anarchiste individualiste
16 Décembre 2015
La noblesse d’entreprise a été gravement blessée dans son orgueil et sa légitimité lorsque deux de ses membres ont vu leurs chemises immaculées mais fragiles être déchirées au contact rugueux de manants préposés au bon fonctionnement des machines volantes de la compagnie Air France. Aussitôt les plus hauts dignitaires de la noblesse d’État, sire Hollande et son premier vassal, Manuel Valls, s’en sont trouvés profondément troublés, colériques et au bord de la défaillance. Devant ce crime de lèse-bourgeoisie, l’angoisse a commencé à troubler leurs circuits neuronaux. Est-ce le signe avant-coureur d’une rébellion populaire de grand style ? Il est impossible de savoir si l’épisode des chemises déchirées est un signe présageant un vaste mouvement, ou simplement une manifestation de plus, où la colère de salariés menacés par des licenciements, s’est exprimée sans conséquence dommageable pour la classe des profiteurs. L’épisode est malgré tout qualitativement différent des actions qui ont amené ici ou là des grévistes à brûler des pneus, à jeter des dossiers par la fenêtre, à menacer de faire exploser leur usine ou à retenir des cadres dans leur bureau quelques heures de plus que prévues dans leur agenda. Mais cette fois, une tonalité nouvelle s’est faite entendre : les deux mercenaires en fuite de la direction d’Air France ont été ridiculisés ; et le monde entier le sait grâce aux technologies de l’information qui n’ont pas que du mauvais de temps à autre. Que l’adversaire soit ridiculisé, en l’occurrence sans même que cela ait été voulu, est une donnée de la lutte non négligeable. Cela préfigure ou accompagne parfois d’autres mouvements qui peuvent le prendre comme une référence, une voie intéressante à creuser. Ébranler un pouvoir, c’est aussi s’en moquer ou montrer qu’il ne nous impressionne plus. C’est exhiber d’une manière ou d’une autre sa nullité. Combattre sérieusement le pouvoir, c’est déjà le faire sortir de notre propre tête, en ne le respectant plus, en lui refusant le plaisir de nous plaindre de lui ou d’en attendre quelque chose. C’est ce processus qui est à l’œuvre de façon souterraine et peut-être massive. En effet, d’autres incidents ont éclaboussé la morgue de nos aristocrates d’aujourd’hui. On sait que l’âme incarnée du grand patronat, Emmanuel Macron, respire à pleins poumons l’ivresse des sommets de l’État depuis que ce jeune banquier est devenu ministre. Avec un entrain hystérique, il a entrepris de casser toutes les protections des salariés et des chômeurs. C’est la feuille de route que lui a confiée le sieur « Moi, Président ». Or dernièrement, inopinément, Macron s’est fait rudement interpeller à Lyon, au cours d’un de ces shows qu’il affectionne, par une femme qui l’a traité « d’assassin des chômeurs ». Il y a des vérités insupportables à entendre par un gouvernant au service des licencieurs : cette militante a été aussitôt évacuée manu militari par des vigiles. Ajoutons que le Président Hollande lui-même, en immersion démagogique en milieu prolétarien, s’est retrouvé devant un syndicaliste de STX qui a refusé de lui serrer la main et a mis en cause sa responsabilité dans les licenciements annoncés à Air France. Sur ces entrefaites, les habitants de la Courneuve ont réservé à Hollande un accueil extrêmement houleux. Il ne s’agit là que de quatre manifestations de colère relayées par exception par les médias. Quand les gueux ne respectent plus la minorité privilégiée que certains appellent sans rire « l’élite », bien des chambardements sont possibles et imprévisibles dans leurs formes. La situation sociale en France n’est pas facile à cerner. Parmi d’autres, deux données fondamentales doivent être prises en compte, d’autant plus qu’elles sont largement occultées ou minimisées. Qui plus est, dans la plupart des analyses, ces deux données ne sont pas articulées entre elles, ce qui rend opaque la perception de la réalité. La première donnée concerne le nombre des grèves et mobilisations diverses des salariés, des usagers des services publics et des simples citoyens révoltés par une injustice donnée et s’impliquant dans des actions de protestation et de solidarité. Depuis février dernier, ce nombre est en hausse, et depuis septembre il y a beaucoup plus de détermination dans le profil des actions collectives. Les revendications sont multiples, pour des hausses de salaires, contre les licenciements et les suppressions de postes et de crédits, contre les conditions de travail dégradées, contre le harcèlement et le mépris de l’encadrement, contre les classes scolaires