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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

Les Alévis de France – Ecrits sur l’Alévisme

Les Alévis de France – Ecrits sur l’Alévisme
Les Alévis de France – Ecrits sur l’Alévisme
Les Alévis de France – Ecrits sur l’Alévisme

ujourd’hui, les Alevis sont entre 150.000 et 200.000 en France.
Mais qui sont-ils ? Qu’est-ce que l’Alévisme ? Une religion? Une croyance ? Une philosophie ? Un mode de vie ? L’alévisme s’inscrit-il dans l’Islam, ou a-t-il été influencé par l’Islam?

Les personnalités, l’Histoire, la culture, les traditions, l’actualité… Vous trouverez tout sur les Alévis et l’Alévisme. Azadnews vous présente un recueil d’articles de la page les ‘Alévis de France’ pour vous permettre de comprendre et d’étoffer votre savoir sur cette question.

Dans l’alevisme il y a une phrase philosophique très connue : « la voie est une, les chemins 1001 » (Les chemins 1001, la finalité unique)
Yol birdir, Sürek binbir.
Cette phrase nous éclaire sur un phénomène, il est important de savoir qu’il n’y a pas différents Alevisme, mais plutôt différents Alevis. Les Alevis ont un fond de croyance commun avec une même base, avec des éléments et une liturgie vu de l’extérieur comme ressemblant à l’Islam chiite mais étant bien plus profondes de l’intérieur. Certains Alevis saluent le soleil à son levé, d’autres accordent plus d’importance à d’autres éléments de la nature, d’autres dans certains villages accordent plus d’importance à certains arbres rivières et montagnes. Même les cérémonies de Cem se déroulent différemment en fonction des régions. Cette diversité forme une richesse qui s’est adaptée aux populations et à l’environnement en gardant l’essence de la croyance commune. Même si les pratiques ne sont pas exactement les mêmes, l’intention est la même.

Toujours concernant les différentes pratiques, il n’y a pas besoin de rappeler que les dogmes auxquels l’être humain a besoin de s’attacher pour se sentir accompli sont des pratiques par lequel l’homme se conforte dans l’insouciance ou la facilité spirituelle. « Je peux faire la salat (prière) 100 fois par jour, à quoi bon cela me sert-il si je ne me rapproche pas du Haqq (vérité divine) » dirons-nous. Cette phrase exprime que les pratiques comme la prière 5 fois quotidienne par exemple, ne sont que des actes répétitifs et que ce ne sont pas ses actes qui comptent, mais l’intention de se rapprocher de la réalité divine.
Bien sûr qu’il existe également des dogmes différents au sein de l’Alevisme, bien qu’ils ne soient pas obligatoires comme les jeûnes (Hizir/Muharrem). Mais ces dogmes sont liés à des traditions et phénomènes de société permettant de réunir les gens autour d’une société commune, pour partager des moments ensemble, se purifier par besoin de retrouver son essence originelle et par simple amour et compassion, et non pas pour obtenir une récompense après la mort.

Parlons de cette base commune propre à l’Alévisme. Dans ce que nous appelons la voie de l’Alévisme, l’âme au départ ne fait qu’une avec le Haqq (Dieu/la vérité divine), elle est une composante du monde spirituel à sa base. L’âme se détache du monde spirituel et tombe dans le monde de la matière physique, dans l’espace-temps tel que nous le connaissons. Et tout le long de son périple, elle traverse un Devriye (cycle de rotation de l’âme) pour atteindre plusieurs étapes de purification pour retourner à son essence originelle. Le stade ultime du cycle est l’étape de l’Insan-i kâmil (l’être humain parfait) qui n’est accessible qu’une fois que l’âme est purifiée de l’intérieur, à ce moment-là, l’âme dans le corps de l’être humain a fusionné avec le Haqq (Dieu) pour devenir l’En-el Haqq (La fusion avec Dieu).

Dans la croyance alevie, il n’y a pas de mort, (Can ölmez, Ten ölür). « L’Âme ne meurt pas, c’est le Corps qui meurt ». Dans le langage courant, on parlera de « la mort » d’une personne, mais dans l’Alevisme, c’est la parole « Hakk’a yürümek » (allez vers la réalité divine) qui est utilisée.

Une parole de Haci Bektas Veli nous dit : « Her ne ararsan, kendinde ara, Kudüste Mekke’de Hac’da degildir. » (Quoi que tu cherches cherche-le dans ton intérieur, ce que tu cherches n’est ni à Jérusalem, ni au pèlerinage à la Mecque.) Cela explique tout simplement qu’il n’y a pas besoin de se déplacer pour atteindre Dieu puisque Dieu est une partie de nous-même et il faut le chercher au fond de soi.

Nous pourrions consacrer des pages et des pages sur le fait que le Coran écrit tel qu’il est connu dans le monde de l’orthodoxie n’a pas de lien avec l’Alevisme.
Il faut bien comprendre que les Alevis ne considèrent pas le Coran comme leur livre sacré.
Le livre sacré de l’Alevisme est considéré comme étant l’être humain lui-même, on peut le voir dans les sources écrites des plus grands Ozan alevis. D’ailleurs dans l’Alévisme, nous disons : « Bu telli Kuran’dir, ne ayet dinler ne kadi » (Ça c’est le Coran à corde, il n’écoute ni versets du Coran, ni juges) en parlant de l’instrument de musique sacré qui est le Saz, ou bien encore « Bir Kuran okuruz, bir kurana benzemez » (Nous lisons un Coran qui ne ressemble pas au Coran). « Coran » n’est qu’un mot emprunté par les Alevis pour définir à la fois leur instrument de musique sacré (Saz), mais aussi la parole humaine intérieure. Le rapport avec le Coran écrit est quasi-inexistant.

Pour conclure, nous affirmerons que comprendre l’Alevisme n’est pas donné aux simples d’esprit. La voie qui mène au Haqq (vérité divine) ne s’acquiert pas par les règles et les dogmes auxquels les êtres humains ont tant besoin de suivre à la lettre. L’être humain possède une conscience, cette conscience est plus forte que n’importe quelle force, le sens de la vie ne doit pas être enfermé dans la lettre mais doit être découvert dans l’esprit.
C’est ainsi que l’Alevisme considère sa philosophie.

Les Alevis de France.

LA TRADITION ALEVIE :
La tradition alévie est basée sur les règles de quatre Éléments essentiels de la vie :
la Terre, le Feu, l’Air, et l’Eau. Elle se fonde sur quatre Principes correspondant à ces quatre éléments :
– Tarikat (voie, méthode),
– Seriat (normes, lois, règles),
– Marifet (œuvre, pratique),
– Hakikat (vérité).

L’humain, est fait de ces quatre éléments matériels et de l’âme, qui doit suivre les quatre principes.
Dans la pratique l’humain se doit d’être fidèle :
► à sa LANGUE
(ne dire que du bien avec sa langue, enseigner le bien de l’humanité et ne dire du mal);
► à sa CEINTURE
(ne pas être esclave de ses désirs, mais les satisfaire, ne pas tromper, et respecter le physique);
► à sa MAIN
(créer l’œuvre du bien avec la pratique de son travail, ne pas commettre du mal avec sa main);
► à sa FOI
(croire en l’humain et à la nature, à sa conscience (être fidèle à l’humanisme, à la science).
Tout ce qui se rapporte à l’humanité découle de ces quatre éléments matériels et
de ces quatre autres éléments moraux, qui en se liant traduisent l’union sacrée : l’amour.

Une nécessité pour vaincre la mort et la solitude.
Pour parvenir à une fin des dieux.
La vanité mondaine est vaincue par l’épreuve quotidienne.
Si on ne réussit pas dans cette vie alors l’âme immortelle se retrouvera dans une autre vie pour, de nouveau, se remettre en épreuve pour rejoindre son dieu.
Et les éléments matériels se verront transformés dans d’autre systèmes pour se retrouver avec d’autres âmes.

LA PLACE DE LA POÉSIE DANS L’ALEVISME EST LE POINT DE VUE OPPOSÉ DE L’ISLAM :

Dans l’histoire des alévis, la poésie a joué un grand rôle, elle s’est créée et développée en sacrifiant des vies. Parmi les grands poètes se trouvaient, Hallaci Mansur, Pir Sultan, Nesimi et bien d’autres…

Cette littérature tend à exprimer et à prévenir l’injustice que subit la population, leurs souffrances, leurs pauvretés, la pression infligée par le système mis en place, mais aussi afin d’exprimer la conception du monde ainsi que les croyances. La poésie constitue aussi pour les Alevis un outil d’expression permettant de transmettre de manière implicite à travers les vers le fond de leur croyance.
Cependant, nous pouvons constater que l’Islam s’oppose à l’Art de la poésie qui est l’une des caractéristiques les plus importantes de l’Alévisme.
Pour se rendre compte de ce constat, voici une sélection de Versets et de Hadiths s’opposant à l‘art poétique :

► « Et quant aux POETES, ce sont les ÉGARÉS qui les suivent. » – Sourate 26. Verset 224.
(Pourtant, les Alevis suivent la voie des poètes et se réfèrent à des « Deyis » et « Nefes » dans leur rituel, qui sont des poésies ; les « 7 ulu ozan » qui sont des références alévies sont des Poètes)

► Abou Ishaq : « Abou Houraïra rapporte que le Prophète Mouhammad a dit : Ecouter les INSTRUMENTS DE MUSIQUE est un péché. Se RASSEMBLER pour le faire est un péché plus grave. Y prendre du plaisir est un manque de reconnaissance envers les bienfaits de Dieu. »
► Ahmad et Abou Dâoûd : « Abdoullah Ibn Oumar rapporte que le Prophète Mouhammad a dit : En vérité, Allah a interdit le vin, les jeux de hasard, le tambour et le LUTH (Saz, Baglama). »
(Hors, nous savons que les Alevis se rassemblent pour le rituel du cem en écoutant l’instrument de musique qui fait parti de leur quotidien, le Saz [Luth]).

► Abou Ishâq : « Ibn Maseoud raconte que le Prophète Mouhammad entendit un homme chanter la nuit. Il dit : Pas de prière pour lui ! Pas de prière pour lui ! Pas de prière pour lui ! »
(La base des rituels est avec le Saz, le Pîr/Dede CHANTE pour le rituel de l’Ayin-i Cem qui se déroule LA NUIT.)

L’antagonisme entre ces deux « concepts » sont flagrants. Les Deyis et Nefes (Poésie) qui font partis du noyau de l’Alevisme ne doivent surtout pas être négligés.

QUE REPRESENTE LE ZULFIKÂR ?

Le Zülfikâr est connu pour être l’arme utilisée par Hz.Ali lors de la bataille de l’Uhud. Cependant le sens de cette épée est-il le même pour les Alevis ?
Beaucoup de pensées, religions possèdent un symbole, le symbole principal de l’Alevisme est l’Homme, car la conception de Dieu est celle de l’Homme (Enel-Hak/Homme-Dieu).
La nouvelle génération alévie utilise fréquemment l’épée aux deux pointes autour de leur coup comme collier, sur le corps comme tatouage, comme fond d’écran sur leur téléphone … C’est ce symbole qu’utilise une grande partie de la communauté pour se représenter. Toutefois, lorsque le lien entre l’épée sanglante est recherché avec cette philosophie pourtant opposée à la violence, la réponse donnée est très souvent abusivement simpliste, « c’est l’épée de Hz.Ali », voici la réponse type que nous avons souvent l’occasion d’entendre.
Les Pirs/Dedes dans leurs rituels, évoquent ce symbole en le décrivant de manière ésotérique (batin) comme l’allégorie de la justice, du droit, et comme une « épée de bois ».
D’ailleurs le glaive (épée) est utilisé pour exprimer la justice par la majorité des différents pouvoirs judiciaires dans le monde.
En effet, le paradoxe est fort puisque le Zülfikâr qui est connu dans l’histoire est un instrument de guerre servant à tuer, alors que la philosophie alévie est pacifique. Alors pourquoi, les Alevis qui s’opposent à toutes sortes de violence prennent-il ce symbole pour se représenter ?

La réponse n’est pas validée comme étant une vérité absolue, il existe plusieurs hypothèses :
– Le symbole de la rébellion face aux oppresseurs
– Le symbole de la justice et du droit
– La silhouette d’un être humain avec pour les deux jambes deux pointes, pour les deux bras deux quillons dépassant de la garde, et pour la tête la poignée
– L’introduction de ce symbole en Anatolie par des missionnaires safavides
– La représentation d’une langue de serpent
– L’influence religieuse sur l’Alevisme
– Le choix de ce symbole pour la rébellion des Babai (Baba Ishak, Baba Ilyas …) face au pouvoir ottoman.
– Reste des militaires Qizilbash du Chah Ismail.
– …

Le sujet est assez complexe à comprendre, et nous n’aurons pas une réponse précise.

Une question nous démange :
Quelle est la différence entre porter un collier avec pour pendentif le Zülfikâr, et un collier ayant pour pendentif une Kalachnikov ? Le rôle de cette épée dans notre philosophie reste assez difficile à cerner. Doit-il continuer de représenter pour la nouvelle génération le « symbole type » de l’Alevisme alors que l’épée est faite pour tuer ?

QUI EST ALI DANS L’ALEVISME ?

Pour pouvoir répondre à cette question, il est formel de connaitre tout d’abord la différence entre deux concepts, le Zahir et le Batin. Le Zahir (exotérique) est ce qui est apparent, tandis que le Batin (ésotérique), par opposition est un enseignement caché initiatique.

