anarchiste individualiste
15 Juillet 2014
Un nouveau clip, lancé à l'occasion du troisième anniversaire de la révolution, met en scène le chanteur phare de la place Tahrir, Ramy Essam. Il hurle la frustration des jeunes face à ceux qui leur ont volé la révolution.
"Nous ne sommes pas de ceux-là, ni de ceux-là, ni de ceux-là", voilà la toute nouvelle chanson de Ramy Essam, le barde le plus connu de la place Tahrir. Autrement dit : "Nous autres jeunes révolutionnaires, nous ne sommes ni de l'ancien régime, ni des Frères musulmans."
Et d'enchaîner : "Ramenez la révolution sur les rails !" Ou encore : "La fierté de la Nation, une Nation qui ne reviendra pas en arrière, alors qu'un nouveau monde se fraye son chemin."
Mise en ligne ce 25 janvier, troisième anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011, après un teasing très bien rôdé ces derniers jours, les chiffres de visionnage du clip sont en train de grimper par centaines chaque minute sur Youtube.
Il faut dire que Ramy Essam est une véritable idole de cette jeune génération d'Egyptiens qui font leur socialisation sur la place Tahrir depuis trois ans, avec des manifestations à répétition pour revendiquer encore et toujours les objectifs de la révolution, objectifs qui sont résumés par le slogan "pain, liberté, justice sociale" (qui fait le titre d'une autre de ses chansons à succès).
Il incarne bien cette jeunesse que les nouvelles autorités commencent justement à nouveau à craindre. Car en dépit du score stalinien du oui au référendum constitutionnel de la mi-janvier, les jeunes se seraient abstenus à 84%. Une façon pour la jeunesses pro-révolutionnaire d'exprimer son opposition radicale au pouvoir en place (voir les articles sur le sujet traduits pas Courrier international ici, ici et ici).
Pas une manifestation où Ramy ne soit pas monté sur l'estrade avec sa seule guitare pour entonner ses tubes devant des foules enthousiastes, dont notamment"courbe l'échine, puisque tu vis dans une 'démocratie'", chanson qui raille la prétention des différents pouvoirs qui se sont succédés depuis la chute de Hosni Moubarak d'avoir instauré un semblant de démocratie.
Si la réalisation très pro– et quelque peu commerciale – du clip est à mille lieu des joyeuses improvisations de la place Tahrir, il est néanmoins intéressant de voir à quel point il joue sur le corps et sa charge érotico-sexuelle. La jeunesse elle-même a souvent eu du mal à assumer cet aspect-là de leur mouvement : la libération des corps.
Les manifestants tenaient généralement au contraire des discours très moralisateurs, insistant pour dire que les tentes où ils campaient à maintes reprises – sur la place Tahrir ou devant le siège de telle ou telle institution – étaient strictement séparées entre filles et garçons. Et Aliaa Magda Elmahdy, la jeune fille qui avait posté une photo nue d'elle-même sur Facebook, avait été violemment attaquée par ces jeunes pour son "immoralité" et pour avoir "fait honte à la révolution".
Pourtant, des observateurs arabes avaient bien noté ce changement du rapport au corps : "L'année 2011 aura été celle du corps", écrivait par exemple dès 2011 l'éditorialiste arabe Mamoun Fandy, traduit en par Courrier international.
Pour finir, reste à savoir qui est la troisième force que Ramy Essam désigne quand il chante "nous ne sommes pas de ceux-là, ni de ceux-là, ni de ceux-là". Les deux premiers sont assurément les représentants de l'ancien régime et les Frères musulmans. Les troisièmes, sont-ils le "parti du canapé", mot égyptien pour désigner les opportunistes qui pensent avant tout à leur confort personnel et qui cherchent la stabilité à tout prix ? Ou bien… seraient-ils les adeptes du chef de l'armée Abdelfattah Al-Sissi ?
Car il semble bien que c'est le visage de celui-ci qui est dessiné en graffiti sur un mur, avec son képi et ses lunettes de soleil caractéristiques, entouré de Moubarak, de Morsi et de Tantaoui (le chef de l'armée qui avait dirigé le pays durant la phase de transition entre la chute de Moubarak et l'élection de Morsi).
A la toute dernière séquence du clip, Ramy Essam, torse nu et visage camouflé, y lance un cocktail Molotov. Geste suffisamment implicite pour s'inscrire dans les appels à la reprise de la révolution qui montent à nouveau. Et probablement pour lui valoir une inculpation dans les jours à venir.
Philippe Mischkowsky
11:51 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : رامي عصام, ramy essam, rami essam, ramy issam, chant révolutionnaire, chanson révolutionnaire, révolution,tahrir, libération, corps, rapport au corps, musique, chanson, chansons, variété,pop, rock, le caire, ramy essam, رامي عصام
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