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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Près de 6 500 migrants bloqués à la frontière gréco-macédonienne

Environ 6 500 migrants étaient bloqués, samedi 27 février, au poste-frontière d’Idomeni, dans le nord de la Grèce, au lendemain de la décision de quatre pays des Balkans d’instaurer des nouveaux quotas, a rapporté l’agence de presse Athens News Agency.
On ne sait plus quelle expression utiliser. Sous le choc de la vague migratoire, l’Europe se disloque, se désintègre, se déconstruit. Sauf sursaut d’ici à un prochain « sommet » européen en avril, les historiens dateront certainement de cette affaire, de ces années 2015-2016, le début de la décomposition de l’Europe. Ils diront que ce fut un beau projet commencé au milieu des années 1950 et qui s’achève avant le premier quart du XXIe siècle.

L’esprit européen aura soufflé, avec le soutien des peuples, plus d’un demi-siècle, avant que le projet ne s’éteigne, devenu impopulaire, victime de son incapacité à se renouveler, plombé par l’absence de dirigeants politiques européens d’envergure.

Encore une fois, il ne faut pas désespérer d’une possible rémission. Mais les faits sont là, durs, irréductibles à l’un de ses communiqués « communs » débiles dont Bruxelles a le secret. Les Européens se déchirent sur la crise des migrants. Les Européens soit ne veulent pas, soit ne peuvent pas faire face ensemble. Ils savent qu’il n’y a pas de solution unilatérale – sauf à sacrifier l’un d’eux, la Grèce, qui se transformerait en un immense camp de réfugiés. Ils n’ignorent pas que les questions posées par l’afflux de ces cohortes de malheureux fuyant les guerres d’Irak et de Syrie sont par nature transnationales.

La panique gagne

Mais à Vingt-Huit, ils sont devenus inaptes à l’action collective, hormis la gestion du marché unique. La tragédie des réfugiés a brisé les Européens politiquement, avec une Europe de l’Est qui n’éprouve aucunement le besoin d’une action collective solidaire : les pays dits « de Visegrad » ne voient pas en quoi ils sont concernés. La tragédie les a aussi brisés juridiquement : même votées dans les règles, les décisions prises par les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement sont violées sans vergogne par des pays membres qui ne s’estiment aucunement liés par leur signature.

Le spectacle donné ces derniers jours est bien celui d’une Europe en pleine rupture. En principe, les pays membres se sont mis d’accord en septembre sur la « relocalisation » de quelque 160 000 réfugiés, chaque Etat membre en accueillant selon ses possibilités. Mais sous la force d’un flux migratoire – plus d’un million de personnes l’an passé, autant attendues cette année –, la panique gagne. Un par un, les Etats suspendent les accords de Schengen sur la libre circulation au sein de l’Union européenne (UE). Les quotas de relocalisation ne sont pas respectés. Certains des pays qui furent des plus généreux comme l’Autriche – avec l’Allemagne et la Suède – referment leurs portes.

Référendum pour quelques centaines de réfugiés

Ridiculisant les décisions prises lors des réunions européennes, l’Autriche a convoqué cette semaine à Vienne une sorte de sommet informel rassemblant neuf pays qui forment la « voie des Balkans ». C’est cette route qu’empruntent les réfugiés pour gagner la frontière autrichienne à partir de la Grèce. Les représentants de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Croatie et de la Slovénie, membres de l’UE, et ceux de l’Albanie, de la Bosnie, du Kosovo, de la Macédoine, du Montenegro et de la Serbie se sont retrouvés pour « isoler » la Grèce : en clair, contenir autant que possible les réfugiés en deçà des frontières grecques.

Ni la Grèce ni la Commission européenne, pas plus que l’Allemagne, voisine de l’Autriche, n’ont été prévenues. Tout s’est passé en dehors du cadre de l’UE, comme si elle n’existait pas. Colère de la Grèce, qui a rappelé son ambassadeur en Autriche. A Budapest, le premier ministre, Viktor Orban, veutorganiser un référendum pour approuver ou non l’accueil des quelques centaines de réfugiés attribués à la Hongrie. Il en va, a-t-il dit, de la préservation du « profil culturel, religieux et ethnique » de son pays. Cependant que la Belgique, amie de la France, rétablissait des contrôles aux frontières de crainte d’un afflux de migrants provoqué par le démantèlement partiel de la « jungle » de Calais...

Bref, une addition de réflexes nationaux, conflictuels et querelleurs. Comme avant « l’Europe »...


