocratie, et de l'électeur un irresponsable consentant.

La construction d'une société nouvelle nécessite d'abattre jusqu'à la dernière pierre ce temple de l'exploitation qu'est la république. Mais cela nécessite avant toute chose que chaque individu refuse que d'autres parlent, décident, organisent et légifèrent à sa place.

Voter, c'est se soumettre.

Un des soucis majeurs et constants de la bourgeoisie, depuis son accession au pouvoir à la fin du XVIIIème siècle, a été de faire accroire au bon peuple que la démocratie représentative parlementaire était le nec plus ultra, le "must" dans le genre organisation sociétale : un aboutissement historique d'une indépassable modernité (l'échec récent et patent des démocraties dites "populaires" venant à point nommé pour corroborer ce discours), le stade ultime et Ô combien sublime d'une lente et douloureuse évolution de l'humanité vers un monde toujours plus juste quoique encore imparfait, mais, sans conteste le meilleur possible.

C'est la démocratie représentative qui permet à la bourgeoisie d'optimiser ces chances de garder le pouvoir pendant encore longtemps : en effet, quel système institutionnel saurait mieux faire passer la défense des intérêts particuliers d'une classe pour ceux de l'ensemble de la société ? Aucun autre assurément !

Faussement démocratiques et réellement oligarchiques, nos républiques demandent en fait à leurs citoyens d'acquiescer à leur assujettissement, à leur aliénation, en choisissant eux-mêmes leurs maîtres : dérisoire liberté qui éclaire chichement ce monde.

Par le truchement magico-virtuel du bulletin, le citoyen est invité à saisir sa chance pour faire entendre sa voix (condamné à un mutisme comateux le reste du temps, il est sommé d'en émerger à intervalle régulier, tous les cinq ou sept ans). La délégation de pouvoir, réalisée par le moyen du vote, n'est pas ressentie comme dépossession, mais au contraire vécue comme participation au pouvoir, alors qu'il s'agit beaucoup plus prosaïquement d'exercer un humble pouvoir/devoir de participation.

Le caractère mensonger de la démocratie représentative

C'est là que réside justement le caractère mensonger de la représentation démocratique. C'est au moment même ou le citoyen— légèrement grisé par l'exercice de son pouvoir participatif — pense parvenir à influer sur la gestion de la société qu'il renonce de fait, à tout contrôle réel sur l'emploi qui va être fait de l'expression de sa volonté. Une fois élu, le parlementaire ou l'édile n'a plus de compte à rendre à ses électeurs durant toute la durée de son mandat. Rapidement l'élu prend conscience de la promotion sociale que lui confère son mandat : il appartient désormais à la hiérarchie, le voilà homme de pouvoir et de privilège, retrouver la place qu'il occupait naguère, au sein du menu peuple, ne lui sourit que fort peu, il s'accrochera désormais avec la ténacité de certains parasites capillaires à sa place de "représentant du peuple".

Du communisme primitif à la démocratie directe

Bien avant l'apparition tragique de l'économie marchande et du travail forcé, bien avant le règne mortifère et destructeur de la bourgeoisie, l'humanité des temps premiers a vécu pendant des dizaines de millier d'années au sein de sociétés sans Etat, sans hiérarchie et où les décisions concernant la vie commune étaient prises par l'assemblée générale des membres de la communauté. Des ethnologues réputés, Pierre Clastres, Jean Malaury ou Marshall Sahlins, pour ne citer qu'eux, se sont penchés sur les civilisations contemporaines de chasseurs- cueilleurs (tribus indiennes d'Amérique du sud ou Inuit d'Amérique du nord) et ont mis en lumière leurs modes de fonctionnement : propriété collective, entre aide et solidarité, "assemblées générales décisionnelles".

Sans vouloir idéaliser ni magnifier le communisme primitif, qui n'était pas exempt de défauts (inconvénient majeur : le patriarcat est plus présent dans ces sociétés que le matriarcat), il est quand même bon de rappeler que les pratiques de démocratie directe et d'assembléïsme sont issues (par cousinage) de ce très lointain passé.

Cette tradition assembléïste a perduré jusqu'à nos jours, et les rebelles et révolutionnaires de toutes les époques ont cherché à renouer avec cette pratique, tout simplement parce qu'elle est la seule à tourner le dos à toute oppression, la seule possibilité donnée à une communauté de fonctionner sur un mode réellement humain. Communards de 71, révoltés russes de 1905, 1917, 1921, conseillistes allemands et italiens des années 20, libertaires espagnols de 36, hongrois rebelles de 56 et émeutiers de 68, tous ont cherché, avec des fortunes diverses à rester maîtres de leur combat, de leur parole et de leur vie.

Fonctionnement de la démocratie directe

La démocratie directe empêche la confiscation de la parole de tous au profit d'un seul ou de quelques uns : le porte-parole ou le délégué n'est effectivement que le porteur, le vecteur de la parole des autres : l'assemblée qui l'a choisi peut à tout moment le révoquer s'il s'avère que le mandat confié n'est pas respecté.

La délégation dans le "système démocratie directe" n'engendre donc pas de prise de pouvoir : non seulement le mandaté est constamment soumis au contrôle de ses mandants, mais encore sa délégation est limitée dans le temps et dans son objet. Pour éviter toute amorce de création d'un corps de "délégués spécialistes", la démocratie directe veille à ce que chacun puisse être à même de porter à tour de rôle la parole des autres, encourage la prise de responsabilité (alors que la démocratie bourgeoise pousse le citoyen à la décharge et à la déresponsabilisation pour le plus grand bénéfice des oligarques). Chacun, en démocratie directe, est donc responsable de tous et inversement.

La bourgeoisie et toutes les classes dominantes qui l'ont précédée ont toujours cherché à justifier leur oppression en prétendant que les sociétés humaines n'avaient jamais fonctionné sur d'autre mode et que donc elles ne pouvaient échapper à cette damnation de la domination ; l'argument ne tient pas la route, l'humanité a vécu beaucoup plus longtemps sans joug que sous les fers. Elle saura sans nul doute retrouver les chemins de la liberté. Souhaitons simplement que ce soit un peu avant l'an 10 000 cher à notre copain Léo ...

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les anarchistes dans la révolution russe : Alexandre Skirda "Les anarchistes rus-ses, les soviets et la révolution de 1917", édition de Paris, Max Chaleil, 2000.

En période électorale, les injonctions au "civisme" se font pressantes ; on vous le dit et le répète, faites voter, abonnez un ami, inscrivez-vous sur les listes électorales. Ce type d'appel s'adresse d'abord et avant tout aux "jeunes", avec des appels du pied vers la sous-catégorie dite "de banlieue". L'argument massue qui est avancé est bien sûr que s'ils ont quelque chose à dire, c'est le moment. Plutôt que d'aller casser des voitures, qu'ils profitent de l'élection pour exprimer leur colère. C'est sans appel, c'est démocratique (puisqu'on vote et qu'on est dans un pays autoproclamé "démocratique", comme les Républiques du même nom !). Cela a le mérite d'être clair et compréhensible par tous.

Donnons-nous la peine d'y regarder de plus près. Voter, c'est voter pour qui ? Selon les élections, des listes plus ou moins exotiques font mine de s'affronter. En général, nous assistons à une compétition entre partis dits de droite (du FN au centre) et partis dits de gauche (du PS à la LCR et LO). Les candidats se présentent pour quoi ? Pour aménager le capitalisme. Certains vous le promettent dur, d'autres vous l'édulcorent et vous le refilent en douceur. C'est ce qu'il est convenu d'appeler la "social-démocratie", le plus sûr allié du capitalisme. Plus le capitalisme sera supportable pour ses victimes, plus il est sûr de durer. Quoi qu'il en soit, donc, voter, c'est voter pour le capitalisme. Or, voter pour le capitalisme, c'est voter pour l'exploitation du travail par le capital, c'est voter pour l'inégalitarisme exponentiel érigé en système de gouvernement, c'est voter pour l'épuisement des ressources humaines et écologiques, c'est voter pour l'asservissement des trois quarts de la population mondiale, c'est voter pour les guerres qui déchirent le monde sous couvert de nationalisme et/ou de religion, c'est voter pour la pollution, qui détruit la planète dans la mesure où elle est un des effets de l'exploitation industrielle forcenée liée à la logique de productivité, c'est voter pour la confiscation à des fins commerciales par des multinationales d'un bien aussi élémentaire que l'eau. Par cela même, loin d'être ce geste présenté comme le symbole de la responsabilité, voter c'est se montrer irresponsable vis-à-vis des générations futures. Car aucun des partis en lice ne combat véritablement le capitalisme, ils n'aspirent qu'à obtenir un strapontin au chaud pour l'hiver. Ils comptent sur votre crédulité pour l'obtenir. Voter, c'est collaborer, c'est se rendre complice des malfaiteurs capitalistes.

Un peu de sociologie

Elu, c'est un poste à profil. N'importe qui ne peut remplir ces fonctions, malgré ce qui est colporté par l'imagerie républicaine (élu du peuple, pour le peuple, par le peuple...). Pour être élu, il faut savoir se comporter comme un élu, c'est-à-dire comme un bourgeois. Pour se comporter comme un bourgeois, il faut en savoir la langue et les manières (imaginez-vous un député avec un fort accent alsacien, en uniforme des banlieues ou parlant beur dans le texte ?). Le fait est donc acquis, il n'est peut-être pas immuable, mais pour l'instant, et depuis longtemps, il l'est.