surchargées ou supprimées, pour défendre le maintien d’un bureau de Poste, d’un hôpital de proximité, d’une maternité, d’un service des urgences, contre la suppression de trains, contre la dégradation d’une ligne de chemin de fer, pour le soutien à des migrants ou à des sans-abri, etc. Ces mobilisations ne sont pas comptabilisées, ni par un service de l’État, ni par les syndicats. Le tableau d’ensemble qu’elles constituent est invisible. Les grèves et mobilisations sont de plus en plus nombreuses, vigoureuses bien souvent, mais émiettées, atomisées. Seuls les radars des médias régionaux les captent en partie et furtivement, en passant rapidement aux « faits divers ». Elles sont provoquées par diverses raisons qui ont toutes un même lien de causalité : la maximalisation des profits des grandes sociétés, avec l’aide active et indispensable de l’État qui taille dans les budgets utiles et subventionne à gogo les grands patrons. La deuxième donnée, qui à la fois accompagne et contrarie le levain de la colère sociale, est la progression du chômage, de la précarité et de la pauvreté. Avoir un travail est une question de survie pour soi et pour sa famille. Si l’on n’en a pas sur une longue période, on est rongé par la honte et l’inquiétude du lendemain. On peut dévisser rapidement, sombrer dans une rage individuelle impuissante, l’apathie, la dépression ou le suicide. Pour échapper à cela, certains partent chercher du travail dans un autre pays. D’autres « rebondissent » dans des activités liées par exemple au trafic de drogues ou à la prostitution. Les ingrédients de cette deuxième donnée sociale constituent une soupape de sûreté pour l’ordre capitaliste. Il n’y a pas de forces sociales menaçantes à trop craindre dans les secteurs de la société où personne ne réussit à avoir un emploi stable et décent. Les actions collectives des chômeurs sont d’ailleurs rares. L’effet boomerang sur les salariés et les travailleurs indépendants est double. D’une part, le chômage et la pauvreté de masse ont un effet paralysant. Ils planent au-dessus de leurs têtes comme une menace. Ils dissuadent de s’engager dans des luttes qui risquent de ne pas payer ou même d’aggraver ses conditions de vie. La menace du licenciement et la peur de perdre son logement contribuent à maintenir une discipline de fer. Tout cela attise parfois les tensions ou la concurrence entre les gens en difficulté, ce que certains qualifient superficiellement de « montée de l’individualisme ». D’autre part, le chômage, la précarité, la pauvreté (et le mépris social qui va avec), nourrissent un sentiment d’injustice et de révolte qui s’était déjà fortement exprimé dans les émeutes des jeunes des banlieues populaires laissés à l’abandon en 2005. Mais aujourd’hui, si les acteurs de ces coups de colère comme ceux qui ont participé aux grandes manifestations contre la contre-réforme des retraites de Fillon en 2010 n’ont pas de raisons de regretter ce qu’ils ont tenté, il est clair que les modes d’action déjà employés ne peuvent pas être efficaces en les reproduisant tels quels. Une maturation doit s’opérer. De nouvelles formes d’action et d’organisation doivent être essayées et éprouvées. Au travers de la multitude des luttes locales qui impliquent aussi bien des agents de nettoyage, des postiers, des soignants, des éboueurs, des chauffeurs de bus ou des citoyens défendant la préservation des milieux naturels, un état d’esprit contestataire et solidaire sur différentes questions se dessine dans ce sens. Tous les politiciens gouvernementaux sont perçus comme disqualifiés. En condamnant vigoureusement les grévistes d’Air France, le Front National a jeté son masque « social » de pacotille et révélé qu’il était du côté des milliardaires dont le clan de la famille Le Pen fait déjà partie, l’essentiel de sa fortune se trouvant peut-être bien planqué prudemment en Suisse, question de « préférence nationale ». Pour l’instant, le FN fourmille de gens bas du front (national) ; il dispose de peu de cadres compétents. Mais le risque demeure qu’il effectue un jour une mutation ouvertement fasciste et devienne un parti violent à outrance de type « Aube Dorée », avec 30 % des voix ou plus. Quant aux dirigeants syndicaux, leur servilité discrète ou ostentatoire n’est plus à démontrer. Il n’y a rien pas grand chose de bon à en attendre, comme le savent déjà les salariés engagés aujourd’hui dans des luttes, sans eux, de façon autonome. La situation est donc ouverte, riche de possibilités et lourde d’éléments inquiétants. Toutes les attaques, les souffrances et aberrations que nous subissons à tous