Dans son sens exotérique (Zahir) : Ali appartient à l’histoire islamique et c’est un personnage très respecté, il fut l’un des califes, le gendre du prophète de l’Islam et à la fois son cousin, il était connu pour être fidèle à Muhammet, pour être l’un des premiers hommes à se convertir à l’Islam. Pour les chiites, il est le premier imam. Il s’est marié avec 8 femmes et a exécuté plusieurs personnes pour apostasie (sortir de la religion).

Après cette courte présentation du personnage, analysons-le maintenant dans son sens Batin (Ésotérique). Pour cela, prenons les Nefes et Deyis qui composent notre quotidien et qui sont les sources écrites les plus importantes dans l’Alevisme :

► Alidir herşey için can, Alidir yar ile mihman
Ali rahim, Ali rahman, Alidir cümleye server
– Nesimî
(Rahman et Rahim sont deux des 99 noms de Dieu associé à Ali)

► Alemi var eden sultan Alidir
– Genç Abdal
(Celui qui a créé le royaume est Ali)

► Hakkın kandilinde gizli nihanda
La mekan elinde sır idi Ali
Künt-ü kenzin esrarı andadır
Dünya kurulmadan var idi Ali
– Devrani
(Avant que le monde n’existe, Ali existait déjà)

► Bir ismi Ali’dir bir ismi Allah
– Kul Himmet
(L’un de ses noms est « Ali », et l’un de ses autres noms est « Allah »)

►Bin bir ismi vardır, bir ismin Hû’dur
– Sadık Baba
(L’un de ses noms est « Hû », (Hû = HO/XWE/XO en Persan et en Kurde) « Soit même/En soit »

► Bin bir adı vardır bir adı Hızır
Her nerde çağırsan orada hazır
– Pîr Sultan Abdal
(Un de ses noms est Hizir, il se tient prêt où que tu l’appelles)

Il est très facile de se rendre compte que le Ali suivi des Alevis est une figure spirituelle et non pas un personnage physique ayant réellement existé. Sa conception dans l’espace-temps prend sous sa couverture plusieurs définitions :

Il est à la fois divin, à la fois le symbole de l’être humain universel, à la fois l’Univers en lui même, à la fois le Roi des Hommes (Şah-ı merdan). Son portrait se définit d’un ésotérisme les plus profonds. C’est dans ce portrait que les Alevis ont réussi à préserver leurs croyances. Avec la conception qu’ils lui ont donné, il est possible de de rendre compte que le défi de s’opposer à l’assimilation imposée de l’Islam en Anatolie est en quelque sorte réussi puisque que les seuls points communs avec cette religion sont ses personnages comme Ali qui ont été accepté obligatoirement comme vernis de l’Islam pour ne pas se faire persécuter par les forces ottomanes qui ne toléraient que les religions abrahamiques. L’amour voué à Hz.Ali est donc spirituel et non pas historique en tant que personne physique ayant réellement existé.

LE CHANTEUR MUSA EROGLU N’A PAS CACHÉ SA COLÈRE FACE AUX ASSOCIATIONS ALEVIES :

« Les centres de culture alevi au lieu de s’occuper du Ali, du Hüseyin et du Hasan des Arabes, devraient plutôt s’occuper d’apprendre à jouer du saz à ces enfants. Ce sont ces enfants qui vont faire la révolution. »

Ici, Musa Eroglu évoque le Ali, Hüseyin et Hasan de l’Islam orthodoxe qui sont imposés aux Alevis qui s’y assimilent.

Les 12 imams, tous assassinés, représente les opprimés

L’ALLÉGORIE DANS L’ALEVISME

• L’allégorie présente toujours un double sens, propre (image portrait, écrit) et figuré. Ce dernier peut être religieux, moral ou philosophique.

• Les philosophes ont souvent utilisé ce procédé pour présenter un problème métaphysique. Les éléments narratifs sont alors des métaphores qui correspondent terme à terme au développement de l’idée à exprimer.

• Une allégorie est la figuration d’une abstraction, d’une idée, par une image, souvent par un être vivant.

• Une allégorie est une forme de représentation indirecte qui emploie une chose (une personne, un être animé ou inanimé, une action) comme signe d’une autre chose, cette dernière étant souvent une idée abstraite ou une notion morale difficile à représenter directement.

Qui sont Ali, Muhammed et les quarante dans les cérémonies de Cem ?


Voici l’approche qu’on les Alevis à Hz Muhammed Hz Ali et les quarante :

« Frappant à la porte de la pièce où les Quarante étaient en train de s’entretenir, Muhammed se voit prié de se présenter.
Il répond « je suis le Prophète ».
Les Quarante répondent « Que tu sois prophète n’intéresse que tes fidèles ».
Muhammed dit alors « je suis l’envoyé de Dieu (Res’ullah).
Les Quarante disent: « Nous n’en avons pas besoin »
Sur ce Muhammed insiste: « je suis le serviteur des pauvres » (hadîm ul fikarâ).
Alors les Quarante ouvrent la porte et acceptent de le faire entrer. 39 personnes sont présentes dans la pièce, Selmân-i-Farisî est dehors. Muhammed s’assis auprès de Ali sans même le reconnaitre. Il demande à l’Assemblée des Quarante « Qui êtes-vous? »
Eux répondent: « Notre chemin et nos coeurs vont dans un seul sens, nous sommes un et un de nous est nous tous » Muhammed étant incrédule, Ali lui dit « si le sang de l’un des nôtres coule, nous saignons tous » Et il se fait une entaille au poignet et tous se mettent à saigner y compris Selmân-i-Farisî qui est dehors. »

Comme le dit Irène Melikoff « Les Alévis vénèrent l’Imam Ali pour sa connaissance de Hakk et pour son souci de justice sociale, il est pour eux le Kuran’i natik, le Coran parlant, la vérité humanisée. Adam, l’être humain est une émanation de Dieu. Dieu ne doit pas être cherché en dehors de l’homme: le trône de Dieu c’est le coeur de l’homme. L’essence divine de l’homme se manifeste dans le visage de l’être humain. Le nom de Dieu y est inscrit, mais ce nom est celui d’Ali, la manifestation de Dieu sous forme humaine » (on voit qu’il n’y a pas de hiérarchie, que Muhammed n’est pas accepté en tant que prophète, ni en tant que messager, il n’est accepté qu’au moment où il se présente comme étant le serviteur des pauvres. Muhammed et les autres personnages ont des sens symboliques et spirituels, ils ne sont pas acceptés en tant que personnages historiques et connus de manières biographiques et historiques).

Hallac-i Mansur

HALLAC-I MANSUR, Une figure ayant nourri l’Alevisme

Pour que chacun se fasse son idée sur le rapport de Hallac-i Mansur (858 – 922) au Tevhid (Unicité de Dieu) et à la prophétie je vous livre ses vers issus du Dîwân de Hallaj :

► « J’ai renié le culte dû à Dieu, et ce reniement m’était un devoir, alors qu’il est pour les musulmans un péché »

► « J’ai vu mon Seigneur avec l’œil du cœur, et Lui dis: »qui es-Tu ? Il me dit: « Je suis Toi ! »

► « Oui va-t-en prévenir mes amis que je me suis embarqué pour la haute mer, et que ma barque se brise ! C’est dans l’instance suprême de la Croix que je mourrai ! Je ne veux plus aller ni à La Mecque, ni à Médine. »

► « Si tu montres Dieu dans Sa réalité même, Dieu s’exprimera par toi et tu posséderas tout langage et ses aspects. Si la caractéristique de Dieu est pour Dieu explicite, pourquoi le lieu où elle se manifeste parmi les hommes, toi-même, leur resterait-il caché ? »

Contrairement aux 3 principales religions monothéistes qui sont l’Islam, le Christianisme et le Judaïsme,
L’Alévisme affirme que Dieu n’est pas dans les cieux, mais qu’il est présent dans le coeur de chaque être humai
n.

Hallac-i Mansur, ce personnage très respecté chez la communauté alevie qui est né au 9ème siècle a affirmé « Je suis la Vérité (Dieu) », ici il affirma le principe « Enel Hak » principe même de l’Alevisme qui consiste à chercher Dieu dans son propre coeur. Lorsque Hallac-i Mansur entendait quelqu’un réciter une sourate du Coran, il disait pouvoir écrire le même genre de choses.

Hallac-i Mansur a été condamné à mort pour avoir résister et refuser de retirer cette parole qui était vu comme une hérésie, aussi bien dans le Sunnisme que dans le Chiisme.

– L’Être Humain est un Dieu manquant, Dieu est un Être humain parfait.
– İnsan eksik bir Tanrı, Tanrı mükemmel bir insandır
– Sohrawardî

Sohrawardî est un philosophe mystique kurde, fondateur de l’illumination, né en 1155, dans une petite ville de Médie, Sohravard, au nord-ouest de la Perse dans le Kurdistan. Très jeune, il part étudier à Maragha et ensuite étudier à Ispahan dans un cercle de philosophes « hellénisants » proches de la pensée d’Avicenne (Ibn Sina).
Après une crise religieuse provoquée par une vision d’extase où Aristote lui apparaît il se rapproche des soufis en cherchant à pratiquer autant l’expérience mystique que la connaissance philosophique. Il adopte alors un mode de vie itinérant, fréquente les couvents soufis, assiste fréquemment à leurs séances de danse et de musique (semah), qu’il recommande et apprécie lui-même pour parvenir à l’extase.
Il insiste aussi sur son indifférence aux vêtements, aux honneurs, aux apparences.

Sohrahwardi semble avoir affectionné particulièrement le pays de Diyarbakir, en Haute Mésopotamie où il séjourna longtemps. Son influence politique auprès de plusieurs princes seldjoukides et du fils de Saladin le Kurde, Al-Malik al-Zahîr Ghazî, prince d’Alep fut certainement pour beaucoup dans sa condamnation par les milieux alépins et la décision de son exécution par Saladin.
Son œuvre :
L’originalité de la sagesse de l’Ishraq fondée par Sohrawardi est d’unifier et de synthétiser l’héritage ZOROASTRIEN, la philosophie PLATONICIENNE et la révélation ISLAMIQUE. L’ »Orient » défini par sa « Sagesse orientale » est en fait un orient « intérieur », le symbole de la Lumière qui est aussi Connaissance (Hak/Hakikat), opposé à « l’exil occidental » qui est éloignement et oubli de cette connaissance dans les ténèbres de la matière.

L’élément fondamental de la philosophie de Sohrawardî est la Lumière, pure et immatérielle, au-dessus de toute autre manifestation, qui se dévoile par illuminations, de lumières en lumières graduellement déclinantes dans leur intensité ; par une interaction complexe, ces lumières provoquent à leur tour des rayons lumineux horizontaux, semblables dans leur concept aux Formes platoniques qui régissent les espèces du monde terrestre.

Selon la cosmologie sohrawardienne, toute créature provient d’émanations de lumières successives et graduées, toutes issues de la Lumière originelle et suprême, la Lumière des lumières comme dans l’Alevisme.

Il est appelé par ses disciples par le titre honorifique de Sheikh al-Ishraq ou « Maître de l’Illumination ». On l’appelle aussi le « Maître de la théosophie orientale ».
Son enseignement a exercé une très forte influence sur la pensée iranienne et alevie.

En plus de la mystique et de la philosophie, Sohrawardi a écrit sur la logique, la physique, l’épistémologie. C’était aussi un excellent mathématicien et ilconnaissait des problèmes d’algèbre que personne ne savait résoudre.

Sohrawardi est l’auteur de plus de cinquante ouvrages, dont beaucoup restent inédits surtout les textes traitant de logique et de physique.
Sa doctrine plonge ses racines dans des courants fort anciens, tels que le Platonicisme, la Gnose ou le Zoroastrisme pour se mêler à des pratiques plus modernes : Soufisme, Ismaelisme et Théosophie. Rapidement, cette philosophie connut un certain succès et Sohrawardi réussit à réunir quelques disciples autour de lui. Quels que soient ces liens, modernes ou anciens, force est d’admettre, que cette école assez éloignée de l’Islam orthodoxe ne pouvait qu’irriter les Oulémas. Gardiens de la Foi musulmane, ils en réfèreront au Kurde Saladin.

Sohrawardî qui a toujours refusé le qualificatif d’hérétique, fut pourtant exécuté comme tel, sur l’ordre exprès du Kurde Saladin dans la Citadelle d’Alep en Syrie, le 29 juillet 1191 à l’âge de 36 ans, car ce petit groupe d’Illuminés était jugé dangereux.

Le « Platon perse » ou «le maître de la sagesse orientale sera désormais appelé Shaykh al-ishraq, c’est-à-dire : «le Shaykh de l’illumination»…
Molla Sadra Shirazi parle de Sohrawardi comme du « chef de l’école des Orientaux ». Cette école, qualifiée aussi de « Platoniciens de Perse » se nomme Ishraqiyun. Selon Henry Corbin, la principale caractéristique de cette école « sera d’interpréter les archétypes platoniciens en termes d’angélologie zoroastrienne ».

La Lune et le Soleil
sont la lumière de tout le monde,
L’Air appartient à tout le monde,
L’Eau est l’Eau de tous.

Pourquoi le Pain n’appartient-il
pas à tout le monde ?