Admettons qu'un non-bourgeois passe la rampe et que, malgré les divers filtres (médiatiques, religieux, sociologiques, raciaux...), il parvienne à se faire élire. Observons ce qui se passerait dès que le candidat est transformé en élu par le scrutin, il accède au prestige de la fonction. La république a, en cela, succédé dignement à la monarchie. Elle en a adopté les ors et les palais avec un naturel qui voile à peine l'impatience qu'avait la bourgeoisie à déloger la noblesse et à se vautrer dans son lit. Si on ignore les quelques mandats sans intérêt financier, comme maire de petite commune, le mandat électoral est une fonction qui assure au minimum à l'élu les revenus d'un cadre ou d'une profession libérale, et, pour les parvenus, l'accès aux revenus royaux des patrons de grande industrie. C'est-à-dire que l'élu est objectivement intégré à la classe dominante, il fait désormais partie des possédants. Il va tout naturellement partager les préoccupations et les intérêts du groupe sociologique auquel il appartient et défendre bec et ongles les avantages si durement acquis. Il serait suicidaire pour lui de mordre la main qui le nourrit.

Revenons à notre prolo imaginaire qui, par on ne sait quel miracle, serait parvenu au siège d'élu. Si, dans les premiers temps, il tentait de poursuivre son idéal, combien de temps tiendrait-il devant un nouveau mode de vie, des relations, des contacts quotidiens qui ont perdu tout lien avec les victimes du capitalisme et qui s'acharnent à les neutraliser ? Combien de temps tiendrait-il devant les multiples occasions de croquer au gâteau de la corruption, des multiples occasions d'empocher des sommes colossales sans que cela se sache ? Qui résisterait ? L'élu est donc inéluctablement un bourgeois qui vit comme un bourgeois, qui pense comme un bourgeois et prend des décisions de bourgeois. Il sert le capitalisme, il accable ses victimes. Voter, c'est collaborer.

La nature du candidat

Imaginons que notre prolo du début soit une personnalité incorruptible comme on en rencontre peu, qu'il ait un idéal en béton (quel qu'il soit, d'ailleurs, cela ne change pas le sens de la démonstration), qu'il résiste à toutes les tentations et qu'il poursuive son petit bonhomme de chemin d'élu. Cette hypothèse frise le délire, mais c'est un cas d'école. Faisons un effort.

Donc, on sollicite votre voix. Vous devez transférer votre idéal, votre désir d'agir sur la société, votre droit à exprimer votre point de vue à tout moment, d'infléchir le cours des choses quand elles se présentent, bref, votre liberté d'être pensant sur le nom d'un candidat. Ce geste a un effet stérilisateur sur votre vie politique : durant le temps que dure le mandat, vous pouvez cesser de penser, cesser de désirer, cesser d'avoir un point de vue ; vous n'avez plus le droit d'infléchir le cours des choses, vous n'existez plus : l'élu pense et agit à votre place. Voter, c'est se déresponsabiliser.

Volontairement, voter, c'est abdiquer, voter, c'est accepter l'ablation de la pensée. Voter, c'est se donner l'illusion que l'on possède une parcelle de pouvoir le temps d'un scrutin. Le reste du temps, le système dit représentatif se substitue à vous, vous pouvez vous rendormir. Et encore, cette hypothèse est la plus optimiste, car si l'on croise cet effet avec tous les risques de dérapage que l'on a évoqués depuis le début de cet exposé, on doit pouvoir arriver à une conclusion encore plus noire ! Tiens !... Noire ?

Les élections, c'est comme Pop star ou Star academy : si vous n'avez aucun talent, c'est pas grave ; si vous n'avez aucun scrupule, c'est tant mieux. Ici comme là, on reprend les mêmes rengaines, on les relooke et on recommence. Chez Politicard’Academy comme du temps de Mireille Mathieu, "amour" rime avec "toujours". Chez Politicard’Academy, les chorégraphes de la magouille, les virtuoses de la promesse vont nous refaire "Comme d'ha- bitude" et "Ça s'en va et ça revient". Pop star, c'est du vite fait, du surgelé chantant. Polit' star, c'est tout pareil, c'est des modèles standardisés. Les Jennifer, les Jean-Pascal de la politique, vous les reconnaîtrez facilement, ils s'appellent Tartuffe, Lexpert, Grandchef, Demeuré-E-s...

Le Tartuffe

Dans sa version "de droite", le Tartuffe n'a pas pris une ride depuis Molière. Par devant, il prêche la morale, l'ordre, la discipline. Par derrière, c'est tout pour les trafics, le sexe et le pognon.

Dans sa version "de gauche" il détourne à son profit toute une partie de l'histoire de l'humanité et non la moindre : la lutte des classes opprimées pour leur émancipation. C'est avec des larmes de crocodile dans la voix qu'il vous appelle aux urnes, car : "Le droit de vote, Monsieur, c'est sacré, y'a des gens qui sont morts pour ça". Bref, toute l'histoire de l'humanité est ramenée à "ça". Si Spartacus a défié Rome, si les Sioux ont résisté, si les Canuts ont cassé leurs machines, si Louise Michel, Vallès, Reclus se sont insurgés lors de la Commune de Paris, c'est uniquement pour "ça". Pour qu'on vote. Pour qu'on vote pour lui.

Le Tartuffe est habile. Il essaye de ramener à lui les jeunes et les exploités en jouant sur les sentiments en confondant sournoisement leur but (leur demande légitime de liberté, d'égalité et de dignité) avec un moyen (le bulletin de vote). Ce moyen a pu être revendiqué dans des périodes éloignées lors de luttes , mais il a fait depuis la preuve constante de son inefficacité (et même de sa nocivité). Et ça, le Tartuffe se garde bien de le dire !

Monsieur Lexpert

Monsieur Lexpert, on le sent avant de le voir. Il est l'émanation fétide de l'intelligentsia française. Universités, antichambre des ministères, boites à la mode, états majors des grands et petits partis politiques, rédaction des journaux, plateaux télés, ... Monsieur Lexpert vit dans un environnement douillet. Il ne fréquente pas n'importe qui. Sauf quand il lui faut se montrer (pour les médias) avec le peuple. Mais ça ne dure jamais trop.

Qu'elle que soit sa couleur politique, il affirme, péremptoire, qu'il n'y a pas d'autre société possible, pas d'autre économie possible que le capitalisme. Il le sait. Il n'a pas à le démontrer. Il est expert.

Lexpert de gauche a une particularité supplémentaire. Pendant des années, il a affirmé, entre deux petits fours, que ne pas voter "c'est faire le jeu de l'extrême droite".

Il analyse l'actualité avec un temps de retard, Monsieur Lexpert. L'avènement d'Hitler grâce au suffrage universel, il n'a pas encore trouvé le temps de l'analyser. C'est pas de sa faute : il a la digestion difficile. Le taux record d'abstention associé à la déconfiture de l'extrême droite aux dernières municipales, ça lui a quand même provisoirement cloué le bec. Mais qu'à cela ne tienne. Il reprend du service sur un autre front : avec "SOS Racisme", avec "Skyrock" et "Le Monde", il s'est démené comme un beau diable pour pousser les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales. "Pas de vote, pas de choix" qu'il leur a dit, Monsieur Lexpert, aux jeunes. De quel choix il cause ? Du choix entre des individus qui, de toute façon, gèreront le même système ? Du choix entre des politiciens, qui, peu ou prou, sont tous complices et font tous la même politique depuis plus de 20 ans ?

Monsieur Lexpert ne répond à ces questions que par son mépris. Il préfère, du haut de sa magnifique suffisance, nous rejouer un petit coup de pipo [1].

La famille Grandchef

Solidement ancrée dans la préhistoire intellectuelle, la famille Grandchef parvient, avec une constance atterrante, à refaire périodiquement surface dans la vie politique française. On avait déjà eu le Général Boulanger (1885), on ne manque pas maintenant de mitrons qui rêvent, à grands coups de déclarations fracassantes, de mettre dans le pétrin tous ceux qui ne sont pas au garde-à-vous devant leur autorité.

L'allure militaire, le verbe haut, la mâchoire en avant, le neurone rare, le Grandchef est vite repéré. Ses troupes potentielles ne s'y trompent pas. Elles frétillent dès qu'il paraît. Qu'il s'agisse du Grandchef "fasciste" ou de son cousin "citoyen", peu leur importe. Elles passent avec entrain de l'un à l'autre, sans problème de conscience. D'ailleurs, c'est quoi la conscience ? La seule chose qui les intéresse, c'est qu'il soit de la famille, le Grandchef en question. Peu importe sa pensée. Si on peut appeler ça une "pensée".

Les Demeuré-E-s

Les Demeuré-E-s sont les plus "tendance" des politicards. Ils soutiennent qu'on peut mettre de la démocratie dans le capitalisme. Ils veulent arracher des lambeaux d'utopie pour les greffer sur un océan de merde. Puis ils appellent cela, en fonction de la couleur politique qu'ils se donnent, "municipalisme libertaire", "démocratie de proximité", "démocratie participative", "politique faite autrement"...

Ils l'ont compris et ils le reconnaissent : le vote ne changera pas les grandes orientations de notre société. Mais, pour changer "de petits éléments concrets (mais si importants, n'est- ce pas) de notre quotidien" il suffit de voter pour Demeuré-E-s ou un copain ou une copine à eux qui habite près de chez soi. Pour le Président de la république, c'est plutôt dur d'en trouver un près de chez soi. Mais, bon, hein, c'est pas grave, on va pas chipoter, un chansonnier fera l'affaire si besoin. Pour le député c'est plus facile. Quant au reste, il y abondance de candidats mais pénurie de candides.