les niveaux devront être traitées, contrées et supprimées par nous-mêmes, par nos propres moyens. Au travers de toutes les résistances, de nouvelles relations humaines sont en train de se créer pour y parvenir. ___________________________________________________ Visages de la crise La guerre ? C’est ça !... Fatima Notre petite sœur En Grèce et in situ ___________________________________________________ VISAGES DE LA CRISE Marie-Line Darcy, Gaëlle Lucas, Mathilde Auvillain et Angélique Kourounis sont quatre journalistes correspondantes au Portugal, en Espagne, en Italie et en Grèce pour des médias comme Radio France, RFI, les Échos ou La Tribune de Genève. Elles ont eu l’idée de s’associer pour donner à voir quelques visages d’hommes et femmes frappés par la crise dans le sud de l’Europe. Pour ce faire, elles ont choisi chacune de tracer le portrait de deux personnes dans le pays où elles observent quotidiennement les dégâts provoqués par la crise. À ce petit livre intitulé « Visages de la crise » (éd Buschet.Chastel, octobre 2015, 139 pages), elles ont donné un sous-titre provocateur, « Nous gens du Sud, pauvres et fainéants ». Elles renversent les préjugés et la stigmatisation des Européens du Sud, en montrant à quel point les personnes qu’elles ont rencontrées ont travaillé dur pour finalement voir leur situation matérielle et même morale se dégrader à la vitesse grand V depuis 2009 à la suite de la crise financière mondiale. À l’exception de José Roldan, un ouvrier agricole espagnol, la plupart des portraits sont ceux de gens qui étaient plutôt à l’aise matériellement avant l’éclatement de la crise. Les étapes de leur dégringolade sont d’autant plus impressionnantes. Elles montrent comment leurs illusions et leur relative indifférence à l’égard des questions politiques, économiques et sociales se sont envolées. Plusieurs s’en veulent d’avoir été aussi naïfs à l’époque où le crédit était facile et où l’Union européenne semblait déverser son argent généreusement et durablement sur leur pays. Le choc en retour est ressenti avec d’autant plus de violence et d’amertume. On découvre d’autres points communs entre ces Européens du Sud, qu’ils ou elles soient photographe, enseignant, journalier, ingénieur, journaliste, employé, étudiant ou architecte. C’est leur pugnacité qui est frappante, pour ne pas sombrer et pour participer aux mobilisations contre les politiques d’austérité. Les effets de la crise et leurs déboires personnels les ont transformés pour la plupart en citoyens concernés et combatifs, ce qu’ils et elles étaient à mille lieues d’imaginer dans la période antérieure à la crise de 2008. Malgré la solidarité familiale et la réactivité sociale contre les gouvernements en cause, leur avenir leur apparaît très incertain et plutôt sombre. Ce livre de portraits vivants trace aussi discrètement en miroir celui des journalistes qui sont en empathie avec les gens qu’elles ont fréquentés. C’est Angélique Kourounis qui semble la plus bouillonnante de colère contre le monde de la finance au travers de ses deux portraits de militants grecs pleins de vaillance, entre rires et larmes : Irini, l’enseignante d’Athènes et Toly, l’ingénieur qui lutte contre la mine d’or de Skouries exploitée par une firme canadienne. LA GUERRE ? C’EST ÇA !... La Première guerre mondiale devait être la dernière, la « der des ders ». On connaît la suite. On sait ce qu’il en est de l’actualité au Moyen Orient, en Ukraine ou au Soudan. Cela reste énigmatique que depuis plus d’un siècle, le genre humain n’ait pas encore trouvé en lui-même les ressources pour neutraliser et éliminer ceux qui provoquent les guerres et en profitent. Nous disposons certes de toutes les explications économiques et géopolitiques pour expliquer chaque guerre, les deux guerres mondiales, les guerres coloniales, la guerre en Yougoslavie, le génocide au Rwanda, etc. Théoriquement, tout le monde devrait être clairement informé des causes de ces guerres et de qui sont les fauteurs de guerre. Mais une fois qu’on sait tout cela, plus ou moins bien, on reste sidéré que l’expérience des guerres antérieures ne constitue pas un frein, une source de motivation pour agir, pour faire le nécessaire afin qu’aucune composante de l’humanité ne soit victime de ces entreprises barbares. Comme nous n’en avons pas fini avec ces entreprises folles de destruction d’êtres humains pour les intérêts et les profits d’une infime minorité d’individus, il est salutaire de lire le témoignage original d’un simple soldat de la guerre de 1914, qui n’est pas parti la faire la fleur au fusil pour la bonne raison