16 Octobre 2014
Des dirigeants de l’Autorité palestinienne ont récemment déclaré que l’entité sioniste cherche à entraîner les Palestiniens vers une guerre « religieuse », en s’attaquant aux lieux saints, musulmans et chrétiens, de la Palestine, et plus particulièrement à la mosquée al-Aqsa. Ils souhaitent, par ces déclarations, mettre en garde les Palestiniens de riposter « religieusement » à ces graves atteintes à leurs croyances, et afficher une image laïque de leur combat contre l’occupant. Mais les crimes sionistes consistant à détruire et à profaner les lieux saints en Palestine occupée relèvent-ils d’une guerre « religieuse » ou bien sont-ils une des facettes de la guerre contre la civilisation, musulmane et humaine, menée par les occupants de la Palestine, en alliance avec les impérialismes dans le monde ?
S’agissant du religieux, au sens strict du terme, c’est-à-dire la croyance et les pratiques strictement religieuses, l’entité coloniale sioniste ne mène pas une guerre systématique contre l’islam ou le christianisme, les musulmans ou les chrétiens palestiniens. Bien au contraire, tout comme les Etats impérialistes ou les Etats dits « laïques », elle réserve un espace restreint aux religions « non-juives » pour maintenir une image libérale et démocratique, à condition que les fidèles à ces religions se soumettent d’abord à l’idéologie dominante, c’est-à-dire le sionisme destructeur en Palestine occupée, comme la « laïcité » érigée en religion en France, ou « l’exportation de la démocratie » par les Etats-Unis. Maintenir cette croyance est primordial pour l’entité sioniste et les Etats dominateurs, car elle façonne profondément la pensée et la pratique des fidèles. C’est par cet espace réduit et bien délimité aux fidèles des religions « non-juives » que l’entité coloniale sioniste est parvenue à mystifier le monde (ou la communauté internationale qui lui ressemble en de nombreux points), se présentant comme respectant les pratiques religieuses des fidèles « non-juifs ».
Mais s’agissant de la Palestine, la guerre menée par la colonie sioniste dépasse le cadre religieux proprement dit : c’est le fait d’affirmer et de vivre sa religion en tant que pensée et pratique libératrices de l’être humain que les sionistes, et leurs maîtres et alliés impérialistes, veulent éradiquer. Penser et vivre l’islam ou le christianisme comme leviers pour la libération de l’être humain doit être combattu, alors que respecter l’espace intellectuel et spatial fixé par les dominateurs, en acceptant et justifiant sa propre faiblesse ou soumission est non seulement toléré mais encouragé. C’est une des batailles qui se déroule à présent dans la mosquée al-Aqsa : les colonisateurs sionistes sont prêts à laisser entrer quelques fidèles triés (musulmans autres que Palestiniens, délégations musulmanes venant des pays du Golfe ou de pays asiatiques, Shalgoumi et consorts) à condition que ces derniers reconnaissent la mainmise sioniste sur les lieux saints en Palestine et notamment la mosquée al-Aqsa et la « légalité » de la présence sioniste en Palestine : ce sont les mêmes qui accompagnent les «fidèles » musulmans venus d’ailleurs, et qui interdisent aux fidèles palestiniens d’y entrer, d’abord parce que et surtout les Palestiniens ne demandent pas la « permission » aux colonisateurs pour entrer dans leurs mosquées, pour prier ou étudier.
Si les Palestiniens, jeunes et adultes, hommes et femmes (moins de 50 ou 60 ans parfois), sont interdits d’entrer dans leur mosquée, c’est parce qu’elle symbolise à leurs yeux plus qu’une simple mosquée, elle est le symbole de la lutte contre la barbarie moderne et le symbole de ce qui unit le peuple palestinien aux peuples arabes et musulmans dans le monde. Défendre la mosquée al-Aqsa contre les envahisseurs n’est pas seulement défendre sa propre religion ou sa mosquée contre les profanateurs, mais plutôt défendre un lieu historique et une civilisation, une histoire millénaire falsifiée par les archéologues et les historiens occidentaux à la solde des colons et une mémoire qui remonte loin dans l’histoire, où al-Quds, ses mosquées, ses ribat(s) et ses écoles représentaient non seulement un lieu de pèlerinage mais la destination ultime de nombreux musulmans, comme en témoignent les cimetières, (Ma’manullah profanée et détruite par l’Etat colon), les multiples bâtiments d’accueil construits au fil des siècles, et les domaines des awqafs.
L’entité coloniale sioniste ne s’attaque pas seulement à l’espace religieux et sacré des musulmans et chrétiens en Palestine, elle s’attaque même à la présence arabe palestinienne et à l’histoire de cette présence, par la falsification et la destruction et par la judaïsation d’un espace qui ne fut jamais juif, sauf pour les esprits tortueux de quelques archéologues et stratèges politiques. Si la mosquée al-Aqsa est menacée par la judaïsation, d’autres mosquées et églises sont profanées, détruites ou incendiées. Des centaines de lieux saints ont été transformés en bars et restaurants, en musées ou parkings, en enclos pour les animaux, et ce depuis 1948, parce que pour les sionistes et leurs alliés, il faut affirmer le caractère juif de cette entité, donc effacer toute l’histoire et arracher les racines du pays. Aujourd’hui encore, les sionistes tendent à restreindre le champ sacré des Palestiniens, en interdisant l’appel à la prière dans les villes et villages palestiniens, occupés en 48 ou même en Cisjordanie, prétextant que cela dérange la tranquillité des colons, et interdisent toute reconstruction d’une mosquée ou église démolie en 48, à moins de recevoir l’autorisation des circuits « officiels » sionistes, c’est-à-dire en reconnaissant de facto la « souveraineté » sioniste sur les lieux.
Entériner la présence des juifs en Palestine, en tant que colons et en tant que « race supérieure » parce que de culture occidentale, installés pour représenter un pont civilisationnel vers l’Orient « barbare », c’est ce que souhaite avant tout l’entité coloniale et ses alliés. Elle est prête à s’allier avec des Etats ou des élites qui se proclament de l’islam comme ils se proclameraient de toute autre chose, mais ne peut tolérer toute idée ou forme de résistance qui remet en cause sa domination, sa présence ou son existence. Elle ne peut tolérer et est prête à combattre, par les assassinats et les guerres, toute représentation de la Palestine comme lieu principal de la lutte arabo-musulmane contre la domination étrangère et la falsification de l’histoire, et comme le centre de la lutte moderne de la civilisation contre la barbarie. Car la Palestine est plus qu’une terre spoliée, elle est l’idée même de la résistance à l’injustice et au « taghout ». La résistance des Palestiniens dans al-Quds et la mosquée al-Aqsa doit se traduire par notre prise de conscience de cette guerre à l’échelle de la civilisation.
Fadwa Nassar