anarchiste individualiste
30 Juillet 2014
À lire certains canards « amis », on se demande parfois si la presse « indépendante » ou « satirique » sert vraiment la critique sociale. Pas de doute, quand il s’agit de balancer sur la crise de la dette, tout le monde est d’accord pour traiter le sujet avec sérieux. Pour dénoncer avec le même aplomb l’islamophobie et le machisme régnant par contre, c’est une autre histoire.
On savait depuis un moment que Charlie Hebdo ne faisait plus partie de nos « amis ». Depuis la refonte du journal autour de Philippe Val, sa ligne éditoriale se distingue par un acharnement démesuré contre les musulman-es. En 2006, « l’affaire » des caricatures de Mahomet (repiquées d’un journal d’extrême droite danois) ne fait que renforcer un peu plus leur stigmatisation. Sous couvert de liberté d’expression, il s’agit en fait d’en foutre plein la gueule à une population déjà stigmatisée à longueur de journées, les Noirs et les Arabes musulman-es des quartiers pauvres étant censés incarner à la fois l’intégrisme et l’anfi-féminisme le plus archaïque. Une critique à deux vitesses qui instrumentalise les questions de l’égalité hommes-femmes et de la laïcité pour en faire une arme de propagande raciste. Lorsque Charlie Hebdo récidive début novembre, plaisantant sur les « coups » que recevraient sous leurs hijabs certaines musulmanes ou sur l’hymen de ces dernières, c’est Claude Guéant en personne qui s’en vient serrer la paluche de Charb. D’une manière générale, les dérives récentes de Charlie cristallisent l’état d’une certaine « gauche » française devenue, derrière sa façade laïcarde et républicaine, « idiot utile » de la droite xénophobe.
Dans la galaxie de la presse alternative, Fakir fait figure de pionnier, l’un des premiers à s’être déclaré « fâché avec tout le monde ou presque ». Néanmoins, le journal présente depuis l’automne 2010 une rubrique épisodique intitulée « papier cul », écrite (bien évidemment) par un mec. Dans la première d’entre elles, Pierre Souchon retrace le parcours d’un gigolo parisien et nous inflige avec complaisance ses propos sexistes : « C’est vraiment un gros cul exactement pour me calmer. Je vois des poils roux mouillés, tu mangerais ça comme une langue de bœuf. C’est un steak tartare, du gros, du cru. Ceux de onze euros, tu vois là les vrais tartare ». Le journaliste est admiratif : « Mais qu’est-ce qu’il a de plus, cet enfoiré ? Toutes les nanas qui passent se retournent sur lui. Elles le matent, elles le zieutent, elles le toisent […] Il a une gueule incroyable, faut dire, l’Arabe. » Le papier titré « Avec sa gueule de métèque » raconte qu’ « Hamid a quitté l’Algérie à cause de sa pudibonderie » et qu’ « en France, les femmes le lui rendent bien ». L’été précédent déjà, le journal de François Ruffin faisait sa pub pour le t-shirt (fabriqué en Chine) à l’effigie du journal : deux nanas en maillot de bain entourant un gus bedonnant, et ce jeu de mot immonde : « mon maillot Fakir, pour la pêche aux moules, c’est mieux qu’une épuisette ». Bien qu’on ne lui ait pas demandé son avis,La Brique le donne : c’est à gerber.
À l’image de la plus grande partie de la presse alternative, notre collectif est composé majoritairement d’hommes blancs issus de la classe moyenne. Dans notre société où sévissent racisme et discriminations, nous nous sentons protégés et même privilégiés. Et ça se ressent parfois. Sur l’attention et le crédit que nous pouvons porter à certains sujets plutôt qu’à d’autres, par exemple. Pour ainsi dire, nous ne pourrons jamais tout à fait regarder la réalité sociale autrement que de nos peaux blanches et de notre sexe. D’ailleurs, le premier de nos privilèges est sans doute celui de nous sentir légitimes pour écrire, penser, rencontrer les élus, tendre un dictaphone sous le nez des gens etc.
Ensuite, nos identités sociales ont également une répercussion sur la vie à l’intérieur du collectif. On pense bien évidemment à ces « blagues » sur lesquelles on passe encore trop facilement l’éponge bien qu’elles dissimulent un véritable caractère d’agression [1]. Et puis ce constat, au sein même du collectif : pourquoi si peu de meufs viennent s’investir à La Brique ? Si notre regard est forcément déterminé par notre vécu, alors le genre, la couleur, le rang social du journal ne doivent pas pour autant en faire un lieu d’oppression. Plus généralement, que ce soit dans ce qu’elle choisit de publier, comme dans ce qu’elle reproduit en interne, nous pensons que la presse indépendante doit avoir pour elle l’exigence qu’elle a pour ses idéaux d’une société égalitaire.
Le collectif de rédaction.