qu’il était pacifiste, anarcho-syndicaliste, libre penseur, citoyen du monde et qu’il l’est resté toute sa vie. Cet homme, Louis Hobey, a raconté ce que lui, sa femme, ses amis et ses compagnons ont vécu dans un roman autobiographique intitulé « La guerre ? C’est ça !... ». C’est en1937 que La Librairie du Travail, qui avait édité notamment des textes de Marcel Martinet, Daniel Guérin, Victor Serge, Trotsky ou Rosa Luxemburg, avait publié « La guerre ? C’est ça !... ». Ce fut le dernier livre édité par la Librairie du Travail avant de faire faillite en 1938. Ce roman tombé dans l’oubli, même auprès des historiens de la Première Guerre mondiale, vient d’être réédité par les éditions Plein Chant (www.pleinchant.fr, collection « voix d’en bas », octobre 2015, 352 pages, distribution chez l’éditeur, avec un beau bois gravé en page de couverture). Comment est-il possible de se comporter humainement, généreusement, pendant une guerre qui dès le premier jour et jusqu’au dernier (et au-delà) vous inspire une horreur totale ? Louis Hobey, orphelin devenu instituteur pratiquant la pédagogie de Célestin Freinet, y est parvenu, avec son sens de l’humour et une capacité étonnante à évaluer les situations avec réalisme. Ce qui fait l’intérêt et la singularité de son roman si peu romancé, c’est de nous donner accès à la sensibilité de ses compagnons d’infortune grâce à son intelligence des relations humaines. Il va toujours droit au but, fustigeant par exemple l’infamie de certains gradés ou des chauvins de l’arrière. Bien des scènes marqueront durablement le lecteur au fer rouge, comme celle où un officier français abat froidement un prisonnier allemand gravement blessé. Hobey écrivait bien, en phrases courtes, avec des dialogues qui cernent les situations de façon très évocatrice et souvent bouleversante. On apprend bien des choses qui ne se trouvent pas y compris dans les meilleurs romans et témoignages sur cette guerre. On découvre par exemple ce que fut la vie de ceux qui furent prisonniers dans une Allemagne affamée et en révolution, et qui ne purent rentrer chez eux qu’en janvier 1919. Il faut saluer le travail remarquable des éditeurs qui ont conçu un dossier très riche comportant une notice retraçant la vie de l’auteur et situant son livre dans la littérature concernant la Première guerre mondiale, une recension de Maurice Dommanget en 1937, des documents photographiques, un lexique, une bibliographie sur le sujet et deux témoignages de personnes ayant connu ce personnage très attachant ainsi que ses amis. C’est un des souvenirs précieux de ma jeunesse que d’avoir rencontré un jour un tel homme. FATIMA « Fatima » de Philippe Faucon est un beau film qui ne cherche pas à être démonstratif, mais au plus près de la vie de gens réels, fort éloignés des clichés et stéréotypes qui sont véhiculés par tous les réactionnaires franchouillards. Il ne peut donc pas alimenter un de ces débats passionnels et biaisés où il s’agit seulement de dire qu’on est « pour ou contre le voile », sans même s’intéresser aux gens concernés et à la diversité de leurs personnalités. Avant même d’être une femme voilée, musulmane et ne lisant pas le français, Fatima est d’abord une mère qui adore ses deux filles (pas voilées). Elle gagne durement sa vie en faisant le ménage dans une famille bourgeoise et dans une entreprise pour permettre à ses filles de réussir leur vie. Elle encaisse pas mal de rebuffades mais en impose aussi par sa dignité. Fatima n’est dupe de rien, ni des attitudes racistes, ni de la jalousie odieuse d’une autre femme maghrébine, voilée comme elle, mais pas généreuse et intelligente comme elle. Fatima rencontre aussi des Français compréhensifs, ouverts, comme ces médecins qu’elle est obligée d’aller voir après une vilaine chute due à la fatigue et à ses soucis. L’aînée de Fatima, Nesrine, travaille d’arrache-pied pour réussir sa première année de médecine. Elle vit en colocation avec une amie qui n’est pas d’origine maghrébine. La cadette, Souad, 15 ans, ne trouve pas désagréable de se faire draguer. Elle a tendance à sécher les cours et à s’affronter à sa mère dont le métier de femme de ménage et l’illettrisme lui font honte. Chacune a sa façon de voir la vie. Il en est de même pour le père, séparé de Fatima, qui rappelle à ses filles les règles de la bienséance traditionnelle pour les femmes, sans beaucoup d’autoritarisme et en étant vite déstabilisé par leurs objections. Chacun a sa fierté, ses blocages, mais aussi beaucoup d’amour à donner et à recevoir. En racontant cette histoire par petites touches, de façon intimiste, Philippe Faucon