A Chamonix ou a Chaulnes, les habitants ont exprimé, en votant, leur refus de vivre au milieu des avions ou des camions. Leur décision, démocratiquement acquise, a été invalidée par les tribunaux. D'après les juges, d'après les députés (qui font les lois) les habitants sont incompétents pour décider de leurs conditions de vie. Les Demeuré-E-s ne voient là aucun paradoxe. Ils trouvent bien d'encourager le vote dans le cas des élections pour les élire et de le rendre illégal dans le cas d'une consultation qui les contrarie.

Les Demeuré-E-s sont généreux, ils aimeraient que le monde entier (même le tiers monde, si, si) fasse une mégateuf super sympa avec eux, car, la politique, c'est aussi — vous n’avez pas le droit de ne pas être d'accord — la fête. C'est pourquoi dans la ville où cette tendance a débuté en politique, même la plus grande catastrophe survenue depuis la dernière guerre n’a pas modifié ce programme. La grande fête des Demeuré-E-s programmée le week-end suivant l’explosion d’AZF a bien eu lieu. Admettez qu’il y a du nouveau en démocratie : une superfiesta au nord d'une ville qui vient d’exploser au sud ! Bien sûr, nouveau langage politique oblige, si la fête a été maintenue, c’est uniquement par "solidarité" ...

On suppose que les trente familles qui enterraient leurs morts ont apprécié les flonflons de la fête solidaire. Et c'est aussi par pure solidarité que le Premier ministre, un copain des Demeuré-E s locaux, a tranché le débat sur le pôle chimique. Il a dit aux habitants de cette "capitale de la démocratie participative" de déménager s'ils n'étaient pas contents de vivre à côté des bombes AZF, SNPE, Tolochimie. Eloigner en masse les mécontents, aucun démocrate n'y avait songé avant l'invention de la "démocrati-E de proximité-E". Quand on vous le dit, que les élections ça apporte que du progrès...
Loana

Souviens-t'en, citoyen, ta République avait le cul pardessus tête. Tout foutait le camp. Les fils de Président faisaient dans le trafic d'armes en Afrique tandis que les copains du père faisaient dans le flic humanitaire au Kosovo. Souviens-t'en, citoyen, les socialistes rendaient les travailleurs flexibles et la retraite hors de prix. Ton ministre de l'Agriculture dealait ta santé avec les marchands à bestiaux et les industriels de la bouffe. Une vidéo de porno-business circulait sous le manteau à deux pas de ta présidence. Le beauf de ton ex-président jouait les flics sympathiques à la télé tandis que ces beaufs de flics tiraient les gosses dans les cités. On entendait tomber les affaires comme de la grêle.

Souviens-t'en, citoyen, rien que pour le plaisir : Attali, l'ex-neurone présidentiel, n'avait touché qu'un million de francs d'un marchand d'armes, le fils du père, lui, avait empoché 13 millions. Quant aux sommes réelles détournées, t'en avais le vertige, citoyen... De quoi te payer le SMIC à 10 000 balles. Tout le monde touchait, à gauche comme à droite. On piquait dans le pétrole, dans l'armement, dans les HLM, dans les fonds communaux ou les conseils généraux. Comme le disait Tapie, à moins de 100 patates, t'étais un con !

Souviens-t'en, citoyen, chaque fois que tu soulevais la jupe de la République, t'avais vue sur une nouvelle embrouille. Tu regardais tout cela à la télé, avec ton fils diplômé chômeur, enfumé, avachi à tes côtés dans le canapé du salon de chez Crédit, ta femme et ses CDD à répétition, et son amant, ce grand glandeur anarchiste. Tu voyais défiler au JT les champions du pognon qui te parlaient de ton chomdu et des élections, de ton gosse dangereux et des élections, de ta femme inadaptée aux normes de la mondialisation... et des élections. Européennes, nationales, régionales, cantonales ou municipales, les élections, c'étaient toujours les mêmes tronches, les mêmes promesses, les mêmes mensonges. La révolte du Miral et la mort d'Habib en 1997, tu t'en souviens ? Ils te promettaient des emplois et de "l'écoute". Maintenant, tu as 80 flics de plus pour t'écouter et un grand commissariat pour te détendre. Quant au boulot, t'en as toujours pas, malgré leurs boniments sur le retour à l'emploi. Mais c'est de ta faute, "t'as du mal à retrouver le chemin de l'emploi, t'as besoin d'un relookage à l'ANPE" (ça se fait sur Toulouse, véridique, on relooke le chômeur pour le rendre vendable à l'étal des ANPE), tu t'es exclu, tu n'es même pas foutu de ramasser 100 patates, quoi ! Et tes impôts locaux, qui sont le double à La Reynerie par rapport au centre-ville, ils avaient promis de revoir ça, tu t'en souviens ? Et de la caisse noire du service social de la mairie de Toulouse avec un leader de FO qui se servait dans la caisse, tu t'en souviens ? Et le gouffre financier de la cité de l'Espace épongé avec tes petits impôts, tu t'en souviens ?

En mars, quand tu verras leurs tronches sur les affiches électorales ou dans les journaux à la rubrique "Mis en examen", souviens-t'en, citoyen, lorsqu'ils viendront te serrer la louche comme on fait une petite tape sur la tête d'un chien bien sage avec sa muselière réglementaire.

Souviens-t'en, citoyen, quand tu devras donner la patte à l'urne. Ta république est une arnaque, ses élections sont du bidon.

Françaises, Français,
Européennes, Européens,
Citoyennes, Citoyens,
Madame, Monsieur,
et surtout ...

ELECTRICES, ELECTEURS !

Vous serez très prochainement appelés à voter pour élire votre président et vos députés

Ne vous faites pas de souci : c'est facile. Allez dans un bureau de vote. Déposez un bulletin dans une urne. C'est tout ! Ensuite, rentrez chez vous. Dormez tranquillement. Ne posez pas de question. Surtout ne vous occupez plus de rien. On vous réveillera la prochaine fois.

FAITES NOUS CONFIANCE !

Nous sommes honnêtes, la preuve :

— quelques uns d'entre nous ne sont pas encore allés en prison,
— quand l'un d'entre nous y va, il n'y reste Jamais très longtemps,
— s'il risque gros, on se vote une petite loi d'amnistie ou les copains payent une caution.

Nous nous sommes occupés des jeunes...

Dans tous les quartiers, en cinq ans, tous ensemble (droite, gauche, centre, extrême gauche), nous leur avons :
— créé des emplois : des centaines de postes de flic, îlotiers,etc ...
— construit ou rénové des espaces sociaux et culturels : des commissariats flambants neufs.

Nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin : s'il le faut, nous agrandirons le centre de rétention.

... maintenant, nous commençons à nous occuper des vieux

Leur durée de vie s'allonge inutilement. Des ouvriers, de simples salariés arrivent désormais facilement à 80, voire 90 ans. C'est un scandale. Nous ne les laisserons pas souffrir inutilement :

— pour leur éviter indigestions et soucis financiers, nous rognons les retraites,
— pour qu'ils ne se trompent plus de gélules, nous rationnons les dépenses de santé,
— pour qu'ils ne restent pas à fainéanter au lit, nous allons supprimer les soins infirmiers à domicile.

Nous avons fait nos preuves dans la santé publique...

Avec le sang contaminé, plus de la moitié des hémophiles français sont morts : nous avons solutionné d'un coup la moitié du problème de l'hémophilie.

Nous vous promettons d'être tout aussi efficaces avec la vache folle. Nous avons d'ailleurs déjà commencé.

... et dans le domaine économique et social

N'écoutez pas les râleurs qui prétendent qu'il existe du chômage ; que la flexibilité et la précarité s'étendent. Nous sommes sociaux et efficaces :

— Nous avons inventé les 0 heures payées 20, 30, 50 000 Francs par mois et plus,
— Nous avons trouvé du travail à nos femmes, nos enfants, nos cousins, nos amis
— Nous ne vous avons pas fait travailler pour rien : jamais vos patrons n'ont été aussi riches.

Nous ne sommes pas racistes.

La preuve, nous fréquentons des étrangers :

— nous avons des comptes en banque clandestins en Suisse, à Monaco...
— nous accueillons toujours Duvalier,
— nous partons en vacances à l'île Maurice.

Alors, ne vous laissez pas détourner de votre devoir citoyen par
les calomnies d'une poignée d'anarcho-syndicalistes.
Faites ce qu'on vous dit.
Votez,
c'est tout ce qu'on vous demande.
VOTEZ, MEME POUR N'IMPORTE QUI.
DE TOUTES FAÇONS, ON S'ARRANGERA TOUJOURS ENTRE NOUS.
COMME D'HABITUDE.

Comité des Citoyens Pour la Protection des Politicards.

Notre campagne pour l’abstention nous a valu de nombreux appels et courriers de soutien. Parmi les textes reçus, un qui ne partage pas notre point de vue sur le fond, nous a semblé pouvoir intéresser les lecteurs du CS car il pose une question que nous n’avions pas débattu jusqu’ici. Nous le publions ci-après, avec une réponse d’une militante de la rédaction.