[1] Une agression raciste de ce type, sous forme de mimiques de singe, est survenue dans une soirée que nous avions organisée le 12 juin 2010. La victime nous a légitimement fait prendre conscience de nos responsabilités et du poids de nos euphémismes. Voir, « La Fête de La Brique », La Brique n°23.
6 DÉCEMBRE 2009 PAR PAREMSKI FACEBOOK - CHRONIQUES
Le développement d’Internet a banalisé la mise en ligne d’informations relatives à la vie privée. Une massification qui sert les intérêts des gouvernements, et aux recrutements des services de ressources humaines...
Depuis quelques temps d’étranges « spams amicaux » pullulent dans notre boîte mail : ce sont des invitations d’ami-es, d’inconnus, de groupes de musique, à consulter leur profil. Pour ne rien arranger, on découvre le mois dernier qu’un petit malin a carrément créé un compte au nom de La Brique (cf. ci-dessous l’extrait du mail qu’on lui a envoyé). Il voulait se faire « du réseau », via le journal et le site numéro un des trombinoscopes [1]. Ce qui nous amène à une petite mise au point sur une faiblesse contemporaine : l’auto fichage. Se livrer autant derrière son clavier peut porter à conséquence, et interroge la propension de chacun à pouvoir se muer en flic ou en voyeur [2]. Dans Google, « rien ne se perd », tout informe. C’est comme ça qu’on voit de plus en plus d’entreprises s’assurer du profil de leurs futurs employé-es en effectuant des recherches sur le net... ou que vous pouvez trouver l’adresse et le numéro d’une personne en mettant le curseur sur son CV.
Dès le départ, un piège bien camouflé dans des clauses écrites en tout petit. On les accepte généralement sans réfléchir pour n’importe quel logiciel, boîte mail, ou réseau social. Ainsi, s’inscrire sur Facebook implique que vous acceptiez de transmettre vos données personnelles au gouvernement des États-Unis, et aux « tiers » avec lesquels Facebook est en lien. En deux coups de clic à souris sur la toile vous pouvez vous renseigner sur les fonds d’investissement de la CIA dans le business Facebook [3]. L’agence américaine, plus grande fabrique de coups d’État au monde, s’assure quelques profits mais ce n’est pas tout. Affinités, habitudes de consommation, angoisses, opinions personnelles ou politiques ; mis bout à bout, ces éléments forment un panel d’échantillonnage à étudier pour les agences de sécurité intérieure.
Fessesbook est un miroir aux alouettes. Des rencontres, un boulot, un moi virtuel malléable ; les utilisateurs espèrent sans doute y trouver ce que les prisons de la société ne leur apportent pas : une « meilleure » vie sociale, son immédiateté. Comme tant d’autres outils techniques (portables) ou numériques (email), on est séduit par certains avantages, mais enchaîné à un support de contrôle. Car l’objectif reste toujours le même : contrôler l’information et les populations. Si certain-es utilisateurs ont parfois l’illusion de pouvoir en faire « bon usage », pour la diffusion d’infos ou en restreignant le contenu de leur profil, cela reste un flicage consenti. L’enregistrement et l’analyse de ces données facilitera les recherches des services de renseignements, tout en traçant des pointillés entre les gens. Les personnes qui désactivent leur compte sont gardées en mémoire, comme celles que vous invitez. Même morts, vos données vous survivront, « immortalisées » [4] dans une catégorie défunt-es. Et vos stèles seront des mouchards pour traquer ceux qui s’y recueillent...
Paremski
« Si [c’est toi qui as créé un compte FB] merci de le retirer (…) si c’est pas de toi, alors désolé, mais la chose importante, c’est que même sans copyright, La Brique se réserve seule, par le collectif de la rédaction, d’en utiliser le nom, on n’est pas une vague marque de soda, mais on n’est pas une page volante, non plus... et on peut pas blairer Facebook, on va pas tarder à faire un article là dessus. Ce n’est pas ici, je te remercie d’avance, le lieu pour nous "prouver" son utilité. On n’en veut pas dans nos vies. La Brique ne veut pas être sur Facebook, elle veut cramer Facebook. Respectueusement, et en attendant ta réponse » NB : Le compte Facebook au nom de La Brique a été effacé rapidement.
[1] Avec 300 millions d’inscrits Facebook est la première base de donnée d’images et le premier site de réseau affinitaire.
[2] Portrait Google d’un internaute pris au hasard letigre.net.
[3] « Facebook serait-il au service de la CIA ? », agoravox.fr.
[4] Numerama.com.
Le développement d'Internet a banalisé la mise en ligne d'informations relatives à la vie privée. Une massification qui sert les intérêts des gouvernements, et aux recrutements des services d...
http://labrique.net/numeros/numero-19-decembre-2009/article/facebook-mes-fesses-fallait-pas-l