– Seyh Bedreddin

Pir Sultan Abdal

Pîr Sultan Abdal, l’un des personnages le plus respecté dans l’Alevisme :

Pîr Sultan Abdal de son vrai nom Haydar, est né au 16ème siècle dans un petit village de la province de Sivas. Alors qu’il n’a que 7 ans, son père le charge d’emmener leur troupeau de moutons sur le Mont Yildiz, où il tarde et s’endort. Dans son rêve, il voit un vieillard à la barbe blanche, aussi blanche neige, venant à sa rencontre. Haydar est ébahi, étonné, quand il s’aperçoit qu’il s’agit d’un saint « Haci bektas Veli ». Il l’enlace et lui embrasse les mains. Haci Bektas Veli lui dit de se tenir prêt et d’ouvrir grand ses oreilles.

« La force de l’homme réside dans le savoir, pour devenir sage un homme doit partager son savoir. »

« Tu te mélangeras aux autres par les paroles mais tu te distingueras par les actes.
Les êtres humains peuvent être d’apparence différente, mais ils sont tous égaux, respecte les tous même s’ils ne partagent pas tes passions.
Un homme est caché sous ta langue, uses donc de la parole en bonne circonstance. Tu seras un sage, et on t’appellera Pîr Sultan Abdal, sois un exemple pour ceux qui t’entourent. »

Comme tout empire, l’empire ottoman aime l’ordre. Les populations de la région de Sivas qui étaient alevies pratiquant une foi différente, plus humaine, plus proche de la nature, sont considérées comme profanes.
Dans un village entre Sivas et Hafik, les soldats débarquent, harcèlent les villageois, et mettent en ruine le village. C’est alors qu’un dénommé Hizir connaissant la réputation de Pîr Sultan décident les villageois à le rejoindre et demander son aide…
Pîr Sultan accepte mais il prévient Hizir : « Le juste n’a pas besoin de vengeance, un homme entier est fait d’un coeur noble. Si tu dois t’exprimer, fais le par les mots, le discours est comme un remède, une petite dose guérit, une forte dose tue ». Il prend Hizir sous son aile afin de lui inculquer le savoir.
Sa première leçon : La langue de l’homme sage gît derrière son coeur…

Pîr Sultan est révolté contre l’empire ottoman, il n’accepte pas l’intolérance de l’empire envers les minorités, il n’accepte pas l’injustice qui existe entre les puissants d’Istanbul et les petites gens d’Anatolie. Ses armes sont comme il les appelle les sabres de l’amour, sa plume et son saz. Il montre l’exemple à ceux et celles qui l’entoure par son comportement mais aussi et surtout par son refus de la violence. Pour illustrer ces actes, il use de la poésie, et celle-ci se propage dans toute l’Anatolie. Il fait aussi le choix de soutenir le Chah d’Iran, Chah Ismaïl 1er dit Chah Hatayi. Il évoque son admiration pour le Chah qui a la même philosophie de vie que lui, les mêmes passions : l’écriture, la musique, et pense que celui-ci peut l’aider dans son combat. Alors il chante… il chante dans une langue que personne d’autre ne comprend…

Le temps passe, Hizir aspire à de meilleurs jours, il voudrait aller étudier à Istanbul. Il demande la permission à Pir Sultan, celui-ci lui répond qu’il n’aura pas sa permission…. car il n’a pas besoin de permission. « La science d’Istanbul nous permettra une fois mon retour, d’être plus fort, elle nous aidera dans notre lutte » dit Hizir.
Pîr Sultan soupire…. Les jours de notre vie passent comme les nuages, fais donc le bien tant que tu es vivant. Mais Pîr Sultan l’avertit, le savoir d’Istanbul pourrait lui nuire s’il ne le comprend pas et ne le partage pas. D’ailleurs ce savoir, mal exploité pourrait revenir à Sivas, et nuire à la communauté. Hizir s’en défend. Pîr Sultan déclare qu’un coeur noble peut cueillir une rose, Hizir s’empresse vers la rose à ses pieds mais sans succès.
Va Hizir, mais l’homme qui ne connaît pas sa propre mesure est un homme ruiné…

Les années passent, le combat continu, Pir Sultan écrit toujours, et Hizir finit ses études. Il est nommé Pacha, ce qui constitue un des grades les plus élevés de l’armée. Il est envoyé à Sivas pour y gouverner la région. La situation se durcissant entre le sultan et le Chah, l’un suivant la tradition et l’autre la légitimité. Le grand Müftü d’Istanbul, l’autorité religieuse suprême, interdit à quiconque de soutenir le Chah Ismail et même de prononcer son nom. Le Pacha Hizir, se souvenant de son ancien ami, le convoque à Sivas. Pîr Sultan part à sa rencontre, bien que sa femme tente de l’en empêcher et ce malgré le risque de perdre la vie…

Le Pacha lui offre un accueil chaleureux faisant préparer une grande et riche table, mais Pîr Sultan reste infaillible : je ne m’assiérais même pas à ta table. Qu’as-tu à me dire ? Mon Pîr Sultan, tu m’as aidé, je ne veux pas ta mort, mais si tu continues à soutenir le Chah, je ne pourrais aller contre les ordres d’Istanbul, je dois respecter ceux qui m’ont amené à ce rang.
Hizir je t’avais prévenu. Pour tout homme juste, la gloire de sa vertu est plus grande que la gloire de sa lignée. Je ne me soumettrai pas au Sultan, peu importe que tu m’enfermes, je chanterai…..

Hizir emprisonne alors Pîr Sultan, il est seul, enfermé à la prison de Toprakkale, il pense aux siens tous les jours, à sa femme, à ses enfants. De sa cellule, il écrit et chante…. la beauté de ses paroles arrivent jusqu’aux oreilles de son entourage. Les populations de Sivas se révoltent à leur tour et demande la libération de Pîr Sultan.
Le Pacha Hizir, tente par tous les moyens de ramener le calme, il oblige Pir Sultan Abdal à s’exiler, en lui affirmant que son entourage n’a plus d’espoir en lui, qu’il est simplement un agitateur, alors que c’est faux !
En exil, et en pensant qu’il est sans soutien, la tristesse et la mélancolie l’envahissent, il n’ose ni écrire ni chanter …

Un jour, assis au bord d’une route, il rencontre un couple, qui s’étonne de le voir, Hizir Pacha nous a annoncé que tu avais quitté Sivas, pourquoi ? Ainsi c’est ce qu’il se dit à Sivas, je reviendrai…. Qui comprend l’humanité recherche la solitude …

Pîr Sultan revient à Sivas, il entre dans le palais du Pacha en surprise. Ce dernier est désabusé quand il le voit en train de chanter dans son palais. Il appelle ses gardes. Pir Sultan commence : « Que les portes s’ouvrent pour que nous allions au Chah ». « Je te donne une dernière chance pour te repentir, chantes trois poèmes en public sans prononcer le nom du Chah une seule fois » dit Hizir. Pîr Sultan accepte……mais alors qu’il est devant son auditoire, il chante les trois poèmes en affirmant que le Chah lui en voudrait trop s’il détournait sa voie de lui. Que ceux qui veulent faire chemin inverse le fassent, moi je ne quitterai jamais ma voie. « Je te ferai pendre » déclare Hizir
Chaque souffle nous rapproche de la mort, Qui marche sur la terre doit un jour y être enterré

Pîr Sultan meurt mais milles autres revivront évoquent alors son peuple.

La pendaison n’est pas une fin, mais un début, cet entêtement énerve le Pacha qui demande à ce que l’on lapide, pendant sa marche vers la corde. Alors qu’il est monté sur le poteau, il scande à la foule : « Les pierres ne m’atteignent pas, seule la rose de l’ami peut me blesser car elle m’évoque sa tristesse. Les affections du coeur sont pires que celles du corps ».

Le lendemain matin, un homme assis au café s’écrit :
– Hizir Pacha a fait pendre Pîr Sultan !
– Ce n’est pas possible, je l’ai vu ce matin sur la route de Kocahisar
– Comment ça ? Je l’ai croisé plus tôt sur la route de Malatya.
– Pourtant, je l’ai salué dans la matinée, il était à Yenihan.

Ils partent au pied de l’arbre où a été pendu Pîr Sultan, et ne trouvent que son gilet. Pîr Sultan meurt mais milles autres revivent.

La vertu est immortelle.

– La Science est notre voie
– L’Amour est notre religion
– Une voie qui ne part pas de la Connaissance est destinée à finir dans l’ombre
– Le plus beau livre à lire est l’être Humain

Hacc-i Bektas Veli

L’ALEVISME EST ÉSOTÉRIQUE :
L’ésotérisme désigne un ensemble de mouvements et de doctrines relevant d’un enseignement caché, souvent accessible par l’intermédiaire d’une « initiation ».

AŞIK VEYSEL ET L’ART CYNIQUE :

Ici, Aşık Veysel se questionne sur la conception de Dieu de la religion orthodoxe. Ce type de poème est très courant dans la culture alevie. Malgré leur époque où la liberté d’expression passait pour de l’hérésie ou du blasphème, certains Aşık ne se sont pas retenu de critiquer les pouvoirs politiques et religions imposés, quitte à se faire tuer.

Tu es celui qui voit ce royaume
Tu n’as pas de rideau devant les yeux
C’est toi qui cède le passage aux injustes.
Tu ne te trompes pas ici ?

Tu as créer Adam et ne t’en es pas occupé
Tu ne l’a pas laissé au paradis
Pourquoi n’as tu pas brûle (tué) le Diable
Puisque tu possèdes un enfer.

Aşık Veysel

Haci Bektas Veli

L’ALEVISME, UNE PHILOSOPHIE DE THÉOSOPHIE :


Le terme théosophie fait référence à un système philosophique ésotérique à travers lequel l’Homme tente de connaître « le Divin » et les mystères de la Vérité (Hak) en soi-même.

D’où la citation de Hünkâr Haci Bektash Veli –
« Ne ararsan kendinde ara » (Quoi que tu cherches, cherches le en toi-même)

DÉFINITION DE « DÜŞKÜNLÜK » :

Punition infligée par le Pîr/Dede sous forme d’une exclusion de la communauté pour un temps plus ou moins long selon la faute commise.

OMAR KHAYYÂM / ÖMER HAYYAM

OMAR KHAYYÂM / ÖMER HAYYAM

Omar Khayyâm, devient célèbre, dès 1074, comme mathématicien, astronome, philosophe et poète en Orient. Il vécut sous l’occupation turque en Perse (Iran actuel). Ses brillantes études lui permirent de rédiger divers ouvrages d’algèbre, arithmétique et musique qui contribuèrent à sa renommée de son vivant. Entre autres, il est l’auteur d’un traité sur les équations cubiques avec les solutions trouvées géométriquement par l’intersection de sections coniques, et il réussit à approximer la durée d’une année à 365,24219858156 jours. Omar Khayyâm, géomètre de renom, est aussi l’auteur d’un traité de physique sur les métaux précieux.
Ses quatrains avaient des thèmes très variés comme le chagrin et le désespoir, la lucidité et scepticisme, la sagesse et l’épicurisme, la distance par rapport à l’islam orthodoxe …
La particularité des quatrains de Khayyâm est de vanter les mérites du vin, de l’ivresse, des tavernes. Et il va jusqu’à évoquer d’un œil critique les visites à la mosquée, déplorant l’hypocrisie de certains croyants.

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Voici plusieurs de ses quatrains :

« Qui a dit que Khayyam ne connaissait pas le Haram ?
Moi, je ne mélange ni le Haram, ni le Halal,
Le vin qui se boit avec toi et Halal,
Mais même l’eau que je bois sans toi est Haram. »

« Autrefois, quand je fréquentais les mosquées,
je n’y prononçais aucune prière,
mais j’en revenais riche d’espoir.
Je vais toujours m’asseoir dans les mosquées,
où l’ombre est propice au sommeil. »

« En ce monde, contente-toi d’avoir peu d’amis.
Ne cherche pas à rendre durable
la sympathie que tu peux éprouver pour quelqu’un.
Avant de prendre la main d’un homme,
demande-toi si elle ne te frappera pas, un jour. »

« “ Allah est grand !”. Ce cri du moueddin ressemble à une immense plainte.
Cinq fois par jour, est-ce la Terre qui gémit vers son créateur indifférent ? »

« Tu dis que les rivières couleront de vin,
Le paradis est-il un cabaret ?
Tu dis que tu donneras deux Houris (être ayant l’apparence féminine parfaite) au paradis à chaque croyant
Le paradis est-il une maison close ? »

« Tout le monde sait que je n’ai jamais murmuré la moindre prière.
Tout le monde sait aussi que je n’ai jamais essayé de dissimuler mes défauts.
J’ignore s’il existe une Justice et une Miséricorde…
Cependant, j’ai confiance, car j’ai toujours été sincère. »

« Je n’ai rêvé du ciel que comme d’un lieu de repos,
Car j’ai tant pleuré que je n’y vois qu’à peine.
L’Enfer n’est qu’une étincelle à côté de ce qu’a subi mon âme
Et je ne crois au Paradis que lorsque je goûte un instant de paix. »

QU’Y A-T-IL APRES LA MORT ?

