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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

De l’indignation à l’émeute

~■ Anne STEINER Le Goût de l’émeute Manifestations et violences de rue dans Paris et sa banlieue à la « Belle Époque » Montreuil, Éditions L’Échappée, 2012, 208 pp., ill. En ces temps faussement consensuels où le moindre assaut d’indignation active, c’est-à-dire débordant à peine du cadre légal autorisé, suscite l’émoi moralisateur des commentateurs civilisés des « 20 heures » télévisuels, il n’est pas vain de se souvenir qu’en d’autres époques – assurément plus sauvages que la nôtre, du moins dans l’expression des colères populaires –, la résistance des exploités provoqua, à Paris et dans sa banlieue, des frayeurs pour le coup très réelles du côté de leurs exploiteurs et des divers supplétifs – journalistes compris – de l’ordre bourgeois. En nous plongeant dans le chaudron social des années 1908-1910, le livre d’Anne Steiner a, sans doute, pour principal mérite de nous faire sentir à quel point, plus qu’élément structurant du mouvement ouvrier sous forte influence syndicaliste révolutionnaire de la « Belle Époque », la pratique émeutière fut une manière de résistance spontanée à la répression systématique qui s’exerçait contre lui. C’est en tout cas ce qu’on retient des grandes colères sociales retracées par ses soins dans cet ouvrage : la grève des terrassiers de Draveil-Vigneux (1908), la révolte des boutonniers de l’Oise (1909), le mouvement de protestation contre l’exécution de Francisco Ferrer (1909), la lutte des ébénistes du faubourg Saint-Antoine (1910) et le combat pour sauver le cordonnier Liabeuf (1910). Dans tous ces cas, la pratique émeutière n’est jamais la résultante d’une quelconque stratégie préétablie, mais d’une juste colère contre l’injustice sociale – et surtout contre l’ordre armé qui la couvre. Anne Steiner note avec à-propos que les syndicalistes révolutionnaires étaient trop habiles à évaluer les rapports de forces pour penser un seul instant qu’une stratégie insurrectionnelle pouvait être victorieuse. D’où leur idée d’une révolution venant « de partout et de nulle part » et fondée sur une grève générale capable de « prendre le contrôle des centres de production » et de « bloquer les secteurs assurant la circulation des richesses, des marchandises, des informations et des troupes ». En revanche, le recours à l’action directe, au sabotage ou à la chasse aux « jaunes » faisait indubitablement partie de l’arsenal de la CGT des origines, celle que nos modernes contempteurs du moindre désordre n’hésiteraient pas à qualifier d’entreprise terroriste ou, plus simplement, d’association de malfaiteurs. Ce qui apparaît clairement à la lecture de ce livre aussi documenté que vivant, c’est que, même dans des cas non directement liés à des faits de grève, comme ceux qui mobilisèrent des multitudes en faveur de la mémoire de Ferrer ou de la survie de Liabeuf, la perspective émeutière finissait toujours par être au rendez-vous de l’histoire. Et que, d’une certaine façon, ce goût manifeste d’en découdre assumé par des « foules sans leaders ni organisation », mais attachées à des symboles précis – le rouge ou le noir des drapeaux, les chants de L’Internationale ou de La Carmagnole, les slogans éternellement répétés de « Mort aux vaches ! » ou de « Mort aux bourgeois ! » – révélait un niveau de conscience sociale, cette conscience du malheur dont parlait Pelloutier, infiniment supérieur à celui que nous connaissons aujourd’hui. D’aucuns trouveront qu’il y a, dans ces pages, trop de fascination intellectuelle pour « ces foules sensibles et inflammables, versatiles parfois, courageuses toujours, affrontant avec des armes improvisées ou à mains nues les dragons casqués ». Et peut-être n’auront-ils pas tort, même s’il n’est pas certain qu’il faille toujours tenir l’esthétique à distance respectable de l’histoire. Surtout de celle-là. Car il faudrait aussi, pour le coup, reprocher à Anne Steiner cet ardent désir, qu’on ressent à la lecture de son beau livre, que se lève, non pas l’émeute, mais un vent d’authentiques et insoumises révoltes puisant, dans cette histoire oubliée de l’indocilité ouvrière, des forces pour résister aux projets dévastateurs des actuels maîtres du monde. Monica Gruszka Collection « À contretemps » Numéros, de 1 à 13 N°14 - 15 - Georges Navel (décembre 2003) 2004- Ultra-gauche - Joan Garcia Oliver - Ôsugi Sakae 2005 - Marcel Martinet - Victor Serge - Nietzsche et l’anarchisme 2006 Ret Marut/B. Traven - Georges Glaser - Tomás Ibáñez 2007 Espagne 36, L’affaire Francesco Ghezzi, Rudolf RockerRudolf Rocker (...) 2008 Maxime Leroy, Armand Robin, Jean-Claude Michéa, Espagne, Mai (...) N° 33 Camus et les libertaires (janvier 2009) N° 34 Ricardo Flores Magón (mai 2009) N° 35 L’anarchiste et le juif (septembre 2009) N° 36 Malatesta, un portrait (janvier 2010) N° 37 Du syndicalisme révolutionnaire (mai 2010) N° 38 Rainer Biemel - José Peirats (septembre 2010) N° 39 Figures de l’anarchisme chez Tomás Ibáñez (janvier 2011) N° 40. L’écart situationniste (mai 2011) N° 41 Éclectique et autodidacte anarchisme ouvrier (septembre (...) 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