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SERPENT -  LIBERTAIRE

anarchiste individualiste

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L’Etat islamique ou les chevaliers de l’apocalypse djihadiste

Jean-Pierre Filiu
Universitaire

Publié le 29/08/2014 à 15h56

La violence extrême du monstre djihadiste tient largement aux convictions apocalyptiques de nombre de ses recrues. Ce monstre a réussi à imposer au monde entier l’appellation qu’il s’est choisie d’Etat islamique (EI), alors qu’il n’est pas un Etat, mais une machine de guerre, et que sa doctrine totalitaire menace avant tout les musulmans.

A la différence d’Al Qaeda, la base de l’EI, à défaut de sa hiérarchie, est portée par des croyances millénaristes à l’impact dévastateur.

On a désormais des dizaines de témoignages de « volontaires » étrangers de l’EI qui révèlent leur angoisse, mais aussi leur exaltation à l’approche de la fin des temps. Le « pays de Cham », cette Grande Syrie des géographes, est en effet, tout comme l’Irak, la terre privilégiée de l’accomplissement de ce type de prophéties.

Apocalypse de la terreur

L’Ultime Bataille, celle qui verra dans un effroyable bain de sang la victoire des Fidèles, y sera menée. Une telle apocalypse de la terreurest évoquée comme imminente sur les réseaux sociaux. C’est même un argument martelé pour inciter à rejoindre sans tarder les troupes du « calife » Baghdadi, car la participation à cette Bataille vaudra mille combats moins auréolés de gloire eschatologique.

Cette redoutable collusion entre la technologie moderne et les superstitions les plus obscurantistes est encore mieux illustrée par le titre même du magazine de l’EI en langue anglaise. Cet organe de propagande s’appelle en effet Dabiq. Il a vite supplanté dans les rédactions occidentales la publication Inspire d’Al Qaeda pour la péninsule arabique (AQPA), la branche yéménite d’Al Qaeda.

Dabiq, numéros 1 et 2 : « Le retour du Califat » et « L’Et

Dabiq comme Inspire avant lui offrent en effet l’avantage de fournir sans filtre linguistique des éléments que l’on croit précieux pour la compréhension de la mouvance djihadiste. Tout en mettant en garde contre le danger de telles publications, les journalistes qui leur consacrent des articles assurent ainsi le relais des thèses djihadistes.

Le même phénomène d’écho s’est produit avec les vidéos de massacres diffusées par l’EI, et reprises dans le monde entier avec les avertissements d’usage.

Tradition prophétique

Dabiq, au nord de la Syrie (Wikimedia Commons/Spesh531/CC)

Mais revenons à Dabiq qui, à la différence de Inspire, est un titre un peu obscur. Dabiq est physiquement une localité du nord de la Syrie, enjeu de combats acharnés entre les révolutionnaires anti-Assad et les djihadistes de l’EI.

Les partisans de Baghdadi, qui en avaient été expulsés au début de cette année, ont repris à la mi-août le contrôle de cette localité stratégique sur la route entre Alep et la Turquie, alors que l’attention du monde entier était concentrée sur le nord de l’Irak.

Au-delà de cet enjeu militaire, Dabiq est mentionnée dans une tradition prophétique particulièrement populaire chez les djihadistes comme le théâtre de la bataille décisive entre les musulmans et les « Roum », littéralement les Romains, en fait les Byzantins (au temps de Mohammed). Les « Roum » sont aujourd’hui dans la propagande djihadiste les « Croisés » et les Occidentaux en général.

En attendant l’« Heure dernière »

Voici la traduction libre que je vous propose de ce « hadith » (tradition) de Dabiq, tirée de la compilation dite « authentique » (Sahih) d’Abou al-Hussein Muslim, un des traditionnistes les plus respectés au IXe siècle. Je précise que ce « hadith » a été cité fréquemment dans les discours djihadistes, y compris par Abou Moussab al-Zarqaoui, le mentor de Baghdadi, tué dans un bombardement américain en Irak en 2006.

« L’Heure dernière n’arrivera pas avant que les Byzantins n’attaquent Dabiq. Une armée musulmane regroupant des hommes parmi les meilleurs sur terre à cette époque sera dépêchée de Médine pour les contrecarrer. Une fois les deux armées face à face, les Byzantins s’écrieront : “Laissez-nous combattre nos semblables convertis à l’islam.”