Les religions monothéistes (Judaïsme, Christianisme, Islam) affirment que les êtres humains iront au Paradis ou en Enfer après la mort, selon l’appartenance à la « bonne » religion, l’application des règles religieuses, et selon les actes bon ou mauvais réalisés au cours de la vie.
Quel est le point de vue de l’Alevisme ? Qu’y a-t-il après la mort ?
La conception est complètement totalement différente car effectivement, il n’y a pas de mort … Le corps meurt mais l’âme ne meurt pas. Il y a un transfère, un cycle, une transmigration de l’âme (Devriye).
Le Devriye est propre à l’Alevisme, aucune religion monothéiste n’accepte cette croyance car cette conception s’oppose à l’existence d’un paradis ou d’un enfer.
A la base, l’âme ne fait qu’un avec le Hak (Vérité/le Divin), l’âme se détache et elle tombe dans le monde de la substance, en connaissant un chemin de plusieurs phases pour retourner vers son origine, le Hak. Avant de retrouver son origine l’âme doit passer par 7 étapes :
1 – La matière inanimée
2 – Le monde des minéraux
3 – Le monde végétal
4 – Le monde animal
5 – Le monde des animaux étant plus évolués (Mammifères …)
6 – Vasat Insan (L’Homme médiocre) Plusieurs fois.
7 – Insan-i Kâmil (L’homme parfait, ne faisant qu’un avec le Hak (Vérité/ le Divin)

LES ALEVIS ET L’ALCOOL :

Une chose est certaine, dans l’Alevisme, la vision de l’alcool est différente de celle des musulmans. Il n’est pas interdit de boire de l’alcool dans la communauté alevie. L’alcool fait même partie de certains rituels comme le fameux « Deme Muhabbet ». Les grands poètes alevis de l’histoire tels que Fuzulî, Seher Abdal, Kalender Abdal, Kul Sükrü, Karasiz Veli, Kemterî évoquaient déjà dans leur poèmes le rôle de l’alcool qui a un caractère sacré.
Dans certains villages Kizilbash-Alevi, surtout dans la province de Sivas, après l’arrivée d’un nouveau-né, la famille proche se réunissait et se distribuait à tour de rôle le « Dolu » (l’alcool) pour fêter la naissance du nourrisson.

Un rituel avec l’alcool existe encore mais il est de moins en moins fréquent, on le trouve aujourd’hui surtout dans les villages alevis de Sivas, Isparta, Burdur, Balikesir, le rituel appelé « Dolu » et/ou « Dem » qui consistait à distribuer de l’alcool à la communauté était très fréquent, selon les différentes régions du vin ou du raki (Alcool : eau de vie) étaient distribués, et bien entendu les doses distribuées étaient mesurées avec attention afin de ne pas rendre les membres ivres. Chaque participant au Muhabbet (discussions) se devait de connaitre sa limite afin que ses manifestations extérieures ne tournent pas à l’excès.

Après les cérémonies du cem (Djem) qui se déroulaient dans les villages alevis, l’inévitable élément qui accompagnait les « Muhabbet » (discussions) était l’alcool, les gens n’étaient pratiquement jamais ivres, les doses étaient toujours maitrisées, mais bien sûr, des exceptions devaient bien exister, évidemment celui qui avait le malheur d’être ivre était bannis du prochain « Muhabbet », c’est pour cela qu’il est important de ne pas être ivre dans la culture alevie. L’alcool est considéré comme une boisson normale, même si il était souvent bu dans la clandestinité pour les alevis qui vivaient dans les villages mixtes (alevis-sunnites) ou pour les alevis habitant dans les plus grandes métropoles à majorité sunnite. L’alcool n’était pas considéré comme tabou et il était indissociable de la société alevie car il représentait une composante de celle-ci.
Avec les flux de population, beaucoup d’alevis ont été en contact avec les musulmans sunnites, les Alevis ont été progressivement influencés et parfois même assimilés et ont du se détacher de leurs habitudes qui étaient considérées comme étant inappropriées et taboues par la communauté musulmane.
D’ailleurs, comme l’indique le Dede turkmène Hüseyin Kahraman de Kütahya : « les Alevis n’ont pas laissé de côté l’alcool de leur propre plein grès, ils ont été forcé à enlever ces boissons de leur table par peur, face à la pression sunnite. »
Les boissons alcoolisées ont été peu à peu retiré des rituels, à la suite de cette pression exercée par les musulmans émanant de l’hostilité à l’alcool.
Plusieurs versets dans le Coran indiquent que l’alcool est interdit, notamment ce verset :
Sourate : 90 « Ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Ecartez-vous en, afin que vous réussissiez. »

Quant à la question qui est souvent posée aux alevis qui est compréhensible vu de l’extérieur : « Bah alors ! Je croyais que tu suivais le même chemin que Muhammed et Ali ! Le prophète Muhammed ou l’Imam Ali buvaient eux aussi ???! »
D’après notre connaissance, non, ils ne buvaient pas.
En réalité la réponse est très simple, si chaque rituel alevi doit être comparé à l’Islam, il faudrait alors tout réformer pour rendre l’Alevisme conforme au Coran, et au final il ne resterait plus d’Alevisme.
Il y a un élément qu’il ne faut pas effacer de l’esprit : L’Alevisme en plus d’avoir été influencé par l’Islam, avait déjà tracé son chemin bien avant, cette « voie » détient une doctrine unique propre à elle-même.
C’est pourquoi boire de l’alcool, prier dans des lieux mixtes entre hommes et femmes, l’instrument de musique le « Saz », les Nefes, les Deyis, font partis des habitudes et des rituels des alevis, ses actes et ses rites ne s’observent dans aucune pratique religieuse islamique, ni dans le Coran, ni dans aucune des 1391 années de l’ère islamique ni dans la vie d’un personnage de l’Islam. Par conséquent, c’est un effort infructueux de chercher l’Alevisme qu’à travers l’Islam. Ce rite prend sa source s’autres horizons.

Anecdote : IL NE ME MANQUE PLUS QU’UNE BOUTEILLE DE RAKI :

Un Bektachi entre dans une mosquée pour la première fois de sa vie et se met à prier : « Mon Dieu, je voudrais que tu m’offres une bouteille de raki (alcool). »
A ses côtés, un homme pieux l’entend et s’écrie : « N’as-tu donc rien d’autre à demander à Dieu. Tu sais bien que le raki est interdit !
– Mais que pourrais-je demander ? s’exclame naïvement le Bektachi.
– Hé bien, tu pourrais demander la bénédiction de Dieu, sa miséricorde, ou encore sa clémence…»

Le Bektachi se lève alors et s’exclame : « Les gens demandent ce qu’ils n’ont pas. Moi, j’ai la miséricorde de Dieu, sa clémence. Il ne me manque qu’une bouteille de raki. »

Les différences entre l’Alévisme et l’Islam

« L’Alevisme, c’est de l’Alevisme, ce n’est ni une branche de l’Islam, ni de quoi que ce soit.
Sans nous détourner nous devons lutter, en adoptant cette attitude, les couleurs (vérités) vont alors apparaitre.
Les phrases typiques comme « Nous sommes le cœur de l’Islam » n’ont ni de près de loin un rapport avec l’Alevisme.
Dire « Nous sommes Alevis » n’est une insulte à aucune religion. »

PSAKD BASKANI / LE PRESIDENT DU PIR SULTAN ABDAL KÜLTUR DERNEGI

L’UTOPIE ALEVIE : LA VILLE DU RIZA / RIZA KENTI

Il était une fois un homme qui se posait beaucoup de question sur le monde, son rêve était de parcourir le monde pour le découvrir et trouver le sens de la vie. Il décida de réaliser son rêve, il se prépara donc pour prendre la route et réaliser son rêve.
Après avoir visité plusieurs régions du monde, son chemin s’arrêta à la porte d’une nouvelle ville. La disposition et l’architecture de cette ville ont beaucoup attiré son attention car elles dépassaient le seuil de l’imagination. La ville attira tellement son attention qu’il l’a visita entièrement. Après une longue analyse, il se fatiguât, donc il dormit. En se réveillant la faim se faisait sentir, il s’est ainsi rendu chez le boulanger de cette ville pour prendre du pain. En demandant le pain, il tend sa main pour donner de l’argent au boulanger. Celui-ci regarda l’ascète avec attention et lui dit : « Qu’as-tu dans la main ? » Le voyageur répond alors avec logique : « C’est de l’argent ». « Toi tu es bien un homme du monde (étranger) dit le boulanger ». « Oui je suis originaire du monde (étranger), je viens d’arriver et j’ai beaucoup aimé la disposition de votre ville » répond-il. « Ici c’est la ville du Riza, l’argent n’a aucune valeur, nous avons mené un combat très long pour enlever cet argent, nous avons donné nos vies pour cette cause. » Le nouvel arrivé réagit alors : « Comment vais-je pouvoir prendre du pain alors ? J’ai faim, je dois me nourrir ». Attendez un instant, je dois appeler les gardiens, ils s’occuperont de vous et sauront quoi faire. Deux gardiens arrivent et demandent à l’ascète de les suivre au divan.
L’ascète avait très peur, et se demandait a quoi pouvait ressembler cet endroit et ce qui allait lui arriver. Enfin arrivé quelques minutes après au divan, l’ascète entre et voit deux Pîrs à la barbe banche assis.
Les agents demandent aux Pîrs : « Cet étranger est venu dans notre ville, il est allé ce matin chez le boulanger, à donner de l’argent en voulant du pain. Lorsque le boulanger s’est rendu compte qu’il était du monde (étranger) il nous en a informé, et nous avons trouvé juste de vous l’emmener. Que devons-nous faire de lui ? »
Un des Pîr répond : « Comme il est nouveau dans notre ville, vous connaissez nos coutumes, allez tout d’abord le nourrir, donnez-lui un endroit où il pourra se reposer et se loger ».
L’ascète est resté deux semaines dans la ville, puis il décida de quitter la ville. Il prépare ses affaires, pour continuer son voyage, et commence à prendre la route, mais à la sortie de la ville, les deux mêmes agents l’interpellent en lui disant : « Nous voyons que vous quittez la ville … » « Oui » répond l’ascète. « Avez-vous été satisfait de votre séjour ? » demandèrent les agents. L’ascète répond avec enthousiasme : « Oh que oui, j’ai adoré rester ici, c’était parfait, et pour cela, je vous en remercie beaucoup ! ».
« Très bien, puisque vous êtes très satisfait, maintenant c’est à nous d’être satisfait. Tu es resté ici, nous t’avons logé, nourri, blanchi, mais nous ne t’avons rien demandé en échange. En compensation, pour le temps que tu as passé ici, il te faut travailler pour nous rendre les services que nous t’avons rendus » expliquèrent les agents. L’ascète dit à son tour : «Très bien, puisque vos coutumes sont ainsi, j’accepte. » Les agents amènent l’ascète dans le même logement dans lequel il avait séjourné, et lui trouvent un travail correspondant à ses aptitudes.
L’ascète, en réalisant son travail, s’est fait un entourage, il s’attacha et apprécia beaucoup les personnes de la ville, jusqu’au point où il décida même de rester définitivement en oubliant son rêve de parcourir le monde.
Un jour, il dit à son ami : « J’ai décidé de rester ici, seulement, je veux me marier et fonder une famille. Comment se passe le mariage ici ? » Son ami lui répond : « Ici, il y a un parc, en fin de semaine, ceux qui souhaitent se marier s’y rendent, et discutent pour apprendre à se connaitre, ils mangent et boivent ensemble. »
En fin de semaine notre ascète se rend au parc, il regarde autour de lui et voit une belle femme aux yeux noisette, il s’approche d’elle en la saluant et en lui demanda si ils peuvent faire connaissance et la jeune femme accepte la proposition. Après avoir parlé de la ville ainsi que de son particularisme, l’ascète fait une proposition de mariage à la belle demoiselle. Face à cette proposition extrêmement précipitée, la jeune femme répond : « Apparemment, vous êtes du monde (étranger) je crois. » L’ascète qui entendait sans cesse cette remarque dit alors avec colère : « Ho ! C’est écrit sur mon front que je suis originaire du monde (étranger) ? La demoiselle : « Tout le monde peut voir de votre état que vous êtes originaire du monde (étranger). Mais ce n’est pas un problème, tu t’amélioreras avec le temps, et puis si tu appliques les règles de cette ville, tu t’adapteras, et entre temps nous aurons nous nous connaîtrons d’avantage ». Car bien sûr avant de nous marier nous devons nous connaître. » Après ces éclaircissements, l’ascète demande de quelle manière leur période avant l’éventuel mariage va se dérouler. « Tu viendras chez moi les fins de semaines, nous parlerons, nous nous promènerons … et si nous nous plaisons, nous pourrons nous marier ».
Le temps passe, après plusieurs visites chez la belle célibataire, l’ascète retourne chez elle, il passe devant un jardin de fruits, et se rend compte qu’il n’y a ni clôture, ni gardien pour protéger le jardin. Voilà une occasion ! Il se précipite pour aller dans le jardin et rempli son panier de fruits en cueillant les fruits et en s’y prenant avec brutalité, il abîme le jardin. Arrivé chez elle, il pose le panier sur sa table et l’attend … En arrivant la jeune femme aperçoit le panier de fruit mais les ignore, par conséquent l’ascète le prend mal. « Qu’est-ce que c’est ? » demande la femme. « Des fruits, tu ne les vois pas, c’est pour toi que je les ai cueilli, et toi tu ne les regardes même pas » lui répond l’ex-voyageur.
« Écoute personne ne se comporte comme toi ici, moi aussi je suis allée dans ce même jardin hier, seulement je n’en ai pris qu’un seul pour le manger. Toi tu en as pris beaucoup plus que tu en avais besoin, et en plus tu as beaucoup abîmé le jardin en les cueillant, tu as fait un gros gaspillage et tu as détruit le mérite des personnes qui ont travaillé dur pour ce jardin. Ici personne ne mange autant de fruits, tu n’as pas respecté les règles. Si tout le monde se met à se comporter comme toi, l’équilibre disparaîtra et cette ville deviendra invivable. Habiter dans cette ville comporte des règles, personne ne doit se servir autant en prenant plus qu’il en a besoin. Tout ce dont nous avons besoin, nous y avons accès sans argent, en contrepartie, les gens rendent un service ou travaillent en fonction de la valeur du matériel ou du service. Cela fait maintenant un an que tu vis ici, mais tu n’as toujours pas accepté cette règle, Tu ne pourras jamais t’adapter ici. Il est mieux pour toi de retourner dans ton monde, tu risques de déséquilibrer cette harmonie pour laquelle nous avons tant combattu. »
L’ascète après cette leçon de morale, décida de quitter la ville du Riza avec le plus grand chagrin.