Dans les pays démocratiques, le vote est considéré comme un droit, et c'est au peuple de désigner ses représentants, ce qui explique la liberté d'expression. Je suis libre de choisir qui va me représenter et je voterai pour lui. Mais, avant d'aller voter, pour ce cas présent, ne faut-il pas se poser quelques questions ?

Est-il réellement nécessaire d'aller voter ?
Pourquoi dois-je aller voter ?

En France, à l'approche des élections, tout le monde parle du vote, mais très peu parlent de ceux qui n'ont pas le droit.

Les personnes en question, ce sont les étrangers, tout simplement parce qu'ils ne possèdent pas la nationalité française. Mais est- ce la véritable raison ?

N'est- ce pas une grave contradiction, lorsque l'on voit le symbole de cette République qu'est "Liberté, Egalité, Fraternité".

Mais où est cette égalité ?

Les élites politiques de ce pays expliquent cette égalité autrement. Les immigrés n'ont pas le droit de vote, mais leurs enfants l'ont. Comme ces derniers disent, "C'est une chance que nous possédons vis- à- vis de nos parents".

En connaissant bien la politique de ce pays, cet acte a été construit d'une manière psychologique, afin que l'enfant d'immigré estime que c'est une faveur vis-à-vis de ses parents.

C'est donc une chance de s'exprimer offerte par le gouvernement. Mais là : Attention au piège !

Pourquoi ?

Comment peut- on dire que c'est une chance, alors que les parents ont contribué à construire ce pays. Ils ont eux-mêmes construites des bâtis qui servent maintenant à des bureaux de vote. A ce jour encore, ils n'ont même pas le droit d'accès lors des élections. Osons dire encore que c'est une chance.

Cela nous renvoie à mieux comprendre la logique française :

Tu as la nationalité française : tu as le droit de vote.

Tu as épuisé ton énergie, ta santé pour la France, mais tu as la nationalité étrangère : tu n'as pas le droit de vote.

A partir de cette analyse on se pose deux questions :

Est- ce qu'il y a une réelle égalité ?

Est- ce qu'il n'y a pas une division à l'intérieur d'une même famille ?

Pourquoi, à l'approche des élections, les élites politiques, que ce soit de gauche gouvernementale ou de droite morale, profitent de parler du cas de "ces étrangers" ? Ce qui semble évident, c'est que les étrangers ont toujours été et resteront, jusqu'à preuve du contraire, un enjeu électoral. Jusqu'à quand doit-on encore attendre une faveur de ces politiciens ?

Ne doit- on pas agir nous-même ?

La solution est ni entre les mains de la droite ni celle de la gauche. Elle se trouve entre vos mains, vous enfants d'immigrés. Pourquoi ne pas continuer à exprimer votre mécontentement, mais par un acte politique ? Pourquoi ne pas appeler à boycotter ces élections et continuer jusqu'à obtenir ce droit ? Puis continuer ensemble, 1ère, 2ème, 3ème génération, encore une fois pour que le débat s'ouvre d'une façon claire sur l'immigration.

Touffic

REPONSE DE LA REDACTION

Tu as bien raison de soulever une des nombreuses discriminations envers les immigrés. Mais ne t'imagine pas que l'obtention du droit de vote résoudrait quoi que ce soit des problèmes de leur vie quotidienne. Ta proposition de refuser de profiter de ce qu'on refuse à d'autres est sympathique parce que solidaire.

Mais qu'est- ce que le droit de vote ? Le droit de choisir parmi une liste d'arrivistes, tous aussi véreux les uns que les autres, tous aussi menteurs, qui comptent seulement sur leurs pompes à fric (pour financer leur campagne) et sur leur connivence avec les médias pour faire pencher la balance de leur côté. Ils en profitent même pour nous bourrer le crâne avec des problèmes montés en épingle (l'insécurité) parce qu'ils ont en poches les “solutions” qui leur permettront de nous serrer encore un peu plus la vis (contrôles, répression…). L’augmentation de la répression, c’est la seule promesse électorale que les politiciens ont réalisé. Pour les autres (régularisation des sans- papiers...) on attend encore !

Et il en va des élections municipales comme des élections présidentielles : la différence est plus dans l'ampleur des moyens mis en oeuvre que dans l'honnêteté des candidats.

C'est pour ça que je refuse de participer à ce simulacre de démocratie qu'est le vote. Et je ne voterai pas davantage quand les immigrés auront les mêmes droits que moi.

Je veux d'autres droits que celui de choisir mes maîtres.

Je veux qu'ensemble, on puisse choisir le système social, politique et économique dans lequel on va vivre, et qu'on arrête de voter pour des dirigeants, parce que ceux qui veulent devenir dirigeants sont toujours des arrivistes, qui veulent avoir plus que les autres. Je rêve d'un système où personne n'a plus que les autres, où on partage ce qu'on a, sans distinction de sexe, de lieu de naissance, de capacités physiques, intellectuelles, ou n'importe quoi d'autre. Et ça, c'est pas mo droit de vote qui va me permettre de l'obtenir !

Aline

En 1932, à Barcelone, l'anarchiste Buenaventura Durruti disait ceci :

Et comme nous pensons que le mouvement de libération doit toujours faire face à l'Etat, voilà pourquoi nous prônons l'abstention électorale active.

Active, c'est à dire que, tout en nous abstenant de la stupidité électorale, nous devons rester vigilants dans les lieux de production et dans la rue.

Les vrais bandits, les vrais malfaiteurs, ce sont les politiciens qui ont besoin de tromper et d'endormir les ouvriers en leur promettant la semaine des quatre jeudis pour leur arracher un vote qui les porte au Parlement et leur permette de vivre en parasites de la sueur des ouvriers.

Lorsque nos camarades députés socialistes ont eux aussi uni leurs voix à cette cohorte d'eunuques, ils ont montré leur vrai visage. Car il y a de nombreuses années qu'ils ont cessé d'être des ouvriers, et par conséquent des socialistes. Ils vivent de leur activité de député.

Que les républicains socialistes le sachent : ou bien ils résolvent le problème social, ou bien c'est le peuple qui le résoudra. Nous pensons que la République ne peut pas le résoudre. Aussi, disons nous clairement à la classe ouvrière qu'il n'y a plus qu'un dilemme : ou mourir comme des esclaves modernes, ou vivre comme des hommes dignes, par la voie directe de la révolution sociale.

Vous donc, ouvriers qui m'écoutez, sachez à quoi vous en tenir. C'est de vous que dépend le changement du cours de votre vie.


Quatre ans plus tard le 19 juillet 1936, les anarchistes espagnols, et parmi eux Durruti, barraient la route au coup d'état fasciste par les armes et par la révolution sociale, pendant ce temps les députés parlementaient... avant que les partis politiques ne tirent dans le dos des anarchistes et des révolutionnaires, tuant ainsi la Révolution Espagnole !

Le soir du premier tour des élections présidentielles, les médias, qui venaient d'apprendre un peu avant nous les résultats des votes, ont dû se frotter les mains d'avoir des nouvelles aussi inattendues à nous servir. C'est la réaction banale du journaliste banal qui a depuis longtemps oublié le sens des "informations" qu'il nous diffuse, et ne se situe plus que dans la logique du "scoop", de l'exclusivité, de l'audience et des parts de marché. Mais après cette première réaction, il faut savoir exploiter la situation. Pour les élections, rien de plus simple. Le vent n'étant pas encore tout à fait en faveur de l'extrême droite, la clique au pouvoir, droite et gauche confondues, ont eu beau jeu d'en appeler au "sursaut démocratique" : "Tous unis contre le F- haine". Et pourtant, les élections ne sont-elles pas le principal acte démocratique des démocraties représentatives ? N'est- ce pas à peu près le seul moment où les dirigeants demandent son avis à la population ? Qu'est- ce qu'il y avait donc de non démocratique dans l'arrivée du candidat du FN au deuxième tour des élections présidentielles, si ce n'est le parti lui-même ? Mais alors, pourquoi une démocratie accepte-t-elle la candidature de partis anti-démocratiques ?... Quoi qu'il en soit, pendant deux semaines, le niveau de propagande a atteint des sommets sans aucun doute comparables à ce qui se faisait sous Vichy ! A part LO, ils sont tous montés au créneau, la Ligue qui se prétend révolutionnaire comprise ! Et tout ça pour que Chirac obtienne un score digne des "républiques bannières" ; parce que rien qu'avec les voix de la droite, même si toute la gauche s'était abstenue, c'était Chirac qui devait l'emporter.

En matraquant sur toutes les ondes et dans tous les journaux que le FN était la pire des calamités, ils se refaisaient une virginité, eux qui ont axé toute leur campagne du premier tour sur "l'insécurité" et donc sur une reprise en main de la situation par la répression (plus de flics, de prisons, y compris pour mineurs, tolérance et impunité zéro, etc...), ce qui a toujours été le thème favori des fachos. Ils n'avaient donc pas d'arguments de fond à opposer au FN, c'est pourquoi ils ont fait appel à la crainte viscérale du fascisme, appelée "sursaut démocratique". Il ne s'agit pas ici de critiquer cette crainte, qui est légitime, mais de dénoncer les manipulations qui l'ont utilisée pour faire plébisciter celui qu'ils appelaient jusque là un dont le programme ressemble étrangement à celui du "facho".