« Cette situation sera réglée d’ici 15 jours », a assuré le ministre hellène en charge de la politiquemigratoire, Yannis Mouzalas. Il a précisé que le gouvernement comptait installer des « camps provisoires à travers le pays ». Ces derniers pouvantabriter jusqu’à 2 000 ou 3 000 personnes « doiventrépondre aux besoins élémentaires (…) « Nous faisons face à une crise humanitaire que d’autres ont provoquée », a déclaré M. Mouzalas dans une interview à la radio Sto Kokkino. Seuls 150 réfugiés avaient pu traverser la frontière macédonienne, jeudi, avant la fermeture d’Idomeni. Le nombre total de migrants et réfugiés sur le sol grec s’élève actuellement à 20 000 personnes, selon les autorités.pour une durée limitée ».

L’exemple autrichien

Il y a une semaine, la Macédoine a décidé de fermer sa frontière aux Afghans. Skopje exige en outre des Syriens et Irakiens des papiers d’identité en plus du laissez-passer délivré dans les centres d’enregistrement grecs. Le point de passage d’Idomeni a été néanmoins totalement fermé dans la nuit de jeudi à vendredi.

La Slovénie et la Croatie, membres de l’Union européenne, ainsi que la Serbie et la Macédoine ont annoncé vendredi limiter à 580 le nombre quotidien d’hommes, de femmes et d’enfants transitant vers l’Europe du Nord. Ces pays des Balkans ont emboîté le pas à l’Autriche qui a choisi de restreindre l’entrée des migrants sur son territoire à 80 d

« Ouvrez les frontières »

Cette situation a entraîné des tensions à Idomeni où quelque 400 réfugiés ont protesté samedi matin, exhortant les autorités macédoniennes à les laisserpasser. Quelque 200 autres personnes se sont rassemblées devant l’ambassade d’Autriche à Athènes, scandant « Ouvrez les frontières », ou encore « Arrêtez la guerre [en Syrie] d’asile par jour, et à 3 200 personnes en transit.Ailleurs, en Europe, d’autres défilés de solidarité avec les migrants ont eu lieu. Ils étaient ainsi 3 000 individus à Bruxelles pour réclamer « des voies de passage sûr » pour que ceux qui fuient les conflits et la misère cessent de risquer leur vie en chemin. Des rassemblements plus modestes ont également été organisés dans plusieurs villes d’Allemagne et dans la capitale française, Paris, où 200 personnes se sont donné rendez-vous place de la République.

L’Europe se ressaisira-t-elle ? Et si oui, quand ? La réunion des ministres de l’intérieur de l’Union jeudi 25 février à Bruxelles a donné une nouvelle preuve, édifiante, désespérante, de son incapacité àsurmonter la crise des migrants. Invectives, étalage public des dissensions entre des pays pourtant amis, comme la France et la Belgique (concernant la « jungle » de Calais), l’Allemagne et l’Autriche (à propos de l’établissement de quotas de migrants par Vienne). Accidents diplomatiques inédits, avec le rappel par Athènes de son ambassadrice en Autriche. Manque total de solidarité d’une partie de l’assistance (Autriche, pays de l’Est) à l’égard de laGrèce, qui est pourtant en train de se transformer à grande vitesse en vaste « piège à migrants »…

Les ministres ont certes réitéré leur volonté detrouver des « solutions européennes », de poursuivredans la voie de la relocalisation des réfugiés décidée en 2015, de continuer à miser sur les « hotspots » (des centres d’enregistrement et de tri en Italie et en Grèce), mais les pays des Balkans et d’Europe centrale, à commencer par l’Autriche, ne sont pas revenus sur leurs « décisions unilatérales » de ne plus faire passer les migrants, et même les réfugiés, qu’au compte-gouttes. Et tant pis si en Grèce, à l’autre bout de la « route des Balkans », la crise humanitaire menace, avec potentiellement des dizaines de milliers de migrants coincés à la frontière macédonienne. Tant pis aussi si cela condamne, à très court terme désormais, l’espace de libre circulation Schengen. « Nous n’avons plus que dix jours », a prévenu le commissaire européen à la migration, le grec Dimitris Avramopoulos, jeudi.

« La réunion a été très dure, le ministre de l’intérieur grec [Yannis Mouzalas] a été très dur. Il a reproché longuement à l’Autriche d’avoir organisé, la veille à Vienne, une réunion des Balkans sans l’inviter, a dit que son pays, lui, n’organisait pas ce genre de club », témoigne une source diplomatique. Il a même dénoncé une démarche jugée « ennemie », assure un autre diplomate européen, effaré que ce type de terme puisse être prononcé lors de réunions d’habitude extrêmement policées.