Xizirê kal – Le vieux Khizir

QUI EST HIZIR DANS L’ALEVISME ET POURQUOI ACCOMPLIR LE JEUNE DE HIZIR ?

Hizir (Xizir) est dans l’Alevisme du point de vue ésotérique le Maitre mystique et immortel de la nature, il prend l’apparence humaine et coure à la rescousse de ceux qui l’appellent avec la formule « Ya Hizir ».
Il est décrit physiquement comme étant âgé portant une barbe blanche. Les fleurs s’ouvrent, la végétation se renouvelle, les oiseaux chantent, il redonne la vie à la nature là où il se déplace. Il possède le pouvoir de guérir les maladies, et d’empêcher la malchance.
Il est aussi celui qui donne les « müjde » (bonnes nouvelles) dans les rêves, il permet d’amener l’être humain à se questionner, à prendre les bonnes décisions. Sa présence et ses actes réalisés dans l’espace et le temps appartiennent à un ordre de réalité supérieur qui dépasse le raisonnement humain.

Concernant le jeûne du Hizir (Hizir orucu), il n’a pas de date précise et officielle, les dates du jeûne varient selon les régions, mais il s’effectue sur le mois de février durant 3 jours à la suite, et plus couramment les 13-14-15 février, il s’accomplit dans le but de lui rendre hommage et d’obtenir son soutien, il est dit que le risque de ne pas effectuer le jeûne a pour conséquence de ne pas obtenir son aide lorsqu’on l’appelle, il n’entendrait et n’interviendrait que pour ceux qui effectuent son jeûne.

Il existe plusieurs prière, invocation, souhait et même malédiction avec le nom de Hizir :

– Zonê ma zonê Xiziro, zonê Haqo : Notre langue est la langue de Hizir, la langue du Hak.
– Hizir yardimciniz : Que Hizir soit votre secoureur
– Hizir seni elinden tutsun : Que Hizir te tienne la main (te guide)
– Hizir seninle barisik olsun : Que Hizir soit en paix avec toi
– Hizir atesini söndörsün : Que Hizir éteigne ta flemme
– Hizir devrini* bitirsin : Que Hizir arrête ton « devir »

*Devir (Devriye) : Transmigration de l’âme

UN SOHBET AVEC HACI BEKTAŞ :

Imaginons un instant qu’il nous ait rassemblé un soir autour du feu pour un sohbet. Voilà sans doute ce qu’il aurait pu dire de lui :
« Je m’appelle Bektaş et je viens de la lointaine Perse, d’une région qu’on appelle le Khorassan, où les hommes de sagesse sont nombreux.

Depuis longtemps, cette terre a été une mosaïque de peuples et de croyances et j’y ai beaucoup appris au contact des autres. C’est pourquoi, je vous le dis, aucun peuple ne doit être trop blâmé, ni considéré comme mécréant.

J’ai dû quitter ma région natale car la guerre s’y est installé par la faute des chefs guerriers venues d’Asie orientale. Je n’oublie jamais qu’un ennemi est aussi un être humain, ainsi je n’en veux pas au peuple mongol, lui aussi a le droit de trouver des pâturages pour ses troupeaux, la terre devrait pouvoir nourrir tout le monde car elle est un cadeau de Dieu pour tous les descendants d’Adam.

J’ai pris avec mon frère Menteş le chemin de l’Anatolie avec beaucoup de réfugiés. Sur la route de l’exode, nous nous sommes joints à des tribus de nomades turkmènes. Avec eux nous avons regardé le soleil et la lune, nous avons bu et dansé avec eux, avec leurs femmes, avec leurs enfants. Nous avons écouté les paroles de leur sage au son de la musique qui nous a expliqué que la seule religion est celle de l’amour de l’être humain, que c’est sur le visage de l’être humain qu’on peut voir la beauté de Dieu.

Quand nous sommes enfin arrivés en Anatolie, nous sommes restés auprès du sage car il avait tant de choses à nous apprendre. Mais il nous a conseillé d’aller par nous-mêmes à la recherche de la connaissance, car c’est dans l’humanité qu’on trouve la voix et non à la Mecque, à Jérusalem ou bien dans le pèlerinage.

Nous avons sillonné durant plusieurs années cette terre nouvelle pour nous Et y avons rencontré des peuples aux croyances très variées nous avons appris beaucoup à leur contact.
Puis un jour, le Sultan qui dirigeait le pays où nous avions trouvé refuge a décidé que nos amis turkmènes étaient trop nombreux et qu’ils devaient se plier à ses règles et à la religion qu’il enseignait dans ses écoles dans une langue qu’ils ne comprenaient pas. Le sage qui nous avait tant appris, a décidé d’appeler son peuple la révolte. D’autres sages turkmènes l’ont suivi et le peuple s’est levé en une grande armée de justice et le Sultan a levé une grande armée d’injustice pour l’écraser.

Nous sommes alors allés avec mon frère lui proposer notre aide, qu’il a accepté. Il a vu que nous avions beaucoup appris depuis que nous l’avions quitté alors il nous a appelé Hoca et nous a nommé commandants dans son conseil de guerre. Puis il nous a confié une grande tâche, celle de nous rendre dans d’autres tribus de turkmènes pour les appeler à rejoindre la révolte.

Quand le Sultan l’a assiégé, dans sa forteresse d’Amasya, et qu’un autre sage a voulu lui venir en secours, mon frère est parti prendre part à la bataille et il a été tué à Sivas. Et puis le sage, notre ami, a été tué.

Moi, j’ai lutté jusqu’au bout, sous les ordres de l’autre sage, jusqu’à cette maudite pleine de Malya, où le Sultan nous a vaincu, les rares survivants m’ont demandé alors de partir pour enseigner la voie, pour que tous ces morts ne soit pas tombés en vain.

J’ai pris la route de l’Ouest car on disait alors qu’il y avait là-bas d’autres sages qui connaissaient d’autres secrets de la connaissance (Hak/Dieu).

Un jour, j’ai rencontré une femme très sage et nous avons décidé d’échanger notre savoir. Son père était un chef de tribu turkmène et lui aussi été très sage. Il m’a proposé de rester avec eux et pour marquer son attachement envers moi, il m’a choisi comme frère de l’au-delà en passant une ceinture autour des reins.

Je vous le dis, cette femme est très sage, un peuple qui n’éduque pas ses femmes est condamné à disparaître. C’est mon amie, voyez elle est assise autour du feu à mes côtés et elle a beaucoup de choses à vous apprendre.

Voilà ce que Bektaş nous aurait sans doute raconté si nous avions pu partager ce moment avec lui.

Source : La Vérité est dans l’Homme – Erwan Kerivel

Zone de peuplement alévi en Turquie

LES KIZILBASH (« TÊTES ROUGES ») :

Ils étaient à majorité d’origine turkmène et ont été les disciples Cheykh Haydar (1460 – 1488), maître des soufis Chiites Safawiyyas (Séfévides). Bien que se disant Chiites, ils étaient panthéistes (ils honoraient les arbres) et égalitaires comme les Alevis et croyaient en la réincarnation.
Plus tard,vers 1500 – 1512, Ismail, le fils de Haydar, s’emparera de la Perse où il fondera la dynastie Séfévide, alors que les populations alevies de Turquie soutenant les Kizilbachs seront exterminés par les Ottomans.
Les Kizilbachs descendent probablement des Khurramites/ Khurramis (appélés aussi « Surkh-jâmgân » = « Habits rouges » ou « Muhammia = « Porteurs de rouge »). Ceux-ci étaient une secte dualiste de l’Azerbaidjan au 9ème siècle. Ils croyaient à la réincarnation et militaient pour une société égalitaire, pacifiste et sans entraves à la liberté sexuelle.
Ces derniers descendaient eux-même probablement des Mazdakistes, une secte dualiste (Mazdéenne ou Manichéenne ?) iranienne du 5-6ème siècle. Ces Mazdakistes croyaient que Dieu était assisté par sept vizirs (associés aux planètes) et 12 esprits (associés aux signes du zodiaque). Ils militaient pour l’égalité sociale, la propriété collective. Ils se reconnaissaient eux aussi à leurs vêtement rouges … ce qui montre, étrangement, que cette couleur était déjà associée aux idées proto-communistes à cette époque.

POURQUOI APPELLE-T-ON LES ALEVIS « KIZILBASH » ?

1 – « Qizilbas » n’est pas un terme auto-attribué par les Alevis, mais c’est un terme attribué par les Ottomans par amalgame à la communauté appelée « Ishik taifesi/Ishik insani » dans les archives ottomanes qui faisaient partis en fait des proto-Alevis.
2 – Les Alevis étaient appelés Qizilbash par amalgame car ils soutenaient le Chah d’Iran qui était pour eux une opposition à l’Empire ottoman, et il s’avère que l’armée du Chah d’Iran se nommait les QIZILBAS.
3 – Les Turcs comme les Kurdes alévis qui étaient liés à des odjaks en Anatolie étaient nommés Qizilbas, sans distinctions. Donc Qizilbas n’est pas propre seulement aux Kurdes.
4 – Ce terme est utilisé pour la première fois officiellement pour l’armée du Chah Ismail de l’empire safavide en Iran qui était à majorité turkmène.
5 – L’héritage de l’appellation « Qizilbas » arrive surement du Mazdakisme est du Khorramisme qui en a découlé. Les Mazdakites étaient connus pour porter des vêtements rouges, et les Khurramites qui sont leurs descendants portaient des couvre-chefs rouges (Kizil bas = Ser sor).
6 – Le fondateur du Khorramisme était surement un Kurde Abu Muslim (, les historiens sont partagés sur ce sujet).
7 – Les Khurramites étaient appelés officiellement « Muhammia » Porteur de rouge en arabe et « Surx jamgan » en Perse
8 – Comment dit-on rouge et vêtement en kurde ? Rouge (Sor), vêtement (Came). Et oui :
Surx Jamegan = Sor Came. Le préfixe et le même pour vêtement.
9 – Les Khurramites comme les Alévis croyaient en la réincarnation et militaient pour une société égalitaire, pacifiste. Ces derniers descendaient eux-mêmes des Mazdakistes, iranienne du 5-6ème siècle. Ces Mazdakistes croyaient que Dieu était assisté par sept vizirs comme les Yarsan gorans (Ehl-i Hak) et 12 esprits comme les Alevis avec les 12 Imams. Ils militaient pour l’égalité sociale, la propriété collective. Ils se reconnaissaient eux aussi à leurs vêtement rouges.

Voilà d’où vient l’origine de l’appellation « Qizilbas » et la raison pour laquelle elle est attribuée aux Alevis.

LES BEKTÂCHÎS :

L’ordre Bektâchî n’a pas été établi par Hunkar Hadji Bektash Veli (1209-1271). Ce maître était un ascète errant originaire du Horasan. C’est lui qui a apporté et et renforcé une légère couche d’Islam aux anciens Alévis. Mais il était loin de suivre le Coran à la lettre.

L’ordre Bektâchî a été organisé en confrérie près de 300 ans après la naissance de Hadji Bektash par un maître : Balim Sultan en 1501, qui avait des origines chrétiennes et dont la mère était bulgare, sous l’ordre de l’empire ottoman. A cette époque, il existait déjà un grand nombre de couvent bektâchîs qui servaient de refuge aux courants de pensée qui étaient persécutés par la religion officielle des Sultans, l’Islam sunnite. Cette confrérie a été ordonné de la part de l’empire ottoman car les Bektâchîs constituaient un danger aux Sultans ottomans puisque l’empire perse safavide appelaient à la révolte toutes les minorités et les courants de pensés non-sunnites contres les Sultans. Les organiser étaient donc une stratégie de dissuasion de la part de Ottomans qui craignaient la révolte.

Ces Derviches Bektâchîs étaient des sortes de moines célibataires vivant dans des monastères (Tekke). Ils faisaient vœu de pauvreté et avaient pour règle de « maîtriser leur langue, leur sexe et leur main » (comme les Zoroastriens et les Manichéens). D’ailleurs pour eux la fête zoroastrienne du nouvel an était considérée comme correspondant à l’anniversaire d’Ali.