Faire craindre le pire pour faire accepter le mal est une tactique éprouvée qui vient donc encore une fois de montrer son efficacité. Tous ceux qui s'y sont laissés prendre cette fois-ci vont-ils tomber dans le même panneau aux prochaines élections législatives ? Ce qui est sûr, c'est que le piège est déjà tendu : après avoir fait l'analyse que la multiplication des candidats (à gauche) avait permis à celui du FN de doubler celui du PS, la clique politicomédiatîque nous ressort une multitude de candidats à la députation plus de 8 500 ! Il fallait soi-disant s'unir pour faire barrage au FN, et voilà qu'ils reviennent tous en ordre dispersé ! Qui peut encore croire que le FN leur fait peur ? Nous sommes les moutons auxquels le berger fait craindre le grand méchant loup pour pouvoir nous mener où il veut !

En fait, dans ce système marchand, un petit détour par les intérêts financiers des partis politiques montre bien où sont leurs véritables préoccupations, qui n'ont rien à voir avec la peur du fascisme. On sait que les partis qui attirent au moins 5% des électeurs lors d'une élection présidentielle reçoivent assez d'argent pour rembourser leur campagne électorale. Ce qui permet entre autres de comprendre pourquoi LO et la LCR, après avoir parlé d'un candidat commun, ont finalement fait cavalier seul.

Mais les élections législatives sont encore plus lucratives. La loi sur le "financement de la vie publique" permet à l'Etat de financer tous les partis politiques qui proposent des candidats dans au moins 50 circonscriptions (sur 577). La première moitié de la somme est répartie selon les voix obtenues : chaque électeur rapporte 1, 7 euros par an au parti pour lequel il a voté. Plus un parti présente de candidats, plus il aura d'électeurs et plus il aura d'argent. Il y a environ 41 millions d'inscrits sur les listes électorales, ce qui ferait presque 70 millions d'euros si personne ne refusait de voter. Mais ce n'est que la moitié de ce qui est versé aux partis. L'autre moitié sera distribuée en fonction du nombre de députés élus à l'Assemblée, à raison de 44 200 euros par député. On comprend pourquoi plein de petits partis émergent à chaque élection, sans aucune crainte de faire passer le FN ou n'importe quoi d'autre devant des partis qui leur sont plus proches. Ce n'est pas pour des idées qu'ils se battent, c'est pour ob- tenir le fric qui leur permettra de vivre pendant 5 ans.

Lily

Il y a quelque chose qui me frappe particulièrement : la tentative de culpabilisation des abstentionnistes.

D'une part, l'abstention est systématiquement assimilée à la passivité (assimilation a laquelle nous somme habituéEs).

D'autre part, les abstentionnistes sont quasiment renduEs responsables de la " catastrophe ". Les reportages se succèdent où des abstentionnistes font leurmea culpa, un peu à la façon des autocritiques staliniennes, pour avouer leur incivisme et leur irresponsabilité. Ils et elles promettent de se ressaisir. Si la culpabilisation des abstentionnistes n'est pas une chose nouvelle en soi, je crois que nous n'avons jamais assisté à un phénomène médiatique d'une telle ampleur, d'une telle insistance.

Sous prétexte de "faire barrage à l'extrême droite", on assiste à un véritable bourrage de crâne au schéma simpliste : Il n'y a pas d'autres conceptions possibles de la démocratie que celle qui passe par les urnes. Le système électoral est le sommet de l'évolution politique, il est donc indépassable. Refuser de communier à cette grande messe fait de vous un irresponsable voire un collabo du fascisme.

Toutes autres modalités d'engagement et d'action sont ain- si discréditées, rendues suspectes de faire le lit de la barbarie. Enfin, le ralliement inconditionnel au système, l'alliance sacrée autour du chef garant de la civilisation, est la seule alternative à cette barbarie qui menace.

On en oublierait presque que c'est justement avec de tels schémas simplistes et réducteurs que l'on tue la réflexion, la capacité à penser, et donc que l'on fait le lit du fascisme. Contrairement à ce que l'on essaie de nous faire croire, faire bloc autour du leader/ sauveur pour combattre "le mal" incarné par Le Pen est une manière d'avancer toujours davantage sur le terrain mental du populisme FN.

Depuis, quelques heures, il apparaît clairement que les défenseurs du système se servent de l'épouvantail Le Pen pour redonner un souffle aux institutions vermoulues et épuisées. Le système électoral n'est soudainement plus le champs de courses des arrivistes et des ambitieux mais est devenu le rempart de l'humanisme menacé, l'ultime providence contre la barbarie. Ceux et celles qui osent sortir de cet unanimisme bien pensant sont des ennemis de la répu blique et de la démocratie, donc des ennemis du Peuple...

CQFD.

Face à une telle supercherie, n'économisons pas nos voix pour rappeler que ce n'est pas par les urnes que l'humanité avance mais par l'engagement personnel et collectif, au quotidien, pour une autre société.

Avant toutes choses, faire obstacle au fascisme, c'est s'affranchir des idées reçues et des préjugés, apprendre à penser par soi-même, à discerner soi-même le bon et le mauvais. C'est choisir son destin, s'ouvrir et s'associer aux autres, se sentir responsable de l'état de la société et de l'avenir du monde. Faire obstacle au fascisme, c'est refuser la logique de la masse soumise à ses leaders, c'est démanteler la logique autoritaire et la logique de discrimination partout où elles se manifestent, c'est favoriser l'apprentissage de l'autonomie, de la liberté de penser et d'être, de la responsabilité personnelle.

Enfin, faire obstacle au fascisme, c'est s'engager pour une société égalitaire et solidaire, construire une alternative au capitalisme et à l'état, c'est à dire à la dynamique de compétition et d'avidité d'une part, à la dynamique d'uniformisation, de contrôle et de contrainte, d'autre part, lesquelles préparent réellement le terrain du fascisme. Car lorsque les femmes et les hommes acceptent la logique autoritaire et la logique de rivalité et de discrimination, même sous les fringues du jeux démocratique, le fascisme est potentiellement possible.

A suivre... Fraternellement.

Thierry

En mai dernier, ça mobilisait dur : fallait, nous disait-on, voter Jacques Chirac pour faire barrage au fascisme. 6 mois après, il est temps, pour les libertaires de tirer un bilan de cette période et de tracer des perspectives.

Avec le recul, nous ne pouvons que constater combien nous avions raison d'affirmer que la participation à la mascarade électorale ne pouvait avoir pour seul résultat que d'accroître l'esprit de soumission généralisée, renforcer le processus d'exploitation/répression et ouvrir un boulevard à la réaction. Entre les deux tours de la présidentielle, plus que jamais, il fallait refuser la participation au vote et préparer très clairement en dehors des urnes — et s'il le fallait contre les urnes — la révolte populaire pour écraser dans l'oeuf les manoeuvres fascistes.

Notre surprise ne fut pas d'être minoritaires à défendre cette opinion au sein de foules conditionnées par l'idéologie dominante, mais de constater qu'au sein même du mouvement libertaire français des voix s'élevaient pour sauver la république et appeler à voter Chirac !

Il ne s'agit pas dans cet article de critiquer pour le simple plaisir de critiquer. Mais, nous considérons d'abord qu'il est normal que les erreurs stratégiques d'un mouvement ne soient pas passées sous silence et soient discutées publiquement, et surtout, nous pensons qu'il faut comprendre le «pourquoi» de ces erreurs si l'on veut éviter qu'elles se reproduisent.

Misère de l'analyse et démagogie

Faisons le point. L'électoralisme a sévi dans plusieurs organisations libertaires [1]. Des militants connus de la Fédération Anarchiste, comme par exemple Jean-Marc Raynaud et Babar [2], ont appelé à voter pour Chirac. Le premier s'est même félicité publiquement de la réélection de Super-menteur. Une telle position, aussi manifestement anti-anarchiste, aurait du être récusée en masse par tous les groupes de la FA. Cela n'a pas été le cas. Finalement, ce sont les groupes du sud de la France qui, écoeurés mais minoritaires, se sont trouvés dans l'obligation morale de se retirer de cette fédération et de fonder une nouvelle organisation. Chez les syndicalistes révolutionnaires de la CNT Vignoles, le discours aux accents républicains a été tout aussi présent ! Par exemple, un long article, paru sous la plume d'un ancien membre du bureau confédéral des Vignoles, dans l'organe de sa "Fédération culture et spectacle"[3], est un modèle du genre. Au paragraphe pompeusement intitulé "Que faire ?" nous pouvons lire (les commentaires entre parenthèse sont de notre cru) : "Certes la république n'est pas l'idéal" ( !) ...."mais elle existe" (géniale, quoique tardive, découverte) ... "en la défendant circonstanciellement, nous n'abandonnons pas nos positions révolutionnaires", (rien qu'un peu). .... "La CNT aurait fait une erreur en prônant l'abstention" (parle pour toi) ... "Il est peut être temps de dire que le bulletin de vote peut parfois se montrer utile" (utile à qui ?). On le voit, pour la direction des Vignoles, la seule "erreur" politique du moment aurait été de s'abstenir, pas de porter au pouvoir, avec un score permettant tous les excès, la bande à Sarkozy.