Les Musulmans répondront : “Par Allah, nous n’abandonnerons jamais nos frères.”

Puis la bataille s’engagera. Un tiers s’avouera vaincu ; plus jamais Allah ne leur pardonnera. Un tiers mourra ; ils seront les meilleurs martyrs aux yeux d’Allah. Et un tiers vaincra ; ils ne seront plus jamais éprouvés et ils conquerront Constantinople. »

Les Byzantins sont donc les Infidèles au sens large et Constantinople la ville qui sera la cible de la terreur des Fidèles (je vous laisse choisir une cité européenne).

Les Byzantins modernes viendront traquer les volontaires djihadistes, que Baghdadi refusera de livrer, d’où l’affrontement. La Médine de 2014 est Mossoul où le « califat » de l’EI a été proclamé en juin dernier.

Je crains d’être malheureusement obligé de revenir bientôt sur les dérives apocalyptiques du monstre djihadiste.

Cela fait bien longtemps que je suis convaincu de l’impérieuse nécessité d’une intervention internationale en Syrie. Le mot « intervention » a malheureusement été associé à la désastreuse invasion américaine de l’Irak en 2003, qui est directement responsable de l’épouvante actuelle.

Mais il y a un gouffre entre une expédition coloniale comme celle de Bush et des néo-conservateurs, à laquelle je me suis farouchement opposé, et une intervention raisonnée et coordonnée au nom de la sécurité collective.

J’ai aussi développé au fil des mois et à longueur de colonnes les trois convictions suivantes :

  • plus le moment de cette intervention internationale en Syrie sera repoussé, plus ses justifications seront fragiles, ses objectifs obscurcis et sa conduite compliquée ;
  • une intervention envisagée au nom de la prévention des crimes contre l’humanité perpétrés par le régime Assad en Syrie cèdera bientôt la place à une intervention pour éviter à la région et au monde une catastrophe du type 11 Septembre ;
  • l’Etat islamique en Irak et au Levant (EILL, ISIS en anglais, Da’ech en arabe) est devenu la principale menace à la sécurité du Moyen-Orient et appellera une réponse internationale à la mesure de ce défi.

Mehdi Nemmouche en éclaireur

Je suis sincèrement désolé d’avoir eu raison sur ces trois points. J’aurais préféré me tromper de bout en bout plutôt que de voir le monstre djihadiste prospérer à l’ombre des dictateurs alliés Assad et Maliki, avant d’envoyer un Mehdi Nemmouche en éclaireur jusqu’en France et en Belgique, avec le résultat sanglant que l’on sait.

Car le cauchemar ne fait que commencer si une mobilisation internationale n’est pas entamée pour endiguer cette menace.

Tous les yeux sont aujourd’hui fixés sur Bagdad, avec la perspective, il est vrai terrifiante, d’une déferlante djihadiste sur la capitale irakienne.

Avant d’ajouter une nouvelle catastrophe à toutes celles qui ont déjà été perpétrées, il faut d’urgence admettre une réalité fort désagréable : plus aucune force étrangère ne peut agir en Irak, car Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’EILL, a réussi à y prendre la communauté sunnite en otage, largement aidé en cela par le fanatisme confessionnel du premier ministre chiite, Nouri al-Maliki.

Le départ de Maliki, seul espoir

Aujourd’hui, la prophétie autoréalisatrice du conflit sunnito-chiite s’est imposée dans toute sa brutalité.

Rappelons qu’il a fallu trois ans d’occupation américaine pour que la guerre civile de 2006-2007 éclate entre chiites et sunnites d’Irak. Et qu’il aura fallu des années de sectarisme de Maliki pour en arriver à la confrontation actuelle. Que l’affrontement sunnito-chiite n’ait rien d’une fatalité n’enlève rien au fait qu’il est désormais la ligne de fracture (dé)structurante en Irak.

Aucune intervention extérieure ne peut donc être efficace en Irak, car, outre le fait qu’elle réveillera les pires spectres de l’ère Bush, elle ne pourra être perçue que comme un engagement au profit des uns (chiites) et aux dépens des autres (sunnites).

Le seul espoir d’un Irak uni réside dans un départ de Maliki du pouvoir et dans la formation d’un gouvernement multi-confessionnel où un des trois portefeuilles régaliens (Intérieur, Défense ou Pétrole) sera effectivement (et non formellement) confié à une personnalité sunnite crédible.