Comme les Alévis ils vénèrent une trinité : Hakk (Dieu/Vérité), Mohammed et Ali (identifié à Jésus ?). Comme les Chrétiens ils pratiquent la confession (annuelle) et des repas rituels. Ils sont aussi panthéistes et croient à l’unicité de l’être (tout est en Dieu).
Dans l’Empire turc ottoman, les jeunes chrétiens étaient souvent enrôlés de force dans l’armée pour devenir des Janissaires (soldats esclaves). Ces jeunes chrétiens, forcés de se convertir à l’Islam, s’enrôlaient donc souvent dans l’ordre des Derviches Bektâchîs, ceux-ci étant plus tolérants et d’un Islam très peu profond (Balim Sultan, d’ailleurs, avait été le chef des Janissaires).

Ces Bektâchîs sont maintenant divisés en Celebis (Tchelebi) et en Babas.
Les Celebis sont les Bektâchîs principalement de Turquie. Leurs maîtres se succèdent de père en fils (ce sont des « enfants du sperme »).
Par contre les Babas sont les Bektâchîs surtout dans des Balkans. Leurs maîtres se succèdent que par voie spirituelle uniquement puisqu’ils sont célibataires. Le centre de leur ordre est à Tirana (20% des Albanais sont Bektâchîs).

DÊRSIM ET LE MASSACRE DE 1937-1398

Dersîm est une zone géographique comprenant plusieurs villes et villages, notamment l’actuel Tunceli, une partie de Bingöl, Erzincan, et Elazig.

Une photo prise par l’armée turque lors du massacre de DersimMASSACRE DE 1937-1398Dersîm est une zone géographique comprenant plusieurs villes et villages, notamment l’actuel Tunceli, une partie de Bingöl, Erzincan, et Elazig.

Située à l’est de la Turquie et au nord du Kurdistan, la région de Dersîm est riche de particularismes culturels, linguistiques et religieux. Le sens étymologique du mot Dersîm est constitué du vocable « Der » qui signifie la porte et du vocable « sim » qui signifie l’argent en kurde. Ces deux composants réunis veulent alors dire littéralement « La porte en argent », en allusion, sans doute aux sommets enneigés qui l’émaillent.

La région très montagneuse est habitée principalement par des Kurdes alévis qui se distinguent des autres Kurdes par leur croyance religieuse. Cet alévisme particulier, renferme des éléments syncrétistes (zoroastriens, animistes, bogomiliste, islamiques …). Une bonne partie des gens de cette région parlent un des grands dialectes de la langue kurde : le Kirmançki (Zazaki). Il existe également, surtout dans le sud de la région, une population importante parlant le dialecte kurmanji. En dehors des Kurdes, nous trouvons toujours un petit nombre d’Arméniens, survivants du génocide de 1915.

Dersîm a résisté pendant des siècles aux invasions étrangères et a toujours réussi à garder une sorte d’«autonomie». Cette situation a persisté pendant les deux premières décennies de la nouvelle République turque proclamée en 1923. Après avoir fondé la Turquie, Mustafa Kemal Atatürk avait donc une dernière chose à faire : « civiliser Dersim » selon lui. Nous comprenons mieux la nature de cette « mission de civilisation » à travers un de ses discours prononcé devant l’Assemblée nationale turque: « Dersim est une tumeur pour le gouvernement de la République. Quel que soit le prix, cette tumeur doit être enlevée grâce à une opération définitive » dit le « Le père des Turcs ». Tout se passe très vite : En 1935 avec une nouvelle loi, on interdit l’utilisation du nom de Dersîm et on rebaptise la région. Le nouveau nom ne manque pas d’ironie: Tunceli, c’est-à-dire la « main en bronze » en turc. Après s’être préparée, l’armée turque se met en marche, en 1937, vers Dersim. Le chef de la résistance, Seyit Riza est arrêté et ensuite exécuté le 18 novembre en 1937 à l’âge de 81, malgré la loi interdisant l’exécution d’une personne de son âge. L’opération dure au total deux ans et donne un résultat tragique pour la région : 80 000 morts, la fille adoptive d’Atatürk Sabiha Gökçen et les autres pilotes d’avion de combat ont bombardés des milliers de gens déportés vers l’ouest de l’Anatolie pour faciliter leur assimilation, des tortures, des viols commis par l’Armée. C’était l’unique fois où les montagnes de Dersîm qui sont considérées comme sacrées par les gens de la région ont abandonné leur peuple à leur sort. Ils ont ainsi goûté à la défaite.
Aujourd’hui il ne reste plus que près de 82 000 habitants dans cette région qui représente d’ailleurs la région la plus faible densité de population, alors qu’avant le massacre la région possédait plus de 350000 habitants.

► La première femme pilote de Turquie, d’origine arménienne, avait bombardé des Dersimis.

La presse turque revient ces derniers jours sur le cas de Sabiha Gökçen (née Khatoun Sibildjian) d’origine arménienne et fille adoptive d’Atatürk qui fut la première femme-pilote de Turquie. Les journaux turcs reprennent l’interview que Sabiha Gökçen avait accordée au journal Tan dans lequel elle décrivait sa participation aux bombardements des populations de Dersim. « Je n’oublierai jamais avec quelle détermination j’ai bombardé la région de Dersim. D’abord je lançais les bombes puis passais aux tirs en visant directement les cibles. Le bombardement depuis l’avion de chasse ne procure pas de peine sur l’état moral du pilote. Car ce dernier ne pense qu’à effectuer son devoir » affirmait Sabiha Gökçen au sujet des bombardements de la population de Dersim dont beaucoup était des Arméniens rescapés du génocide…Mais la première femme-pilote turque élevée par Atatürk ne connaissait probablement pas son origine arménienne. En 1938 plus de 100 000 Arméniens, Kurdes, Alévis et autres populations révoltées contre le régime d’Atatürk dans la région de Dersim avaient trouvé la mort lors d’affrontements avec les autorités turques. C’est Hrant Dink, le rédacteur en chef d’« Agos » (assassiné le 19 janvier 2007) qui révéla l’identité arménienne de Sabiha Gökçen, la première femme-pilote de chasse de Turquie, et fierté d’Atatürk.

Ibrahim Kaypakkaya est un révolutionnaire turc alevi qui est né en 1949 à Corum. Issu d’une famille paysanne, en 1960, il fera connaissance avec les idées révolutionnaires et progressistes.
Grâce à sa soif d’apprentissage et à son énergie il devient l’un des meilleurs élèves de son école et réussit avec succès l’entrée à l’IUFM de Capa et l’université de physique d’Istanbul en 1965.
A cette époque les idées révolutionnaires se répandaient chez les masses, en particulier chez la jeunesse.
Ibrahim Kaypakkaya faisait partie de ces personnes actives, et dès son entrée à l’école il devient membre de la FKF, la fédération des clubs d’idées et dirige cette organisation qui adoptent les principes du socialisme, et mène des activités antifascistes et anti-impérialistes.
Il s’éloigne peu à peu de l’école, et en 1969/70 ne mène pas la lutte que chez les étudiants, mais également chez les ouvriers et les paysans, faisant connaître le marxisme-léninisme partout où il y a grèves, occupations des terres par les paysans.
En 1972 il créé avec ses camaradesun parti, le TKP(ML) Türkiye Komünist Partisi Marksist-Leninist.
Ibrahim Kaypakkaya a ici joué un rôle historique, en reprenant l’héritage révolutionnaire du TKP et en assumant le marxisme-léninisme, pour ainsi contrer le révisionnisme et former l’unique organisation capable d’aboutir à la libération du prolétariat et de la paysannerie, et de la libération et du droit d’autodetermination du peuple kurde.
Le MIT (les services secrets turcs) a tout de suite considéré le TKP(ML) comme l’organisation possédant la théorie et la pratique les plus dangereuses pour l’ordre dominant.
Alors qu’ils menaient des actions dans la région de Dersim, Ibrahim Kaypakkaya et ses camarades furent traqués et obligés de se retrancher dans une baraque abandonnée pendant quelques jours.
Suite à une dénonciation ils furent attaqués par les gendarmes le 24 janvier 1973.
Le compagnon d’armes d’Ibrahim Kaypakkaya, Ali Haydar Yildiz, fut tué; lui aussi fut grièvement blessé et laissé pour mort par les gendarmes qui poursuivaient d’autres camarades. Ibrahim Kaypakkaya arriva à s’enfuir, se réfugia 5 jours et 5 nuits dans une grotte; la faim et le froid le poussèrent à demander de l’aide à des villageois le 29 janvier, mais l’un d’entre eux le dénonça. Il fut arrêté et amené au commissariat de Tunceli-Elazig, puis dans le centre de tortures de Diyarbakir.
On lui coupa une partie de ses membres gelés par le froid, et il résista pendant trois mois et demi aux tortures infligées sans rien révéler des structures du TKP(ML), selon le principe » on donne sa vie mais pas ses secrets « . Sous la torture, on lui coupa ses mains et ses pieds mais il ne révéla rien. Dans la nuit du 17 au 18 mai 1973 il fut assassiné.
Il est l’un des premiers à avoir revendiqué et prôné l’indépendance du Kurdistan. Il est aussi l’un des premiers communistes à s’être opposé au Kémalisme : « le Kémalizme a instauré un régime bourgeois au service de l’impérialisme ».

Deniz Gezmis

L’UN DES PREMIERS REVOLUTIONNAIRES DE L’EPOQUE MODERNE : DENIZ GEZMIS

Deniz Gezmiş est né le 27 février 1947 à Ankara, c’est un révolutionnaire Marxiste-Léniniste et l’un des fondateurs du groupuscule armé d’extrême gauche THKO (Armée de libération du peuple de Turquie).

Deniz fut arrêté pour la première fois le 31 août 1966, lors d’une manifestation à Taksim en faveur des ouvriers de Çorum.

Il entra à la faculté de droit l’université d’Istanbul le 7 novembre 1966. Par la suite, le 19 janvier 1967, il fut arrêté lors de la protestation de la Fédération nationale turque des étudiants (Türkiye Milli Talebe Federasyonu ) et jugé le lendemain avec ses deux amis, pour être relâché le jour-même. Pendant le meeting chypriote organisé par les organisations étudiantes, il brûla le drapeau des États-Unis d’Amérique avec Aşık İhsani, ce qui lui valut d’être arrêté et relâché par la suite. Avec Aşık İhsanı, qui étudiait dans la même faculté à Istanbul, il fonda le 30 janvier 1968 l’Organisation des révolutionnaires étudiants en droit (Devrimci Hukuklular Örgütü).
En octobre 1968, avec ses camarades, il créa l’Union des étudiants révolutionnaires (Devrimci Öğrenci Birliği). Le 1er novembre, l’organisation nationale des jeunes de Turquie (Türkiye Milli Gençlik Teşkilatı), AÜTB, ODTÜÖB et DÖB commencèrent la manifestation « Mustafa Kemal » entre Samsun et Ankara pour l’entière indépendance de la Turquie.

Deniz Gezmiş et ses camarades créèrent en 1971 l’Armée de libération du peuple de Turquie (Türkiye Halk Kurtuluş Ordusu).
Deniz Gezmiş participa au braquage d’une banque d’Ankara au nom de « THKO » le 20 janvier 1971. Le 4 mars 1971, il participa aussi à l’enlèvement de quatre Américains à Ankara. Les quatre Américains seront relâchés par la suite.

Quelques jours après le coup d’État du 12 mars, Deniz Gezmiş et son camarade Yusuf Aslan voulaient rejoindre Sivas mais en cours de route ils s’arrêtèrent pour réparer leur motocyclette mais une dénonciation les trahit et un affrontement éclata avec la police. Ce jour là, Yusuf Aslan fut arrêté tandis que Deniz Gezmiş eut le même sort le 16 mars, tous les deux à Sivas. Deniz Gezmiş fut ramené au ministre de l’Intérieur de l’époque.
Son procès eut lieu le 16 juillet 1971 à Ankara. Le président du tribunal était le général Ali Elverdi et le procureur de la république était Baki Tuğ. Le procès de Deniz ainsi que de ses deux autres camarades, Yusuf Aslan et Hüseyin İnan, prit fin le 9 octobre 1971, et ils furent condamnés A LA PEINE DE MORT par le tribunal dans l’affaire THKO.
Deniz Gezmiş, Yusuf Aslan et Hüseyin İnan furent pendus le 6 mai 1972, entre 01h00 et 03h00 au centre pénitencier d’Ankara. Les trois hommes ne voulurent pas d’Imam au moment de leurs exécutions.
Ses derniers souhaits avant de mourir :
« Vive la Turquie entièrement indépendante, Vive le Marxisme-Léninisme, Vive la fraternité des peuples turcs et kurdes, Vive les travailleurs et les paysans, À bas l’impérialisme… »
Il aurait poussé lui-même le tabouret qui le tenait pour se pendre lui-même, ce que fit aussi Hüseyin İnan.
Deniz aurait aussi souhaité que son avocat vît la scène de sa pendaison pour démentir toutes autres rumeurs. Il aurait souhaité que son avocat embrassât un par un tous ses camarades révolutionnaires.
Il aurait survécu 52 minutes pendant sa pendaison.