En quoi la "défense circonstancielle de la république" pouvait-elle servir le mouvement révolutionnaire ? En quoi les bulletins de vote de ces gens ont-ils été utiles le 5 Mai ? Ce n'est probablement pas demain que nous aurons des réponses crédibles de leur part... Par contre, de notre point de vue, on peut avancer deux hypothèses fortes pour expliquer leur position aberrante :

— la misère de l'analyse : l'irruption du discours médiatique en plein milieu du discours révolutionnaire, puis sa reproduction pure et simple (après les circonvolutions verbales d'usage) montre bien à quel niveau de vide sont tombés des groupes entiers du mouvement libertaire. Quand les circonstances sont habituelles, ils répètent les acquis antérieurs et peuvent faire illusion. Mais, dès que la situation devient inhabituelle, il sont dans l'incapacité de dégager une position cohérente avec ce qu'ils prétendent être et ils rentrent dans le rang. Ce constat dramatique est une conséquence de la stratégie, poursuivie par ces groupes depuis plusieurs années, qui consiste à amalgamer sous leur étiquette tous ceux qui se présentent, quelles que soient leurs idées. Le débat sur le fond et sur la stratégie, qui dans nos milieux à un rôle d'approfondissement, d'appropriation collective des idées et de construction de la cohérence organisationnelle, est soigneusement évacué, afin de ne pas risquer de "perdre du monde". Cette stratégie, qui vise à se donner l'illusion du nombre, aboutit à un effondrement inévitable dès qu'il faut sortir de la routine, comme vient de le démontrer la monstrueuse alliance anarcho-chiraquienne autour des urnes.

— la démagogie, qui consiste à flatter la foule dans le sens éphémère du poil en espérant se positionner dans les médias et les "utiliser comme relais" ; sans vouloir se rendre compte que ce sont les médias qui vous utilisent sans scrupule ! Ce n'est donc pas un hasard si les grandes chaînes de télé comme TF1 ont informé du "rendez-vous anarchiste" du 1er Mai à Paris. Quand on sait que les ténors du mouvement libertaire parisien (dirigeants de la FA et des Vignoles) appelaient ouvertement à ne pas s'abstenir le 5 Mai — donc à voter Chirac — on comprend mieux la sollicitude des journalistes envers ceux qui sont devenus quelque chose d'aussi glorieux que l'aile radicale des bobos parisiens.

Les sous-marins à l'action

Un autre cas de figure d'anarcho-chiraquisme circonstanciel est représenté par Alternative Libertaire. Sous prétexte de "reconstruire une gauche libertaire" (pourquoi "reconstruire" ? Y en avait une avant ?), ce groupe a invité, immédiatement après les présidentielles, tous les libertaires à s'inscrire sans sectarisme dans des débats, principalement avec les alternatifs et avec la LCR, sans exclure les militants du PCF, des Verts, etc. car, dit-il : "Des basculements naguère insoupçonnables en direction d'une gauche libertaire peuvent être maintenant envisagés"[4] ! Imprudemment écrits avant les résultats des législatives, ces propos reflètent surtout l'opportunisme d'AL. En effet, AL s'est faite complice des partis de gauche et d'extrême gauche qui ont appelé à voter pour Chirac. Ce groupe comptait en tirer les fruits en terme d'influence et d'adhésion. Pour cela, il n'hésite pas à flatter bassement les militants qui restent encore au PCF et aux Verts, tout en voulant faire croire aux libertaires que, du côté de la LCR, il y aurait des sympathies pour les idées libertaires. Un article d'Alain Bihr, idéologue des alternatifs libertaires, vient étayer cette vision. D'abord, Bihr règle son compte à Lutte Ouvrière, la méchante de l'affaire, car cette organisation n'a pas appelé à voter Chirac. LO, nous dit-il, est "structurellement incapable d'évoluer et même de collaborer avec autrui". Les militants libertaires sont donc priés, en ce qui concerne LO, de garder un zeste de sectarisme. Mais le cas de la LCR est sans doute différent : "Une partie d'entre elle a abandonné ses références au trotskisme, et travailler avec elle est possible" [5]. Le moins que l'on puisse dire est que ces propos sont erronés, qu'ils transpirent de complaisance envers la LCR et qu'ils font preuve d'une courte vue. La lamentable magouille de la LCR contre l'Ecole Emancipée vient infirmer, à peine ont-elles été prononcées, les analyses prétentieuses et pernicieuses d'Alternative Libertaire et de Bihr.

L'attaque contre l'École Émancipée

L'Ecole Emancipée est, depuis 1909, un secteur historique du syndicalisme enseignant. Bien que tendance de la FSU, elle est un pôle de convergence de militants anticapitalistes de diverses sensibilités (internationalistes, pédagogues, libertaires, trotskistes, écologistes, alternatifs,...), ce qui répond en tous points aux souhaits d'ouverture exprimés par AL. Sa revue, du même nom, est ouverte et publie sans les censurer les écrits qui lui sont envoyés par les différents courants. Et bien, savez-vous ce qui vient d'arriver à l'Ecole Emancipée ? La LCR, si chère au coeur de Bihr et de AL, est en train de couler sa revue pour la transformer en une revue croupion à la botte du réformisme syndical. Les manoeuvres de la LCR sont des classiques du genre. D'abord une "Assemblée Générale", où ne sont présents que les membres ou sympathisants de la LCR, décide d'une nouvelle direction pour la revue et ensuite un procès est fait, avec un seul but : empêcher la diffusion de l'Ecole Emancipée et provoquer son épuisement financier, car tant que la justice ne s'est pas prononcée, la poste suspend les envois. L'explosion par la LCR d'une organisation qui tenait, avec courage et constance — même si nous ne partagions pas sa stratégie — sa place dans le champ syndical montre ce qu'on peut attendre d'un tel "partenaire" et en quoi, depuis les manoeuvres de Trotski lui-même, ce courant n'a point changé... pas même dans un de ses aspects les plus répugnants : l'utilisation de "compagnons de route", c'est-à-dire de gens qui, tout en se présentant, selon les cas, comme libertaires, intellectuels, "sans-parti", "société civile", associatifs, syndicalistes... sont en fait des sous-marins, qui agissent selon un plan concerté et dont la mission est de tromper, en avançant masqués, tous ceux qui ne peuvent pas imaginer que de telles méthodes sont plus que jamais en usage.

Préparons l'avenir

Les sous-marins, parce que c'est leur mission, les broudillons, par misère intellectuelle et démagogie, après avoir tenté — et réussi partiellement — à jeter des libertaires dans le panneau du vote chiraquien, vont essayer de les entraîner dans un autre piège : celui de l'unité contre ... le président qu'ils ont élu et son gouvernement.

Que peut-on prévoir en effet dès les prochains jours et plus encore quand les prochaines élections vont se profiler ? La gauche et ses alliés (en particulier les trotskistes de la LCR), vont tenter de reprendre les places qu'elles ont si piteusement perdues. Elles se serviront pour cela de l'indignation justifiée que soulève dans une partie de la population le "tout répressif", la monté de la misère, la démolition des services publics... en oubliant quelques "détails" (par exemple, que les mesures de Sarkozy étaient partiellement dans son programme, qu'elle-même a bradé le service public...) et surtout en omettant toute critique de fond (sur le capitalisme et l'état). L'"action" consistera au choix en : manifs, occupations symboliques, concerts, manifestes d'intellectuels, apéro-concerts, projections de films, grèves d'étudiants, journées de la fonction publique... On l'a compris, il s'agit pour le consortium gauche-extrême-gauche, non pas de créer un esprit de critique et de résistance, mais de mobiliser tous les électeurs potentiels. Dans ce dispositif, les broudillons et les sous-marins ont une place de choix : ils seront chargés de mobiliser cette frange de la population qui a toujours le coeur sur la main, cette frange que la misère insupporte, cette frange altruiste, celle qui se défie des partis, qui commence à rejetter les hommes politiques. Au nom de l'urgence de la situation, du besoin de "bouger" et de l'unité, en assurant que la gauche, repentante, a beaucoup changé, ils inviteront les libertaires à faire taire, "circonstanciellement" bien sûr, leurs critiques et à contribuer à ramener, par leur présence et leur action, le bon peuple vers les urnes.

Les libertaires vont-ils se laisser entraîner dans une aussi lamentable aventure ? Ils ont les moyens de s'y opposer. Ce moyen, c'est de reconstruire, dès maintenant, leur identité et de se doter des outils nécessaires à la faire vivre.

Des militants

Dans les quelques manifs, ou rassemblements qui refleurissent ça et là on peut entendre toutes sortes de revendications. En ordre dispersé, chacun prêchant pour sa cause, ils tentent de remobiliser ne faisant en fait que créer de la division. C'est là que le système est balaise, alors que nous subissons tous les mêmes oppressions édictées par la classe de ceux qui tiennent les commandes.

Les politiques et les syndicats au service de la bourgeoisie, ont pour seul rôle de diviser ceux qui subissent la dure loi du système au service du capitalisme. Tous ceux qui s'évertuent à nous faire croire vouloir le réformer, le rendre moins pénible pour ceux qui en pâtissent en faisant confiance à des spécialistes, ne font que lui donner plus de vigueur, et veulent nous faire oublier que le seul résultat est qu'ils contribuent à le faire perdurer.

Il faut entendre les déclarations et agissements des politicards déjà passés aux manettes du pouvoir, comme Juppé, qui s'offre une retraite de très haut fonctionnaire, pendant que ses copains du gouvernement et du patronat veulent, comme lui-même en 95, nous faire travailler encore plus longtemps pour des salaires et une pension de misère ! L'ancienne sinistre des sports Buffet, qui prétend dénoncer les atteintes à la jeunesse, elle, qui quand elle était aux commandes, a dans un stade "pété les plombs" et a fait charger les flics contre cette même jeunesse qui faisait, pas comme il faut, la fête. Aubry, fière de ses 35 heures, dont les patrons tirent seuls le profit, nous dit maintenant "il faut changer le monde" Tant de cynisme me révolte !