Lire aussi : Crise migratoire : Athènes rappelle son ambassadrice à Vienne

« Cela montre à quel niveau intellectuel le débat est tombé »

D’autres, pays de l’Est et des Balkans, ont accusé la Grèce de n’avoir pas fait son travail pour stopper les migrants. Le ministre français Bernard Cazeneuve et son homologue allemand Thomas de Maizière, ont, a contrario, et avec énergie, selon plusieurs sources, pris la défense d’Athènes, disant qu’elle avait fait beaucoup d’efforts (en installant quatre hotspotsdésormais opérationnels), qu’il ne servait à rien de continuer à l’accuser, qu’il fallait au contraire l’aider.« Certains, à l’est, ont même mis en doute les chiffres de Frontex [l’agence de gardes-côtes et gardes-frontières européenne], en disant que la majorité des personnes arrivées en Grèce étaient des migrants économiques et pas des réfugiés »,témoignait encore un diplomate, jeudi, « cela montre à quel niveau intellectuel le débat est tombé »ajoutait-il, un peu effaré lui aussi.

C’est la présidente suisse, Simonetta Sommaruga, participant au conseil en temps que membre de Schengen, qui a résumé le mieux la situation : « La volonté d’assumer les décisions communes n’est pas très grande, la pression [des opinions publiques] est forte. » De fait, un nombre de plus en plus important de gouvernements — au Danemark et en Suède au début de 2016 ; en Hongrie dès septembre dernier ; en Autriche, il y a dix jours —, ne veulent plusattendre les solutions « propres », « solidaires », de Bruxelles.

La seule « solution » qui fait encore consensus à vingt-huit, c’est la proposition de la Commission faite à la mi-décembre dernier de décupler les moyens et les pouvoirs du corps de gardes-côtes et de gardes-frontières européens — un projet soutenu par la France, qui en revendique la paternité. Les ministres de l’intérieur se sont félicités jeudi que lesdiscussions, sur cette proposition aient très vite progressé, et espèrent désormais un accord au Conseil européen en avril, et un accord du Parlement européen, avant l’été. Un record pour la machine àlégiférer bruxelloise, mais qui semble une éternité face à l’urgence de la situation.

Les gouvernements semblent désormais entrés en « panique ». Ils sont tétanisés par les arrivées depuis janvier en Grèce (102 000 migrants), et par la perspective de flux encore plus importants avec le retour du printemps, ils ferment leurs frontières, contreviennent au droit européen et aux conventions de Genève, pour répondre à une opinion publique rétive et à des partis populistes de plus en plus écoutés. L’Autriche a ainsi instauré un quota journalier de 3 200 migrants autorisés à passer sur son territoire. La Slovénie lui a emboîté le pas vendredi, fixant « un plafond d’environ 580 migrants par jour » et demandant à son voisin croate derespecter cette limite.

La chancelière Angela Merkel est désormais seule en Europe — avec la Commission européenne — àdéfendre encore l’accueil de réfugiés. Mais elle est tellement affaiblie qu’elle n’a pas pu empêcher les initiatives erratiques de l’Autriche et de ses alliés, à Vienne, mercredi 24 février, ni l’annonce d’un référendum sur la relocalisation des migrants par le premier ministre Viktor Orban, pourtant membre, comme elle, du Parti populaire européen… La chancelière a réussi à obtenir de ses collègues européens un sommet avec la Turquie, le 7 mars, à Bruxelles. Pour gagner du temps, tenter de retarderd’autres mesures unilatérales de fermeture des frontières. Et limiter la « casse » pour son parti, la CDU, qui est menacé par trois élections régionales en Allemagne, le 12 mars.

La Turquie a signé un « plan d’action » avec l’Union, le 29 novembre dernier, s’engageant à limiter les flux de migrants quittant ses côtes pour la Grèce, contre de l’argent, et la promesse de la réactivation du processus d’adhésion du pays à l’Union. Pour l’instant, cet accord est en grande partie lettre morte. La décision d’enrôler l’OTAN, il y a quinze jours, pouraider à traquer les passeurs et renvoyer les migrants sur la cote turque pourrait aider. « Il faudrait un signalpolitique, avant le 7 mars, qu’il fonctionne, par exemple, un ferry plein de migrants économiques reconduits de la Grèce vers la Turquie », suggérait un diplomate européen, jeudi…

En attendant, Bruxelles, fataliste, en est réduite aux pis-aller : dans l’urgence, les fonctionnaires de la Commission travaillent à une proposition d’aide« humanitaire » à la Grèce. Du jamais-vu : l’Europe dispose de fonds ad hoc pour les situations d’urgence, mais jusqu’à présent, ils avaient toujours été destinés à des pays tiers.

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