Agir sans tarder en Syrie

En revanche, il convient d’agir sans tarder sur le terrain en Syrie même, car c’est là, et seulement là, qu’une force largement sunnite a pu s’opposer à l’EIIL et refouler ses commandos : il s’agit de la coalition révolutionnaire qui a déclenché en janvier dernier sa « deuxième révolution » contre Al Qaeda et est parvenue à expulser les djihadistes hors des zones « libérées » des provinces d’Alep et d’Idlib (les révolutionnaires locaux appellent d’ailleurs cela leur « seconde libération », après celle contre les forces d’Assad).

Alors que l’armée de Maliki s’est effondrée face à l’EIIL et que l’armée d’Assad le ménage ostensiblement (tout en concentrant ses bombardements contre les zones « libérées »), la guérilla syrienne, tant décriée par les « experts » militaires, a non seulement tenu bon, mais a remporté des succès contre l’EIIL qui devraient être enfin médités.

Le masque des dictateurs-remparts-contre-Al Qaeda est tombé. Si nous voulons qu’Assad et Maliki demeurent au pouvoir, alors nous aurons les dictateurs ET les djihadistes. Et nous devons nous préparer à en payer le prix fort.

Les djihadistes irakiens diffusent les images d’exécutions de masse

Pierre Haski | Cofondateur

Cette photo terrible de corps d’hommes alignés et dont certains baignent dans leur sang, n’est pas un document pris à la sauvette ou volé : ce sont les djihadistes de l’Armée islamique d’Irak et du Levant (EIIL) qui l’ont eux-mêmes postée sur Internet après leur offensive dans le nord de l’Irak.

Sur les réseaux sociaux, l’EIIL affirme même avoir exécuté jusqu’à 1 700 prisonniers, soldats de l’armée gouvernementale ou miliciens chiites, une affirmation invérifiable.

Cette scène d’exécution massive de prisonniers, dont on ignore s’ils sont tous morts ou s’il s’agit d’une mise en scène, est en tous cas en contradiction absolue avec toutes les conventions internationales et les « règles de la guerre » qui ont été façonnées depuis le XIXe siècle.

Elle fait partie d’une série de clichés diffusés par l’EIIL après la prise des villes de Tikrit – ville natale de Saddam Hussein ! – et de Salah ad-Din, situées au sud de Mossoul, tombée la semaine dernière aux mains des djihadistes.

Sur cette série de photos, les djihadistes montrent leurs prisonniers, entassés dans des camions ou courbant la tête face aux kalachnikovs de leurs vainqueurs.

Terroriser l’ennemi

Le but de ces photos est sans doute d’impressionner, de terroriser les partisans du gouvernement de Bagdad, de montrer que l’EIIL ne fait pas de cadeaux, n’a pas de pitié avec ceux qui s’opposent à elle.

A Mossoul, l’armée régulière a cédé la deuxième ville du pays sans se battre. Les militaires ont abandonné leurs armes et leurs uniformes pour se fondre dans la population ou s’enfuir vers le Kurdistan autonome, défendu, non pas par l’armée nationale, mais par les Peshmergas, les combattants kurdes, autrement plus aguerris et disciplinés.

La même scène semble s’être reproduite à Salah ad-Din et à Tikrit, les photos des djihadistes montrant tout le matériel capturé, des camions, des véhicules blindés flambant neufs. D’autres photos montrent des transports de troupes blindés américains tombés eux aussi aux mains des djihadistes.

« Soldats de l’islam »

A Mossoul, l’EIIL a également diffusé ses premiers ordres à la population, dans lesquels elle se décrit comme « soldats de l’islam », ayant pour but de « rétablir la gloire du califat islamique ».

Dans les zones de l’EIIL, alcool, tabac et drogue sont désormais interdits, les femmes doivent porter des « tenues décentes », des vêtements « amples », et ne sortir qu’en cas de nécessité.

  1. La proclamation s’achève sur cette déclaration :

    « Peuple, vous avez tenté les pouvoirs laïques (république, baasiste,séfévide), et cela vous a fait souffrir. Il est temps d’avoir un Etat islamique. »

    Le texte a été traduit de l’arabe par la journaliste Jenan Moussa de la télé arabe Al Aan.

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