Il faut changer oui. Il faut changer oui, il faut détruire cette parodie de vie. Vouloir changer le système, le détruire seraient de vieilles idées, relevant du moyen age, pensent au fond d'eux-mêmes et nous disent tous ces politicards.

Justement, à eux qui parlent de moyen âge, ne sommes-nous pas en train d'y courir à grand pas ? Le moyen âge des idées, peut être n'y avons- nous jamais été autant que maintenant, le moyen âge où la bourgeoisie voudrait nous asservir, nous maintenir. Depuis toujours, ce sont les mêmes qui triment, qui galèrent dans une vie d'asservissement et toujours les mêmes qui en profitent, qui se font des vies de rêve, qui s'empiffrent pendant qu'une partie du monde crève de faim. Il est temps de ne plus se laisser attirer par les promesses de changement de tel ou tel politicard. Il est temps, plutôt que d'aller aux urnes comme de doux moutons, pour donner le pouvoir de nous opprimer à des politiciens ou des syndicalistes professionnels qui n'existent que par le système, de prendre nos vies en main. Il est temps de mettre un grand coup de pied à tant d'injustice. Il est temps de rejeter cette vie basée sur le profit des uns par l'avilissement des autres ! La dernière farce électorale sert à elle seule d'exemple. Pour soi- disant nous sauver d'un gros facho, ils ont voté, faisant bien leur devoir, donnant à la droite réactionnaire mains libres pour accentuer encore plus misère, répression, et galère pour toujours les mêmes. Une politique ultra-sécuritaire, (sous couvert de soi-disant combattre le terrorisme, qui ne peut au demeurant que servir la cause de ceux qui veulent nous contrôler encore plus) une politique répressive qui n'a pour but que d'exploiter, opprimer et restreindre la liberté du peuple. Tu es sdf, chômeur, rmiste, étranger à la cité, nomade, dégage de là ! Va voir ailleurs, y'a plus de place pour toi dans la société qu'ils mettent en place.

Dans une petite ville d'Ariège, une personne qui discutait sur un trottoir avec un sdf, a écopé d'un PV. Ces même sdfs, ils les déplacent à 30 bornes, les laissant se débrouiller en pleine nature. Voici venu le temps où ceux qui vivent dans la rue par choix ou parce que cette société les y a jetés n'ont plus droit de cité, droit d'aller où bon leur semble. A qui veut-on faire croire que ceux qui sont dans la marge, sont un danger pour la cité ? Les gens qui vivent dans la misère sont-ils des terroristes ? Aujourd'hui eux, et, demain ?

De tels actes s'apparentent à une fascisation galopante de l'état. Le fric est investi pour le recrutement et l'équipement des polices et de l'armée avec en contrepartie l'aggravation de nos conditions de vie. Une politique qui fait rougir de satisfaction le gros borgne. Une politique que votent à l'assemblée les socialos ainsi que leurs acolytes de toute la gôche, eux qui étaient au pouvoir y a pas longtemps, eux qui avaient d'ailleurs préparé une partie de ce que la droite vote ou met en application.

Il faut voir le comportement des orgas politiques de toute la palette de la "gauche", ainsi que des syndicats grassement rémunérés en partie par les patrons et l'état, qui leur font les yeux doux pour qu'ils tiennent bien tranquille leur base. Du moins ceux qui en ont encore une. Quand on voit le résultat des prud'homales, le taux d'abstention par exemple (67.34 % !), il m'arrive de penser que nous sommes pas mal à ne plus croire à toutes ces balivernes, ne servant dans les faits que les intérêts du patronat et parti prenant de la paix sociale. Pourtant, la classe ouvrière et la classe patronale n'ont rien de commun. Il ne peut y avoir de paix aussi longtemps que la faim et le besoin seront le partage de millions de travailleurs !

SD Francis

Je me souviens de ces collégiens, perdus, colères, place du capitole, le soir du premier tour. Ils parlaient de fascisme, de nazi, de liberté en danger, d borgne infâme.

Déjà, on entendait de-ci de-là quelques bonnes âmes cocardières en appeler aux urnes au nom de la démocratie.

Je me souviens des premières manifs d'entre deux tours, avec les drapeaux de la LCR et d'ATTAC qui pointaient leurs looks de fanions du scoutisme de gauche. Ça crachait dur sur l'abstention, sur "ce peuple d'irresponsables" qui oubliait de faire son devoir civique, qui pissait sur le sang versé par nos grands-parents pour acquérir le droit de vote. Je me souviens du cortège du Premier Mai, tout le peuple de gôche défilait sur les boulevards, la gueule défaite ou pleine de rage, déjà vaincu. Un long, long, si long cortège de gens hébétés, à la pêche au regard qui rassure. Tous ces regards ! Ça racontait mille naufrages. Les caciques du PS regardaient leurs pompes, indifférents aux railleries, laissant passer l'orage. Je me souviens des gars du PC, qui eux, ne regardaient pas leurs pompes, non. Eux ils regardaient devant, la gueule fermée, en silence. Il y avait même une "camarade" qui portait comme une croix une grande pancarte ou était affichée l'Huma, avec écrit en rouge dessus, "Votez CHIRAC". Ubuesque, ou plutôt "Huesque", le PC défilant pour Chirac. On se serait cru revenu au joyeux temps de l'après guerre quand le PC tenta de souper chez De Gaule. J'en connais des cocos qui avaient mal, et serraient les dents, comme ils les serrent depuis 40 ans, et qui défilaient en silence, derrière les cadres du parti. Je me souviens de la forêt de drapeaux de la LCR et des slogans anti-facho style année 80 (sûrement un vieux stock du Scalp).

Là, dans ce petit bout de cortège, ça sentait la fête. Ça nous la jouait à la rage, mais ça sentait la fiesta. J'en ai connu des stratèges trotskistes qui à la moindre secousse sociale tirent des plans sur la comète du genre : "Si on se démerde bien, avec la gôche qui s'étale et le borgne qui pointe son oeil, on doit faire le plein de militants avant les législatives !". Par contre, ça je m'en souviens bien, chez ceux de L. O., ça défilait serré, en carré, coude à coude, militaire. Depuis qu'Arlette avait dit NON (ni Chirac, ni Lepen !), la rue était devenue pour les militants un champ de mines. Fallait marcher serrés, en bloc ! Je m'en souviens, parce que moi qui me désole chaque jour que la domination ait engendré le trotskisme, je les trouvais chouettes et bien courageux d'affronter la colère éteinte du peuple de gôche.

J'ai failli oublier, mais il y avait les ATTAC aussi. Sympa, propres sur eux, un côté catho de gauche, ils étaient intarissables dans l'horreur polie. Ça te dégommait Chirac, ça te trucidait untel ou untel du PS, et ça finissait par te demander, avec l'air solennel de celui qui sait, d'aller voter Chirac. Les verts c'était pareil ! Sous la rubrique "les vrais démocrates (eux) s'adressent aux imbéciles (nous, les abstentionnistes)", il y avait un vieux type échevelé qui palabrait, palabrait devant un grand gars stoïque. A la fin de l'entretien, le jeune gars a souri et lancé au verdâtre "ça vous fait mal au cul quand même, vos saloperies avec le gouvernement, vos traficotages électoraux ! Tu vois, le vert, t'es un jaune comme disait mon grand-père, t'es un bouffon, une marionnette. Tu nous as bouffé sur le dos pendant 5 ans, et maintenant tu viens chialer ? Casse-toi vert de gris, t'es toxique !". Au- dessus du gars était tendue une grande banderole noire appelant à l'abstention. Je me souviens de toutes ces cocardes, ces drapeaux "bleu, blanc rouge", portés par des hommes et des femmes de tout
âge, de toute couleur. En passant vite, on se serait cru à une manif de Megret. "La gôche sauvait la France et sa république !". Je me souviens qu'on a passé la matinée à tracter pour l'abstention et que l'on s'est fait copieusement engueuler. Mais les noms d'oiseau, ça, je ne m'en souviens plus.

Après le premier mai, ce fut plus calme. Il y avait une copine qui nous envoyait des mails et des mails décrivant les horreurs de Le Pen, les atrocités du fascisme, les bienfaits de la démocratie et des élections. Avant, elle était politiquement de gôche bien sur, mais surtout Bouddhiste. Entre les deux tours, elle était devenue démocrate responsable et engagée... sur le web. Maintenant, son mail est redevenu muet.

Je me souviens de tout cela, de ce monde soi-disant en marche pour sauver la démocratie et faire échec au fascisme. On allait voir ce qu'on allait voir ! Préparons- nous pour le troisième tour social ! Chirac n'avait rien à voir avec Le Pen ! On allait inventer de nouvelles formes de lutte ! Une vraie gauche allait renaître !

Aujourd'hui, je me souviens et je me demande : "Où sont-ils ?". Où sont-ils, tous les donneurs de leçon de civisme et de démocratie ? Où sont- ils, les chantres du troisième tour social à l'heure où le patronat, assis au ministère, balaie d'un revers de décret les derniers droits des travailleurs ? Où sont-ils, les prophètes de la démocratie participative, tandis que Chirac s'achète à nos frais un nouveau porte-avions et rationne la santé ? Où sont-ils, les héroïques antifascistes maintenant que Sarkosi met le bleu marine à la mode, ouvre la chasse aux gitans, et construit des prisons pour enfants ? Où sont-ils, les citoyens responsables en cette veillée d'arme avant un nouveau carnage irakien ?