Massacre-Pogrom de Maras

Le massacre de Maras (19-26 décembre 1978)

Maraş (Marash)

Maraş est une ville anatolienne constituée d’une importante communauté kurde de croyance alévie-Qizilbash. Cette communauté est le reflet d’un « problème » pour l’Etat turc dans la m
esure où elle est en contradiction avec l’idéologie officielle de la République d’Atatürk : elle n’est ni turque, ni musulmane (dans la mesure où les piliers de cette croyance ne sont pas basés sur les piliers de l’Islam). Après avoir été l’objet d’une politique d’oppression sous l’Empire ottoman, les kurdes qizilbash ont également été témoins de massacres et de génocides après la création de la République turque, notamment à Dersîm (Tunceli) en 1938, où le génocide contre cette population conduit à l’extermination de près de 100 000 personnes. Les kurdes alevis de Dersîm sont alors déportés à Maraş avec la loi « Iskan ». Cette population est kurde, qizilbash et de tradition humaniste-socialiste, voilà ce qui fait d’elle une communauté particulière.

Contexte Politique

Durant les années 1950 à 1980 apparaissent dans l’actualité la mise en œuvre de la doctrine Truman, le plan Marshall et la création d’un organisme politico-militaire nommé Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui va former des ensembles d’armées secrètes sous les noms de « Gladio » et « d’Etat profond » en Turquie. L’intérêt de ces nouvelles lignes va renforcer la politique officielle de la République de Turquie depuis le plan « Şark Islahat » de 1924 qui vise à turquiser et islamiser toute population résidant en Turquie.
C’est aussi à cette époque que la notion « d’ennemi interne » connaît une forte influence. Le travail de Daniele Ganser sur les armées secrètes de l’OTAN est dans ce sens une bonne source, puisqu’il interprète et analyse les desseins noirs de manipulateurs patentés. Les armées secrètes de l’OTAN contre le communisme ont soufflé un vent de terreur en assassinant des milliers de personnes à travers le monde et notamment en Turquie.

En 1947, la « base d’aide militaire aux USA » est créée et se trouve dans le même bâtiment que « la base d’urgence tactique turque ». Ses activités débutent officiellement en 1952 et, en 1967, l’enseigne turque se transforme en « Bureau spécial de la guerre ». Mais son existence n’est dévoilée qu’en 1974 sous le gouvernement de Bülent Ecevit.
William COLBY, ancien chef de la Central Intelligence Agency (CIA) s’exprime : « Le but est de constituer des foyers de résistance contre une potentielle attaque de l’URSS ». A la question « est-ce que le président du MHP (parti ultra-nationaliste turc) n’est pas un agent dans le domaine civil du bureau spécial de la guerre? », un général répond : « oui c’est bien cela, mais c’est un homme de confiance, c’est un ami patriote ». Cette question-réponse dévoile les liens obscurs et sanglants qui relient les deux groupes, turc et américain.
Dans cette organisation secrète, une personne hautement placée sous le nom de Sabri Yirmibeşoglu révèle que : « c’est une organisation remarquable » et affirme sereinement : « pour augmenter la résistance du peuple, nous faisons des sabotages à certaines valeurs fondamentales en montrant que c’est l’ennemi qui l’a fait, par exemple brûler une mosquée ». Quand on se souvient du massacre de Maraş on comprend parfaitement ce qu’il veut dire et sur quoi cela débouche.

Durant les années 70, cette armée secrète prend le nom de contre-guérilla. Seule son appellation change, son but reste tel. Cemal Gürsel, qui a organisé le coup d’Etat militaire de 1960 est l’ancien chef d’associations anti-communistes. En parallèle, les résistances au Vietnam (où les USA tuent des milliers de civils à l’arme chimique) et en Palestine, la révolution à Cuba et le mouvement de jeunesse de 1968 ont aidé la Turquie à former des forces progressistes organisées. Dans le même temps, cette organisation secrète créée des camps de commandement militaire en y insérant des formations. Et les commandos qui suivent et valident ces « formations » sont des intervenants militaires quasi officiels qui ont pour mission de préparer des attaques et des massacres.

Dans la région de Maras-Malatya, un plan de « nettoyage ethnique » est mis en place. Les régions d’Elazig, Bingöl, Sivas et Corum montrent aussi « différentes couleurs », tant ethniques que religieuses. De ce fait, des provocations et des complots entre musulmans et alévis ont aisément pu être mis en place.

La préparation de massacres


En 1967, le plan qui est mis en place à Elbistan vise directement les kurdes alévis. Les mêmes attaques surviennent en 1968 à Hekimhan où il y a une majorité d’alévis et en 1971 à Kirikhan où vivent kurdes alevis et arabes musulmans. Le mouvement révolutionnaire se renforce après le coup d’Etat militaire de 1960. Toutes les voix pour y mettre fin sont alors utilisées. En 1975 à Malatya-Akçadag et en 1976 à Pazarcik, les attaques sont davantage planifiées. Ces attaques peuvent se résumer à ce slogan : « Attaque, tue, blesse et accuse ». Par ailleurs, les populations victimes d’attaques sont nommées responsables et sont donc jugées.

Le 1er mai 1977, l’armée secrète et ses extensions civiles organisent un massacre sanglant. Ce massacre reste encore aujourd’hui dans une ombre floue. L’année suivante allait être l’année des massacres. Le but ? Ecraser le mouvement révolutionnaire, entreprendre un « nettoyage ethnique », empêcher l’union des mouvements progressistes, kurdes et alévis. C’est en 1978 que le mouvement national kurde naît et prend de l’ampleur. Le PKK, parti des travailleurs du Kurdistan, est très influent à Maras notamment dans la ville de Pazarcik où tombe en martyr la première femme militante du PKK, Besey Anoush. Des mythes tels « alevis et musulmans shafis sont des ennemis » ou « quand un musulman shafi tue un alévi il va au paradis » sont diffusés au sein de la population en parallèle des attaques médiatiques, des propagandes et des massacres organisés par le gouvernement turc et la Gladio pour diviser et anéantir le PKK et les forces progressistes.

L’année 1978 recense ces différentes attaques armées et à la bombe, qui tuent et blessent d’innombrables personnes : le 16 mars – Université d’Istanbul, le 12 avril – Ankara Yükseliş, le 16 mai – Ankara Etlik, le 18 avril – Malatya, les 13 et 14 mai – Elazig. De plus, c’est cette même année que les attaques contre les académiciens augmentent. Le 4 septembre à Sivas, les hauts parleurs de la mairie annoncent que « les alévis et les communistes ont attaqué les musulmans sortant de la prière ». Un énième massacre commence alors avec des assassinats, de nombreux blessés, des entreprises et des maisons brûlées. Ces attaques ont été entrevues par l’armée secrète et ont été réalisées avec l’aval du gouvernement de l’époque, le CHP (parti républicain du peuple) créé par Mustafa Kemal Atatürk.

Le massacre de Maras

Le massacre de Maras survient donc dans cette conjoncture politique mondiale. Chaque jour les pierres du massacre sont posées par la Gladio. Deux semaines avant le massacre, certains hommes d’affaires, des dirigeants de parti politiques, ainsi que le maire CHP de la ville organisent une réunion. La décision qui en ressort est de « donner une leçon aux révolutionnaires, kurdes et alévis » en fermant leurs associations (TÖB-DER et POL-DER). De plus, il est affirmé qu’un représentant de l’ambassadeur des Etats-Unis serait venu quelques jours avant le massacre de Maraş pour s’entretenir avec certainens personnes et organisations. Ce même homme aurait fait un entretien similaire peu avant le massacre de Corum en 1980.

La mairie de Maraş, qui allègue un recensement de la population, un travail de numérotation et des travaux PTT, peint une croix rouge sur les maisons et les entreprises des kurdes qizilbash afin de les identifier plus facilement. Quelques jours plus tard, des centaines de personnes se présentant comme vendeurs ambulants de ticket de loterie sont amenés dans la ville par la mairie CHP. Dès lors où toutes les actions étaient prêtes et mobilisées, le massacre appelé « le dernier jour des alévis » pouvait commencer : entre les 19 et 25 décembre 1978, des centaines de personnes sont décimées.

Le 16 décembre 1978, l’Association de la jeunesse idéaliste (ultra-nationaliste) change le programme du cinéma Çiçek en remplaçant le film d’amour « Zeynel et Veysel » par le film « Gunes ne zaman dogacak ?» (littéralement, quand est-ce que le jour va se lever ?) interprété par l’acteur Cüneyt Arkın calomniant le communisme. La commune avait informé tous les habitants des horaires de la séance. Trois jours plus tard une provocation des extrémistes turcs déclenche les évènements.

Le 19 décembre 1978, une dynamite explose lors de la séance. Sept personnes sont blessées, dont une grièvement. Les ultra-nationalistes turcs accusent alors les kurdes qizilbash d’être les auteurs et, armés d’explosifs, attaquent le 20 décembre, dans les environs de vingt heures, le café Akın fréquenté par les socialistes. Deux personnes sont gravement blessées. Le 21 décembre 1978, les attaques ne cessent toujours pas. Cette fois, deux enseignants de gauche, Hacı ÇOLAK et Mustafa YÜZBAŞIOĞLU sont assassinés.

Le vendredi 22 décembre 1978, les kurdes alévis socialistes se regroupent devant l’hôpital de Maraş pour récupérer les cercueils. Mais aucun des employés de l’hôpital ne soumet la remise des corps jusqu’à l’heure où les ultra-nationalistes islamistes ne finissent leurs prières et quittent la mosquée. Ceux-ci s’approchaient de plus en plus. Les assassins se préparent et lancent très vite la rumeur qu’une mosquée a été bombardée et que « les alévis communistes ont brûlé le Coran », ceci pour « motiver » la foule.

Alors que les kurdes en deuil viennent de récupérer les cercueils, ils sont arrêtés devant la mosquée Ulucami par les forces de sécurité turques, qui prennent rapidement contact avec les islamistes avant de commencer les attaques. Les kurdes qizilbash socialistes résistent et repoussent les assaillants. On compte de nombreux blessés dans les deux camps. Après la dispersion des groupes fascistes, la nuit suivante était étrangement calme…

Le 23 décembre 1978, des messages de vengeances sont échangés par les minarets des mosquées. On insiste pour tuer les qizilbash qualifiés «d’impies ». Après quoi, Maraş est tombé dans le filet des barbares. Avoisinant les 15 000 personnes et sortant de quatre rues différentes du quartier Yörükselim, les assassins attaquent sauvagement tous ceux qu’ils rencontrent. Et à cet instant même, on pouvait entendre des hauts parleurs de la mairie, des messages de haine, racistes et provocants. Les maisons kurdes croisées au préalable à la peinture rouge sont attaquées sous le slogan « Tuons les Alévis et nettoyons le pays », les groupes fascistes tuent, assassinent, brûlent tout sur leur passage avec une barbarie inouïe.

Les habitants des quartiers Qizilbash ont alors été attaqués durant trois jours longs et intenses, par des hommes criant « Allahou Akbar », ou « à la guerre pour Allah »! Des femmes enceintes ont été éventrées, des vieillards lynchés, des enfants brûlés, des jeunes têtes coupées à la machette, des filles violées et jetées des bâtiments, des enfants pendus aux arbres… Le commandant Kenan Evren qui organisa le coup d’Etat militaire de 1980 raconte : « ils ont pris un bébé, tenus ses deux jambes et l’ont arraché ». Trois jours durant, les fascistes continuent leurs barbaries sans que le gouvernement du CHP ne fasse quelque chose pour s’y opposer. La police, en nombre insuffisant, est alors dans une position de quasi passivité, feignant vouloir empêcher les fascistes à quelques endroits. Pire encore, elle arrête les personnes qui tentent de se défendre. Les militaires, quant à eux, sont envoyés une fois que les massacres ont été perpétrés.

Au total, les évènements de Maras ont duré 6 jours.
Selon les données étatiques, du 19 au 26 décembre 1978 plus de 131 personnes sont assassinées, 210 maisons et 70 entreprises sont brûlées. Cependant, les chiffres des associations civiles notent plus de 500 personnes tuées, plus de 1000 personnes blessées, 552 maisons et 289 entreprises brûlées.

Les principales « raisons » qui ont poussé au massacre sont d’ordre national et international. Le massacre ne peut être abordé que du seul point de vue ethnique, religieux, ou économique. En effet, il est important de mobiliser ici le concept d’intersectionnalité : étant en contradiction avec l’idéologie officielle de l’Etat-nation turc qui avait pour idéal d’avoir des turcs et des musulmans au sein de ses frontières, les kurdes alévis qui commençaient à avoir de la sympathie pour un mouvement national kurde étaient alors à éliminer. De plus, dans un contexte de guerre froide, les idées révolutionnaires se propageaient peu à peu au sein des membres de cette population. L’argument religieux (les « impies profanent le Coran, tuez-les et allez au paradis ») et économique (« tuez-les et prenez leurs biens et richesse ») ont été autant d’arguments de « motivation » lancés par les gouvernants aux masses.

Le massacre a donc eu lieu pour trois raisons. Les habitants de Maras étaient : Kurdes, Kizilbas (alévi), Komunist. C’est la règle des 3K.Cependant le dernier argument ‘komunist’ est à relativiser, seule une partie éduquée, politisée et jeune de cette population était communiste.