dit beaucoup plus de choses sur notre société que s’il avait choisi une approche dramatique ou tire-larmes. Même si ce n’était pas le but explicite du réalisateur, son film renvoie à leur insignifiance délétère tous les discours sur « l’intégration des immigrés » et « le danger du communautarisme ». NOTRE PETITE SŒUR Nous avions beaucoup aimé les deux précédents films du réalisateur japonais, Hirokazu Kore-eda, « Still Walking » et «Tel père, tel fils » dont nous avions rendu compte lors de leur sortie. Dans « Notre petite sœur » (Umimachi Diary), il raconte à nouveau une histoire de famille qui n’a rien d’idyllique. Mais comme cette fois, il a choisi de le faire avec une infinie délicatesse, certains critiques à Cannes ont été déçus et lui ont reproché sa mièvrerie. Cela me semble un contre-sens de leur part. Trois sœurs se retrouvent à vivre ensemble dans une vieille maison familiale. Leur père et leur mère ont divorcé il y a des années. Ils ont refait leur vie ailleurs, sans plus s’occuper de leurs trois filles aux personnalités très contrastées. L’aînée, Sachi, est infirmière dans un hôpital et se veut sérieuse et responsable. C’est même pour cela qu’on lui propose d’être mutée dans un service de soins palliatifs. Sa sœur, Chika, aime la rigolade tandis que son autre sœur, Yoshino, tombe systématiquement amoureuse du premier type pas fiable qu’elle rencontre et se fait invariablement plaquer. L’une travaille comme vendeuse dans un magasin de baskets et l’autre est employée comme conseillère financière, ce qui la confronte à des braves gens ruinés. Entre moqueries et éclats de voix, les relations entre les trois sœurs sont finalement plutôt bonnes. Le lieu par excellence où elles se sentent bien, et où elles se régalent, est une petite gargote tenue par une sympathique et excellente cuisinière. Lorsque leur père décède, les trois sœurs découvrent qu’elles ont une jeune demi-sœur, Suzu. Sa mère est enchantée de la voir partir chez les trois jeunes femmes pour profiter de l’héritage de son mari. Comme on le voit, Kore-eda rend compte avec beaucoup de douceur de choses très dures. Suzu est une adolescente touchante et charmante, qui dissimule soigneusement toutes ses blessures morales. Le portrait de Suzu par Kore-eda est-il mièvre ? Hélas pour les critiques et spectateurs qui préfèrent des portraits d’adolescents hystériques, hargneux, violents, drogués et ainsi de suite, il existe peut-être encore au Japon et ailleurs des jeunes filles qui ont les belles qualités de Suzu. De même qu’il doit bien exister des garçons touchants, comme le lycéen qui est discrètement amoureux de Suzu et lui fait découvrir sur son vélo un des plus beaux spectacles qui soit au monde et qui revient une fois par an au Japon : une longue allée de cerisiers en fleurs. EN GRÈCE ET IN SITU Depuis que Tsipras et son parti Syriza ont gagné à nouveau les élections, l’intérêt qui se portait ici vers la Grèce au sein de la gauche radicale a beaucoup faibli. Et pourtant il se passe et va se passer à nouveau bien des choses significatives en Grèce en termes de grèves, de mobilisations et de contestation des mesures d’austérité que la troïka veut obliger Tsipras à appliquer. Le commissaire européen et néanmoins socialiste, Pierre Moscovici, a dit de façon lyrique que « la Grèce est un pays béni des dieux ». Il voulait sans doute parler des dieux de la finance et des multinationales qui salivent devant la perspective de faire main basse sur une série de richesses en Grèce. Hollande et son aréopage de banquiers et de grands patrons, qui le suivent dans tous les pays comme son ombre pour caser leurs marchandises ou piller les richesses locales, ont d’ailleurs fait une visite récemment à Tsipras pour examiner ce qu’il y avait de bon à ramasser dans ce pays dévasté économiquement et humainement. Pour réfléchir à cette situation et essayer de tirer des leçons de l’ensemble de la séquence en Grèce entre 2008 et 2015, nous avons reproduit sur notre site la traduction d’un texte de John Holloway, publiée initialement sur le blog des éditions Libertalia (http://editionslibertalia.com/john-holloway-trois-fois-non). Il s’agit d’une intervention qu’il a faite le 4 septembre dernier au festival de la Démocratie directe à Thessalonique. Bien fraternellement à toutes et à tous, José Chatroussat (Samuel Holder) _______________________________________ Pour recevoir ou ne plus recevoir cette lettre, écrivez-nous: mél. : Culture.Revolution@free.fr http://culture.revolution.free.fr/ _______________________________________
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