Où sont-ils passés ?

Paul

La France — hélas — accuse toujours un retard alarmant en matière d'abstentionnisme, même si elle l'a comblé en partie lors de ces dernières élections. Avec 30% puis 20% lors des deux tours de la Présidentielle et près de 38% lors des législatives, elle a certes fait des progrès probants, mais la gravité de la crise incite à se pencher sur les pays qui ont réalisé les meilleurs résultats dans ce domaine — et à leur tête l'Algérie — et d'apprendre de leur expérience pour réaliser enfin cette démocratie tant proclamée et si peu réalisée.

Certains pourront mettre en doute la réussite de la greffe des solutions algériennes aux spécificités françaises. Une brève analyse de ce qui s'est passé en France entre les deux tours de la Présidentielle permet aisément de les rassurer.

Le peuple, Chirac & Le FN

Ceci précisé, ces derniers (les électeurs) s'étant donc auto-exclus, comme à leur habitude, quelles forces restait-il au soir du 1er tour de la Présidentielle ? Le FN, Chirac et ses alliés républicains, et le peuple. Chacune de ces forces était condamnée alors, pour survivre, a abattre simultanément ses deux ennemis. Les Républicains devaient donc à la fois éliminer le F. N. et le peuple. De plus contrairement à leurs allégations, ils craignaient moins le premier que le second. En effet, leur collusion objective et subjective avec Le Pen n'échappe plus à personne N'ayant même pas la décence de simuler le moindre projet de transformation sociale, ils s'appuient depuis longtemps sur le F. N. pour ce qu'il leur reste de programme, et ceci soit en s'en inspirant (thème de l'insécurité, de l'immigration, lois racistes) soit en feignant de s'y opposer (l'antifascime moral pour ramener aux urnes les récalcitrants).

En réalité, le principal souci de ces partis après le premier tour, c'était l'abstention, qui, de plus en plus élevée, rendait progressivement caduque leur supercherie représentative. Celle-ci de fait, représentait de moins en moins de monde. Confrontés alors à deux problèmes inédits, ils ne leur restait plus qu'à les résoudre l'un par l'autre : ramener les abstentionnistes aux urnes grâce à la "menace fasciste" et faire reculer celle- ci par le vote des abstentionnistes repentis.

La classe politique classique a alors orchestré — avec ses alliés médiatiques, syndicaux et intellectuels — une campagne sans précédent, présentant le vote pour Chirac comme la seule stratégie anti-fasciste possible et appelant à ce que le vote soit le plus élevé.

Elle n'a pas hésité à présenter l'abstention comme le seul facteur qui a permis à Le Pen d'accéder au second tour et les abstentionnistes (c'est-à-dire le peuple) comme des fascistes objectifs. En même temps, elle a occulté les autres conditions qui ont rendu possible ce résultat, quand ils étaient de son fait : la multiplication des petits partis, la similitude des campagnes de Chirac et Jospin, l'abandon de la classe ouvrière par la "gauche" plurielle...

Enfin et surtout, cette campagne a occulté l'autre stratégie anti-fasciste non pas le vote massif mais l'abstention massive qui aurait permis d'écarter à la fois Le Pen et Chirac Cette seconde stratégie défendue par les libertaires cohérents eut à faire face à l'ogre déchaîné de la propagande étatiste et ne put, hélas, atteindre ses objectifs. Le vote a été souvent perçu comme la seule voie de salut face au F. N. et l'abstention comme une démarche utopique, voire dangereuse.

Examinons donc comment se manifestèrent cette même utopie et ce même danger lors des événements qui secouèrent récemment la Kabylie.

Le FIS, Bouteflika & le peuple

Le peuple en Kabylie a dû affronter depuis une décennie une situation homologue à celle qu'a vécue dernièrement la France. On le sommait de choisir entre deux maux : le F. I. S (islamiste) et les partis au pouvoir. Sa réponse ne permet pas le doute 98% d'abstention aux dernières législatives.

Il est évident qu'un pareil résultat en France nous aurait évité les deux candidats tout en ramenant à la vie (politique) les "citoyens" mort-nés dans les bureaux de vote.

Il n'est donc pas sans intérêt de s'enquérir des suites du mouvement kabyle pour, à la lumière de ce qui est devenu réel là-bas, mesurer ce qui est possible ici.

Ce qui est réel là-bas, c'est une pratique authentique de la révolution, c'est-à-dire une négation de l'ensemble du système, à savoir de la domination ET de sa contestation autorisée. Cette pratique s'articule autour de l'assemblèisme, du rejet du réformisme, de la désobéissance collective et de l'action directe.

En effet, depuis le début de leur révolte, les communautés Kabyles se sont organisées sous forme d'assemblées souveraines (les Aarch) où se pratiquent exclusivement la démocratie directe et l'autogestion : les mandats y sont impératifs et révocables. Aux délégués, le code d'honneur du mouvement interdit tout lien avec le pouvoir (art. 4) et tout poste au sein des institutions (art. 6). Par ailleurs la doctrine politique des révoltés est simple : elle consiste à éviter toute réclamation partielle pour refuser la totalité du système politique et social existant.

Ainsi les révoltés rejettent les partis au pouvoir tout autant que ceux de l'opposition et les partis centralisateurs en même temps que ceux régionalistes.

D'autre part, ils ont réussi à isoler physiquement l'Etat de la société : attaques des casernes de gendarmes responsables de nombreux massacres, boycott de toutes les administrations et des fonctionnaires — les commerçants allant même jusqu'à refuser de vendre de la nourriture aux gendarmes.

Enfin, économiquement, il est inutile de détailler ce qui suit : chaque fois que c'est possible, les richesses existantes ont été collectivisées par l'action directe, c'est-à-dire en se les réappropriant là où elles se trouvent.

On voit bien où peut conduire une abstention dont on tire les conséquences et on comprend mieux l'acharnement contre elle dont, commençant à prendre de l'ampleur, elle fait l'objet depuis le 21 avril.

Cela dit, il se trouvera sûrement face à l'exemple algérien des "experts" prêts à l'enfermer dans l'exotisme et à lui refuser toute pertinence dans la réalité française, comme si l'oppression du capitalisme (chômage, précarité, pauvreté, répression ....) était fondamentalement différente ici de ce qu'elle est là- bas. Le plus sûr moyen d'apaiser le tourment de ces esprits, malmenés par le doute, pourrait bien être, suivant l'adage anglais qui affirme que "la meilleure preuve de l'existence du pudding est de le manger", de mettre en application sans tarder le programme révolutionnaire minimal prati- qué par les Algériens. Pour commencer.

Alfred
Pour plus de détails l'ouvrage de Jaime Semprun Apologie pour l'insurrection Algérienne, éditions Encyclopédie des Nuisances , 2001

Souvenons- nous : il y a peu, les médias nous présentaient les réalisations sociales de Porto Alegre comme le nec plus ultra de l'antimondialisation.

Lula, idole de l'extrême gauche et des altermondialistes

Porto Alegre c'est, au Brésil, cette ville dont la municipalité est dirigée par les trotskistes du PT (Parti des Travailleurs). C'était soi- disant un "laboratoire social". Là se concoctait la recette pour donner aux masses un avenir radieux. Politicards, syndicalistes, journaleux, tous partaient en pèlerinage vers ce "Port Joyeux". Enfin, ceux qui avaient les moyens, car même sur un air de la lambada, le voyage était pas donné.

Pratiquement seuls dans ce panorama à être un tantinet critique [1], nous en avons pris pour notre grade : "sectaires", "dogmatiques", "donneurs de leçon"... quant à nos compagnons de l'AIT brésilienne, qui dénonçaient la logique électoraliste de Lula et appelaient à l'abstention, ils se faisaient carrément tirer dessus à coups de revolver [2].

Sous les applaudissements de l'élite gauchiste, des altermondialistes, du "Monde", de la gauche caviar, Luis Inacio Da Silva, dit Lula, candidat du "Parti des Travailleurs", et représentant à ce titre du "laboratoire social de Porto Alegre" a été élu en octobre 2002 Président de la République Brésilienne. Un trotskiste président du Brésil, on allait voir ce qu'on allait voir.

Retraites : Lula, plus fort que Raffarin

Maintenant, on a vu. En moins d'un an : réduction des budgets sociaux, réforme fiscale favorisant les hauts revenus, blocage du salaire des fonctionnaires, .... et réforme des retraites ! Le projet du gouvernement précédent est appliqué. Et l'âge de départ à la retraite des fonctionnaires est reculé de ... 7 ans. Les pensions sont diminuées de 30 %, et tout le tralala… Raffarin battu à plate- couture ! L'extrême gauche fait beaucoup mieux que lui. Et sans mouvements sociaux. Il est vrai qu'avec les autres groupes gauchistes, le PT contrôle non seulement le parlement mais aussi ... les syndicats. Comme l'écrit sans aucune ironie "Le Monde" [3] dans un entrefilet : "Ces réformes ont été adoptées en première lecture, alors que le précédent président, social démocrate, n'y était pas parvenu en huit ans". Pourquoi un simple entrefilet ? Pourquoi tant de modestie ? Lula montrant l'exemple à Raffarin, c'est pourtant de l'information. Et qui donne à réfléchir !

CNT-AIT  POUR L’ABSTENTION  Propos anarcho-syndicalistes pour l’abstention et contre le capitalisme CNT-AIT
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