Après le massacre

Il est certain que des personnes ont tiré avec des fusils mitraillettes. Aujourd’hui, étrangement, nul n’a pu mettre la main sur ces armes. Par des jeux et des calculs politiques, les assassins ont été défendus et protégés. Beaucoup aujourd’hui travaillent dans la haute fonction publique turque. Muhsin Yazicioglu, un des principaux organisateurs du massacre, créa même un parti politique « Büyük Birlik Partisi » (le parti de la grande Union) à tendance extrémiste et fasciste. Mais il ne sera pas jugé pour autant. Les preuves et les témoignages n’ont pas été suffisamment développés et pris en compte. La neutralité et la passivité des dirigeants militaires montrent l’évènement dans toute son ampleur. On souligne également que les médias et les hommes politiques dans l’ensemble, ont tout fait pour présenter les évènements comme un conflit alevi-musulman. Ce massacre effrayant assouvira d’autres intérêts, notamment dans la préparation du coup d’Etat militaire de 1980 : instauration du couvre-feu ou encore légitimation de la violence à l’égard du peuple. Du côté des victimes, les personnes qui se sont défendues ne se sont pas vues remettre le droit à la légitime défense et ont été jugées en nombre supérieur aux assassins.

L’absence de sécurité de l’Etat a amené les victimes à fuir la ville. De là, Maras a perdu ses origines. 80% de la population kurde qizilbash a quitté Maras pour d’autres villes de la Turquie comme Mersin, Izmir, Istanbul… Nombreux sont aussi ceux qui ont préféré l’Europe et particulièrement l’Allemagne, la France et la Suisse.
Ainsi l’Etat turc a atteint un de ses objectifs, celui du « nettoyage ethnique ». D’un point de vue économique, les rescapés de Maras réfugiés en Europe continuent d’investirent et dépenser dans la région de Maras où souvent les membres âgés de la famille ont souhaité y rester. L’Etat turc fait d’une pierre deux coups : la population de Maras a été « nettoyé » laissant la région à une majorité de turcs-musulmans et l’économie tourne grâce aux victimes du massacre.

Le 22 décembre 2011, une commémoration devait être entreprise par les associations Alévies à Maras, mais elle a été interdite par le préfet de la ville (AKP, parti de la justice et du développement).

Kendal Manis et Zozan O. pour Azadnews.

L’approche des dirigeants communistes de confessions alévis à propos du Kémalizme :

► « Le kémalisme est du fascisme »
– İBRAHIM KAYPAKKAYA
► « Le kémalisme est un mouvement de la bourgeoisie nationaliste »
– MAHİR ÇAYAN
► « Le kémalisme peut être contre la structure féodale une étape progressive, mais c’est un système fondé sur des valeurs nationalistes »
– DENİZ GEZMIS

RAMADAN : LES ALEVIS FACE A L’ASSIMILATION

En tant qu’Alevis, nous souhaitons du courage aux musulmans qui vont jeuner durant ce mois qui est considéré pour eux comme étant sacré. Ce temps d’été rendra leur jeûne plus difficile à réaliser.Souhaitons-leurs un bon jeûne, en toute fraternité.

Cependant, nous avons un message important à communiquer aux personnes de notre communauté. Effectivement, le jeûne du Ramadan n’a aucun rapport avec l’Alevisme, ni dans la pratique, ni dans la croyance, tout comme les autres piliers de l’Islam.
Alors, nous nous adressons, aux très rares personnes qui se disent « Alevis » qui pratiquent pourtant ce jeûne qui ne possède ni de près ni de loin aucun lien avec cette croyance.

– Savez-vous ce que les Alevis ont subi jusqu’aujourd’hui pour conserver leur fond de croyance sans s’assimiler à ce genre de pratiques qui étaient imposées de force ?
– Savez- vous que depuis des siècles déjà, les Alevis s’opposent à la pratique du jeûne du Ramadan dans leur communauté, et que même les Nefes et Deyis (textes) des Ozan en font part ?
– Savez-vous que les pouvoirs politiques religieux ont toujours tout fait pour vider l’Alevisme et pour y assimiler ces pratiques ?
– Savez-vous combien de fois les Alevis ont du faire semblant de pratiquer ce jeûne pour ne pas être discriminé et persécuté ?
– Savez-vous que les Alevis d’aujourd’hui sont les enfants de ceux qui ont réussi à préserver des siècles d’héritage sans se livrer à la conversion ?
– Savez-vous que des Alevis se sont fait agresser et même tuer pour ne pas jeûner encore aujourd’hui ? (des faits très récents se sont encore produits)

Alors, que les choses soient claires, dans l’Alevisme, ce jeûne n’a pas sa place. Cependant de rares Alevis, lors du mois du Ramadan observent cette pratique.
Voici une liste qui nous permet de comprendre ce phénomène d’(auto-)assimilation :

– Les Alevis vivent souvent en minorité au sein de la majorité musulmane sunnite
– L’Etat ne reconnait que l’Islam et ses pratiques officiellement et non pas l’Alevisme.
– Complexe d’infériorité, suite aux politiques étatiques visant à dénigrer l’Alevisme
– Discriminations religieuses : Cause de rejet de l’entourage (école, amis, monde professionnel …)
– Sentiment/Volonté d’appartenance à un groupe
– Des causes comme la peur et la méconnaissance …

Nous dirons que chacun doit respecter les croyances et rites malgré les différences qui existent, mais pour les rares Alevis qui pratiquent ce jeûne, permettez-nous de vous dire que vous videz l’Alevisme en lui-même, et le substituez par une politique d’assimilation religieuse étatique contre lesquelles toutes les générations avant vous ont lutté. Car n’oubliez pas que si vous êtes Alevis, c’est que les générations avant vous ne se sont pas laissées assimiler.

Pour finir voici quelques Nefes de nos Ozan, ainsi qu’un fikra Alevi-Bektachi pour nous rendre compte que ce jeûne n’a pas sa place au sein de l’Alevisme :

► İlme Hizmet Edip, Uykudan Kalktım
Sarık Seccadeyi Elden Bıraktım
Vaizin Her Gün Ki Vaazından Bıktım
Ramazanı Sele Verdim De Geldim
– Asik Ibreti

► Bektaşiye-Aleviye sormuşlar : « Niye oruç tutmuyorsun » diye… « İyi bir şey olsaydı tutanlar bitti diye bayram yapmazlardı » demiş

► Biz bir oruç tutarız ki,
Ramazana benzemez…”
– Seyyid Nesimi

► “Savm (oruç), Salat, Hac, Zekat
Hicaptır aşıklara !
Aşık, bundan münezzeh,
Naz u niyaz içinde…
[Namaz, oruç, gusül, hac utanç vericidir AŞIKLAR için…
Aşık AN (zaman) içerisinde SAF tutku ile bağımsızdır…] – Yunus Emre

Nous avons toujours été clairs sur le fait que chacun doit pouvoir choisir la voie qu’il veut en toute liberté, mais nous nous opposons aux personnes qui assimilent l’Alevisme, et qui le vide pour en laisser derrière qu’un folklore.

MALEDICTION DE YAVUZ SULTAN SELIM :

Seigneur, ne donnes pas de possibilités aux Kurdes
Qu’ils ne soient pas Sultan,
Qu’ils soient sous tes pieds,
Que même leurs ventres ne soient pas pleins
Qu’ils ne réussissent jamais
Que cette fontaine d’eau soit bue par les infidèles,
Que les Roms en boivent,
Mais que ce ne soit pas accordé aux Kurdes,
Que les Kurdes implorent 1000 fois.
Ne les crois pas, ne te fais pas tromper.
N’ouvres pas ta porte aux Kurdes

(Yavuz Sultan Selim a tué entre 40000 et 50000 alévis)

EXTRAORDINAIRE DÉCOUVERTE : VILLE SOUTERRAINE

En 1963, un habitant de Derinkuyu à Nevşehir, démolit un mur de sa maison-grotte, il y découvre derrière, une chambre dont il ignorait l’existence, puis encore une autre, et encore une autre,etc… C’est une véritable ville souterraine qui vient d’être découverte. Les archéologues ont commencé à étudier cette fascinante construction, et ont été en mesure de traverser 40 mètres de profondeur, même si l’on pense que la ville descend à 85 mètres de profondeur pour une population de plus de 50000 personnes. Seulement huit niveaux sont accessibles et peuvent être visités, les autres sont partiellement obstruées ou réservées à des archéologues et des anthropologues qui étudient l’histoire de Derinkuyu.
La ville a été utilisée comme refuge, notamment par les tous premiers chrétiens, mais également par des milliers de personnes qui vivaient dans ce sous-sol pour se protéger des invasions fréquentes à partir du VIIe siècle, face aux raids des dynasties musulmanes Omeyyades et des Abbassides. Certains historiens y voient les vestiges des peuples hittites et zoroastriens.

Note : Le tombeau de Haci Bektas Veli se trouve dans la province de Nevşehir

MINI-GLOSSAIRE DES MOTS UTILISÉS DANS L’ALEVISME :

Hakk : Dieu/la Vérité (La réalité divine)
Niyaz : « Acte de révérence » à un supérieur
(Pîr/Baba/Dede/Mürsid), prosternation, baisement de main ou de genou
Don (Vêtement) : Les différentes incarnations subies par une âme durant son parcours terrestre
Devir : Cycle/Rotation. Cycle d’existence de l’âme depuis sa descente sur terre jusqu’à son retour vers la Réalité divine.
Dem : Souffle/Instant/Temps
Dem (Chez les Bektachis) : Raki.
Demlemek, Dem görmek ou çekmek : Boire du Raki
Enel Hak : « Je suis la vérité/Dieu ». Paroles prononcée par Hallac-i Mansur et qui le firent condamner à mort pour hérésie
Batin kilici (Zülfikâr) : L’épée ésotérique de Hz.Ali, symbolisée par une épée en bois qui sert à faire la guerre aux passions, par opposition à celle qui sert à combattre les Mécréants.
Devriye/Dûnbedûn : Réincarnation
Insan-i Kâmil : Celui qui a atteint la réalité divine et qui ne fait qu’un avec Dieu
Destur : Permission

Ashure

« Aşure » est le nom d’une soupe dessert préparée le 10ème jour du jeûne de Muharrem chez les Alevis, mais aussi chez les Chiites. Selon différentes sources, le 10 du mois du Muharrem est le témoin de nombreux évènements :
– Le Pardon d’Adam
– Le bateau de Noé qui a été sauvé et qui échoua sur la montagne Cudi (Djoudi)
– Moïse et son peuple, poursuivis par l’armée du Pharaon, auraient été sauvés le jour de l’Aşure.
Abraham aurait été sauvé du feu le jour de l’Aşure.
– Jonas aurait été sauvé du ventre du poisson le jour de l’Aşure.
– Jakob aurait retrouvé son fils Joseph le jour de l’Aşure.
– Enoch aurait été monté au ciel le jour de l’Aşure.
– Job aurait trouvé remède à ses peines le jour de l’Aşure.
– Jésus aurait été monté au ciel le jour de l’Aşure.

l’Aşure est composé d’au moins 12 ingrédients qui sont généralement :
– le blé concassé, les pois chiches, les haricots secs, le riz, l’eau, les abricots secs, les figues sèches, les raisins secs, le sucre, les noix entières, les noisettes, les pistaches (…)

Chez les Alevis, l’Aşure est préparé le 12ème et dernier jour de la période de jeûne du mois du Muharrem. L’objectif de cette journée est de bénir les 12 descendants de Hz Ali.
Selon la tradition alevie, la soupe dessert est préparée en mémoire de tous les martyrs descendant de Hz. Ali qui symbolisent la lutte contre l’injustice, elle est partagée entre voisinage.

ANECDOTE ENTRE UN PÎR (DEDE) ET UN IMAM :

Lors d’une conversation entre un Pîr (Dede) alevi et un Imam, l’Imam pose une question au Pîr :
– « Les Chrétiens ont les Eglises, les Juifs ont leurs Synagogues, et nous, nous avons nos Mosquées. Et vous, qu’est-ce que vous avez ? »
Le Pîr répond alors :
« Eh bien en dehors de tous les lieux que tu viens de citer, tous nous appartient ! »

PARRAINAGE / KIRVELIK

Kirvelik (le fait d’être parrain): Le «Kirve» (le parrain) est un moyen d’assistance très important. Le parrain représente littéralement un second père. Le parrain, qui tient son filleul dans ses bras lors de la circoncision, devra veiller sur celui-ci comme sur ses propres enfants si son père vient à mourir. Si la famille du filleul rencontre des difficultés, le parrain se doit d’aider ce dernier et de le protéger.

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Source: http://www.azadnewsagency.com/nuce/les-alevis-de-france-ecrits-sur-lalevisme/

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23 PLUSIEURS COMMENTAIRES
  1. Taylan taylan

    27/07/2013 à 00:01

    Du vrai mais énormément de mensonges. Ex ataturk a été éduqué dans un enseignement bektasi dans les Balkans etc…… Il y a beaucoup de dérision et très peu de realite

    Répondre

  2. Taylan taylan

    27/07/2013 à 00:23

    Vous voulez tout mettre sur le fondateur de la Turquie alors que s’il n avait pas pu sauver la Turquie d aujourd hui nous aurions été sous domination grecque anglais français italien etc. Mais un nouveau pays appelé Kurdistan dont je ne puis admettre aurait exister. Je suis un alevi pure souche turque ,bien sur la bataille pour créer la république turque ne s est pas fait sans les kurdes .D autres part la population de Dersim est pour la plupart de pure souche turque qui se sont fait assimile au cour du temps par les kurdes sunnites. Vu dans ces circonstances a part une propagande kurdes sunnites de diviser ce pays avec le pkk qui est une organisations terroristes reconnu par beaucoup d état . Vu le nom Rojbas d origine kurdes sûrement arrêter de tirer profit des alevis . J espère que ce message sera publier

    Répondre

  3. Heval

    01/08/2013 à 11:07

    En tant que créateurs et administr

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